FAROÏSER LE RUISSEAU

Pour rappel, Hôtel du Nord est un des membres du collectif des Gammares. 

Nous sommes d’ailleurs assez nombreuses à être présent.es et dans la coopérative et dans le collectif. Il n’y a pas vraiment de hasard à cet état de fait. Si l’on considère qu’une des pensées de la convention de Faro est de concevoir que notre quotidien, foulé de nos pieds, est un patrimoine vivant à prendre en compte, quoi de plus vivant qu’un cours d’eau ? Aussi mal en point qu’il puisse être. Précisément : notre cours d’eau, Caravelle-Aygalades, nous inspire à lui prodiguer des soins et des attentions spécifiques. Et ce, de manières les plus variées possibles.

Dans son ensemble, le collectif prend conscience de son évolution en termes de connaissances théoriques sur le phénomène “eau”. Mais aussi de sa volonté de plus en plus affirmée de se mêler de l’eau tous azimuts. Mais aussi de sa plus grande reconnaissance dans les milieux institutionnels. Mais aussi de son expérience grandissante à créer du lien et à faire communauté…

Alors les Gammares s’acharnent à redéfinir leur “carte d’identité” en tenant compte de ces prises de conscience.

En interne de cette réflexion, certaines – Chloé et Agnès pour les nommer – ressentent le besoin de Faroïser la pensée. Ce néologisme que Christine Breton ne nous reprochera pas, exprime la volonté de créer une transversalité entre la façon de penser Faro et la réalité de nos engagements au quotidien. 

Pour aller dans ce sens, une de nos premières idées est celle d’un musée alchimique.
Qu’es aco ?

Exposition du Musée Alchimique lors de la Fête du ruisseau, 5 octobre 2025.

Ce serait la prolongation d’une démarche déjà enclenchée par le collectif MITR (Made In The River) à propos des déchets habitant la rivière. Une profonde réflexion engagée sur la façon que ceux-ci ont de fabriquer le cours d’eau et à la fois de se faire digérer par lui.

Mais aussi une manière de réfléchir aux déchets de notre civilisation, qui sont-ils, pourquoi sont-ils là, etc.

Il en résulte une déjà belle collection d’objets divers soit fabriqués par nos artistes de MITR, soit ramassés tels quels, déjà transformés par l’action de l’eau.

Collection d’objets alchimiques ramassés dans le ruisseau par le collectif MITR et les Cascadeurs, 1e mai 2024

Et Faro, dans tout ça ?

C’est une forme de pensée et de réflexion. Ne pas se satisfaire de collectionner ou d’engranger des objets, mais plutôt que pouvons-nous en faire ?

Entre autres possibles, une proposition nous est faite de contribuer à l’écriture de l’histoire contemporaine de la ville, au travers de son musée qui cherche à visibiliser les préoccupations et les attachements des citoyens.

Nous désirons nous inscrire dans cette mouvance. 

Mohamed et Saïd Ali, étiquetant soigneusement leurs trouvailles pour les intégrer aux collections du Musée Alchimique.

C’est relativement ardu à mettre en place, et pour l’instant nous sommes en phase de réflexion. Cependant, nous comptons sur une contagion possible des autres hôteldunordien.nes pour faire évoluer nos pensées et nos envies.

Pendant ce temps Georges s’intéresse de près à des expérimentations aquatiques du côté des jardins de Jardinot, à St Louis en bordure de ruisseau.

LA PISTE ANIMALE #1 : on cherche nos guides…

Si j’étais un animal habitant le nord de Marseille, qu’est-ce que j’aurais à vous dire de nos quartiers? Avec quels animaux ai-je des relations dans mon voisinage ou dans ma vie quotidienne? Est-ce que j’ai déjà touché un mouton, un cochon, une vache, une chèvre? Qu’est-ce que la domestication peut nous raconter de la société que nous habitons? Est-ce que je me suis parfois senti animal? Est-ce que je me suis parfois senti animalisé•e?

C’est avec ces quelques questions et bien d’autres à glaner en chemin, que le Mille-pattes a commencé sa nouvelle enquête de voisinage.

Elle prolonge une exploration collective d’un an sur une historie longue du mal-logement, qui nous a conduit à partager des questions sur nos manières d’habiter et sur ce qui rend un environnement habitable. 

La rencontre avec des moutons pour une journée finale de transhumance dans le bassin de Séon nous a donné quelques indices et ouvert … LA PISTE ANIMALE…

L’aventure a démarré comme une veillée. Nous sommes une quinzaine, dehors il fait froid et dedans il y a un feu. Naturellement on fait cercle. On s’était donné la règle d’un jeu de rôle, où l’on argumenterait chacun•e le choix d’un guide-animal mais ça ressemble à un moment d’oralité intime. Et c’est plus le conte que la plaidoirie qui s’entend dans les voix, qui respectent la petite consigne : 3 minutes par animal…

Elsa est près du poêle, déjà elle dessine notre premier bestiaire…

LE LOUP

C’est avec un chant que Jeanne commence, et une parole de la chanteuse Camille pour expliquer sa reprise d’un chant traditionnel dansée comme une bourrée à 2 temps : les loups.

« C’est une chanson de femme libre. La femme qui mène les loups est porteuse de cette insurrection. Elle sait que le loup ne s’attaque au troupeau que lorsqu’il a faim. Le loup rétablit tout l’écosystème. Il peut être menaçant mais pas seulement… Cette chanson peut dire aussi en sous-texte que la femme insurrectionnelle rétablit la paix . » Camille

Regarder Jeanne et écouter le chant partagé :

Le loup est un personnage au cœur des questions contemporaines sur la place de l’humain, sur nos rapports à la domestication, au sauvage et aux systèmes de domination. En même temps qu’il incarne la difficulté des hommes à cohabiter avec le sauvage, il est parfois aussi l’allié pour raconter l’air de rien les prédations des humains entre eux.

Cette proposition du loup a déjà ouvert quelques pistes :

Le chant d’abord, puisque nous allons poursuivre avec Jeanne et Willy, un samedi après-midi par mois à partir de janvier, un travail de chœur.

La compréhension de la présence du loup dans notre territoire, puisqu’il est maintenant présent dans les massifs des Calanques, de la Ste Baume ou encore en Camargue.

Et aussi suivre ce que le loup nous raconte de nos relations aux autres, humains ou non humains. Agnès propose alors de lire le livre publié par l’éditeur marseillais Wildproject « Le loup et le musulman », qui associe désastre écologique et islamophobie… A suivre !

LE MOUTON

On passe du loup au mouton ! Il fut notre guide pour la fin de notre chantier sur le mal-logement l’an passé, en nous permettant à la fois de questionner l’habitabilité de nos quartiers et aussi de vivre un grand moment d’hospitalité.

Fadila, Taous et Baya nous racontent leurs attachements à l’animal, sa place dans leurs cultures algériennes mais nous rappellent également les usages partagés entre ici et là-bas, à commencer par ceux de la laine. La transhumance de septembre nous a marqué, les retrouvailles avec la laine tout particulièrement.

On sait que le mouton c’est aussi l’histoire de nos consommations et pratiques alimentaires, l’abattage, la boucherie dans nos quartiers, la possibilité d’un éco-paturage à Marseille… Mais à la Castellane, c’est la laine qui nous guidera !  

LES CHÈVRES SAUVAGES

Nous glissons doucement vers le sauvage, avec la drôle d’histoire des chèvres domestiques redevenues sauvages dans les collines de la Nerthe. Nicolas, Lionel et Chloé nous racontent la survivance des chèvres domestiques en Provence, les usages, les contes, mais se passionnent avant tout pour ce groupe de chèvres « libérées » qui font polémiques. Quelle légitimité pour ces animaux de l’entre-deux, entre urbain et collines, entre imaginaire provençal et peur de l’invasion, entre protection et extermination ? A suivre sans doute en mode balade en colline, sur la piste de cette faune sauvage qui habite nos villes sans nos consentements, la piste férale !

Et en audio Agnès, qui n’était pas là mais a choisi elle aussi de s’intéresser aux sauvages des villes avec LE RAT.

