Coordination Patrimoines et Créations 2/3 : Le port de la Joliette ou la mise en récit du patrimoine portuaire et des quartiers qui le bordent.

Fiche balade 1La Coordination Patrimoines et Créations 2/3 et l’association En Italic  reviennent sur la balade de Faro qu’ils ont pris en charge pour leForum de Marseille le jeudi 12 septembre 2013 : Le port de la Joliette ou la mise en récit du patrimoine portuaire et des quartiers qui le bordent.

Précisons en préambule que ce texte réunit les points de vue de plusieurs membres de la Coordination Patrimoines et Créations des 2e-3earrondissements de Marseille qui ont participé à l’animation de la balade du 12 septembre 2013, lors du « Forum de Marseille sur la valeur sociale du patrimoine et la valeur du patrimoine pour la société ». A la place d’un récit rédigé par un seul auteur, nous préférons proposer au lecteur, plusieurs regards et autant d’histoires sur notre itinéraire, tout simplement parce que ce sont aussi nos différences qui fondent les actions du groupe, d’habitants et de professionnels, que nous formons depuis 2011 et qui demeure autant préoccupé par l’histoire que par l’actualité de nos quartiers.

Cette balade intitulée initialement « A l’envers du temps, de la ville de demain à la cité antique » puis « Le port de la Joliette ou la mise en récit du patrimoine portuaire et des quartiers qui le bordent » a été pilotée par la Coordination Patrimoines et Créations 2e-3e et l’association En italique.

DSC00623

Laurent Cucurullo, association En italique (13002). www.enitalique.fr

Compte tenu du trajet effectué, depuis le parvis des Archives et bibliothèque départementales des Bouches-du-Rhône, jusqu’à la Mairie du 2e secteur, il est assez facile de remarquer les chantiers en cours, comme les nouvelles constructions. La multiplicité des acteurs impliqués est un signe manifeste des enjeux de la mutation urbaine qui s’exerce ici. Citons, entre autres, Euroméditerranée (EPA, établissement public d’aménagement), le Grand Port Maritime (EPIC, établissement public industriel et commercial), Marseille-Provence 2013 (association loi 1901 qui regroupe des collectivités et des partenaires privés dont le conseil d’administration est présidée par le président de la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence) ou encore de nombreux promoteurs immobiliers. Pour En italique cette balade est par conséquent  placée d’emblée sous plusieurs signes. Il ne s’agit pas uniquement de nommer l’histoire longue de Marseille, même lorsqu’elle se répète (de Jules Mirès à Euroméditerranée), mais de signaler aussi l’évolution des relations entre la ville, le port et la mer puisque notre itinéraire qui ne s’éloigne jamais vraiment du rivage ne nous permet pas d’y accéder non plus. Bien plus qu’un simple paradoxe marseillais, cette confiscation de l’espace me semble révélatrice de ce qui faisait patrimoine commun ici. Cheminer entre le vieux et le « nouveau » port, qui est à l’origine de la création de ces quartiers, c’est nécessairement souligner cette valeur conflictuelle du patrimoine.

Précisons, en outre, puisque cela nous semble nécessaire, que cette balade était une construction de toutes pièces censée nous permettre de signaler ce qui fait patrimoine (selon nous) et de décrire comment nous agissons en tant que « patrimonialisateurs », dans un contexte de réalisation bien précis et à l’attention d’acteurs locaux, des représentants des 21 États membres du Conseil de l’Europe qui ont signé la Convention-cadre de Faro, des autres pays intéressés et des représentants des différentes directions du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne.

Parce que nous pensons qu’une balade c’est aussi des rencontres, notre marche était rythmée par les pas et la sensibilité de plusieurs membres de la CPC. Elle commence sur le parvis de la Bibliothèque départementale de prêt, avec les mots de Brigitte Corbel, membre de la CPC et responsable de la Salle d’Actualité de la BDP. Son intervention est importante à nos yeux car elle démontre la qualité des passerelles que nous avons tissées avec l’institution départementale.

Au niveau de la place de la Joliette, nous avons parlé avec Yvette, habitante de la Villette (13003), de l’hôtel « Les gens de mer ». Une manière comme une autre de nous rapprocher du rivage (inaccessible) et pour dire l’impact de l’activité portuaire sur les usages de ce territoire.

« Les premiers foyers marins se sont créés dès 1900. Les deux derniers conflits mondiaux commenceront à détériorer puis finiront par détruire une grande partie de ces foyers. Après 1945, le secteur maritime évolue et il devient donc nécessaire, face aux besoins exprimés, de reconstruire des structures. En 1946 est créée l’A.G.I.S.M. (association pour la gestion des  institutions sociales maritimes) qui va mettre en place « Les maisons des gens  de mer » afin d’accueillir les personnes en relation avec le milieu maritime,  c’est à dire les marins du commerce, de la pêche et leurs familles, celui de Marseille a été inauguré le 24 septembre 1953 par M. Ramacony secrétaire d’Etat à la marine marchande.

A partir de 1990 le secteur de l’exploitation maritime évolue fortement. Le nombre de  marins et les durées d’escales diminuent  rapidement. Les  structures  commerciales des  maisons des gens de mer sont moins fréquentées et c’est ainsi qu’en 1999, il est décidé d’ouvrir ces établissements au grand public. Ces hôtels sont homologués en  deux étoiles et appelés dorénavant « Hôtels les  gens de la mer ». Ils ne  sont  pas excentrées  mais  situés au cœur  des villes  au  près de leurs port. On y dort  dans des  grandes cabines  de bateaux  et l’on y déguste des  produits  de la  mer… Au sein de l’hôtel, l’association d’accueil des Marins, le Seamen’s club. »

DSC01947

Alain, habitant du quartier de la Belle de Mai (13003) et Francis, habitant du quartier la Villette (13003).

« Nous avons évoqué, au cours de stations à hauteur des Docks de la Joliette et de la rue Mazenod, les grandes compagnies maritimes marseillaises qui ont prospéré au cours des XIXe et XXe siècles grâce à  l’invention de la machine à vapeur et de l’hélice. Dans le périmètre du port de la Joliette, de nombreux bâtiments reconvertis (et souvent déjà oubliés) permettent d’évoquer cette période faste des activités portuaires à l’époque de l’empire colonial français. En 2012, nous avons créé « la  balade en bonne compagnie maritime » pour évoquer cette période qui reste encore dans la mémoire des Marseillais, d’autant que beaucoup d’anciens du 2e  arrondissement ont travaillé dans ces entreprises. Au cours de son élaboration, nous avons établi des liens avec la direction des Docks (anciennement appelé « le Grand entrepôt ») et surtout avec le personnel des ateliers de mécanique, électricité, soudure… de la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) qui sont situés dans un ancien bâtiment de stockage des colis postaux de la Cie Générale Transatlantique, aujourd’hui disparue. C’est ainsi, en particulier, que le responsable du fret à la SNCM, a pris en charge, dans le cadre de notre balade patrimoniale, la visite du siège central de la SNCM, Bd des Dames, un magnifique bâtiment dont l’intérieur est dans le style art-déco. Il a également présenté l’histoire et les difficultés de la SNCM qui a pour fonction spécifique d’assurer la continuité territoriale entre le continent (à partir de Marseille) et la Corse. »

