LE CDI : Centre de Documentation des Interrogations, des Interprétations, des Imaginations, des Irritations…

S’il convient d’être grave, c’est d’une forme de gravité qui nous fait avoir les pieds sur terre. Et les pieds sur terre c’est le début de la joie. De l’atterrissage et du refus d’un monde abstrait. Nos modes d’explorations habituellement marchées et qui activent la conversation, le corps, la modification de la relation à ce qui nous environne et nos capacités à prendre soin semblent être des outils toujours aussi importants. Comment les activer en période de confinement ? Sans indocilité puérile, ni soumission en dépit du bon sens, comment les cultiver pour pouvoir se préparer dès à présent à l’aujourd’hui comme à l’après ?

Apprendre à respirer sous l’eau, plutôt que d’attendre que la vague passe. Mais aussi, plus simplement pour se faire du bien et se relier, malgré tout.

Le CDI c’est quoi ?

Né des pratiques d’exploration du Bureau des guides du GR2013 et des habitants marcheurs de la coopérative Hôtel du Nord, le CDI est un lieu d’échange et de réflexions collectives, de textes, podcasts, musiques, films qui résonnent particulièrement avec la situation, ou qui permettent de prendre une tangente.

Il prendra pour l’instant la forme d’une newsletter contributive pour partager des initiatives, des pensées, des textes mais aussi des jeux et des protocoles pour mettre à l’épreuve notre manière d’habiter le monde et en ramener des récits, des dessins, des photos, n’importe quoi. Le CDI est une tentative de poursuivre les aventures commencées tout en réinventant le voisinage dans un monde confiné.

Le CDI c’est qui ?

Des habitants, des artistes, des citoyens qui aiment marcher et explorer pour mieux habiter et se relier, et toutes celles et ceux qui le veulent ou le voudront.

Toutes propositions de contribution (textes, dessins, vidéos…) sont bienvenues : CDI@gr2013.fr

Pour recevoir les Lettres du CDI, inscrivez-vous ici

Pour lire l’ensemble des lettres en ligne, ici

Droits et précarité artistique

Apparemment pour Pole emploi, être artiste ce n’est pas être « créateur » d’activité. Pourtant, de nombreux artistes contribuent à l’activité de notre coopérative, ils sont même essentiels, comme les Éditions commune qui ont édité les neuf récits d’hospitalité d’Hôtel du Nord que nous continuons à partager, à commercialiser et à utiliser pour la création de nouvelles activités comme des balades patrimoniales.

Pôle emploi réclame 10.000 euros à Martine Derain, créatrice des Éditions commune, pour les allocations qu’elle a perçues sur les trois dernières années lorsque au chômage, elle développait de nouvelles activités. Un créateur ou repreneur d’entreprise peut opter pour le maintien de ses allocations d’aide au retour à l’emploi (ARE) jusqu’au terme de ses droits. Un artiste non. Si l’État parle bien de « création d’activité », les mesures d’accompagnement concernent la création « d’entreprise », terminologie qui ne fait pas l’objet d’une réelle définition légale et qui, in fine, pour Pole emploi, se borne aux « entreprises lucratives ».

Pôle emploi considère donc un artiste comme « bénévole » lorsqu’il crée son activité et les autres créateurs d’activités, non artistiques, comme « entrepreneur », leur accordant alors le maintien de leurs allocations.

Comme de nombreux artistes, faute d’un statut reconnu comme le décrit bien Christine Breton dans le texte qui suit, Martine alterne depuis 30 ans, droits d’auteur, vacations en écoles d’art ou d’architecture, autrefois et parfois emplois aidés sur des métiers où elle eu besoin d’être formée, enfin salariée du régime général CDD sur des missions de direction artistique à l’intérieur d’associations d’artistes – et chômage quand ces missions de direction sont achevées. Entre ces périodes salariées, c’est-à-dire quand elle est au chômage, elle conçoit et propose des projets à un réseau d’associations qui l’emploient régulièrement, projets dont elle est parfois la responsable artistique auprès des tutelles. Elle a également accepté un mandat de trésorière après d’un gros projet pour Marseille-Provence 2013 dans l’une de ces associations et ce pour transmettre aux plus jeunes ses compétences administratives.

Pôle emploi qualifie de « bénévole » cet investissement et non de « création d’activité » pour ensuite s’appuyer sur un arrêt récent (mai 2017) de la cour de cassation concernant l’article L5425-8 du Code du Travail qui dit que si tout demandeur d’emploi peut exercer une activité bénévole, cette activité ne peut s’accomplir chez un précédent employeur, ni se substituer à un emploi salarié, et doit rester compatible avec l’obligation de recherche d’emploi.

Les artistes ne sont pas reconnus comme des « créateurs d’activités » mais comme des « bénévoles », terminologie tout autant flou juridiquement que celle « d’entrepreneur ».

Christine Breton, sociétaire elle aussi d’Hôtel du Nord, revient dans le texte joint sur ce « cas mal posé » alors que « le statut des artistes n’est toujours pas clarifié ».

Ou bien si, si l’on considère qu’ils ne créent pas d’activité. Comme coopérative, nous ne pouvons que témoigner du contraire et nous inquiéter de cette situation qui met en péril notre propre activité et fragilise nombre de nos sociétaires, déjà fortement précarisés ces dernières années. Nous publions le texte de Christine Breton pour contribuer à ce débat et accompagner Martine Derain dans la bataille juridique qui s’annonce.

 

Le cas de l’artiste-éditrice Martine Derain

Contentieux Pôle emploi. Témoignage de Christine Breton, Conservateur honoraire du patrimoine.

Je tiens à témoigner dans le cas cité afin de souligner les enjeux collectifs qu’il fait apparaitre pour la création artistique et pour la politique culturelle publique.

Pour ce faire je compte m’appuyer sur mon expérience professionnelle de fonctionnaire que je résume aux trois terrains qui concernent le différend :

  • de 1973 à 1986, Conservateur au Musée des Beaux-Arts de Grenoble puis de deux Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC), je suis chargée des acquisitions et de la valorisation de collections publiques françaises, spécialisée en art contemporain, docteur en histoire ;
  • de 1987 à 1995, Conservateur chargée de mission à la Ville de Marseille, j’ai la responsabilité de la politique culturelle dans l’équipe de Dominique Wallon, soit création, musée, recherche, école d’art et marché de l’art, j’enseigne aussi à l’université ;
  • enfin, de 1995 à 2010, date de ma retraite, Conservateur sur un programme Ville-Etat-Conseil de l’Europe, je mène la première mission expérimentale européenne de Patrimoine intégré, dans le contexte des quartiers nord de Marseille.

1 – Enjeux pour la politique culturelle publique.

Avant tout, il me semble que le cas cité est mal posé. Le différend qu’il décrit relève d’une évolution des services publics de l’emploi, de l’économie et de la culture. Son règlement doit être interne, entre les administrations concernées. Les artistes que ces services ont la charge d’accompagner ne peuvent servir de prétexte. Que Pôle Emploi oblige Martine Derain à aller devant le Tribunal de Grande Instance ne peut être concevable au regard de l’histoire des politiques publiques que je me propose de re-contextuer.

J’ai rencontré Martine Derain, artiste autodidacte arrivée à Marseille en 1986, dans le cadre des projets de l’association Casa factori qu’elle avait co-fondée. En 1988 D. Wallon avait décidé de mettre en mouvement le cycle de l’art et j’accompagnais tous les acteurs qui allaient enclencher la fameuse « Movida » marseillaise. Divisé en 4 parties égales et dépendantes les unes des autres, la mise en mouvement du cycle de l’art s’est faite avec peu de moyens publics tant sa potentialité est riche :

* Le quart des musées remplit la fonction de référence. C’est le corps de symboles qui nous fait citoyens de la République française. C’est une institution décentralisée, municipale, créée par la Terreur et organisée par Jules Ferry.