LES OISEAUX

On reste dans le trouble des relations sauvages ou domestiques. Les oiseaux… Nous sommes nombreux à avoir choisi un oiseau et témoignons de sentiments multiples pour dire les relations qu’il nous évoque : perte, émerveillement, colère, peur …

L’une des histoires racontée par Willy est cet Ara du Gabon qui vit en liberté depuis 2 ans dans les arbres de Mourepiane, provoquant une sorte d’attention collective par l’écoute de son chant. Lui aussi raconte ces transfuges qui passent du domestique au sauvage. Mais il évoque aussi l’ailleurs de l’oiseau, ramené de force ou aux trajectoires migrantes, et nous rappelle aux mystères de l’évolution, dans laquelle chants et couleurs sont utiles, ou pas…

Et puis l’oiseau peut nous guider vers un changement de points de vue, à l’échelle de la carte ou des diverses places qu’il occupe dans les cultures multiples qui composent nos quartiers.

Ecouter et regarder Alice, Claire, Willy et Arlette.

LES INSECTES et d’autres qui les mangent

L’appauvrissement des chants d’oiseaux dans nos quotidiens témoigne de la disparition des habitats et d’une certaine biodiversité, même si paradoxalement les villes deviennent peu à peu des meilleurs spots que les campagnes dévastées par l’agriculture industrielle. Alors profitons-en et allons nous sensibiliser à tous ceux qui, plus invisibles, nous racontent les éco-systèmes et révèlent plein d’autres géographies!

Entre une fable de Desnos proposée par Danièle pour danser la tarentelle avec les SAUTERELLES, une invitation à suivre les chemins de l’eau au son des GRENOUILLES avec Elsa , un poème écrit par Georges en hommage à la IULE libre qui nous rappelle qu’elle est Mille-pattes, et l’envie de Hugo de cartographier les habitats des CHAUVE-SOURIS, c’est la fête !

Saute, saute, sauterelle,

Car c’est aujourd’hui jeudi!

Je sauterai, nous dit-elle,

Du lundi au samedi.

Saute, saute, sauterelle,

A travers tout le quartier.

Sautez donc, Mademoiselle,

Puisque c’est votre métier.

Robert Desnos

L’ IULE : LE MILLE PATTE 

J’ai fouillé dans ma mémoire des livres, les Saints, les savants,

Je n’ai pas trouvé ta trace, IULE, même dans l’Arche de Noé

Incognito parmi les reptiles qui rampent.

J’ai écouté SAINT SAENS et autres orchestres d’animaux.

Mais dans ce défilé carnavalesque,

                  Je n’ai pas entendu ta musique IULE,

Ni t’ai vu faire la fête.

J’ai cherché dans les ZOO : ce n’étaient qu’animaux venus d’ailleurs !

Rois ou Princes là-bas, imposants par leur force, leur taille, leur agilité

Prisonniers ICI dans leurs enclos, mangeant et dormant sous le regard des visiteurs

                  Je ne t’ai pas imaginé IULE

                  Te laisser mettre en cage et renoncer à ta liberté.

Sous les chapiteaux, il n’y a plus de montreurs d’ours ni de dresseurs de tigres

Il faut être un clown pour dresser des puces !

                  Mais aucun acrobate n’a jamais pensé à te dresser !

IULE

Dans les fermes et les prés, moutons, vaches, cochons

Et autres animaux élevés

Dans nos maisons, chiens et chats, animaux domestiques,

Fidèles amis que nous tenons en laisse

                  Tu n’es ni élevé, ni domestique ! IULE.

                  Tes colliers, la nature t’en a paré et tu y restes libre !

J’ai rejoint les Quartiers Nords et mes pas m’ont mené dans les collines

Et là ! sur les sentiers caillouteux, je t’ai vu : un, dix, des cents et des milles

                  IULES vous descendez en bande, horde sans fin, tout de noirs vêtus !

                  Grimpants après la pluie à l’assaut de nos habitats

                  Indifférents aux roues des VTT et aux pieds des marcheurs

                  Immense Armée de l’Ombre !

J’ai rejoint les Quartiers Nords et mes pas m’ont mené de villages en cités, de collines en vallées

Et là, dans ces lieux cabossés, délaissés, IULE, j’ai vu :

Nos pas solitaires sont devenus Mille Pattes !

Marchant en bande libre et joyeuse

A la rencontre de 1000 et autres récits de vies à écouter, mettre en lumière.

Et se mettent debout les rampants incognitos,

Et se font clameurs et chansons ceux dont la musique n’était pas entendue !

Milles Pattes, vous descendez en bande, horde sans fin, vêtus de milles couleurs !

Venus de nos quartiers partager vos combats, défaites et victoires

Montant à l’assaut de nos Villes et Métropoles

Indifférents à ceux qui veulent vous enfermer, dompter, domestiquer…

Tu es là, IULE,

Vous êtes Mille Pattes !

Immense armée de lumière !

C’est le Carnaval des animaux, le temps de faire la fête !

Georges

LES CHATS

Ces géographies animales nous sont peut-être plus observables grâce au chat. Evangéline et Micha nous racontent leur rencontre avec des habitant•es qui tentent de « réguler » par des maraudes de stérilisation la surpopulation des chats. Elles nous confient les questions que cette pratique « sous les radars » leurs inspire, quand par ailleurs certains propriétaires en appellent aux pouvoirs publics pour appliquer des modalités plus expéditives, et pas que pour soutenir la biodiversité… Entre notre amour pour l’animal de compagnie et la crainte de l’invasion de sa version « libre », on retrouve ces contradictions qui révèlent globalement nos capacités relationnelles appauvries et les paniques provoquées par les différences nuances du « sauvage » qui se plait à habiter les villes.

LES ÂNES ET LES CHEVAUX

Et puis il y a ceux qui habitaient et qui n’habitent plus. Ceux qu’on chérissait pour leurs capacités de travail, ces compagnons de route dont la perte pouvait ressembler à perdre ses jambes, et dont les organisations collectives ont longtemps eu besoin à la campagne comme en ville. L’âne et le cheval nous rappellent les vieilles cartes postales de cet avant pas bien vieux, où le cheval de St André et sa charrette étaient connu de toustes, et où l’âne accompagnait le départ à la pêche des pêcheurs du quartier. Mlouka et Samanta nous remémorent la place de l’âne dans la religion. Comment ne pas voir un signe complice dans la « croix de Saint André », dont on racontait qu’elle était la trace de la bénédiction par la Vierge Marie pour remercier l’animal de l’avoir conduite en Egypte ! Alors oui, l’âne est un bon guide pour les quartiers nord, d’autant plus que, comme le cheval, il est un animal social qui fait du bien, qui adoucit, qui ouvre des chemins de communication et de dialogue.

Un dialogue qui pourrait même nous faire entendre les ânes encore bien présents des villes du littoral du Maghreb…?

LA POULE

Et pour finir, Julie déroule son intérêt pour la poule. À partir de sa propre expérience d’avoir mis en place un petit poulailler dans son jardin à usage de toute sa rue, elle apprécie les « ambiguïtés » de sa présence en ville. A la fois nourricière et se nourrissant de nos déchets alimentaires, domestique mais pas vraiment de compagnie, vivant dans des espaces privés mais souvent aussi dans des lieux dont on ne sait pas trop à qui ils appartiennent (talus, délaissés…), la poule et la figure du poulailler apparaissent comme une dernière résistance de culture paysanne en ville, qu’elle soit trace de l’ancien terroir ou de toutes les cultures de la Méditerranée. On trouve donc des poules partout, y compris et même souvent dans les cités populaires. Partir à la recherche des poulaillers, interroger les relations et les histoires qu’ils couvent pourrait être une piste à la fois simple et propice à la rencontre de nos voisin•es !

Les poules du poulailler de la montée Castejon à l’Estaque Riaux, en mode perruches…

Après ce foisonnement de propositions, nous avons également partagé deux autres manières d’enquêter.

« Tout petit chemin, au nom dérisoire, quasi clandestin, dis-nous ton histoire »

Comment résister à cet appel ? C’est Pierre, un ancien de Saint-Louis (99 ans !!) qui nous a écrit pour nous demander de partir à la recherche du Chemin des bestiaux. Avec plaisir Pierre, on commencera avec toi le 30 janvier prochain !

Et puis toutes ces explorations, ça donne envie à certaines d’entre nous de les nourrir par des lectures. La question animale est un chemin passionnant pour aborder énormément de thématiques qui nous concernent tous•tes, et bien au-delà du quartier.

Alors entre écoute de podcasts, arpentages de livres, on va tenter aussi de partager de la pensée un peu plus théorique.