DSC01945

Fin de notre balade avec Dominique Cier, habitant du quartier de la Joliette (13002) et écrivain associé à l’Atelier d’EuroMéditerranée « Tabula Rasa – Le quartier du Panier : 1943-2013 ». quartierslibres23.blogspot.fr

Traces, mémoires et Histoire

Les balades sont toujours le prétexte pour mettre en partage nos rêves et nos fantasmes. Au lieu de nous précipiter vers le lieu de notre destination, nous prenons enfin le temps de lever le nez et de laisser vagabonder notre regard. Une étrange poésie de la désolation émane alors de ces friches qui portent en elles la mémoire ouvrière. Nous imaginons la fumée, les vapeurs et le fracas, le grouillement de la foule et le tumulte de la rue, les machines et l’odeur du gasoil, la chaleur et la fatigue, le rire des enfants dans la cour de l’école, tout un débordement d’activité. Et nous imaginons qu’un beau jour la vie n’a plus été rythmée par le hurlement des sirènes, que soudain le vacarme a cessé, que le silence a envahi les ateliers abandonnés et les rues désertes et qu’enfin les ouvriers, les employés, les artisans et les commerçants sont partis, laissant quelques rescapés se noyer dans leurs souvenirs. Nous devinons cette souffrance parce que nous voyons ces choses invisibles avec notre cœur. Nous pouvons imaginer que sous les passerelles d’autoroutes la nature va reprendre ses droits et revenir à l’état sauvage mais, au fond de nous-mêmes, nous savons bien que c’est impossible. Les murs des usines et les façades sont des espaces qui gardent des traces de vies vécues et ensevelies. Après le silence du deuil industriel, ces couches fragiles de mémoires s’effritent sous l’effet des pelleteuses et des grues qui bouleversent les paysages, mais il en reste toujours des bribes. Il suffit donc d’apprendre à lire ces lambeaux d’usure humaine. Les randonneurs se transforment en archéologues et observent en réalité un quartier qui change de peau. Cette conversion n’efface pas ce qui précède. Elle s’inscrit simplement dans une continuité. Nous pressentons pourtant un danger. Accrochées à un littoral magnifique, nous devinons que ces friches suscitent bien des convoitises et que les investisseurs préfèrent évidemment oublier que cette épaisseur historique est un point d’ancrage qui faciliterait l’intégration et les mutations sociales. Les citoyens doivent le leur rappeler.

C’est qu’avec ces balades, nous nous trouvons entre Histoire et mémoires. La mémoire installe le discours dans le sacré, expliquait Pierre Nora, l’Histoire l’en débusquerait. L’Histoire ne s’attache qu’aux continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des choses. La mémoire s’enracine dans le concret, dans l’espace, le geste, l’image et l’objet. La mémoire est un absolu et l’Histoire ne connait que le relatif. Toutes ces usines et ces bureaux sont des constructions où se sont forgées des identités, des modèles urbains, des circulations, mais aussi des manières de penser, d’habiter et de se distraire. Elles ont fait naître des solidarités et ce n’est pas un hasard si elles disparaissent aujourd’hui. La différence majeure entre Histoire et mémoire réside dans le type de questionnement adressé au passé. On ne parle plus d’un savoir historique à partir duquel on pourrait expertiser la mémoire. L’histoire est bien obligée de s’ouvrir à d’autres objets. Comme le souligne Ahmed Boubeker, le lien entre mémoire collective et mémoire nationale est justement remis en cause par des débordements dans l’espace public qui font que d’autres récits, relevant de mémoires clandestines, trouvent place sur la scène médiatique et culturelle. Et l’émergence de cette mémoire plurielle implique la nécessité d’une révision critique du grand récit national…

DSC01944

Qui sommes nous ?

Habitants, usagers et professionnels, tout simplement des acteurs des 2e et 3e arrondissements de la ville de Marseille qui considèrent les patrimoines naturels et culturels de ce territoire comme une ressource vivante et citoyenne fondatrice de tout processus de développement durable.

Nos balades, nos ateliers, nos discussions comme l’ensemble de nos rendez vous au fil de l’année, sont ouverts à tous ! 

Pour suivre notre actualité ou nous rejoindre, une seule adresse :patrimoinesetcreations23.blogspot.fr

Pour télécharger en PDF la fiche de la balade publiée à l’occasion du Forum de Marseille :http://hoteldunord.coop/wp-content/uploads/2013/09/balade-1-joliette.pdf

Lisette Narducci, intervention Forum de Marseille

Texte de l’intervention de Lisette Narducci, Maire du deuxième secteur et vice-présidente du Conseil Général lors du Forum de Marseille sur la valeur sociale du patrimoine pour la société les 12 et 13 septembre 2013 sur le site des ouvriers de la réparation navale.

Cher monsieur Hirt et les membres de l’association des ouvriers de la réparation navale,
Mesdames et messieurs les représentants du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs des délégations de Venise, d’Oran, de la Seine Saint Denis,
Mesdames et messieurs, chers amis,

Je vous remercie, cher monsieur Hirt de nous accueillir. Ici même, des hommes, des ouvriers ont décidé de constituer et de conserver la mémoire de leur travail qui, lui, a disparu, balayé par les mutations du port. Derrière leur action il y a une lutte, de la résistance. Ce n’est pas un lieu nostalgique. C’est l’histoire vivante d’une culture qui ne se mire pas dans un joli miroir. Aujourd’hui, le politique ne prend plus à sa charge cette dimension de la culture, et c’est justement pour en parler que je suis ici avec vous.

Nous nous connaissons depuis de nombreuses années monsieur Hirt, j’étais convaincue  depuis longtemps de l’importance de ce que vous avez réalisé avec vos amis. Il se passe ici quelque chose qui nous concerne tous, qui fait patrimoine au sens de la convention de Faro.

Dans la convention le patrimoine culturel y est décrit comme « un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leur valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ». Nous y sommes.

La mairie de secteur à adhéré en 2011 aux principes de la convention de Faro. Si cette adhésion n’est que symbolique (seule compte la ratification nationale), ses implications sont, elles, bien concrètes. La coordination patrimoines et créations du 2/3 s’est constituée la même année, appliquant la philosophie novatrice de la Convention de Faro, en associant préservation du patrimoine et démocratie participative. Sa richesse tient à la diversité sociale de ses membres : actifs/non actifs, associations, institutions, artistes, universitaires et experts ou simples citoyens. Tous vivent dans le 2/3 et possèdent de ce fait «  une expertise d’usage » réelle et incontestable de leurs quartiers. Chacun peut se reconnaître dans leurs membres, et peut se sentir valorisé par les actions collectives réalisées. La coordination est un moteur du développement de la participation démocratique locale, avec effet de boule de neige : elle grossit toujours davantage prenant chaque citoyen tel qu’il est et s’enrichissant de l’apport et des compétences de chacun. A la coordination patrimoines et créations, on avance ensemble, on progresse ensemble, on s’apprend ensemble, on diffuse ensemble…

Toutes les actions de la Coordination Patrimoine et Création des 2/3e arrondissements, s’inscrivent dans la réflexion menée lors de la Convention de Faro, en respectant les principes des valeurs humaines au centre de la gestion du patrimoine culturel, de transparence et de responsabilité partagée. Elles se traduisent concrètement dans les idées novatrices des différents projets menés depuis.