* Le quart de la seconde institution publique, municipale, l’école d’art, remplit la fonction de transmission. L’artiste du passé transmet ses savoirs-faire à l’artiste du futur. Cela se passe dans la connaissance et dans l’exemplarité des artistes.

* Le quart des artistes remplit la fonction de production. Autodidactes ou sortis de l’école d’art ils ont perdus leur statut Etudiant. Aucun statut ne les attend de l’autre côté de ce passage. Ils ne bénéficient pas de celui d’intermittents du spectacle. Il leur reste à monnayer leurs diplômes dans l’enseignement. Ils peuvent s’organiser en réseaux, en ateliers ou galeries d’artistes avec le statut d’associations loi 1901. Ils peuvent se déclarer auto-entrepreneurs pour poursuivre leur recherche et leur production artistique. Ils peuvent adhérer à la Maison des artistes ou à l’AGESSA.

* Le dernier quart est celui du marché de l’art qui remplit la fonction de diffusion : achats, ventes,

échanges de la production artistique. Il est régi par la loi du marché. L’art contemporain est devenu valeur refuge dans la financiarisation actuelle.

Mettre en mouvement les 4 fonctions imposait, en priorité à Marseille, d’accompagner le quart le plus fragile dont tout le reste dépend : les artistes, les producteurs. Ma mission devait être inventive et diversifiée :

–       avec les services sociaux, permettre au cas par cas la sortie du sous-prolétariat et de la misère ;

–       avec les services de Pôle Emploi faire reconnaître leur spécificité et chercher une solution statutaire ;

–       avec les services municipaux restaurer les lois qui favorisent la commande publique aux artistes comme le 1% ;

–       avec les services de l’économie relancer le marché de l’art via le soutien aux galeries associatives, les achats au fonds communal restauré et les participations aux foires internationales d’art;

–       avec les artistes inventer des co-éditions de catalogues ou livres spécialisés pour les faire connaître, des co-commandes, des co-installations de l’outil de travail qu’est l’atelier d’artistes ;

–       avec les services culturels soutenir les actions en réseau des artistes ;

–       avec les logeurs publics négocier pour intégrer des ateliers-logements dans leurs programmes, etc…

Je dois avouer une limite à l’issue de ma mission en 1995 : le statut des artistes n’était toujours pas clarifié. Faiblesse qui allait produire un effet pervers lors du changement de municipalité. Le clientélisme a remis à l’honneur les subventions au lieu des accompagnements théoriques et

économiques. Les subventions se sont raréfiées créant encore plus de misère et la nécessité pour les artistes de jongler encore plus vite entre les statuts acquis.

Le cas Martine Derain montre bien comment dans le cadre légal une même personne doit passer d’artiste à directrice artistique à chômeuse à mandataire associative pour rester en vie et dans le mouvement de sa propre création. La multiplication des collaborations entre associations comme la multiplication des échelles territoriales sont le signe d’une profonde transformation de la recherche artistique. Plus holistique, elle doit trouver les moyens de transcender les classifications et les métiers devenus obsolètes.

2 – Enjeux pour la création artistique

On pourra objecter que mon témoignage n’est pas recevable car je suis juge et partie ayant été moi même publiée dans la maison d’édition animée par Martine Derain : « les éditions commune ». Je vais effectivement m’appuyer sur cette expérience à la frontière entre mon travail de chercheuse et celui de conservateur pour témoigner dans son cas des enjeux collectifs en matière de création artistique.

En 2010, lors de ma retraite, j’ai pu entreprendre le grand chantier des « Récits d’hospitalité ». En neuf livres et trois ans de recherches, j’ai tenté l’écriture de l’histoire des quartiers dont j’avais partagé durant

15 ans l’aventure patrimoniale. Il s’agissait d’une double expérimentation de la pratique du patrimoine intégré et de l’écriture de l’histoire dans son contexte. Il n’était donc pas question pour moi de choisir une maison d’édition issue de mon milieu patrimonial par trop spécialisé. A l’inverse je ne pouvais choisir une maison d’édition grand public car trop tentée par le « scoop » du quartier mis au ban. J’ai cherché une maison d’édition capable de création formelle et stratégique. C’est ainsi que j’ai sollicité les « éditions commune ». Un long partenariat intellectuel a alors commencé. Dès 2013 les 9 ouvrages ont été édités puis vendus dans les librairies spécialisées et dans les lieux improbables des quartiers concernés. Certains d’entre eux sont d’ores et déjà épuisés.

Voilà ce qu’a su créer l’artiste-éditrice, un nouvel espace de diffusion des idées et des créations artistiques. Situation unique ! Je n’aurais jamais pu trouver un autre espace pour restituer mes recherches. J’ai alors compris la cohérence du processus de Martine Derain commencé avec le journal mural collectif créé via l’association « Casa Factori ». Voilà la meilleure école pragmatique pour aborder le rapport aux publics. Et c’est cette école que Pôle Emploi réfute. Pourtant en tant que Service public, nous devrions être tous fiers d’avoir participé au développement de cette aventure de 30 ans.

30 ans : le temps de formation d’un être humain. 30 ans de dépenses publiques tel un investissement que l’on dénie au moment d’en cueillir les fruits. Comme si nous, les responsables de politiques culturelles, nous nous étions trompés dans notre diagnostique collectif!

La lecture inversée des textes tronqués de la loi de 1901 et de celle de 1998 par Pôle Emploi vide leur contenu et donc le sens. Inversement l’article 103 de la loi N.O.T.Re de 2015 concernant les droits culturels des citoyens et la loi relative à la liberté de la création, à l’Architecture et au Patrimoine du 7 juillet 2015, comme les textes européens dont la Convention de Faro, donnent raison à Martine Derain créatrice et citoyenne.

En espérant que mon témoignage contribuera à la solution de ce différend.

Christine Breton, Conservateur honoraire du Patrimoine.

Intégrons l’hospitalité en habitat social à la Loi « Égalité et Citoyenneté »!

HdN D. poulain © Affiche Bel vedere au ravin de la Viste

Le projet de loi « Égalité et Citoyenneté » devrait être examiné cette semaine par le Conseil d’État, pour une présentation en conseil des ministres en mars puis au Parlement avant cet été. Le texte comporte un important volet logement dont l’habitat social notamment dans le but « d’empêcher l’entre-soi« .

Ce projet de Loi pourrait pleinement intégrer notre proposition de pouvoir expérimenter l’hospitalité en habitat social avec l’ensemble des personnes concernées.

L’expérimentation législative locale est l’autorisation donnée par une loi à une collectivité territoriale d’appliquer une politique publique ne faisant pas partie de ses attributions légales, pour une période donnée. L’expérimentation législative a comme but d’étudier les effets d’une réforme ou d’une loi sur un échantillon de personnes et dans un temps limité.

La coopérative d’habitants Hôtel du Nord et d’autres comme l’association Accueil Banlieues en Seine Saint Denis proposent avec succès l’hospitalité en chambres d’hôtes et balades urbaines dans des quartiers où l’habitat social est très présent.

Cela contribue à générer des revenues complémentaires localement, à changer l’image de ces quartiers et à une citoyenneté active.

A ce jour, la Loi interdit la sous location en habitat social à quelques exceptions prêt et donc l’exercice de la chambre d’hôte. Les expérimentations faites dans ce cadre restreint semblent peu concluantes (logement intergénérationnel, etc).