La bibliothèque ouvrira aussi des pistes de lectures avec les enfants, et on compte bien reprendre un mille pattes des enfants avec nos complices de la Castellane !

Et c’est Chloé qui nous raconte ses premières lectures, dans l’épisode #2 de la Piste animale !

LA PISTE ANIMALE #2 : club de lectures

Dans son essai Ainsi l’animal et nous, Kaoutar Harchi, sociologue et écrivaine propose de réfléchir au processus d’animalisation. Tout d’abord elle rappelle comment notre culture est profondément marquée par la conviction que Nature et Culture sont des entités distinctes, voire opposées. A partir de là, les humains sont associés à la Culture, tandis que les autres êtres vivants sont associés à la Nature. Cette distinction se traduit aussi par l’idée d’une hiérarchisation, qui voudrait que les « êtres humanisés » soient supérieurs aux « êtres animalisés ». Concrètement, cela se traduit par une inégalité en droit car les êtres humanisés appartiendraient à une communauté morale, synonyme de préservation de la vie et de l’intégrité, dont les êtres animalisés seraient exclus. Inversement, ces derniers seraient soumis à la loi du plus fort et donc potentiellement exploitables et tuables à merci. Selon cette logique, les animaux sont des objets animés, dont on peut s’accaparer le corps, et qui n’auraient ni sensibilité ni histoire. 

Kaoutar Harchi avance dans son livre que ce processus d’animalisation et d’humanisation dépasse la distinction biologique humains/animaux. En effet, il existe une forme d’animalisation de populations humaines, qui pour des raisons de racisme, sexisme, validisme ou autre forme de discrimination, se retrouvent dans la même posture d’infériorité que le sont habituellement les animaux par rapport à d’autres groupes d’humains considérés eux comme « humanisés ». La chercheuse donne plusieurs exemples dont l’usage du vocabulaire « sale chien », « grosse vache » qui montre clairement la dégradation à laquelle est associée la condition animale, et comment celle-ci peut se transmettre à des humains. 

Jeanne rebondit en disant que le processus inverse existe également, que certains animaux sont quasiment humanisés, intégrant la sphère familiale par exemple. Et qu’on observe fréquemment ce paradoxe d’une hyper affection envers des animaux (en témoigne le succès des vidéos de chaton sur internet) en parallèle d’une insensibilité totale pour la souffrance d’êtres humains.

Ça me rappelle mon prof de géographie qui disait, à propos du bassin d’Arcachon : « ici, il y a des chiens qui ont un train de vie supérieur à celui d’un type au RSA ».

Alors pour la peine, et puisque Danièle l’a aussi fait, je vous partage un morceau intitulé « Money is King » et dont le refrain est :

But if you are poor, people tell you « Shoo!

A dog is better than you »

Si tu es pauvre, les gens te disent « Casse-toi!

Un chien vaut mieux que toi »

Maintenant essayons d’aller un peu plus loin en prenant le texte d’un autre auteur, anthropologue cette fois : Charles Stépanoff qui a écrit Attachements, enquête sur nos liens au-delà de l’humain. Lui aussi s’intéresse à la question des dominations, dans le rapport de l’Homme au reste du vivant ainsi qu’à l’intérieur des sociétés humaines. Son fil rouge consiste à se demander s’il existe un lien entre les relations que les humains entretiennent à leur environnement et la forme d’organisation de leur société.

Stépanoff commence par interroger la question de la domestication, qui très souvent est associée à l’idée d’une domination que les humains auraient commencé à exercer sur la Nature, avant de la reproduire au sein de leur propre espèce. La théorie voudrait qu’avant de commencer à exploiter la Nature, les humains chasseurs-cueilleurs vivaient dans une forme d’harmonie et de co-dépendance avec elle, et que l’introduction de la sédentarisation, de l’élevage et de la culture agraire ait engendré une rupture avec les écosystèmes ainsi qu’une forme d’organisation sociale pyramidale.

Or Stépanoff affirme que cette manière d’associer domestication à domination est un anachronisme. En effet, selon lui il n’y a pas de déterminisme qui associerait un mode de vie à une organisation sociale. Il existe des sociétés nomades pyramidales et d’autres sédentaires et égalitaires. Autrement dit, il y a une grande diversité dans les types de liens entre humains et entre humains et non-humains, et toutes ces formes de relations sont susceptibles d’évoluer. 

Par « types de liens », l’auteur donne des exemples multiples comme lien affectif, thérapeutique, alimentaire, technique, mythologique etc. On pense facilement à la connexion forte et immédiate qu’entretiennent des populations qui extraient directement leurs moyens de subsistance de leur environnement, comme le peuple Tozhu que décrit l’auteur. Pour ces habitants de la Toundra éleveurs de rennes, les types de liens avec les animaux et les plantes sont très nombreux et peuvent se combiner. Par ex. le rapport au renne est à la fois nourricier, affectif, pratique et mythologique. Mais les humains des villes ne sont pas en reste car ils entretiennent également de nombreux liens sociaux et affectifs avec les plantes et animaux autour d’eux, bien que leurs ressources nourricières proviennent d’origine indirecte, via de nombreux intermédiaires (magasin, revendeur, transporteur, producteur). Contrairement aux Tozhu, les habitants des villes différencient leurs sources de rapports affectifs (=proches) et leurs sources de rapports nourriciers (=éloignés). Ainsi les premiers entretiennent un réseau dense avec leur environnement, tandis que les second ont un réseau étalé. 

Pour Stépanoff, la forme du réseau, c’est-à-dire des formes d’attachements, est primordiale pour expliquer quelles sont les formes de relations que les humains entretiennent avec le monde autour d’eux puis  à l’intérieur de leur propre société. 

L’approche de Stépanoff, plus nuancée que celle de Kaoutar Harchi, se nourrit du renouvellement de l’anthropologie et de la pensée écologique de ces dernières années :

En anthropologie, des chercheurs comme Descola, Latour, Hallowell ont remis en cause l’idée que la sociabilité se limiterait aux rapports des humains entre eux, car leurs interactions (réciprocité, dette, attachement, parenté..) incluent également les non-humains.

En termes de vision écologique, on a longtemps considéré l’humain comme un perturbateur des écosystèmes. L’humain serait extérieur et nuisible à la Nature. De là le paradigme de la protection des milieux en empêchant l’Homme d’interagir avec, par exemple le dispositif des Parcs Nationaux. Or, les découvertes récentes en science de la Terre ont montré que les écosystèmes terrestres sont façonnés à plus de 75% par l’activité humaine et ce depuis plus de 12 000 ans ! Cette influence n’est pour autant pas synonyme de destruction ou de diminution de la biodiversité en soi. Si c’est ce type d’influence qui nous saute aujourd’hui aux yeux, c’est parce que nos usages sont à présent majoritairement tournés vers l’extractivisme intensif, mais pendant longtemps ça n’a pas été le cas. Ainsi, les humains sont des composantes déterminantes des communautés vivantes, de la plus dégradée à la plus riche. L’environnement est à la fois composé d’éléments biologiques mais aussi d’éléments culturels : gestes techniques (ex cueillette), mythologie, organisation politique. Les écosystèmes sont donc en réalité des socio-systèmes  qui entremêlent phénomènes biologiques, écologiques et culturels.

Le bouquin de Stépanoff consistera à s’interroger sur la manière dont les réseaux, denses ou étalés, génèrent différents types de socio-systèmes, et à se demander lesquels possèdent la plus grande capacité de résilience. 

Charles Stepanoff à retrouver en podcast sur arteradio: Vivons heureux avant la fin du monde : l’amour Wouf

TRANSHUMONS VERS LE NORD

Des bâtons décorés posés face au vide…

(c)Sébastien Bossi

Un groupe de personnes qui semblent se préparer à partir en randonnée…

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Ce dimanche 22 septembre 2024, il se trame quelque chose devant l’arrêt de bus 70. On se chuchote à l’oreille un secret…bientôt connu de tous !
Celui de l’itinéraire d’une grande transhumance : celle d’une vingtaine de moutons et de tout un troupeau d’humains qui traverseront les quartiers nord, comme on le faisait au temps jadis, quand les flots moutonnés patûraient les collines ou plus tard remontait du port pour rejoindre… les abattoirs …

(c)Dominique Poulain

Ouf ! Pas de risque de finir en côtelettes aujourd’hui : on prend le chemin à rebrousse poil, en direction du nord, en partant du sommet de la colline Consolat. Pour aller jusqu’à où ? Mystère..