L’ancrage très local des projets culturels permet en effet une découverte, une gestion et une promotion du patrimoine culturel très proche des habitants. Les 2 et 3e arrondissements ont été le théâtre d’événements historiques riches de sens, et constituent aujourd’hui un environnement culturel unique. Ils bénéficient par ailleurs d’importants travaux de rénovation ou réhabilitation, notamment avec Euroméditerranée, qui lui permettent d’obtenir une double inclination : se souvenir du passé, tout en étant tourné vers l’avenir.

La Coordination en action ce sont les balades patrimoniales, colonne vertébrale du projet. Depuis 2011 une vingtaine de balades patrimoniales ont été réalisées, des centaines de participants, de nombreux partenaires institutionnels et associatifs, une dizaine d’entreprises, des regroupements et collectifs d’habitants.

C’est aussi l’opération Quartiers Libres, projet né d’une étroite collaboration entre la Mairie et l’association En italique. Une réflexion et une analyse sur « ce qui fait patrimoine dans nos arrondissements », ont été à la base de ce projet. Quartiers Libres ce sont des expositions, des ateliers, des rencontres, des découvertes sensibles (de l’art et de la culture) et d’échanges (de la citoyenneté et de la socialisation) avec des habitants et des usagers. Depuis 2012, cette initiative innovante propose de s’intéresser chaque année, pendant quatre ans, à un quartier du 2eme secteur de Marseille. En 2013, le projet Quartiers Libres s’intitule « TABULA RASA », il concerne le quartier du Panier et s’inscrit dans les Ateliers de l’EuroMéditerranée de Marseille Provence 2013.  Il met en action les principes de la Convention de Faro.

Une nouvelle aventure s’engage en 2014 avec un projet en partenariat entre la  Bibliothèque Départementale,  l’association Transverscité, En italique et la mairie de secteur, dans le cadre d’un appel à projets de recherche intitulé « Pratiques interculturelles dans les institutions patrimoniales », initié par le Ministère de la culture. Il regroupe les communautés patrimoniales, habitants et acteurs associatifs du secteur. La convention de Faro a un rôle central dans ce projet.

Les valeurs exposées par la Convention de Faro découlent de l’idée de reconnaissance du patrimoine culturel comme instance fondamentale des relations économiques, sociales et politiques. A partir de là, il s’agit d’instaurer une démocratisation de la gestion du patrimoine et d’inclure dans les débats la société civile regroupée et représentée par des Communautés patrimoniales. Le concept de responsabilité partagée théorise ainsi la multiplicité des parties prenantes en ce qui concerne les politiques culturelles locales et l’idée de dialogue ouvert pour permettre à chacun de se positionner dans la discussion.

Dans le deuxième secteur ces idées ont été mises en application dés 2011. Je suis fière du travail accompli, apportant ainsi notre contribution et notre expérience dans le contexte de négociations à l’échelle européenne pour une ratification officielle de la Convention par de nombreux pays membres. Ce témoignage est la preuve que la théorie des textes officiels peut être transformée en évènements concrets et en gestion démocratique efficace du patrimoine.

Je remercie ceux qui ont contribués à la réussite de ce forum, mes amis et collègues : Samia Ghali, Garo Hozvepian, le Maire de Vitrolles, le Conseil de l’Europe, le Parlement Européen, le Conseil Général, Marseille Provence 2013, Hôtel du Nord, les membres de la Coordination Patrimoines et Créations de la mairie, l’association En Italique et monsieur Hirt et ses amis.

Céline BOURBOUSSON : Hôtel du Nord, Femu Quì : de la quête du sens entre les quartiers Nord de Marseille et la Corse

Céline BOURBOUSSON, Master 2 RH ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE à AIX MARSEILLE UNIVERSITE Faculté d’Economie et de Gestion a présenté et soutenu en septembre 2013 son mémoire ORGANISATION ET PROJET : QUELLE MOBILISATION AU SEIN D’ « ORGANISATIONS-FRONTIERES » ? Hôtel du Nord, Femu Quì : de la quête du sens entre les quartiers Nord de Marseille et la Corse.  Son Directeur de mémoire a été Nadine RICHEZ-BATTESTI, Maître de Conférences en Sciences Economiques.

A tous les héros anonymes des quartiers Nord de Marseille, sociétaires d’Hôtel du Nord et autres citoyens téméraires, qui oeuvrent chaque jour dans l’ombre pour une société meilleure. A vous qui bravez injustices, exactions et spoliations, sans relâchement aucun, avec cette force qui vous caractérise.
Per u populu Corsu, anch’ellu colpu dà l’accanimentu mediàticu, chì lotta per campà di manera dégna, si batte contru à mommificazione di a socultura, l’èsiliu, è a caliata di a so lingua. A voi altri Corsi ammuniti, uniti è cumbattanti, purtati da un spiritu di ghjustizià è di fraternità. Arritti tutti, o ghjenti !

Prosper Wanner : pourquoi un forum sur la valeur sociale du patrimoine à Marseille?

SAMSUNG DIGITAL CAMERA

Face à une crise de la représentativité politique, à un modèle de développement de moins en moins soutenable et à des tensions sociales croissantes, le 12 et 13 septembre 2013 à Marseille, pour le Forum de Marseille un large panel comprenant notamment des élus locaux, le Conseil de l’Europe, des acteurs de la société civile, des artistes et de simples citoyens vont énoncer le rôle qu’ils souhaitent voir jouer aux patrimoines culturels pour une amélioration de leur cadre de vie, une économie solidaire, un dialogue social renforcé et une démocratie participative.

Ce rôle attribué aux patrimoines culturels en Europe est le fruit de 30 années de travaux du Conseil de l’Europe sur « la valeur du patrimoine culturel pour la société » qui se sont traduits en 2005 par l’adoption d’une convention-cadre, dite Convention de Faro.

Cette Convention de Faro commence à sortir de l’anonymat depuis que l’Italie l’a signée en mars 2013. Pour autant, les colloques et articles qui l’abordent en Europe montrent qu’elle reste difficile à interpréter. La place centrale qu’elle réserve aux citoyens, seul ou en commun est mise en avant sans pour autant que cela clarifie ses enjeux.

Est ce une nouvelle catégorie du Patrimoine, un « patrimoine citoyen » proche du petit patrimoine ou du patrimoine immatériel ?Une nouvelle Convention sur le patrimoine immatériel dans la lignée de celle de l’UNESCO? Défend elle une meilleure prise en compte des publics « prioritaires » dans la gestion du patrimoine ?