Une partie importante des habitants, et des membres d’Hôtel du Nord en particulier, ne peuvent de fait proposer leur hospitalité, même occasionnellement, au risque d’être expulsés et d’avoir une forte amende. Au regard de la Convention de Faro, et depuis août 2015 de la loi NOTRe qui garantie les droits culturels, ils n’ont pas le même droit d’accueillir et de partager leurs histoires et leur environnement patrimonial.

Il existe pourtant une demande locale pour loger des parents, des personnes en stage dans les entreprises à proximité (notamment en ZFU), des intervenants du milieu associatif ou de la part des bailleurs sociaux (résidence artistique, personnel) dans des quartiers souvent dépourvus d’offre d’hébergement. D’ailleurs, des bailleurs sociaux la tolèrent aux moment de grands événements et une offre émerge sur les plateformes collaboratives.

Comme il existe des récits, des patrimoines culturels et des hôtes. L’hospitalité ne se limitant pas à l’hébergement, nous la proposons à travers nos balades patrimoniales dont les « balades des cités », dans le Mille-Pattes, fabrique d’histoires de la coopérative, dans nos ouvrages comme les Récits d’hospitalité et dans nos co productions artistiques.

L’activité de chambre d’hôte est particulièrement simple administrativement (déclaration en mairie et assureur), intéressante économiquement si elle reste modeste (non fiscalisée et sans charges sociales), riche humainement car la rencontre y est obligatoire (petit déjeuner chez l’habitant) et favorable aux activités environnantes (restauration, activités culturelles, etc).

Son autorisation en habitat social soulève aussi des questions de sous occupation, de distorsion de concurrence, assurentielles, de responsabilité du bailleur social, etc

Afin d’identifier ces freins et avantages, nous avons eu durant l’année 2012 de nombreuses rencontres avec des bailleurs sociaux, des parlementaires, des habitants, des communautés patrimoniales, des amicales de locataires et des personnes impliquées dans les quartiers d’habitat social (Régies de quartier, représentant du Préfet, etc).

Nous avons aussi réalisé des opérations pilotes à l’occasion de Marseille capitale européenne de la culture en 2013 et étudié des processus comme l’Albergo diffuso en Italie qui pourrait servir d’exemple à une approche de l’hospitalité non pas centré sur le seul hôte mais sur l’ensemble de la cité d’habitat social.

Nous avons ainsi constituer un « dossier exhaustif » sur ce qui pourrait faire l’objet d’une expérimentation législative. La balle est depuis du côté de l’État et de nos parlementaires que nous interpellons régulièrement à ce sujet à Marseille et en Seine-Saint Denis. Espérons cette fois avec succès.

HdN D. poulain © Affiche Bel vedere au ravin de la Viste
HdN D. poulain © Affiche Bel vedere au ravin de la Viste

 

Propositions pour une politique publique patrimoniale en faveur du droit au patrimoine

Le 8 août 2015, l’Assemblée Nationale a adopté la loi NOTRe portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République qui veut dans son article 103 que sur chaque territoire, les droits culturels des citoyens soient garantis par l’exercice conjoint de la compétence en matière de culture par l’État et les collectivités territoriales.

La « garantie » que les droits culturels des personnes seront partout, à tout moment, respectés, est maintenant une responsabilité publique des services comme des élus. Ils pourront se référer, a minima, à l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948  (DUDH), article même dont découle « le droit au patrimoine culturel » de la Convention de Faro.

Jusque là notre coopérative a coopéré avec les maires qui ont volontairement adhéré aux principes de la Convention de Faro (5 maires depuis 2009), s’engageant par là à assumer leurs responsabilités « dans le respect du droit au patrimoine culturel ». L’Etat français n’a toujours pas signé la Convention de Faro et un examen approfondi en vu de sa signature est actuellement en cours (question parlementaire 77255, juin 2015).

Aujourd’hui, l’article 103 de la loi NOTRe pose une obligation qui vaut pour toutes les actions et tous les acteurs de la politique culturelle.

Comme l’adoption d’une Loi ne vaut pas traduction immédiate en politique publique, voici à partir de l’expérience marseillaise et celles rencontrées ailleurs, des propositions de ce que pourrait être une politique publique patrimoniale en faveur du droit au patrimoine culturel et qui pourraient être discutées, amendées, reprises et expérimentées par une Collectivité.

Ces propositions portent en particulier sur la prise en compte du « droit au patrimoine culturel » tel que défini par la Convention de Faro au regard des droits de l’Homme, les droits culturels étant bien plus larges : l’article 103 de la Loi NOTRe fait référence aux droits culturels énoncés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005.

Alors, comment passer de la logique de la politique de « l’offre culturelle » et « des publics » à celle d’une écoute de la demande sociale ? Comment encourager chacun à participer dans le cadre de l’action publique au processus d’identification, d’étude, d’interprétation, de protection, de conservation et de présentation du patrimoine culturel ? Comment passer de la désignation des « publics bénéficiaires » à l’initiative citoyenne? De quel cadre public pourrait se doter une « fabrique patrimoniale citoyenne » ? Quelle répartition des compétences, des responsabilités et des actions en matière de patrimoine culturel entre l’État, les collectivités territoriales et les citoyens ? Quelles coopérations possibles ? Comment l’institution publique, garante de l’intérêt général, peut-elle être aussi garante des droits culturels ?

La première proposition serait de créer un service public patrimonial dont la fonction serait d’accompagner les citoyens, seuls ou en groupe, dans leur travaux d’identification, de recherche, d’exposition et de conservation des patrimoines culturels auxquels ils attachent de la valeur et qu’ils souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures. Les citoyens ne seraient plus seulement les « bénéficiaires » du patrimoine culturel  (politique des publics, de l’offre culturel) mais ceux qui font le patrimoine (approche intégrée).

La longue expérience de la mission européenne de patrimoine intégré a permis à une conservatrice du patrimoine d’expérimenter cette nouvelle fonction publique patrimoniale de 1995 à 2013. La mission qui n’a malheureusement pas été maintenue suite à son départ en retraite est à l’origine d’initiatives de la société civile qui poursuivent une partie de ses fonctions comme le « Centre de ressources » Ancrages dédié à l’histoire et aux mémoires des migrations ou le Mille-pattes d’Hôtel du Nord qui est une « fabrique d’histoires ».

La seconde proposition concerne les données patrimoniales. Bien que l’institution publique soit active sur l’inventaire des patrimoines culturels, leur numérisation et accessibilité via notamment de nouveaux services culturels numériques, les nombreuses données collectées par les communautés patrimoniales entrent, elles, rarement dans le domaine public faute souvent même d’essayer, voir d’opter pour des supports de publication indépendants du contrôle institutionnel comme Wikipédia. Comment ces processus, publics et civils, pourraient ils contribuer à co définir les conditions et protocoles de coopération des communautés patrimoniales aux processus d’inventaire et de mise en circulation des données patrimoniales  (commenter, collecter, compléter, re créer, partager, interpréter, médiatiser, valoriser)?.

Le dernier avis européen « La dimension locale et régionale de l’économie du partage » promeut la consolidation d’«écosystèmes institutionnels collaboratifs» avec les initiatives citoyennes qui respectent les principes de transparence, d’ouverture et de responsabilité.