On se réunit d’abord et Julie raconte l’histoire des « Moutons marseillais », cette association qui fait paître un troupeau urbain partout dans Marseille, guidé par son berger Arthur.

(c) Bulat Sharipov

(c)Dominique Poulain

La star du jour est bien entendu le petit agneau, à qui on donne des forces avant de partir pour cette aventure de 5km à pattes !

(c)Dominique Poulain

Même le loup est sous le charme.

(c)Sébastien Bossi

Allez c’est parti !

(c)Dominique Poulain

(c) Sébastien Bossi

Comme une superposition d’époques, les quartiers nord retrouvent les couleurs du pastoralisme d’autrefois.

(c)Dominique Poulain

Parcs, friches, bordures de route, l’urbanisme lâche du quartier offre de nombreuses ressources alimentaires pour le troupeau. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’éco-paturage, une manière beaucoup plus douce que la tondeuse de prendre soin des prairies urbaines…

(c)Sébastien Bossi

Heureusement que ce jardin possède une barrière…sinon il aurait été tondu ! On découvre qu’il y pousse du maïs et que les amandes n’ont pas été récoltées.

(c)Sébastien Bossi

Notre première étape : la Cité Consolat. Déjà visitée la veille lors de la balade « L’Ultime Demeure », cette « copro-dégradée » pose de nombreux problèmes aux habitant.e.s. Espérons que le passage du troupeau puisse apporter un peu de vie joyeuse.

(c)Dominique Poulain

On profite de la halte pour se partager nos souvenirs liés aux moutons. Pour Chloé il s’agit de la pagaille qu’elle semait dans les troupeaux lorsque, petite, elle vivait en Lozère !

(c)Sébastien Bossi

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Pour certains c’est la toute première rencontre.

(c)Dominique Poulain

Samanta, Tania et Arlette profitent de la pause pour refaire leurs pelotes.

(c) Sébastien Bossi

Le troupeau repart car la route est longue !

(c)Dominique Poulain

On traverse des forêts…

(c)Dominique Poulain

De grandes étendues…

(c)Sébastien Bossi

Sous le regard des habitant.e.s curieux!

(c)Sébastien Bossi

Et puis on arrive à la Cité-jardin Saint Louis, construite en 1926, sorte d’ancêtre du logement social.

(c)Dominique Poulain

Pour une nouvelle halte, l’occasion pour Agnès de raconter comment le pastoralisme façonnait autrefois les cheminements dans le quartier, mais aussi entre les villes, et que de nombreuses routes actuelles suivent encore la trace des « chemins à bestiaux ».

(c)Sébastien Bossi

Certains complètent et d’autres écoutent religieusement…

D’autres ne pensent qu’à manger.

(c)Dominique Poulain

On repart et cette fois, il va falloir prendre la route.

(c)Sébastien Bossi

En chemin on aperçoit des paysages intéressants.

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Et puis c’est l’arrivée en fanfare à Saint André, où une fois n’est pas coutume l’église est grande ouverte !

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Ce moment hautement mystique et inoppiné aurait-il été préparé en amont? Certainement selon certains qui ont vu dans les scènes suivantes quelques passages bibliques !

Le Buisson Ardent :

(c)Dominique Poulain

La Crèche

Le Baptême

Le comité d’accueil décore les moutons de pompons de laine.

(c)Dominique Poulain

Les plus heureux sont définitivement les enfants de Saint André.

(c)Dominique Poulain

Mais les grands ne sont pas en reste.

On complète cette drôle de rencontre entre moutons et église par l’histoire très locale de l’émergence d’une première filière de viande hallal à Saint André, plus précisément au sein du bidonville de la Lorette, par Bachir Azzoug. Venu d’Algérie dans les années 40 pour travailler aux tuileries, il créa une première boucherie au sein du bidonville qui deviendra une longue aventure familiale qui continue encore de nos jours, durant la période de l’Aïd.

(c)Sébastien Bossi

Une fois de plus on se remet en marche.

« C’est par ici les copines ! »

(c)Sébastien Bossi

Suivez le guide !

(c)Sébastien Bossi

Bravant le zonage urbain et le découpage routier, le vaillant troupeau se dirige vers la Castellane.

(c)Dominique Poulain

Où Fadila et son équipe nous attendent de pied ferme, fières de toutes les décorations qu’elles ont tricoté durant plusieurs semaines pour orner les buissons du rond point.

(c) Dominique Poulain

Elles nous partagent leur savoir faire en matière de travail de la laine : du mouton à la pelote !

(c) Bulat Sharipov

Jamais le rond point de Grand Littoral n’a été aussi peuplé.

Le troupeau d’enfants devenant conséquent, ça commence à être un peu la pagaille…

(c)Sébastien Bossi

Bien se nourrir pour devenir un beau gigot..heu un bel agneau.

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Mais nous ne sommes pas encore arrivés à la bergerie, et il faut encore un peu marcher.

(c)Sébastien Bossi

L’arrivée se trouve là où on l’attend le moins…

(c)Dominique Poulain

(c) Bulat Sharipov

Un petit paradis caché : Miramar

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Au tour des humains d’avoir le droit de se remplir la panse, avant la danse !

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Une fois repu, on explore cet improbable terrain.

Et on se lance dans la grande entreprise de laver de la laine brute !

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Il y en a qui travaillent et il y en a qui dansent !

(c)Sébastien Bossi

Epuisante cette balade !

Découvrir Marseille par son nord : 15 ans d’accueil coopératif. 

Après le « hors tourisme », puis le « tourisme de l’écart », Hôtel du Nord se pense pleinement aujourd’hui en hospitalités, « au-delà du tourisme ». 

Le Nord de nouveau visible

Depuis que la Ville de Marseille a récupéré la compétence tourisme en janvier 2023, le nord semble avoir réapparu dans l’imaginaire touristique de Marseille, 120 ans après la dernière carte touristique le prenant en compte en 1902 dans le Guide Joanne du Syndicat d’initiative de Provence. 

Guide Joanne 1902
Carte touristique Office du tourisme, Couverture de Marseille 2023

Des passagers viennent dans nos chambres via l’office du tourisme de Marseille. Ses agents d’accueil nous ont demandé des plaquettes et, lors de notre dernière visite test mi 2024, ils ont recommandé de contacter la coopérative Hôtel du Nord pour découvrir Marseille par son Nord! 

A cela s’ajoute en juillet la publication de sa nouvelle carte touristique de Marseille dans le bon sens et avec toute la ville. L’élu au tourisme a même proposé que la prochaine version soit co-construite.

Carte touristique de Marseille, Office du tourisme, juillet 2024

On en profite pour partager plusieurs de nos cartes dans cet article  et donner de l’élan à cette nouvelle  coopération. A voir quand les balades, les ouvrages et les produits d’Hôtel du Nord auront à leur tour une place? 

Enfin, le service tourisme de la ville de Marseille a accordé pour la première fois une subvention à Hôtel du Nord à hauteur de 5.000 euros, sans oublier les invitations à intervenir dans des conférences et auprès du groupe tourisme de la Convention citoyenne du futur. Cela fait beaucoup de premières fois.

Carte quartiers nord, Civic City pour Hôtel du Nord. 2011.

Doucement, mais surement le nord se fait une place dans l’imaginaire : 

29 ans après la création de la mission européenne de patrimoine intégré suite au Manifeste de Christine Breton , Conservatrice du patrimoine, qui tire alors l’alarme dans les quartiers nord sur la rapidité avec laquelle les projets de reconversion urbaine détruisent un patrimoine présent non considéré par l’action publique (lien). 

19 ans après les premières balades patrimoniales au Nord de Marseille à l’occasion des journées européennes du patrimoine ;

18 ans après l’adoption d’un rapport sur « patrimoine et économie » par le Conseil Départemental de Concertation des Bouches-du-Rhône qui propose de dépasser l’opposition entre bien commun (inaliénable) et usage privé (profitable) dans l’intérêt commun (lien).