Le Forum de Marseille va permettre au Conseil de l’Europe de revenir sur cette Convention-cadre, d’en faire la promotion en Europe et d’actualiser ses enjeux. Ce Forum est la première d’une série de « Balades de Faro » que le Conseil de l’Europe programme pour promouvoir cette Convention-cadre et créer les conditions du suivi de son application. Il portera sur la valeur sociale du patrimoine pour la société.

L’arrière port marseillais est pauvre en patrimoine protégé qu’il soit inscrit ou classé comme petit patrimoine, patrimoine immatériel, paysage, archive, …. tout comme il est en Europe l’un des principaux foyers d’initiatives citoyennes patrimoniales qui mobilisent élus, entrepreneurs, artistes, scientifiques, associations et simples habitants.

L’arrière port marseillais dépasse les limites administratives des arrondissements de Marseille concernés pour s’étendre sur plusieurs communes avoisinantes. Il est riche de récits liés aux flux et reflux migratoires, à l’évolution du port, au développement industriel, aux anciennes bastides de la bourgeoisie marseillaise,  …. Ses habitants sont porteurs de ces récits tous comme les érudits locaux et les scientifiques qui s’y intéressent. Pour autant, la somme des récits ne fait pas récit collectif.

Cette absence de récit collectif favorise pour les habitants le sentiment d’abandon, d’exclusion et de ségrégation sociale : nouveaux arrivants versus habitants des cités versus noyaux villageois versus nouvelles entreprises. Pour les décideurs qui ont en charge l’avenir de ces quartiers, l’absence de récit collectif propre à ceux qui vivent là participe à les rendre « invisibles » : ils construisent au désert. Cet abandon doublé d’une ignorance génère de la violence qui se traduit dans la dégradation du vivre ensemble et la défiance vis à vis du politique et de l’institution.

Paradoxalement, la défense du cadre de vie y est devenue prétexte à débuter le récit collectif. Là où il y a des tensions déclarées ou latentes liées au cadre de vie, il y a des groupes constituées : amicales de locataires, associations de quartier, regroupements d’entreprises, collectifs d’habitants et des élus mobilisés … La narration du récit collectif commence avec celle des récits liés à ces tensions.

Ce travail de narration collective a commencé dès 1995 grâce à la mise en place d’une mission européenne expérimentale de patrimoine intégré entre la Ville de Marseille et le Conseil de l’Europe. Un « service public patrimonial » a été expérimenté via la mise à disposition des habitants d’un poste de conservateur du patrimoine pour écrire avec eux leur récit collectif.

Ce processus d’écriture continu révèle des sources des tensions : savoir populaire contre savoir scientifique, usage économique contre cadre de vie, récit national contre récits minoritaires, etc.

La convention de Faro permet de donner un cadre de régulation commun de ses tensions. Elle fait de la capacité développée en l’Europe à gérer ses propres conflits son patrimoine commun, celui de tous les européens : ce sont la démocratie, l’état de droit et les droits de l’Homme. Ce patrimoine commun devient la modalité de gestion des tensions liés à la construction du récit collectif : démocratiquement et dans l’intérêt général. Il n’y a plus d’arbitrage descendant sur ce qui est patrimonial ou pas mais des processus de conciliation et re conciliation autour d’un projet de société, d’un « vivre ensemble ».

La « valeur sociale » – vivre ensemble – du patrimoine est reconnue comme l’une des valeurs du patrimoine  au même titre sa valeur esthétique, scientifique, symbolique, économique, etc

La Convention-cadre de Faro est devenue dans ces quartiers le cadre commun qui permet l’action politique. Les maires du 2me, 7me et 8me secteurs de Marseille et celui de Vitrolles ont signé leur adhésion aux principes énoncés par la Convention de Faro. Ses élus locaux et les citoyens réunis en « communautés patrimoniales » ont collectivement adhéré aux principes de la convention pour se doter d’un cadre et d’une perspective commune et faire récit collectif.  Ce processus d’écriture continu tisse lentement  des liens et contribue à faire communauté.

Ces communautés patrimoniales, faisant récit collectif, produisent de la citoyenneté. La construction du récit collectif confronte les récits, les interroge et les agence : elle permet une compréhension de l’environnement dans lequel vivent les personnes. Les représentations, les positionnements et les modes d’actions évoluent en même temps que se construit le récit collectif. Il permet le passage du mode de la dénonciation singulière à l’action collective. Chacun est porteur de savoirs et savoir-faire, une reconnaissance sociale dans des quartiers où elle n’existe plus par le travail faute d’emplois.

Ce processus patrimonial contribue par là à « faire société ». Il contribue à une ré appropriation du bien commun et développe de l’imaginaire collectif, préalable à l’action politique. Le récit devenu collectif acquière une dimension patrimoniale qui le rend légitime et partagé. Du cas particulier, l’enjeu devient de société.

Le processus patrimonial donne accès à des ressources symboliques et à une identité collective qui rendent l’action politique possible. La communauté patrimoniale devient un interlocuteur visible, légitime et doté de ressources, ce qui lui permet d’exister et d’agir.

Dans la durée, ces processus patrimoniaux s’avèrent de puissants leviers de transformation : ils  contribuent à modifier les plans d’urbanisme comme dans le cas de la cascade des Aygalades, à obtenir une protection légale comme dans le cas du savon de Marseille, à faire reconnaitre de nouveaux patrimoines et ont permis le développement de projets de la capitale européenne de la culture comme le GR2013, Culture Pilots et Hôtel du Nord.

Pour revenir à la Convention de Faro, dans tous ces processus, le récit précède l’objet patrimonial. Le Patrimoine reste un prétexte ou un résultat possible d’un processus patrimonial mais non sa finalité. L’objet patrimonial peut symboliser ces récits collectifs comme d’autres formes comme la balade urbaine, une publication (récits d’hospitalité), l’intervention artistique ou l’action de prévention (les ateliers de révélations urbaines), etc

En ce sens, il ne s’agit pas d’ajouter une nouvelle catégorie de patrimoine, de recommander une meilleure prise en compte des publics ou de contribuer à une meilleure protection du patrimoine immatériel.

La Convention de Faro s’intéresse au patrimoine en tant que processus pour « faire société ». Elle considère que chaque citoyen détient seul ou en commun une part du récit collectif qui mérite d’être pris en compte pour mieux vivre ensemble ;

L’écriture du récit collectif – faire société – se fait au niveau des citoyens (communauté patrimoniale / principes de subsidiarité), « dans le cadre de l’action publique », garante des modalités d’écriture de ce récit (Convention de faro / principe de suppléance).

Prosper Wanner, aout 2013

Christine Breton : 13/9/13

HOTE Christine Breton

Les 12 et 13 septembre 2013 aura lieu le Forum de Marseille sur la valeur sociale du patrimoine pour la société.