La troisième est celle d’expérimenter une réglementation publique des « biens communs culturels » qui pourrait s’inspirer de l’expérience italienne portée par le laboratoire pour la gouvernance des biens commun LabGov. Il expérimente et diffuse un modèle de « règlement des communs urbains » adopté en seulement deux ans par une soixantaine de villes italiennes et en court d’adoption par 80 nouvelles dont Rome. Il permet à une collectivité de passer un « pacte de collaboration » avec des citoyens pour qu’ils puissent prendre soin (protection, conservation, entretien) de biens communs matériels ou immatériels, publics ou privés à usage public, et collaborer à leur gestion, rénovation, transformation ou innovation. Ces biens communs urbains peuvent être des espaces publics comme des places ou des jardins, des bâtiments ou encore des services comme des pratiques sportives, culturelles, sociales, etc

La Cascade des Aygalades, la Grotte des Carmes, l’Oppidum de Verduron, atour desquels les communautés patrimoniales et les élus locaux se mobilisent de longue date,  pourraient bénéficier à titre expérimental d’une telle expérimentation.

La quatrième porte sur la mise en place d’un processus de concertation publique patrimonial. Les maires signataires de Faro ont posé comme premier acte la mise en place d’une « commission patrimoine » réunissant les communautés patrimoniales actives pour ensemble se concerter sur les enjeux liés aux patrimoines culturels. Cette expérience, qui fait l’objet aujourd’hui d’une « application libre de Faro » diffusée par le Conseil de l’Europe, pourrait être davantage formalisée en s’appuyant notamment sur l’expérience française des Conseils de développement.

Les communautés patrimoniales se verraient ainsi reconnues dans leur fonction d’interpellation et de préparation des décisions publiques touchant aux patrimoines culturels (urbanisme, politique culturelle, action sociale, développement économique, etc). Elles pourraient ainsi, dans le cadre de l’action publique, participer à organiser la concertation locale, à la réalisation du diagnostic comme de l’évaluation et être force de proposition et d’alerte. Leur rôle serait tout aussi important dans la gestion des conflits patrimoniaux (usages, interprétations, mise en valeur, etc) en facilitant l’expression des communautés patrimoniales, des acteurs économiques et associatifs, des élus et des administrations.

La dernière porte sur la mise en place d’un observatoire sur la prise en compte des droits culturels. Il serait utile, non pas dans une fonction d’évaluation, mais « d’alerte » concernant les expérimentations mises en œuvre notamment concernant l’accès au droit de tous les citoyens, sur l’existence effective d’un environnement économique et social propice à leur participation, au respect de la diversité des interprétations comme de l’intégrité du patrimoine, bref de maintenir une attention constante à toutes les recommandations issues de la Convention de Faro, fruits de trente année de réflexion européenne.

Ces propositions faite in primis aux sociétaires de la coopérative comme aux collectivités locales et plus généralement à ceux qui s’intéressent à ces enjeux conditionnent la réalisation de notre objet social.

Prosper Wanner, sociétaire d’Hôtel du Nord

De notre intérêt à se lancer, ou pas, dans la création d’une plateforme d’hospitalité coopérative à grande échelle..

 

Le 19 janvier 2016, Hôtel du Nord fêtera ses 5 années d’existence en qualité de « coopérative d’habitants ».

Notre processus coopératif est né bien avant, avec la mission européenne de patrimoine intégré entre 1995 et 2013, la commission patrimoine 15/16 active dès 2009 et un premier prototype pilote de séjour lancé en 2010 avant d’adopter le statut de coopérative.
Cinq ans après, notre coopérative compte plus de 60 hôtes sociétaires  et a contribué à l’accueil d’environs 10.000 passagers venus découvrir Marseille par son nord. Un bilan détaillé sera publié comme chaque année suite à notre assemblée générale d’avril 2015.

Au niveau économique, Hôtel du Nord doit faire face comme tant d’autres à la nouvelle concurrence redoutable des plateformes de l’économie collaborative, dans notre cas AirBnB pour ne nommer que la plus visible avec déjà un millier de lits disponibles dans les quartiers Nord de Marseille (7ème et 8ème secteurs). Hôtel du Nord s’est lancée avec d’autres depuis une année dans un processus de  création d’une plateforme coopérative d’hospitalité à l’échelle internationale dénommée pour le moment « H2H » : d’humain à humains, d’histoire à histoires, d’hôte à hôtes.

Pourquoi se lancer dans la création d’une nouvelle plateforme coopérative à l’échelle internationale ? Qu’aurait elle de si innovant qui vaudrait le coup de tenter l’aventure ? N’est ce pas une fuite en avant doublée d’une fascination pour l’outil internet ? Le débat est ouvert au sein de notre coopérative et avec nos partenaires.

Le positionnement de ces plateformes est toujours le même : un échange direct de personne à personne C2C, l’accès à une offre  à bas tarif (argument central), un système de réputation des hôtes (notation, avis, certification, etc) sans oublier un discours marketing centré sur la promesse d’une rencontre d’un « habitant ».

Un tour des nombreuses plateformes internet « alternatives » à AirBnB permet de comprendre qu’elles cherchent essentiellement à se différencier en se spécialisant sur une typologie d’usagers : professionnels, gay, familles avec enfants, riches, etc, et dans une moindre mesure sur un élargissement timide des services annexes proposés : bonnes adresses à proximité, offres de formation ou visites avec son hôte, etc

In fine, la plus value principale est celle de gagner de l’agent facilement pour l’hôte qui accueille (« changez de vie, gagner de l’argent en accueillant ») et du tarif le moins cher pour le voyageur (« deux fois moins cher qu’un hôtel »). Les services d’hébergement proposés via les plateformes C2C semblent les plus concurrentiels, comme sur les plateformes C2C positionnées sur le transport, les visites, la restauration à domicile, etc.

Ce tarif concurrentiel est obtenu par une mise en concurrence optimisée entre hôtes grâce à une individualisation des hôtes qui accentue la libre concurrence ; une réduction a minima de leurs contributions de solidarité et de leurs droits : réduction à minima des droits communs (code du travail, etc), des contributions sociales (fiscalité, charges sociales, etc), des organisations collectives (syndicats, etc) avec in fine une majorité d’hôtes sans statut ou en auto entrepreneur. Ensuite un élargissement exponentiel de l’offre grâce à la possibilité offerte à tous d’exercer sans être professionnel : il suffirait d’avoir un canapé pour héberger, une cuisine pour cuisiner, une voiture pour transporter, etc (la fin des métiers). In fine une mise en concurrence optimisée grâce au web avec une comparaison instantanée et efficace des tarifs, de la localisation, de la réputation et de la prestation.

Seules les plateformes elles-mêmes s’excluent de cette mise en concurrence via l’acquisition d’une position de quasi monopole pour imposer de fortes marges (et susciter l’intérêt des fonds de pension), pouvoir exclure leurs membres indésirables (critique de la plateforme, mauvaise réputation), créer un rapport de force favorable avec les pouvoirs publics, optimiser leur fiscalité et faire évoluer les réglementations en leur faveur (lobbying).

Cette logique rencontre ses propres limites avec aujourd’hui par exemple 20% des hébergements parisiens d’AirBnB qui sont l’offre de professionnels allant jusqu’à proposer une centaine d’appartements, voir des hôteliers comme en Suisse. Ces informations, non fournies  par  AirBnB, voir contredites, sont le fruit d’activistes de plus en plus nombreux à mettre en place des systèmes de vigilance et d’information vis à vis de ces plateformes.

A Barcelone, où la nouvelle maire a fait campagne contre le tourisme de masse dans sa ville, la ville vient de lancer en décembre des procédures disciplinaires contre les deux plates-formes AirBnB et HomeAway  pour avoir proposé des « appartements touristiques non inscrits  » et « ne pas avoir répondu aux demandes de l’administration ». AirBnB a déjà annoncé son intention de faire appel.