Ateliers de révélation urbaine au ruisseau des Aygalades, 2009

16 après la création de la création d’une Commission patrimoine par la Mairie du le 15 et 16me arrondissement de Marseille qui décidera de la création d’Hôtel du Nord ;  

15 après l’hospitalité offerte au 40xVenezia et au Conseil de l’Europe à l’occasion des journées européennes du patrimoine et de l’adhésion de la Mairie du 15/16 aux principes de Faro ;

14 ans après le premier séjour pilote « eau et jardin » commercialisé avec succès pour tester l’hospitalité au Nord de Marseille avec 5 chambres pilotes et 17 personnes accueilles ; 

Carte du séjour Eaux et jardins. Civic City, 2010

13 ans après la promesse d’ouvrir 50 chambres chez l’habitant et 50 itinéraires pour « découvrir Marseille par son nord » à l’occasion de Marseille Capitale européenne de la culture.

 11 ans après l’accueil de 10.000 personnes au nord de Marseille en balade, chez l’habitant et en séjour et la promesse tenue avec plus de cinquante chambres et balades patrimoniales proposées par les habitants.

Carte Bel Vedere. Stéphanie Nava, 2013.

10 ans après la création du Réseau européen de Faro et l’autorisation par l’État de vendre directement nos propres séjours ; 

9 ans après la création de la coopérative Les oiseaux de passage pour mener des travaux de recherche et développement afin de penser l’hospitalité de toutes les personnes de passage (lien). 

Carte des hospitalités à Marseille, plateforme coopérative Les oiseaux de passage, 2021

Une année après l’appel à des Assises marseillaises de l’hospitalité pour que Marseille soit la première ville à changer le paradigme de l’accueil en termes de justice sociale et climatique (lien).

L’occasion pour notre coopérative de faire un point sur qui elle accueille. 

Accueilli chez 

Les hôtes de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord ont fait un bilan des personnes qu’iels ont accueillies sur le premier semestre 2024 et qui reflète la diversité des motifs de passage ainsi que des personnes accueilles et accueillantes.

La coopérative Hôtel du Nord compte différents types d’hébergements : 16 chambres d’hôte, 4 gîtes urbains, 1 auberge de jeunesse, 1 halte pèlerin et 1 voilier (qui conteste l’interdiction qui lui est faite par la Métropole d’exercer l’accueil associatif) pour une capacité totale de 80 places.

Civic City, Accueilli chez, 2011.

Trois nouveaux hébergements sont en cours d’ouverture. Depuis 2011, 26 hôtes ne sont plus référencés par la coopérative suite à un déménagement, l’arrêt de l’activité, …. Au total, une cinquantaine de lieux d’hébergement chez l’habitant ont été accompagnés et proposés depuis 2010. 

Au fur et à mesure que s’ouvraient les chambres chez l’habitant, une pluralité de personnes sont venues toquer à leur portes à l’image de la diversité des personnes qui habitent, travaillent et séjournent dans ces quartiers : entreprises, habitat social, noyaux villageois, milieu associatif, ….

Carte le partage des eaux. Julien Rodriguez, 2010

La coopérative a réalisé un questionnaire pour savoir qui venait, sur quelle durée et avec quelles retombées pour les hôtes et le territoire. Il est ressortie huit grands motifs de passage avec : 

Le « tourisme » qui rassemble les personnes qui viennent pour un départ en croisière, un festival ou un match, en vacances, en randonnées sur le GR 2013 et pour un congrès. 

Carte proposée par Isabelle Laudières, plasticienne/infographise. Image © Dominique Poulain.

L’« hôpital » qui regroupe les personnes qui se rendent à l’Hôpital Nord pour un examen, accompagner un proche, en formation ou comme commerciaux.  

Le « travail » comprenant les personnes qui viennent dans les nombreuses entreprises, administrations et associations des quartiers nord de Marseille pour un contrat court, de manière régulière, en stage, en résidence ou sur un chantier. 

Les « voisins » qui invitent des personnes à leur rendre visite et qui sont en recherche d’hébergement pour les accueillir à l’occasion d’une fête de famille, d’une cousinade ou d’un évènement.

Carte jeu de l’oie Un jour à la Castelane. Association 3.2.1.

Les « études » que ce soit à l’université, en apprentissage ou à l’occasion d’un stage sur place.

Le « pèlerinage » le long du chemin de Marie-Madeleine des Saintes-Maries-de-la-Mer jusqu’à la Sainte-Baume et qui règlent leur nuitée souvent avec le donativo

Le « transit » des personnes venues s’installer sur Marseille et dans l’attente d’un logement. 

Le « non-marchand » avec l’accueil gratuit chez-soi de proches, par solidarité avec des personnes (réfugiés, mises à l’abri, transit)  et dans le cadre de réseaux d’échange : échange de maisons, warmshower pour les cyclistes. 

Carte Caminando Saint André 2023

Savoir qui vient, combien de temps et pourquoi?

Si on regarde en termes d’attractivité, sur un peu plus de 300 séjours réalisés entre janvier et juin 2024, la moitié des séjours ont un motif touristique et les deux tiers des passagers sont des touristes.

Cela change quand on regarde en termes de retombées économiques pour les hébergeurs, c’est-à-dire en nombre de nuitées, alors les nuitées pour le travail, le transit et les études représentent quasi la moitié des nuitées.

Le fait qu’au final seulement un quart des nuitées est touristique s’explique par la courte durée des séjours touristiques marchands à Marseille qui est en moyenne en dessous de deux nuitées depuis des années.

Enfin, si l’on regarde en termes de fréquentation de Marseille, les accueils à titre non-marchands représentent presque la moitié des personnes présentes à Marseille via Hôtel du Nord. Cela s’explique par la longue durée des séjours gratuits.

En France, les chercheurs Saskia Cousin et Sébastien Jacquot ont rappelé que plus de la moitié des français et françaises voyageaient dans le non marchand (lien). Plusieurs études commencent à évaluer l’impact sur l’économie locale de l’hébergement non-marchand qui se révèle souvent aussi important que le marchand avec des séjours plus nombreux et plus longs.

C’est tout l’enjeu des assises de Marseille hospitalités que de favoriser à la fois un accueil digne et soutenable de toutes personnes de passage à Marseille et d’accompagner la transition du secteur de l’hospitalité dans le respect des Accords de Paris.

Carte sensible Voyage 6 Demi-tour. Juliette Loquet, 2014.

Découvert avec

Les membres de la coopérative Hôtel du Nord continuent à proposer l’hospitalité dans les lieux, les récits et avec les personnes pour découvrir Marseille par son Nord. Iels partagent les résultats de leur travail d’enquête collective au Mille-pattes à travers des balades patrimoniales ouvertes notamment lors des journées européennes du patrimoine. Et iels se saisissent des demandes de balades et séjours qui lui sont faite pour coconstruire des propositions d’hospitalité que ce soit sous forme de balades en demi journée ou lors de séjours apprenants.

Carte ruisseau des Aygalades. La Gazette du ruisseau. Les Gammares et Bureau des guides GR2013

En 2023, les hôtes ont accompagné la découverte de Marseille par son nord à la demande de collèges, d‘universités (Université Aix-Marseille, Université Berlin, Université Louvain, Centre Norbert Elias, Université Sierre, CNRS), d’institutions culturelles (Ensemble Télémaque, Bureau des guides GR2013), de l’Agence Régionale de Santé pour accompagner à la réinstallation de personnel soignant. 

Carte des balades d’Hôtel du Nord, 2020

Par exemple, en avril 2024, Hôtel du Nord et l’Agence Régional de Santé renouvelaient leur coopération pour inviter les futurs médecins en fin de formation à réfléchir en marchant aux diverses manières de penser le soin et de développer des projets de santé dans ces territoires qui en ont fort besoin. 

Après le Bassin de Séon en 2023, c’est du côté de Notre-Dame Limite , que la balade jalonnée de temps d’ateliers a embarqué une trentaine de personnes à la rencontre des histoires des lieux, de ceux et celles qui y vivent et des diverses initiatives qui souvent sous les radars maillent et se relient malgré tout.

Alice Durot, jeune et talentueuse dessinatrice marcheuse nous en livre une carte sensible à partager….

Carte sensible Alice Durot. Prendre soin de Marseille Nord, 2024

La coopérative Hôtel du Nord et le Mille-pattes ont partagé, à l’occasion des journées européennes du patrimoine, les résultats d’une année d’enquête à Saint Louis-Consolat sur l’hospitalité.

Les résultats ont été partagés sous forme d’une balade patrimoniale « L’ultime demeure » et d’un livret de 80 pages revenant sur les récits, les cadres législatifs et les archives collectées.