L’occasion de faire l’historique : accumuler 19 années de faits et leur interprétation. Reconstituer le processus collectif qui se déploie jusqu’aux balades qui seront partagées avec les membres du Forum.

Non, comme un cri ! Cette évidence là est un contre-sens ! Car s’échapperait ainsi le cœur du processus, le travail de toutes et tous nos précurseurs. S’échapperait le socle théorique que nous traquons en ce retour de balades. Il me reste donc à vous faire un récit pour que vous accédiez non à 19 années de faits énoncés dans le faire semblant historique mais à un escalier secret, un accès aux fondations implicites qui nous font marcher.

Voici un récit pour une description implicite du processus Faro depuis 15 ans dans les quartiers derrière le port. Une invitation aux discussions qui s’ouvriront le 13 septembre au retour des 4 balades.

Elle était arrivée d’Allemagne la veille.
Lui était à Marseille depuis plusieurs semaines déjà.
Il venait de faire une formidable découverte, renversant le sens de la ville, renversant les certitudes académiques capables de définir le temps. Elle appelle cela un « gaps », une faille dans le temps et lui parle d’un fantôme échappé là.
Il venait de retrouver la rue de Lyon, dans les faubourgs, dans une partie de la ville où l’on ne va que pour y épuiser sa vie au travail. En décrivant, pour son journal, la sensation de retournement que le corps ressent alors, il comprenait que c’était la figure parfaite, la forme urbaine de ses « thèses sur la philosophie de l’histoire » qu’il était en train d’achever.
La rue de Lyon incarnait ses plus extrêmes intuitions abstraites ; la rue de Lyon devenait l’icône moderne du 20e siècle, juste avant la grande catastrophe innommable, les totalitarismes, les guerres et l’ultime rebond de la guerre civile européenne. Il avait à la fois l’intuition de cette catastrophe collective et celle de sa vie propre, de ce ça qui n’avait à voir qu’avec lui. Il le savait maintenant, il l’avait compris ici, à Marseille, ville de temps et non d’espace. Il vivait la conjonction entre un moment de présent et un moment de passé, il avait retourné le temps en remontant la rue de Lyon.
– Fin du langage –
Il savait que son intuition de départ était juste mais il ne pouvait incorporer cette découverte, alors, sans un mot, il l’a prise par la main et il l’a emmené marcher sur la route de Lyon, dans ses pas, pour qu’elle comprenne, qu’elle croise sa vision fulgurante.
Il était devenu un sans-parole.

Sur la rue de Lyon, ils ont marché longuement, elle commençait à entrevoir elle aussi cette faille asphyxiante de notre vivant collectif. Notre désastre. Elle le suivait, elle mettait ses pas dans le déroulé de sa pensée. Et la rue d’un coup l’a prise, elle se récita le texte écrit par lui quelques années auparavant : “Plus nous nous éloignons du centre et plus l’atmosphère devient politique. C’est le tour des docks, des bassins, des entrepôts, des cantonnements de la pauvreté, les asiles éparpillés de la misère (…) ce combat n’est nulle part aussi impitoyable qu’entre Marseille et le paysage provençal (…) la longue rue de Lyon est la mine que Marseille creuse dans le paysage pour le faire voler en éclats…”

Alors elle a su que l’intuition était juste, que son invention fulgurante devait prendre forme au plus vite, que les jours étaient comptés.
Ils se sont assis dans un bistrot d’ouvriers au niveau de Saint-Louis. Ils avaient déjà bien avancé dans la sape urbaine, ils s’y étaient dissous. Ils se sont assis dans la peur et le tremblement. Ils se sont mis au travail. Il a sorti de sa poche un manuscrit hâtif, ils sont restés penchés sur les 17 paragraphes de ses ” thèses sur la philosophie de l’histoire “.

Une femme les observait depuis un moment. Une vaste femme hospitalière comme seul le labeur sait les rendre.
Les femmes d’ici ont appris la divination dans la colline et celle-ci devinait quelque chose. Quand ils étaient entrés, elle s’était demandé ce que venaient faire ici ces étrangers bohèmes, ces “bobos” dirait-on aujourd’hui. L’homme tremblait et elle faisait un immense effort pour le soutenir. Comme Pierre et Marie Curie, se disait-elle. Elle avait vu cela dans le journal du Parti qui traînait sur une table du café. Elle les regardait travailler, c’est-à-dire souffrir beaucoup avec les mots comme eux et elle souffrait sur les chaînes de fabrication alentour.

Elle s’approcha quand elle comprit que leurs efforts étaient vaincus par l’énormité du désastre de la pensée qu’ils mesuraient dans sa plénitude.

Alors elle s’est approchée d’eux, elle s’est autorisée et leur a dit, sans trop savoir comment, de ne pas arrêter leur marche, qu’elle voulait bien garder ce papier sur lequel ils travaillaient.
Que les prolétaires n’avaient pas d’histoire ni de patrimoine, eux étaient seulement faits pour produire des enfants qui seraient aussi des ouvriers.
Que ce papier, c’était une pierre de fondation pour ici.
Qu’ils sauraient se le transmettre en le vivant, en se le racontant.
Qu’un jour d’autres le comprendraient, l’incorporeraient.

Et ils lui ont donné sans savoir pourquoi, ils lui ont donné, retrouvant dans ce geste la force nécessaire pour le finir.

Elle est partie à New York avec le texte deux jours plus tard et lui est parti mourir par lui-même sur la frontière espagnole. À New York, le texte a bien été un peu remanié, un peu édulcoré ; les humains sont affaiblis en 1940.
Il reste sa version de feu quelque part sur la rue de Lyon, dans l’hospitalité du temps “pris à rebrousse-poil” qui fait du patrimoine un processus prospectif autant que rétrospectif. En un mot le récit de l’environnement.

Cette presque-fiction est fondée sur un fait réel peu connu : c’est à Marseille que Walter Benjamin rencontre sa presque cousine Hannah Arendt en été 1940. Il lui remet son manuscrit des « Thèses sur la philosophie de l’histoire » pour qu’elle le donne à Adorno alors réfugié à New York.

Et elle la vaste femme hospitalière, c’est Faro qui permet son apparition et maintenant son existence.
C’est nous ici qui incorporons la version de feu restée rue de Lyon.
C’est par la fiction que se transmet le processus collectif Faro entrepris depuis 1995 dans la complexité des quartiers le long de la rue de Lyon.

J’aurai aussi bien pu vous projeter vers le personnage de Louis Massignon arrivé à Marseille le 2 août 1930. C’est aussi le plein été. C’est la rencontre annuelle des « semaines sociales de France » , les SSF créées en 1904. Les SSF auraient du se tenir à Alger et Marseille est un Alger de substitution. 1930, centenaire de l’Algérie coloniale, impossible d’y vivre une rencontre ayant pour titre : le problème social aux colonies.
Louis Massignon, islamologue, professeur au Collège de France, rentre d’Alger, envoyé pour enquête. Il fait la conférence de clôture des SSF le 3 août 1930. Puis il part pour Paris et y commence son enseignement à Aubervilliers : il a rejoint l’urgence des « équipes sociales » qui viennent d’être créées et procurent un enseignement aux travailleurs nord africains en métropole.
Je peux incorporer sa parole aux quartiers, elle nait de leur expérience transnationale.