Pour autant, AirBnB arrive à imposer ses choix en dépensant par exemple 8 millions de dollars l’année passée dans la seule ville de San Francisco pour faire échouer, avec succès, un référendum qui proposait aux habitants d’encadrer beaucoup plus strictement son activité face à l’augmentation des loyers et des expulsions qu’elle engendrait. Son ambition est de devenir le premier acteur mondial du tourisme dès 2017 et elle s’en donne les moyens.

Aux Etats Unies où ces plateformes sont plus actives et implantées, le débat devient très vif. Les start up de la Silicon Valley sont appelées les « plateforme étoile de la mort » tant elles sont redoutables à tous les niveaux allant jusqu’à déclarer l’Etat hors jeu (seul les usagers comptent) et qu’aucun secteur économique ne sera épargné! « L’Alliance » face à la « sharing economy » s’organise avec fin 2015 un millier de personnes qui se sont réunies à New York pour lancer les bases d’une alternative crédible via les « cooperatives plateformes« .

Au niveau européen, le Comité Européen des Régions a remis à la Commission européenne et soumet à chaque Etat membre un rapport daté du 5 décembre 2015 sur « La dimension locale et régionale de l’économie du partage ». Ce rapport riche par son analyse du contexte, ses constats et ses propositions encourage notamment la Commission européenne et les États membres à mettre en place des mesures incitatives en faveur de l’économie collaborative afin de soutenir et d’appliquer les principes de l’économie sociale (en particulier s’agissant des principes de solidarité, de démocratie et de participation, ainsi que de la coopération avec la communauté locale). L’Europe semble vouloir ne pas se laisser à nouveau prendre de vitesse par les géants du Web.

Suite à ces constats et dans ce contexte, est il possible de développer une alternative coopérative crédible ? En quoi notre proposition H2H serait elle  différente et plus pertinente que les plateformes existantes ? Cela vaut il la peine d’investir du temps et de l’argent dans une telle aventure ? Faut il seulement mieux encadrer ces géants et faire avec ? Est il possible d’exister économiquement face à la logique économique du bas prix imposé par ces plateformes ? Sommes nous condamnés à une stratégie de niche ?

Face à cette redoutable logique économique et son efficacité avérée,  nous avons décidé de faire de  ce qui serait  a priori nos faiblesses, nos points forts !

Là où elles mettent l’individu seul à seul, nous mettons le commun au pluriel et au centre de notre activité.

Nous sommes une offre d’hospitalités. Ce sont les « communautés patrimoniales » au sens de Faro, qui accueillent. Des communautés qui prennent soin des communs, d’elles mêmes et des autres.

Nous ne proposons pas du C2C – consommateur à consommateur – mais H2H – d’hôte à hôteS, d’humain à humainS, d’histoire à histoireS. Nous confirmons notre attachement aux droits de l’Homme comme à la Démocratie et l’Etat de droit ainsi qu’aux principes coopératifs. La déclaration de l’Alliance coopérative internationale reste notre référence économique et la Convention de Faro sur le droit au patrimoine culturel notre cadre européen.

Qui sont ces communautés au sein d’H2H?

Elles sont plurielles, petites et grandes, auto organisées et auto instituées, productrices d’intérêt général et composée d’hôtes. Ce sont aujourd’hui un réseau d’hôtels en milieu rural qui prennent soin de villages et de leurs communautés, une coopérative d’habitants hôtes qui défend son environnement patrimonial dans une métropole en mutation, un réseau d’auberges de jeunesse, une coopérative d’artisans soucieux du travail bien fait et de transmettre ses savoir-faire, une agence de voyage qui défend les « vacances pour tous » et un réseau national d’entrepreneurs « producteurs d’intérêt général ». Sans parler des autres communautés en Europe, en méditerranée et depuis peu en Amérique qui nous suivent et nous  rejoindront certainement si nous passons le cap national.

Pourquoi un passager utiliserait il cette plateforme? Sera-t-elle confidentielle et réservée aux seuls avertis ?

La plateforme que nous voulons mettre en place vise en premier lieu à offrir la même qualité d’usage que celles actuelles, voir meilleure comme le permet l’internet.

Nous proposons de passer d’un accueil « one to one » avec un hôte qui ne partage avec sa communauté que la même plateforme à un accueil par une « communauté » locale existant bien avant la plateforme et propriétaire de celle-ci.

La question de la « réputation » de l’hôte et ses logiques de « notation » de plus en plus détournées n’a plus lieu d’être. Celui qui accueille est un hôte partie prenante d’une communauté qui reconnaît la qualité de son engagement et de son offre d’hospitalité comme des savoir-faire communs (métiers). Cela n’empêchera pas de maintenir comme sur Hôtel du Nord le recueil et la publication de l’avis des passagers.

L’hôte, seul ou en groupe, a des intérêts en communs à partager avec ses passagers comme leur histoire commune, leurs savoirs et savoir-faire, etc. Dès 2016, Hôtel du Nord va mettre en place sur sa plateforme pilote une expérience de taguage de ces offres d’hospitalité et contenus culturels pour que par exemple une personne partageant notre intérêt pour l’histoire industrielle du nord de Marseille puisse identifier rapidement comment partager cet intérêt à travers la rencontre d’hôtes, de lieux, d’ouvrages, de produits, d’images, d’archives, de créations artistiques.

Certaines communautés d’hôtes portent une attention commune à des passagers particuliers comme des travailleurs en déplacement, des migrants, des étudiants, des familles, etc et leur proposent des offres d’hospitalité spécifiques comme le fait déjà Hôtel du Nord en coopération avec l’Hôpital Nord (hébergement des proches de personnes hospitalisées), les entreprises et les randonneurs du GR2013.

La communauté est aussi l’occasion de bénéficier d’une offre plurielle d’hospitalité et de découverte des patrimoines en terme d’hébergement, de balades, de produits locaux et d’ouvrages comme c’est déjà le cas avec Hôtel du Nord mais qui via les fondateurs d’H2H s’élargit déjà aux savoir-faire (appris avec) et au partage des données culturelles.

Enfin elles mettent en commun ce qui fait leur qualité de vie et leur cadre de vie que ce soit à travers le partage des « bonnes adresses » où va la communauté, des activités culturelles qu’elle  recommande ou des espaces qu’elle fréquente.

En mettant le commun au centre du projet H2H, nous revenons sur ce qui fonde nos démarches respectives tout en se démarquant positivement pour nos passagers des offres classiques C2C. C’est le pari économique que nous voulons prendre en lançant H2H.

La lecture des médias montre aussi que pour certains le statut coopératif de par sa nature démocratique et non lucrative (rémunération modérée du capital) ne serait pas compatible avec le développement d’une plateforme C2C qui nécessite une levée importante de fonds financiers, sauf peut être à confier la tache à des « entrepreneurs sociaux » faisant fi des principes coopératifs.

C’est d’abord faire peu de cas des « géants coopératifs » présents dans tous les secteurs économiques et qui ont été mis en avant lors de l’année internationale des coopératives. C’est aussi oublier la plasticité des principes coopératif qui leurs ont permis sans cesse d’adapter ce statut aux défis sociaux (coopératives de pécheurs, d’activités, etc).

Le paradoxe nous semble davantage du côté des plateformes C2C qui pensent pouvoir dans la durée conjuguer collaboration et individualisme, partage et refus des communs,  hospitalité et surveillance, réciprocité et concurrence (nous sommes à la fois producteur et consommateur).