Cette enquête à été menée à partir du mouvement marseillais des squatteurs de l’après guerre, qui donnera naissance à la première loi française sur le sujet, en passant par les Castors et les copropriétés dégradées, l’habitat social d’hier et d’aujourd’hui, jusqu’au projet d’implantation d’un “village d’insertion” pour les populations roms.

Télécharger la première partie et la seconde partie du livret.

Screenshot

Économie

La coopérative a eu comme ressources en 2023 hors bénévolat 70.000 euros financés :

  • pour un cinquième par la contribution économique des hôtes : réversion sur la vente de nuitées, ventes de produits, balades et séjours,
  • pour un quart par des subventions de fonctionnement :Service Patrimoine de la Ville, Département,
  • et pour moitié par la coproduction d’actions patrimoniales avec la DRAC, l’Epage Huca, l’Université de Huelva et l’association Noailles Debout!. 

Pour réaliser son action, la coopérative a dépensé en 2023 plus de 78.000 euros dont les deux tiers ont servi à financer le travail de ses membres (nuitées, missions, éditions, …) et un tiers les frais généraux (expert comptable, déplacement, site internet, …).

En 2023, la coopérative a eu une perte exceptionnelle sur une subvention FNADT de 2021 (2.700 euros) et un report d’une action sur 2024. Au final, l’exercice 2023 s’est terminée sur une perte de 8.000 euros.

La coopérative avait avant cette perte 48.000 euros de fonds propres composés pour un tiers de l’apport financier de ses 82 sociétaires et pour deux tiers de ses réserves financières accumulées au cours des 14 premiers exercices. Un tiers de ces fonds est immobilisée au capital de la SCIC Les oiseaux de passage dont elle est cofondatrice.

Carte programme Journées européennes du patrimoine 2010.

Libération : La redécouverte du ruisseau des Aygalades, «véritable personnage» de Marseille

Le journal Libération a consacré un article à « La redécouverte du ruisseau des Aygalades, «véritable personnage» de Marseille« .

Extrait : Avec les Aygalades, cette relation a débuté par la marche, «le pas de côté», «l’urbex qui ne dit pas son nom», comme le raconte Julie de Mueur, engagée dans la coopérative d’habitants Hôtel du Nord. C’est que le ruisseau ne se donne pas facilement à voir. La construction du canal de Provence, au XIXe siècle, est passée par là, le rendant inutile aux grandes bastides. Puis les industries – encore aujourd’hui la cimenterie Lafarge – et la construction de l’autoroute. Quand il n’est pas canalisé, busé, il est perçu comme un égout à ciel ouvert. Mais en 2007, le cours d’eau devient un «véritable personnage» par l’entremise de Christine Breton, conservatrice du patrimoine, qui mène toute une démarche avec les habitants des quartiers Nord. Sur d’anciens plans, elle identifie l’existence d’une galerie souterraine et se rend compte qu’elle débouche sur… une chute d’eau.

France 3 et Cie : « Il était temps ! », les quartiers nord de Marseille sont enfin affichés sur la carte de l’office de tourisme

France 3 présente dans son reportage « « Il était temps ! », les quartiers nord de Marseille sont enfin affichés sur la carte de l’office de tourisme » la nouvelle carte touristique de Marseille voulue par la Ville de Marseille et réalisée par l’Office du tourisme de Marseille. Une carte attendue depuis des années par les membres de la coopérative Hôtel du Nord.

Extrait : Lorsque l’on pense tourisme à Marseille, peu sont ceux qui s’aventurent dans les quartiers nord de la ville. Jusqu’à présent, même l’office de tourisme n’affichait pas cette zone sur sa carte. La municipalité, commerçants et habitants espèrent que son apparition sur le dépliant touristique pourra changer l’image dégradée de ces quartiers.

Marseille. L’une des plus grandes villes de France, représentée de moitié. Jusqu’à présent, la carte touristique de la cité phocéenne ne représentait que le centre-ville, ignorant la partie nord et est de Marseille. Désormais, le nouveau dépliant affiche tous les quartiers, et propose également des recommandations et lieux incontournables dans chaque arrondissement de la ville.

La Marseillaise : Cet été, les touristes ne perdent plus le nord

Libération : Tourisme : à Marseille, les quartiers nord intègrent le décor

Le Parisien : Marseille : les quartiers Nord figurent enfin sur la carte de l’Office du tourisme

BFM TV : Marseille: les quartiers nord arrivent sur les cartes touristiques, pour changer le regard

La Provence : « Montrer la ville dans son entièreté » : à Marseille, les quartiers Nord enfin sur les cartes touristiques

Le JDD : Les quartiers nord de Marseille, gangrenés par le trafic de drogue, désormais affichés sur les cartes touristiques

Le Figaro : «C’est le paradis ici» : à Marseille, la mairie veut attirer les touristes dans les quartiers nord

Marseille (Bouches-du-Rhône), le 17 juillet. Les acteurs du tourisme des quartiers nord ont obtenu d’apparaitre sur la nouvelle carte qui comprend désormais toute la ville. LP/Marc Leras

CAMINANDO SAINT-ANDRE, DU HAUT EN BAS.

Un jeu de pistes en action! par les enfants des écoles..

Ça y est ! Les deux écoles du quartier de Saint-André se sont rencontrées…

Lundi 27 mai, le matin, on s’est donné rendez-vous au Parc de la Jougarelle. 

Nous sommes arrivés en synchronicité à 9h05

39 enfants en bus depuis l’école Condorcet, et 11 enfants à pied depuis l’école Barnier accompagnés d’une douzaine d’adultes.

Nous étions toustes excités par cette rencontre attendue depuis longtemps. Pas simplement par le fait de faire rencontrer des enfants des classes CE1, des écoles différentes. Mais par le fait symbolique d’unir le quartier, le haut à la Castellane et le bas au noyau villageois de Saint-André. En fait, c’était la genèse de ce jeu de pistes : relier les trois écoles de Saint-André ! Défi pour l’année prochaine ? Faire rencontrer aussi les enfants de l’école d’en haut de la Castellane ?

Emmanuelle, maitresse à l’école Saint-André Barnier nous raconte:

« La balade est toujours aussi magique : démarrer dans le parc de la Jougarelle est parfait. Les enfants sont libres de partir à l’aventure avec leur carte du jeu de piste. Certains se mettent à courir pour trouver la prochaine balise. Les enseignants de l’école du bas découvrent la verdure et le point de vue à couper le souffle, loin de l’image qu’ils se font de la cité. Les regards semblent imaginer le fameux château qui a donné le nom à la cité et la belle « Gabrielle de Castellane » . C’est avec enthousiasme que l’on découvre les sculptures des châteaux de la maternelle et de l’élémentaire et certains disent qu’ils ont de la chance ».

Et puis, de jouer le jeu de la transmission. Nous avions construit ce jeu de pistes l’année dernière avec les élèves de CP et CE1. Les CP, maintenant en CE1, étaient présents à cette aventure patrimoniale et detectivesque de quartier. Et eux, heureux de parler aux collègues de leur expérience, de leurs souvenirs. La transmission est clé pour les enfants, ça permet de créer un récit pour ceux qui racontent, ça ouvre des imaginaires, ça permet d’apprendre par l’expérience, et en plus, de mieux connaitre le quartier. 

« Le parcours d’aventurier se poursuit sur les dalles cassées de l’ancien canal. Ces histoires d’eau ont façonné notre quartier car là, où il y a de l’eau, il y a de l’argile. D’où les nombreuses tuileries du quartier qui ont remodelé le quartier : les bastides ont cédé la place aux usines.  Nous arrivons devant la pharmacie du Pradel, le ruisseau du bassin de Séon, qui relie le haut et le bas ».

Et bonne nouvelle, les plaques d’argile (balises du jeu) que nous avons fabriqué l’année dernière, sont toujours là !

Quelle surprise d’arriver dans le jardin de Barnier ! Les plantes ont tout envahi. C’est impressionnant à hauteur d’enfants. 

Et puis nous avons eu le plaisir de partager tous ces beaux moments avec notre excellente jardinière de l’école Condorcet, Arlette. Qui nous a montrée nombreuses plantes qui poussent dans les friches (nos terrains d’aventures), beaucoup d’entre elles sont comestibles, d’autres du poison, et il y a en a avec lesquelles on peut peindre, les plantes tinctoriales !!! Merci Arlette !

Coquelicot !

