3 récits

“L’ESTAQUE EN BATEAU”, c’est un peu comme les bateaux-mouches de Paris, mais nous ne sommes que deux dizaines à bord d’un bateau en bois. Le parallèle c’est qu’on y découvre l’histoire d’une partie de la ville depuis son bord, grâce aux commentaires de Danièle, qui nous rendent palpable la vie des hommes de l’Estaque. La comparaison avec l’insecte fluvial s’arrête-là, car on est sur la mer avec l’immensité derrière nous, et on regarde la côte, tantôt de près, tantôt de loin, bercé par le tangage ou le roulis de la goélette, et le son du clapot. Des plaisanciers passent autour et à côté, et nous saluent, des rochers sublimes dans le couchant motivent une photo. Sur la goélette, les participants « du coin » apportent leur témoignage parce l’histoire de leur famille est celle que l’on découvre. Nous on vient de la capitale, alors on se sentirait presque touristes ordinaires, surtout quand le soleil nous caresse à travers mats et cordages : c’est aussi une balade en bateau, tranquille.

Dans la “BALADE NOCTURNE” d’Ariana, tout le monde participe, même les estrangers au quartier ! Quand ma femme m’avait annoncé nous y avoir inscrits, j’avais dû lui dire un truc du genre : « oui, ça nous changera les idées », mais pour être parfaitement honnête, j’appréhendais un peu. Rendez-vous compte, chacun vient raconter son rêve aux autres participants. Mais Ariana nous décomplexe délicatement avant de nous conduire à pieds dans « Saint-Antoine by night ». Comme dans le vrai sommeil, on commence acteur de son rêve, puis on est doucement guidé dans une balade au cours de laquelle on obéit au scénario imprévisible qui nous a été concocté. Comme dans un autre rêve, on y fait des rencontres inattendues, dont on est le simple spectateur étonné et ralenti. Elles nous plongent dans les rêves des autres, et nous font ressurgir souvenirs et personnes disparus du fond de notre mémoire. Comme dans un rêve, on voyage sans effort, car la balade nous promène plus mentalement qu’elle ne nous déplace vraiment dans le quartier endormi. Et puis vient le « réveil », où nous redevenons acteurs de nos rêves apportés en partage, où nous les visualisons, embellis, mais un peu estompés, comme une évocation difficile à cerner. Finalement, c’était une balade que j’ai quitté à regret, comme un rêve que j’aurais voulu prolonger.

La balade sur les traces de l’usine Martin frères : “UNE TUILERIE FABRIQUE DE L’URBAIN, à Saint André”, c’est un vrai parcours pour marcheurs curieux, ponctué d’innombrables arrêts tant il y a à dire, mais aussi tant que le patrimoine est encore là pour illustrer l’histoire des hommes et des femmes de St-André. Accompagnée d’une habitante qui complète par le témoignage de son propre vécu d’enfance, les recherches historiques de Samia, celle-ci nous montre que les rues, le relief du terrain, et l’architecture parlent. On y lit la vie des ouvriers, des commerces, des enfants dans la rue, des patrons. Partis de l’église Saint-André, point haut du quartier, nous descendons en passant d’un boulevard à l’autre par les traverses, nous conversons avec des témoins de l’évolution du quartier, visitons les parties accessibles des vestiges impressionnants du puissant industriel, avant d’aboutir au détour d’un chemin sur les terrains en friche qui ont pris la place de la tuilerie. Marcher sur les pas tuiliers de Marseille  permet sans nul doute de se sensibiliser à ce qui fait naître un quartier, lui donne des décennies de vie, et finalement le laisse en transit vers une hypothétique nouvelle destination économique. Ce qui est plus sûr, c’est qu’après cette superbe immersion, je n’ai qu’une hâte : plonger dans les autres histoires, et marcher à travers les autres territoires des quartiers Nord !

ÉRIC NOÊL, 28 septembre 2013

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