Après avoir lancé un premier prototype de plateforme à Marseille en 2010 avec hoteldunord.coop, avoir contribué à l’émergence d’un deuxième prototype avec l’application « hidden city » à Pilsen en 2015, nous lançons notre troisième prototype cette année avec la version Poitou Charente d’HôtelduNord.coop et créons dès janvier la structure coopérative qui portera H2H. Notre objectif est de lancer la plateforme coopérative nationale en 2017 et celle internationale en 2018.

La discussion sur cet article est ouverte via les commentaires ;

William Kornblum : Letter from Marseille

William Kornblum, professor of sociology at the City University of New York, published a « Letter of Marseille » in the Dissent magazine in January, 2015 and in Courrier International in september, 2015.

He is currently a resident research fellow at the Mediterranean Institute for Advanced Studies, University Aix-Marseille, France. Christine Breton and Christiane Martinez, members of the residents’ co operative Hôtel du Nord,  accompanied him in his discovery of the north districts of Marseilles.

As “urban renewal” threatens to further marginalize the city’s poor, Marseille activists are demonstrating that genuine cultural, environmental, and social renewal can go hand in hand.

Extract : Her approach (Christine Breton), through the Hotel du Nord cooperative, is quieter but hardly lacking in passion. She and her allies invest much of their effort in educating the public about local issues of environmental justice. They find creative ways, like the walking tours, to reach out to the socially isolated residents of the public housing neighborhoods in an effort to enlist local leadership there. Their challenge is great and they approach their work with impressive dedication and proper humility.

Prosper Wanner : Quelques éléments de bilan d’Hôtel du Nord en 2014

L’assemblée générale ordinaire annuelle des sociétaires de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord créée en 2010 a eu lieu au mois d’avril, l’occasion de partager à nouveau quelques données et les évolutions du processus coopératif.

L’année 2014 était pour Hôtel du Nord une année importante avec la fin de l’année capitale européenne de la culture et l’arrivée à terme des soutiens à l’économie sociale et solidaire (Région, Département, Fondation de France et Macif). L’offre d’hospitalité de la coopérative allait-elle toujours interésser au delà de 2013 ? La coopérative allait-elle trouver un équilibre économique? Les sociétaires souhaitaient-ils poursuivre l’aventure coopérative?

Un an après, la coopérative compte une soixantaine de sociétaires, le nombre de nuitées a augmenté de 30% (1600 en 2014 pour un nombre stable d’une quarantaine de chambres), la vente de balades a doublée (10.000€ sur l’année) et Hôtel du Nord a vendu son premier séjour formation à une équipe de Pilsen 2015, capitale européenne de la culture de la République Tchèque. 

2/3 des passagers sont venus séjourner dans les chambres d’Hôtel du Nord pour des motifs locaux (professionnel, familial, santé) avec une prédominance pour motif professionnel. Cette année Hôtel du Nord renforce son offre d’hospitalité autours de l’Hôpital Nord (5 lieux d’hospitalité ouvert cette semaine), ses liens avec les entreprises (Cap au Nord entreprendre, Arnavant), propose des séjours longue durée (stagiaires, personnes en formation, etc) et une grande partie du site est maintenant accessible en langue anglaise. Le dernier tiers des passagers vient pour ses vacances.

Le Bouche-à-oreille et la marque commune Hôtel du Nord restent les principaux vecteurs de communication de la coopérative. La présence dans les médias est toujours importante (une vingtaine en 2014) comme sur les portails touristiques (Guide du Routard, Office du tourisme, guide GR2013, etc).

Hôtel du Nord a obtenu en 2014 l’agrément « entreprise sociale et solidaire » et le « Grand Prix des Bonnes Nouvelles des Territoires » sur plus d’une centaine de projets proposés au niveau national (voir le détail). La mise en place de l’activité d’agence de voyage suite au feu vert donnée fin 2013 par le Ministère de l’économie sociale et solidaire (voir l’agence) a été possible grâce à l’obtention d’un financement européen (FSE micro projet).

De manière générale, en 2014 les ressources de la coopérative ont diminué de 30% (85.000 euros en 2014), l’année 2013 ayant était boostée par des prestations réalisées pour MP2013 (programme balades, GR2013) et le Conseil de l’Europe (Forum de Marseille).

Pour compenser cette baisse, la coopérative a dût licencier pour motif économique les deux postes salariés et  se réorganiser autours de missions prises en charge par les sociétaires souvent de manière bénévole. Cette réorganisation est aujourd’hui quasiment finalisée avec un gérant élu, un conseil de surveillance composé de sociétaires élus et une douzaine de sociétaires impliqués dans des missions spécifiques. Le Conseil Régional vient de confirmer son soutien en 2015 au développement de la coopérative et la Mairie du 15 et 16me arrondissement de Marseille poursuit son soutien (mise à disposition bureau et salle réunion).

La coopérative continu à renforcer son autonomie économique en augmentant ses fonds propres grâce au capital investit par ses sociétaires et à ses résultats mis en réserve coopérative (16.000 euros de fonds propres fin 2014). Aujourd’hui la coopérative compte 59 sociétaires dont 1/3 de personnes morales (savonneries, associations, résidences artistiques, maison édition, médias).

Les sociétaires ont décidé en 2015 de programmer à nouveau une quarantaines de balades patrimoniales pour découvrir Marseille par son nord et promouvoir la coopérative (voir le programme réalisée entièrement par du bénévolat) et de poursuivre le développement de l’offre de lieux d’hospitalité avec déjà une cinquantaine de chambres en maisonnette, appartement, bastide, bateau ou caravane répartis sur le « cœur » de la métropole, depuis le Vieux Port jusqu’à Ensues la Redonne en passant par Bouc-Bel-Air. Les premiers « séjours balades » proposés par les hôtes de la coopérative arrivent en ligne (voir le détail).

La vente de nuitées, de produits, d’ouvrages et de balades représente des revenus complémentaires pour les hôtes de la coopérative qui reversent 10% à la coopérative sur ces ventes.

Hôtel du Nord reste la première coopérative d’habitants en Europe à appliquer les principes européens énoncés par la Convention de Faro. Cette convention reconnaît que toute personne a le droit de s’impliquer dans le patrimoine culturel de son choix comme un aspect du droit de prendre librement part à la vie culturelle, droit consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies (1948).

Durant ce mois d’avril 2015, la ville de Pilsen a lancé son application Hideen City pour découvrir « la ville cachée » à travers une douzaine de balades patrimoniales fabriquées par les habitants (voir le projet), la deuxième édition de « Arsenal Ouvert » à Venise a réunie plus de 20.000 participants (Faro est le cadre d’action) et à Oran, la méga randonnée vient à nouveau de mobiliser des milliers d’oranais autours de leurs patrimoines.

Le Conseil de l’Europe diffuse en Europe « la coopérative d’habitants » comme une application libre de Faro (voir le PDF) et les habitants de Pilsen y réfléchissent pour l’année 2016. Cette année, une délégation de la ville de Caen est venue en séjour école des hôtes et en juin ce seront les villes de Châtellerault et Poitiers qui seront accueillies.

Une concurrence à Hôtel du Nord a émergé en moins de deux années avec les nouvelles plateformes C2C (consommateur à consommateur) performantes sur l’accueil chez l’habitant comme Air BnB ou proposant les visites avec les habitants. La question s’est posée : pourquoi ne pas basculer totalement l’activité d’Hôtel du Nord sur ces plateformes performantes?