Arlette nous montre le mur construit avec les briques des anciennes tuileries de Saint-André.  Qui n’a pas un arrière grand-parent qui travaillait dans une des presque 200 tuileries qu’il y avait au début du XX siècle dans le bassin de Séon ? Et derrière le mur … la maison au toit pointu ! Vous pouvez lire tous les récits d’explorations du quartier 2023 sur le site d’Hôtel du Nord : https://www.hoteldunord.coop/le-1000-pattes-des-enfants-de-saint-andre-la-castellane-1/

Après le chemin des charrettes, on arrive au jardin du dessus du collège. La plaque « attention aux tigres » met encore plus d’excitation. Y a-t-il vraiment des tigres ? Le chemin n’a pas été préparé et il faut se frayer un passage entre les herbes folles et les ronces. A la queue leu leu, les enfants crient comme dans des montagnes russes. 

Et voilà un autre moment important : celui du pique-nique.

C’est à ce moment de pause que Jessie vient me voir et me dit:  » j’aime bien les balades, on dirait que le temps s’arrête… » Exactement Jessie, le temps se suspend quand on est en connexion avec la nature, quand on est toustes ensembles, quand on est heureux.ses…

C’est ensuite l’occasion d’excursion dans les toboggans de pierre et les élèves commencent à se mélanger. Jeanne met encore plus d’ambiance avec ses chansons rythmées « Oh, c’est l’eau… »

Fin de la balade, photo dans les escaliers de l’église de Saint-André, mission cumplida Watson !

Emmanuelle conclut: encore une fois, cette balade a été un succès pour tous : on a appris, transmis, échanger, jouer, couru, souri, chanter … et reçu beaucoup de reconnaissance et d’amitiés. Parents, enseignants, accompagnateurs et enfants ont pu cheminer en harmonie et fluidité, comme si nous étions porté par l’eau de notre Pradel : oh, c’est l’eau …

On a échangé nos numéros et on s’est promis de se revoir l’année prochaine ! 

CAMINANDO LOS CAMINOS POR SEON

Fête de la musique, 21 juin 2024

Déambulation musicale, cantada de quartier et concert aux sonorités colorées.

En 2023 nous avons arpenté mille et une fois les rues de Saint-André, nous sommes allés à la rencontre de ses habitants, nous avons appris de près son histoire industrielle, migratoire et patrimoniale, nous avons tricoté de rêves et des attrapes-rêves à la bibliothèque avec les enfants du quartier, fait fleurir les grillages, bricolé de jardinières, inventé un jeu de pistes, chanter mille et une chansons…

Habitants, voisins et visiteurs ont dansés les ruelles, les jardins et les balcons, au rythme contagieux des fanfares et des chorales. Et un concert magique nous a transporté à l’Espagne, l’Italie, et la Kabylie. Des images par ICI

Et bien oui, on recommence!

21 juin

19h Déambulation musicale, départ au coeur du quartier des Tuileries. Bd. Grawitz

Avec la Fanfare des familles, la Bande à Séon, les chanteurs de Sonnettes et toutes nos voix réunies…

21h Cantera ouverte à toustes et Concert de Caminos – Boulodrome

Ecouter Caminos : https://www.youtube.com/watch?v=mudn8T2aD8Y

Et pour préparer tout ça :

27 mai

Relier les écoles Saint-André Barnier & Saint-André Condorcet  Balade patrimoniale Caminando Saint André – ***Réservé aux écoles.***

2 juin

Lutherie sauvage – Collectif Safi & Bureau des Guides – GR2013 Construction d’instruments en canne de Provence. La Démesure du Pas – Concert migratoire 17h – Cie. Les Mouflons – Jauge limité: réservation obligatoire: https://www.eventbrite.fr/e/billets-lage-du-faire-sonorites-865422139917

9, 10, 15 & 17 juin

Des rendez-vous chantés: dimanche 9 juin (10h-17h) // lundi 10 juin (19h-22h) // samedi 15 juin (16h-19h) et lundi 17 juin (19h-22h) – Ouverts à toutes et tous. Réservation: 06 63 72 55 70

17 au 20 juin 

Résidence: Caminos & habitants musiciens. Répétition dans la rue – La Bande Passante

Caminando los caminos est une initiative collective co-portée par l’Atelier sous le Platane, Hôtel du Nord, l’Harmonie de l’Estaque, Piment Rouge en partenariat avec le CIQ de Saint-André, le Centre social de Séon et la Mairie des 15/16. Elle est soutenue par le Ministère de la culture (Rouvrir le Monde), la Mairie du 15/16 et la ville de Marseille.

DESSOUS-DESSUS – Habiter le sol de Saint Louis – Consolat Récit # 6

Au mois de février, lors d’une balade avec des étudiants Allemands au quartier de Saint-Louis Consolat, nous avons fait un stop à l’église St. Louis. Par un de ces hasards qu’on ne sait pas expliquer, Claire, bénévole à l’église est venue à notre rencontre.  Après avoir pris le temps de se présenter, après avoir chanté ensemble un air africain sous la houlette de Willy, elle accepte de nous emmener sur les pas de son logement. Et c’est ainsi que nous sommes entrés pour la première fois, en groupe, dans la cité de Campagne-Lévêque. Claire y habite depuis plusieurs années, elle nous a, très gentiment, fait visiter la cité et son appartement. Elle nous a parlé des difficultés que traversent les habitants: marchands de sommeils, dealers, incendies, ordures, descentes de police et CRS.

La cité de Campagne Lévêque est une cité des quartiers nord de Marseille, gérée par le bailleur social 13 Habitat. Pourquoi un tel nom ? Parce qu’elle a été bâtie sur les terres de l’ancienne résidence estivale de Mgr Mazenod (1837-1861). Elle domine de ses tours ocres tout Marseille, le centre-ville au sud, mais aussi l’Estaque à l’ouest. Construite en 1958, elle s’organise en longues barres, hautes de 12 étages. La cité compte environ 3000 habitants répartis dans les 806 logements qui vont du T2 au T4. La cité se caractérise surtout par une population jeune. Seuls 25% des habitants sont actifs et en situation d’emploi contre 41% sur l’ensemble du parc locatif géré par 13 Habitat. 26% des familles touchent le RMI (contre 14%) et 42% des ménages se déclarent isolés (contre 35%). Les habitants sont majoritairement issus de l’immigration maghrébine ou comorienne. Les personnes plus âgées souvent d’origine italienne ou arménienne.

https://assolerocher.org/antennes/cite-campagne-leveque/

Nous avons voulu approfondir, comprendre un peu plus les rouages de cette inhumaine machine du logement précaire. Alors pour ce nouvel épisode du 1000 pattes, nous avons axé notre déambulation autour de Campagne Lévêque. Nous avons commencé par rencontrer l’association Le Rocher Marseille.

Le Rocher Oasis des Cités : une mission en réponse à la crise sociale des quartiers

Habiter au cœur des cités et quartiers populaires français, pour accompagner les jeunes et leurs familles : c’est le choix que font les salariés et volontaires de l’association.

Le Rocher au coeur des cités, Marseille, est une association catholique d’éducation populaire. il est présent dans 9 villes en France. Le but de l’association est de permettre aux volontaires et salariés de vivre au coeur d’un quartier, dans une cité en zone prioritaire, de faire une présence au sein des habitants en proposant des activités comme l’aide aux devoirs, des cours de français, des ateliers pour les femmes, et des animations de rue.

Il n’y a pas de prosélytisme, mais le Rocher est en lien avec l’église Saint-Louis, les volontaires font leurs prières en dehors du temps de bénévolat. Le financement du Rocher se fait via des dons de particuliers et des entreprises, mais aussi à travers des subventions de la ville.

Au Rocher Marseille, il y a 3 filles et 5 garçons, un service civique, un salarié et le reste en volontariat. La plupart des volontaires du Rocher, habitent à Campagne- Lévêque, ils ont des appartements en collocation non mixtes. Il y a aussi un couple responsable de l’antenne, c’est Arthur et Tiphaine, ils ont deux garçons, habitent aussi dans la cité, et ils sont là pour 3 ans. Le but est de faire une présence aux sein des habitants, de proposer des activités, de se confronter aux mêmes réalités, les habitants sont leurs voisins!