Il importe de se projeter à l’envers dans l’industrialisme international, dans l’intuition du plus jamais ça, dans la mémoire de faits institutionnels depuis 1994, dans presque 20 ans de construction aussi lente qu’Europe ; c’est tout cela la genèse du processus Faro.

Christine Breton, août 2013

Aurélie Roperch : « J’irai dormir dans les quartiers nord », 3ème prix Charles Gide

Charles GideL’article « J’irai dormir dans les quartiers nord » de Aurélie Roperch de l’École de Journalisme et de communication d’Aix-Marseille  a reçu le troisième prix Charles Gide du  »meilleur reportage en économie sociale » de la Fondation du Crédit Coopératif. Ce prix décerné par un jury d’une dizaine de professionnels s’adresse aux étudiants de dernière année des 13 écoles de journalisme reconnues par la profession. Nous avons trois raisons de remercier Aurélie Roperch pour son article.

Ce prix permets à une jeune journaliste d’avoir pu faire reconnaitre son talent en prenant comme sujet la coopérative d’habitants Hôtel du Nord.

Charles Gide fut un grand défenseur et théoricien des coopératives de consommateurs (voir sur wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Gide).

Ce prix promeut une expérience coopérative marseillaise. Marseille a été à la fois le lieu de l’abandon et de l’espérance coopérative. En 1888, c’est au congrès de Marseille que les espérances coopératives nées de la révolution de 1848 ont été abandonnées au profit d’un partie des travailleurs uniques[1]; en 1940 c’est à Marseille qu’une coopérative ouvrière, la fabrique de biscuits « Le fruit mordoré » est fondée et fera travailler 200 réfugiés jusqu’en 1942; c’est à Marseille que de 1944 à 1946 que les recommandations du Conseil de la Résistance qui préconisait l’instauration d’une « véritable démocratie économique et sociale » ont donné lieu à une expérience d’autogestion d’entreprise unique en France avecMARseille ENtreprises REQuisitionnées : 15.000 ouvriers ont ainsi accédé et participé à la gestion de 15 entreprises marseillaises[2].  Enfin, c’est aussi à Marseille que se réinvente la coopérative de consommateurs avec Autopartage ProvenceProxi-pousse ou Hôtel du Nord sans oublier dernièrement Fralib où le syndicalisme renoue avec la coopérative (voir article du Monde du 18 juin 2013[3]).

J’irai dormir dans les quartiers nord

Contempler la Méditerranée, l’arrière-port industriel ou la garrigue, mais depuis les cités. À Marseille, une coopérative créée par des habitants propose des chambres d’hôte dans des quartiers habituellement peu fréquentés par les touristes.

La baie vitrée s’ouvre sur une terrasse baignée de lumière. Le soleil rasant d’hiver découpe le paysage en objets scintillants. À perte de vue, la mer, majestueuse et rayonnante, impose son immense présence. « La vue sur la Méditerranée alors qu’on est dans les quartiers nord, ça étonne toujours», s’amuse Virginie Lombard. Cette Parisienne de 49 ans vit depuis treize ans dans le 15e arrondissement de Marseille. Depuis novembre dernier, elle loue la chambre de son appartement du quatrième étage de la cité de la Cabucelle par le biais de la coopérative Hôtel du Nord. Des habitants ont concrétisé cette initiative originale il y a deux ans : louer leurs chambres, au cœur des cités, pour faire découvrir les richesses ignorées de la banlieue marseillaise.

Hôtel du Nord est l’une des premières coopératives en France à donner la parole majoritairement aux habitants. L’idée a vu le jour sur un pari : « On a pensé qu’il était possible de développer une offre d’hospitalité et de découverte marchande dans les quartiers nord et que celle-ci rencontrerait une demande », explique Prosper Wanner, le gérant. Cet ingénieur de formation s’est retrouvé à la tête d’un projet pensé dès les années 1990. « J’ai rencontré un collectif de conservateurs du patrimoine qui militaient sur ce territoire. Il y a quelques années, ils avaient publié un manifeste pour protester contre un projet de modernisation de l’administration. Pour eux, les musées étaient en décalage avec le territoire sur lequel ils s’implantaient », raconte-t-il. À l’époque cogérant d’une coopérative qui accompagne les structures économiques innovantes, il rejoint le concept d’Hôtel du Nord en 2002. « Ils sont venus me demander comment faire pour développer une économie qui impliquerait les habitants. On a fait des stages de création d’entreprise, des rapports sur les notions de patrimoine et économie, des tentatives d’actions commune sur le terrain, etc. » Trois ans plus tard, l’Europe leur fournit un premier cadre législatif de référence : la Convention de Faro, qui reconnaît que « chaque personne, seule ou en commun, a le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement ». Si la France ignore le texte, la mairie des 15e et 16e arrondissements de Marseille en devient le premier signataire en 2009. Un soutien local qui permet le lancement, l’année suivante, de cinq chambres d’hôtes dans les quartiers. Face au succès de cette période-test, la coopérative patrimoniale Hôtel du Nord est officiellement mise en place l’année suivante.

Des chambres à partir de cinq euros

Aujourd’hui, l’équipe gérée par Prosper Wanner compte une cinquantaine de membres dont trente sociétaires. « Une bonne bande de motivés », plaisante Virginie. Cette botaniste et animatrice de jardins partagés a fréquenté la coopérative pendant six mois avant de devenir sociétaire. « Des collectifs d’artistes locaux m’ont fait connaître Hôtel du Nord il y a un an et demi. Ce

qui m’a intéressée, c’est que le touriste, comme l’habitant, découvre en marchant toute la richesse des quartiers! » Cinq mois plus tard, elle décide d’ouvrir sa chambre. Pour Prosper Wanner, « l’enjeu est de faire se croiser les gens. Comment s’adresser à tous, sachant que nous sommes sur des quartiers très diversifiés en termes d’habitats, de catégories sociales, etc. ? »

Un autre obstacle, légal cette fois, empêche certains locataires de devenir hôte. Si Virginie, dont l’immeuble est en copropriété, peut louer son bien, les locataires d’habitats sociaux n’en ont pas le droit. Être chambre d’hôte est assimilé à de la sous-location, une pratique aujourd’hui illicite que la coopérative essaie de faire accepter. La sénatrice-maire du 15e et 16e arrondissements, Samia Ghali, prépare actuellement une proposition de loi pour que l’activité de chambre d’hôte soit occasionnellement possible en habitat social.