L’année 2014 a été riche de débats à ce sujet avec des journées participatives et des assemblées générales. Une rapide étude de leur fonctionnement  a montré que ces start-up ont une stratégie de conquête de position dominante sur leur secteur en étant fortement capitalisées pour pouvoir couvrir des pertes, en pratiquant l’optimisation fiscale grâce à des sièges sociaux basés en Irlande et dont le discours d’hospitalité relève essentiellement d’une stratégie marketing.

La question de la propriété collective de la marque comme de la plateforme internet, sa gouvernance dans l’intérêt général en lien avec l’institution publique et l’indissociabilité de la démarche patrimoniale avec celle économique et sociale ont renforcé la volonté des sociétaires de poursuivre l’aventure en coopérative en l’élargissant aux autres communautés patrimoniales et Europe et en Méditerranée et en investissant dans des outils aussi performants que ceux existants en C2C.

Fin 2014, un tour de table avec une vingtaine de partenaires publics et privés de 4 régions différentes a aboutie à une collaboration sur le lancement d’une plateforme nationale H2H : humain à humain, hôte à hôte, habitant à habitant – pour remettre la question de l’hospitalité et du travail au coeur du débat.

2014 a été une année dense en questionnements et  repositionnements pour la coopérative et 2015 devrait être le début d’un nouveau cycle de développement et de consolidation.

Prosper Wanner, gérant et sociétaire.

 

Récit d’hospitalité – ALF

Mauvais rêve

Oui, ce paysage là, l’inconnu, l’être-ange, ce paysage là, ce contexte dans lequel je marche en ce moment avec un peu de peur, me laisse une impression de rien. Je devrais faire partie de ce contexte, en être un élément actif, marchant, intégrant et pourtant je ne peux rien nommer. Ce paysage est déshabité par ses dieux et ses déesses, ce paysage me désincarne avec lui. Je deviens en lui cette gravure de vente, de mode, de tourisme, de table rase prospective reconnue. Je ne suis plus et l’image désirante, de maîtrise, prime.
Reste le lieu commun au lieu du paysage là.
Nous pouvons souvent nous surprendre en flagrant délire de :  » Oh que c’est beau ! » et le lendemain croiser la photo glacée de ce lieu, cet objet, cette situation dans un catalogue de voyages, d’armes et cycles ou de films. Terrible déconvenue, frustration refoulée aussitôt.

mais où est passée la divinité de ce paysage là ?

Bonne question pour sortir du mauvais rêve. Mon imaginaire ( comme le votre ) bloqué à niveau zéro, au plan de la tabula rasa moderniste a besoin de cette question pour redémarrer sinon je suis aphone, je ne puis nommer, raconter, partager avec les autres ce paysage là. Le récit commun, le roman national, l’imaginaire partagé  n’est plus désiré ou désirant. Il ne me séduit plus car je n’ai pas su trouver les mots.
Pourtant, diviniser est précisément une trés ancienne opération humaine qui permet de mettre un mot sur une sensation, un paysage, un inconnu, un être ange. Puis ce mot prend forme et devient le nom de cette forme Ou plutôt, face à l’un connu, c’est inventer un mot qui ouvre l’imaginaire à une autre chaine de sens et enrichie le contexte. Bien-sur le religieux a rapté cette opération et l’a dérivé vers un ailleurs, berceau des idéologies, mais ça on le sait et on remercie bien celles et ceux qui nous ont fait sortir de ce tout religieux hérité. Donc, maintenant libre de les récupérer dans les poubelles de l’histoire, je réinvente tous les petits dieux, toutes les fées vertes abandonnées et cela me permet de raconter le paysage là, patrimoine naturel et culturel. Mais la rencontre avec une divinité du paysage ne va pas de soi. Il faut d’abord avoir idée de la chercher là et pour se faire :

être là soi même.

Les humains, peu enclins à l’explicite, ont inventé la danse, ont frappé avec les pieds sur la terre pour en réveiller, en faire sortir … les divinités, précisément. C’est cela marcher. Et c’est cela marcher avec d’autres, faire société (être citoyen reviendrai donc à frapper le sol en cadence pour sortir de la cécité et accueillir ce qui va arriver ).
Quittons ce discours général pour voir ce que ça me fait en vrai. Je suis là, je tape le sol en marchant et je suis prête pour hostire. Et voilà que ça arrive justement là, une personne sort de terre et nous commençons à parler, elle va dire le mot juste et je l’entend et ça me donne du bonheur, c’est la rencontre et l’échange, tout simplement.

Récit d’hospitalité

Quittons ce tout va bien et voyons si je peux vous retransmettre ce qu’a dit la personne rencontrée au présent ou sortie du passé. Justement là, ça se complique car je commence alors un processus collectif de patrimonialisation. Le mauvais rêve recommence : ce mot n’a plus de sens, le patrimoine est devenu affaire d’image glacée et commerciale et caetera et idem pour la mémoire et l’histoire. L’imaginaire retourne à niveau zéro, oui, mais maintenant je sais passer ce mauvais pas. Nous avons tout, besoin de rien :  avec ces mots  le patrimoine est désigné comme une ressource partageable et conflictuelle, elle revient donc à celles et ceux qui la font vivre. Je marche là, je dors là et les ancêtres me visite et j’en fait le récit et j’appelle cela des récits d’hospitalité. Ce n’est pas un nouveau genre littéraire mais un moteur de recherche collectif. Neuf récits qui m’obligent sous ce titre à écrire l’Histoire là. Je suis conservateur du patrimoine et je m’oblige à incorporer l’histoire, à patrimonialiser comme les autres, à vivre en contexte, en citoyenneté.

celle-qui-marche

Maintenant je m’amuse à écrire un récit dans lequel je dis je et
La femme qui raconte habite les hautes collines marseillaises.
La femme qui raconte part un matin du delta du Rhône et traverse l’Eurasie.
La femme qui raconte surgie de la mémoire orale. Elle ne lit pas, elle n’écrit pas.
Devenue Celle-qui-marche, elle rencontre les divinités des paysages traversés et raconte ces moments étranges.
Elle raconte pour nous et 2764 années nous séparent de son départ.
Pour ce récit, dans la vraie vie, j’ai croisé d’abord Brigitte Fontaine et son poème, les charmeurs de pierre. J’y ai puisé sans vergogne de quoi faire exister la petite fée verte et le grand celte jaune.  Il y eut aussi des masses de documentation filtrées grâce à celles et ceux des quartiers nord de Marseille qui m’ont appris, durant quinze années, à passer de l’autre côté de l’évidence et des références absolues. J’ai suivi leurs balises discrètes, leurs mots, jusqu’au désert du Taklamakan.

Christine Breton, 2014

Ce texte est publié avec l’autorisation de l’auteur et du Conseil de l’Europe, commanditaire de ce texte sur les « Récits d’hospitalité » identifié dans le cadre des Application Libre de Faro.

Les Applications libres de Faro (ALF) sont des actions qui ont été mises en œuvre dans le cadre d’initiatives citoyennes et dont la valeur a été reconnue par le Conseil de l’Europe par rapport aux objectifs et aux principes de la Convention de Faro. Ces expériences, souvent portées par des « communautés patrimoniales », illustrent particulièrement bien un ou plusieurs principes de Faro. Elles ont été analysées afin d’en extraire les caractéristiques principales pouvant être « appliquées » dans n’importe quel autre contexte. L’objectif du Conseil de l’Europe, conformément à l’esprit de la Convention de Faro, est de les offrir sous le format « libre ».

default_fr-cerclevide2_fr-1

Conseil de l’Europe : documents et vidéos du Forum de Marseille.