« Le positif c’est le partage, une bonté que j’ai pas trouvé ailleurs, des gens qui se donnent pleinement avec le peu de choses qu’ils peuvent avoir, la générosité, l’humanité, la reconnaissance. Il y a des liens qui se créent, on fait des portes à portes, on va à la rencontre des voisins. »

On a pas mal de temps de préparation en équipe, on fait des tables ouvertes, on cuisine avec les habitants, on a des semaines de 5 jours du mardi au samedi, 4 jours sur 5 on fait l’accompagnement scolaire, de CE2 à la terminale, parfois des lycéens. Il y a aussi, les aventuriers juniors (sorte de scout) pour les primaires filles et garçons mélangés, des activités manuels, des grands jeux, des chasses aux trésors dans la nature, on va aller camper. » Antoine

Le bailleur 13 Habitat

C’est 13 Habitat qui détient Campagne L’évêque. Il y a une grande barre et 2 latérale. Il y a des T3 et T4, ils sont hors-norme, ils n’ont pas la surface aux normes actuels. C’est une des premières cités, de logements de masses. il y a une grande partie des personnes âges qui habitent depuis longtemps, à l’époque c’était une population assez mélangée, y compris des fonctionnaires, après ça s’est dégradé.

13 Habitat est le bailleur, les conditions de vie sont totalement différentes des copropriétés.

En sortant du Rocher, Jeanne nous parles des copropriétés: « Les copropriétés c’est le horreur, vous avez des gens qui achètent un appartement pas très cher, certains en ont 3 ou 4, et ils sous-louent à des gens à des prix très élevés. Personne ne paye les charges, les ascenseurs ne marchent plus, les ordures se cumulent dans les couloirs, les propriétés communes se dégradent, personne s’en occupe. »

A Campagne Lévêque, il s’agit d’un bailleur social. Ce sont des logements construits il y a très longtemps, donc par ex. dans les salles de bain, il n’y a pas des systèmes d’aération, donc c’est très humide, il y a rapidement des champignons aux murs, les murs qui s’effritent. Il y a un chauffage par radiateurs dans chaque chambre.

Puis, Virginie nous parle des immeubles qui font l’angle du Bd. Balthazar Blanc, là où nous nous trouvons.  « Sonacotra, c’est sont des foyers pour des travailleurs. Dans les années 60′, il y a un grand problème de logement en France, pour les travailleurs immigres qui arrivent pour travailler dans les usines, plus les rapatriés.« 

Adoma (anciennement Sonacotra) est une société d’économie mixte, filiale du groupe CDC Habitat (Caisse des dépôts et consignations) qui a été créée en 1956 par l’État français pour accueillir les travailleurs migrants. source: wikipedia

De là nous partons vers Campagne Lévêque, accompagnés par Jeanne, habitante de la cité depuis des nombreux années, membre de l’amicale des locataires, et soeur de Saint-Vincent de Paul.

Jeanne nous a fait visiter son appartement T3, on a discuté longuement chez elle.

« La cite a eu des énormes difficultés depuis 5 ou 6 ans, d’abord peut-être de gestion. Les bâtiments vieillissent et les travaux engagés n’ont pas été faits comme il faut. Il y a eu d’ énormes problèmes de dégradation des appartements. Puis les réseaux de drogues qui sont toujours là. Désormais, depuis la décision de faire place nette dans les cités, ils se font discrets, parce qu’à tout moment il y a des descentes de CRS. 

Quand les gens sont rentrés ici, c’était le paradis, vue sur la mer, un certain confort, etc. En 2000 il y a eu l’opération confort 2000. Au début, les ouvriers qui venaient travailler étaient surpris, ils disaient on ne voit jamais ça, c’était vraiment extra-relationnel.

 Autrefois, tout le monde se parlait, il y avait quelque chose de spécial à Campagne Lévêque qu’on ne voyait pas dans d’autres cités. Les gens sortaient, les familles descendaient avec leurs petites chaises pliantes, on ne pouvait pas dormir avant minuit parce que tout le monde était dehors, on chantait, on discutait, la vie était merveilleuse. 

Puis, ça s’est beaucoup effrité, les populations nouvelles sont arrivées, les familles nombreuses sont parties. Les squatters sont arrivés en masse il y a 3 ou 4 ans, les gens partent, ils veulent rénover, l’appartement reste vide un moment, avec la crise du logement, il y a un phénomène d’occupation, du squat, du marchand de sommeil.

Les volets sont toujours tirés parce que les gens ont des écrans de télé très grands, ils les placent contre les fenêtres, mais aussi pour montrer qu’il y a des bruits, qu’il y a quelqu’un, une présence. Il y a une bonne partie des squatters, par peur d’être expulsés ou squattés qui  restent chez eux. Il y a toujours une personne de la famille qui reste. Des travailleurs viennent nettoyer la cité une fois par semaine, ils viennent balayer, enlever les déchets.

Avec l’amicale des locataires, nous avons décidé de faire du beau et on a envahi plein de petits endroits. On essaye de les garder propres, de planter des fleurs ou des herbes aromatiques. « 

Nous sommes partis visiter la cité, Jeanne nous raconte les travaux prévus, « ils veulent désenclaver la cité, ils vont couper la grande barre en deux, puis démolir les deux grandes entrées pour créer un grand espace. Elle sera obligée de partir, son immeuble fait partie de ceux qui vont être détruits. 

Nous avons marché, plutôt « promené », à travers la cité. Jeanne nous a raconté une multitude d’anecdotes. Chemin faisant, nous descendons progressivement vers le jardin qui se trouve à proximité de l’autre entrée de la cité.

Le jardin des papillons

Jeanne nous en a raconté la genèse, son état actuel et ses envies pour la suite. 

Nous sommes assis sur de solides bancs de bois, quelques plantes grasses apparaissent sous les herbes hautes que le printemps a fait pousser, on aperçoit bien la structure en restanques. C’était difficile de prendre des notes au fil de l’eau, tant Jeanne est enthousiaste et impliquée. Alors nous avons eu une interview enregistrée plus tard et que je vous décrypte maintenant.

Ça a démarré par des ateliers de l’Amicale de Campagne Lévêque, avec des enfants mais aussi des adultes à qui nous avons demandé ce qu’ils voulaient. « nous, on veut des fleurs et des couleurs ». Nous fabriquions des livrets où les enfants racontaient ce qu’ils aimaient dans leur cité. « Campagne Lévêque comme je l’aime ». Ces livrets ont aussi donné lieu à une exposition.

2004, de mémoire. Les fleurs et les couleurs, il faut les planter. Nous avons choisi ce morceau de terrain parce qu’il était à proximité du centre social. Il ne servait jusques là qu’à faire pisser les chiens. Il nous a fallu quand même y amener de la bonne terre. C’est une entreprise qui s’en est chargée et elle nous a amené beaucoup de cailloux (l’horreur) mais aussi de la bonne terre et de grosses pierres. C’est ainsi que spontanément nous sommes partis du haut du terrain qui est assez pentu et que nous avons créé des sortes de restanques avec les gros cailloux, et un petit chemin qui descend au milieu « la coulée fleurie ».

Au début nous nous sommes fait aider par une association de la Ciotat « les jardins de l’espérance »

Tout en racontant les différentes étapes historiques du jardin, Jeanne insiste sur le fait que l’important ce n’est pas de faire, l’important c’est ce que le faire déclenche comme paroles, rêves, confidences. Le rêve de cette coulée fleurie qui serait d’abord une source puis un ruisseau, une cascade et tout en bas une vasque entièrement plantée de fleurs à pollen et qui est devenu le jardin des papillons.

Puis petit à petit sont arrivés des légumes, consommables sur place : radis, fèves, fraises.

Chacun devait essayer de sensibiliser les voisins afin de préserver ce lieu, à l’aide d’affichettes et de flyers donnés de la main à la main.

Cette aventure a duré des années. Jeanne est très discrète sur les raisons de l’arrêt des activités, mais il semble clair que cela n’est pas venu des habitants.

Pour sa part, elle ne désespère de rien. Elle continue de s’activer, fait un lien permanent avec les fleurs et les couleurs, slogan qu’elle reprend dans chacune de ses activités.

Elle s’investit dans ce qui est devenu un collectif environnement : tisser des fleurs et des couleurs capables de tout transformer. Protégeons nos enfants du manque d’émerveillement. Si je fais du beau, je chasse le laid. Le beau fait du bon. Sensibiliser sans culpabiliser. Si on s’y met tous, on peut réussir!

Récit fait par Agnès, Tania et Sam. Un grand merci à Claire, Antoine, et Jeanne pour leur paroles et leur hospitalité