En attendant d’élargir l’offre d’hébergement, trente-six chambres en appartements, maisonnettes ou en bastides sont déjà disponibles. Les prix, fixés librement par chaque hôte, varient entre 5 et 160 euros. La coopérative récupère un pourcentage de 10% sur le nombre de nuitées tarifées. Le reste revient aux hôtes. Mais pour Virginie, comme pour Michèle Rauzier, propriétaire d’une de ces bastides, la recette n’est pas la motivation première. « On reçoit des gens charmants avec qui on crée des liens. Certains sont même devenus des amis. C’est ce qui me tient à cœur. Mais cela ne me déplaît pas de gagner un petit peu d’argent : une maison comme ça, c’est un véritable gouffre financier ! », confie la jeune retraitée en dévoilant sa propriété. Dans un écrin de verdure, accolée à un phare, la grande maison aux volets bleus surplombe le quartier et offre une large vue sur le port industriel. Un paysage que l’on peut aussi admirer depuis la chambre que loue Michèle. « Ne faites pas trop attention, le dernier hôte vient de partir, je n’ai pas encore fait le ménage », s’excuse-t-elle en arrangeant le lit de la pièce d’un blanc immaculé. Pour cette fille d’un patron de bar, l’hospitalité est une seconde nature. « Je reçois des gens comme si je recevais de la famille, j’ai toujours vécu comme ça depuis que je suis petite », revendique-t-elle.

Un accueil qui a été tout aussi chaleureux pour Daniel et Martine Pattin, qui viennent tout juste de quitter l’appartement de Virginie après un week-end. « C’est une bonne surprise, on est très contents. Nous sommes déjà venus à Marseille il y a cinq ans mais cette fois, on n’a pas eu l’impression d’être des touristes mais plutôt d’être invités », relate Martine. C’est après avoir découvert Hôtel du Nord dans un magazine que le couple de Parisiens a contacté Virginie via le site internet de la coopérative. « L’intérêt de cet hébergement, c’est vraiment d’être inséré dans la ville, de vivre la vie de quartier. Mais il y a aussi les produits locaux, l’histoire et la mémoire du patrimoine, c’est ce qui fait la différence », conclut Daniel.

Une autre image des quartiers nord

Développer l’hospitalité dans les quartiers, c’est aussi pour faire oublier le tableau noir qu’on dresse trop souvent de Marseille, notamment dans les médias: règlements de compte liés au trafic de drogue, vols de bijoux, saleté de la ville, etc. « On s’appuie sur un projet militant. Les quartiers nord ont des histoires passionnantes, mais elles restent sans doute à écrire et à raconter », commente Julie de Muer. Cette sociétaire participe à l’autre activité-phare de la coopérative : les balades patrimoniales, qui révèlent des petits coins de paradis à deux pas des quartiers bétonnés. Pour six euros, on découvre des massifs de calcaire en grimpant à travers la garrigue, des ruines d’une ancienne civilisation celtique ou encore une cascade dépaysante à deux pas seulement des cités. Pour compléter ces parcours, la coopérative, inscrite dans le Guide du Routard 2013, propose également des livres, Les Récits d’hospitalités, une dizaine de produits locaux, dont du savon artisanal, et du miel produit dans les quartiers.

Depuis sa création, Hôtel du Nord, qui reçoit des soutiens financiers de structures publiques, clôture ses bilans à l’équilibre. En deux ans elle a généré une activité économique globale de 42 500 euros, dont 20 000 euros de recettes via les chambres. Le nombre de nuitées a plus que triplé et les balades attirent de plus en plus d’amateurs. Aujourd’hui, son activité est ralentie par un problème de statut juridique. Atout France, l’agence chargée par l’État de gérer le développement touristique, ne prend pas en compte sa nature coopérative et l’oblige à faire un choix : faire appel à une agence de voyage pour continuer à proposer ses offres, ou bien payer la caution pour être enregistrée comme telle.

En tant que coopérative, Hôtel du Nord demande à être reconnue comme agence de voyage solidaire. Une requête que Prosper Wanner a envoyé mi-avril au ministre de l’économie sociale et solidaire, Benoît Hamon. « Si nous obtenons gain de cause, nous pourrions vendre des séjours, des forfaits nuitées plus balade, ou bien nuitées plus ouvrage, sans passer par une agence de voyage », espère-t-il. En attendant de régler ses obstacles juridiques, Hôtel du Nord ne perd pas de vue les millions de touristes attendus cet été pour l’année 2013, pour laquelle Marseille a été désignée capitale européenne de la culture. Une vingtaine de balades et une douzaine de chambres supplémentaires sont en cours d’ouverture.

Aurélie Roperch, Ecole de Journalisme et de communication d’Aix-Marseille

 

[1] Considérant que les sociétés coopératives de production et de consommation ne peuvent améliorer le sort d’un petit nombre de privilégié dans une faible proportion, le Congrés déclare que les société coopératives ne peuvent aucunement être considérées comme des moyens assez puissants pour arriver à l’émancipation du prolétariat.  Les coopératives deviennent des outils de propagande du partie des travailleurs socialistes de France créé à l’issu du congrès

[2] Sur les coopératives : http://hoteldunord.coop/la-cooperative-hotel-du-nord/patrimoine-cooperatif/

[3] Lire l’article « 40 ans après « Lip », le modèle coopératif reste une alternative aux restructurations », Le monde 18 juin 2013 :http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/06/18/cooperatives-et-syndicats-un-mariage-de-raison-pour-lutter-contre-les-restructurations_3432214_3234.html

Prosper Wanner : Lettre à l’attention de Benoit Hamon, Ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation

Benoit Hamon, Ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation

Monsieur le Ministre,

Nous vous contactons en votre double qualité de Ministre de l’Economie Sociale et Solidaire et Ministre de la Consommation.

Située dans les quartiers nord de Marseille, « Hôtel du Nord » est une coopérative créée par des habitants de ces quartiers. Elle met en relation directe des touristes et leurs hôtes, habitants qui font découvrir leur ville et leur quartier au-delà des clichés véhiculés, favorisant une économie dans l’intérêt de ceux qui vivent, travaillent et habitent dans ces quartiers.

Aujourd’hui une cinquantaine d’hôtes proposent des chambres d’hôtes, des balades urbaines, des ouvrages et des productions locales. Cette offre de nature coopérative connaît un succès grandissant, notamment avec l’année Marseille-Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture.

Marseille-Provence 2013, la Fondation de France et les Collectivités Locales coproduisent cette aventure coopérative, sans oublier les nombreux soutiens d’artistes, de designers, de scientifiques, de professionnels du tourisme et d’habitants dont bénéficie la coopérative.

La coopérative est conseillée et reconnue par les opérateurs du tourisme et a en interne les compétences professionnelles nécessaires à son activité. Créée en 2011, elle poursuit son développement et des groupes de randonneurs, des agences de voyages solidaires, des comités d’entreprises la sollicitent pour des offres groupées.

Aujourd’hui, l’avenir de la coopérative est menacé par un problème d’interprétation réglementaire sur l’articulation entre sa forme juridique en coopérative et la nature de son activité.

Atout France, consultée par notre assureur La Macif, a répondu que pour garantir la sécurité des consommateurs, la coopérative devait passer par une agence de voyage ou bien s’immatriculer comme agence de voyage.