Le Conseil de l’Europe a mis en ligne sur son site internet les documents de travail, conclusions et les vidéos du Forum de Marseille sur la valeur sociale du patrimoine pour la société des 12 et 13 septembre 2013.

Plusieurs vidéos ont été réalisées durant le Forum par Tabasco Video :

Prosper Wanner : Quelques éléments de bilan d’Hôtel du Nord en 2013

Lieux d’hospitalité chez l’habitant

Le bilan de l’année 2013 est aussi celui d’Hôtel du Nord, l’occasion de partager quelques données, de rappeler succinctement le processus et d’actualiser le projet coopératif.

Hôtel du Nord est la première coopérative d’habitants en Europe à appliquer les principes européens énoncés par la convention-cadre européenne sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, dite Convention de Faro. Cette convention reconnaît que toute personne a le droit de s’impliquer dans le patrimoine culturel de son choix comme un aspect du droit de prendre librement part à la vie culturelle, droit consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies (1948). Elle fait du patrimoine culturel et naturel une ressource pour un meilleur cadre et qualité de vie et pour les générations futures.

A Marseille, des élus, associations, citoyens, artistes et entrepreneurs n’ont pas attendu la Convention de Faro pour se saisir des recommandations européennes qui la précédent. Depuis 1995, ils les appliquent dans les quartiers nord de la ville. Réunis en « communautés patrimoniales », ils mènent des recherches sur leurs histoires et leur environnement patrimonial, appuyés jusqu’en 2012 par un conservateur mis à disposition dans le cadre d’une mission européenne de patrimoine intégré. Les résultats de ces travaux donnent lieu de manière régulière à publications, classements, archivages, créations artistiques, balades patrimoniales, etc. Les Journées européennes du patrimoine sont devenues depuis 2005 le rendez vous annuel de ces communautés patrimoniales avec le public et accueillent plusieurs milliers de visiteurs chaque année.

Fort de cette mobilisation, 8 communautés patrimoniales réunis au sein de la commission patrimoniale 15/16 présidée par la Mairie de secteur ont imaginé Hôtel du Nord en offrant l’hospitalité à des vénitiens à l’occasion des journées européennes du patrimoine de 2009. En 2010 Marseille-Provence 2013 a co produit la phase pilote hébergée par la SCOP Place puis dès 2011 la phase de structuration  sous forme coopérative à laquelle se sont associées la Région, le Département et les Fondations de France et Macif. Hôtel du Nord a accompagné l’adhésion aux principes de Faro des mairies des 2me et 3me arrondissement et du 13me et 14me arrondissement de Marseille et de Vitrolles.

nuitee par anPour l’année 2013 Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture, la quarantaine de sociétaires de la coopérative s’est engagée sur l’ensemble des 4 mairies signataires de Faro,  etune cinquantaine d’hôtes – associations, habitants, collectifs, entreprises –, ont proposé leur hospitalité dans une quarantaine de chambres chez l’habitant et une centaine de balades patrimoniales pour découvrir Marseille par son nord, ils ont vendu des ouvrages et produits locaux, ont coopéré avec des institutions culturelles comme Marseille-Provence 2013, la Friche Belle de Mai et le Musée d’Art Contemporain MAC et la coopérative a coordonné le Forum de Marseille sur la valeur sociale du patrimoine pour la société auquel ont participé une trentaine de pays de l’euro méditerranée à l’invitation des communautés patrimoniales, des 4 mairies signataires de Faro, de la Commission Européenne, du Conseil de l’Europe et de Marseille-Provence 2013.

HdN bilan retombees 2013Les hôtes/habitants ont accueilli plus de deux milles cinq cents passagers en séjours et balades. Les retombées économiques localesont été de 10.000 euros par mois : vente de nuitées, de balades, d’ouvrages, etc. Une quarantaine d’articles et reportages ont été consacré à cette hospitalité.

Aujourd’hui Hôtel du Nord s’affirme comme une coopérative d’habitants qui proposent l’hospitalité et la découverte des patrimoines des quartiers de l’arrière port de Marseille sous forme de chambres d’hôte, de balades urbaines et la vente d’ouvrages et de productions locales.

Les passagers accueillis par les hôtes viennent pour des motifs touristiques (60%) ou des  motifs familiaux, professionnels ou  de santé (40%) lors de séjours souvent plus longs. Un tiers des passagers accueillis sont étrangers.

Son objet social reste la valorisation économique des patrimoines de ces quartiers dans l’intérêt de ceux qui y travaillent, séjournent et vivent et son cadre de référence la Convention de Faro.

Son activité est l’identification et la reconnaissance des cadres juridiques adaptés à ses nouveaux usages du patrimoine comme notamment la reconnaissance du droit à l’hospitalité en habitat social aujourd’hui interdite ; la formation et qualification des hôtes à ces usages dans une logique d’échange de savoirs (école des hôtes) ; et la promotion des offres d’hospitalité et de découverte des patrimoines ainsi produites via sa marque « Hôtel du Nord » et sa plateforme internet hoteldunord.coop : « On produit ce que l’on vend. On vend ce que l’on produit ».

Fin 2013, Hôtel du Nord s‘est vu reconnaître le droit à commercialiser l’hospitalité de ses sociétaires sans forcément avoir à passer par les agences de voyages ou à en devenir une.

HdN charges 2013Ses moyens sont un budget annuel de 120.000 euros financé pour deux tiers par la vente de prestations marchandes (vente de balades, programmation, etc) et pour un tiers de subventions publiques et mécénat liés à l’économie solidaire auxquels il faut ajouter d’importantes contributions non monétaires de la part de ses sociétaires et partenaires. Ce budget finance pour deux tiers deux postes salariés au service des sociétaires et du projet coopératif.

Ses principes coopératifs sont l’adhésion libre, volontaire et ouverte, le pouvoir démocratique exercé par les sociétaires (un membre, une voix), le contrôle par les habitants (ils sont statutairement majoritaires et élisent un conseil de surveillance), l’échange de savoirs (école des hôtes), la propriété commune de moyens (site internet, marque), la non-lucrativité, l’impartageabilité des réserves (bien commun) et l’autonomie et l’indépendance.

Ses sociétaires sont à ce jour 43 dont conformément à ses statuts, plus de la moitié sont des hôtes habitants. Un tiers des sociétaires sont des personnes morales (entreprises et associations[1]) et quelques sociétaires non hôtes soutiennent l’aventure coopérative.

L’horizon de la coopérative est « glocal » : son horizon historique est les quartiers nord de Marseille qui sont sa base et son origine. Hôtel du Nord y a son siège social. Son horizon économique est l’aire métropolitaine marseillaise, espace de mutualisation de moyens indispensable à son équilibre économique. Son horizon politique est l’euro méditerranée, l’espace de la réciprocité et de mise en réseau avec d’autres mouvements citoyens partageant ses finalités.

Imaginée en 2009, testée en 2010, structurée en 2011 et 2012 et promue en 2013, aujourd’hui la coopérative poursuit son développement et construit de nouvelles alliances. Du chemin a été parcouru, à pieds et dans nos têtes, depuis la vingtaine de nuitées vendues en 2010 jusqu’aux 1500 nuitées de 2013. L’aventure reste fragile, imparfaite tout comme passionnante et collective.

Prosper Wanner, gérant, janvier 2014.
 [1] Ancrages, Jeunesse Marseille Nord, –able, Association Pour la Cité des Arts de la Rue, Association Départementale pour le Développement des Actions de Prévention 13, Boud’mer, Euromed Conseil, éditions Commune, Geosmine, Goelen, HÖFN, Radio Grenouille, SAFI, Savonnerie du Fer à Cheval et Cosmos Koleg