Atout France ne prend pas en compte les spécificités coopératives. Elle considère les sociétaires de la coopérative comme de simples sous-traitants et non des coproducteurs. Elle rend la coopérative dépendante des agences de voyages et refuse de reconnaître sa qualité de société de personnes en considérant que seul le gérant en tant que personne physique doit être qualifié (obligation de l’immatriculation agence de voyage).

La question qui vous est posée est de savoir si lorsque une coopérative vend les prestations de ses sociétaires, elle est à ce titre elle-même producteur, et donc, dans notre cas, non assujettie à cette obligation que voudrait nous imposer Atout France (article Art.L. 211-3 du Code du tourisme).

Atout France dépend de votre Ministère comme celui du Ministère des Finances que nous avions sollicité à ce sujet il y a un an et qui après nous avoir répondu favorablement, est revenu sur sa décision, faute de connaissance des spécificités coopératives (il nous a été conseillé de faire jurisprudence sur le sujet).

De l’arbitrage de votre Ministère dépend l’avenir de notre coopérative.

Nous vous invitons à visiter notre site internet hoteldunord.coop, à venir bénéficier de notre hospitalité et nous serions heureux de vous accueillir lors du forum européen que nous co organisons les 12 et 13 septembre 2013 où Marseille-Provence invite l’Europe autours de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société.

Pour la coopérative « Hôtel du Nord »

Prosper Wanner, gérant.

Gilbert Latour et Prosper Wanner : le patrimoine législatif du savon de Marseille

Savon réalisé par la Savonnerie du Midi en 2009 à l’occasion de l’adhésion au principes de la Convention de Faro de la Mairie de Marseille 15/16

En 2007, la Savonnerie du Midi, située dans le vallon des Carmes aux Aygalades, après avoir souffert d’un acte de vandalisme, est dans une situation critique. Gilbert Latour, PDG de Chimitex et actuel sociétaire de la coopérative Hôtel du Nord décide néanmoins de poursuivre l’activité de la savonnerie.

Il partage son intérêt pour le savon de Marseille en organisant de nombreuses manifestations : Il ouvre la savonnerie au public chaque année lors des journées européennes du patrimoine et via le projet de la route du savon de Marseille à Marseille ; il accueille les jeunes accompagnés par l’ADDAP13 dans le cadre des ateliers de révélation urbaine ainsi qu’une artiste en résidence ; il participe activement à la commission patrimoine Marseille 15/16 ;  il soutient un travail réalisé sur un musée du savon à la savonnerie par les étudiants de l’école d’architecture de Paris la Villette sous la conduite de Véronique Bigo.

Gilbert Latour fait alors le pari de redonner au savon de Marseille ses lettres de noblesse issues de l’édit de Colbert en 1688 et d’un décret de Napoléon Ier en 1812. Ce dernier donne une marque spécifique au savon de Marseille fabriqué à Marseille : le pentagone où est inscrit «huile d’olive, le nom du fabricant et celui de la ville de Marseille ». Le procédé de fabrication et l’origine ne sont pas pour autant protégés et l’utilisation des graisses animales, des parfums ou des colorants est malheureusement aujourd’hui monnaie courante. Gilbert Latour décide de remettre le pentagone à l’ordre du jour sur ses savons fabriqués à Marseille à base d’huile d’olive.

Il interpelle les élus locaux.  Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, interroge en 2011 le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie pour « savoir si l’édit de Colbert du 5 octobre 1688 et le décret de Napoléon du 22 décembre 1812 font partie de notre droit positif.« . La réponse ministérielle confirme  que « le décret du 22 décembre 1812 que vous citez semble toujours en vigueur, bien que les amendes n’aient pas été actualisées. » mais que « à ce jour, le savon de Marseille n’est protégé par aucun des dispositifs protégeant une appellation d’origine ou d’indication géographique.« (Voir la question et la  réponse).

Alors que l’article 3 de l’édit de Colbert du 5 octobre 1688 définit les conditions de fabrication du savon en Provence sans aucune graisse animale, que le décret de Napoléon Ier du 22 décembre 1812 précise que la ville de Marseille possède une marque pour ses savons à l’huile d’olive constituée par un pentagone et que deux arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence – celui du 28 décembre 1927, confirmé par la Cour de cassation le 24 octobre 1928, et celui du 12 novembre 1928 – disposent que la dénomination savon de Marseille est connue du public, usitée dans le commerce et s’applique à un produit bien déterminé à base d’huiles végétales[1], certaines industries de savon et de détergent utilisent la dénomination « savon de Marseille » sur des savons à base de graisses animales avec des parfums et des colorants. Ainsi les fabricants du savon de Marseille traditionnel réalisé avec 72 % d’huiles végétales et sans aucune graisse animale, ni parfum, ni colorant, sont confrontés à une concurrence déloyale de la part des industries du savon et du détergent.

Cette situation constitue également une tromperie à l’égard des consommateurs. En effet, seule la recette traditionnelle du savon de Marseille lui confère ses vertus hypoallergéniques et écologiques (biodégradable en moins de vingt-huit jours – méthode OCDE) en raison de l’utilisation d’huiles végétales et de l’absence d’additifs, de parfums et de colorants.

Quatre savonneries  témoignent encore des quatre-vingt-dix fabriques, installées près des cours d’eau, soit plus de quatre cents chaudières, qui produiront cent quatre-vingt mille tonnes au début du XXe siècle. Des centaines d’ouvriers, les « fatiguons », ont alimenté d’immenses chaudrons où cuisaient les pâtes composées de soude et d’huiles.

En 2011, avec ces trois autres savonniers des Bouches-du-Rhône, il fonde l’Union des Professionnels du Savon de Marseille (UPS) pour défendre, promouvoir et faire connaître le véritable savon de Marseille(voir le site). Le savon de Marseille est  au coeur d’une proposition de Loi du 6 février 2013 visant à créer un dispositif d’enregistrement des indications géographiques pour les produits industriels dont les caractéristiques seront strictement définies par décrets pris après une enquête publique et consultation des organisations ou groupements professionnels directement intéressés.

igp-ressource-ppaleMarie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux handicapés et à la lutte contre l’exclusion, en visite à la Savonnerie du fer à cheval en février 2013, a annoncé à l’UPS qu’elle allait appuyer la demande d’ajouter le savon de Marseille à la liste des Indications Géographiques Protégées (IGP), proposition déjà faite par la députée des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer en février 2013 (voir la proposition de Loi).

L’indication géographique protégée (IGP) est un signe officiel européen d’origine et de qualité qui permet de défendre les noms géographiques et offre une possibilité de déterminer l’origine d’un produit alimentaire quand il tire une partie de sa spécificité de cette origine.

Le 12 juin 2013, les députés ont voté en commission une extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés, et non plus seulement aux produits alimentaires, dans le cadre du projet de loi sur la consommation présenté par le ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon. Le projet de Loi confie à l’INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) le soin de gérer les dossiers d’indications géographiques protégées.

A suivre… en découvrant notamment les balades de la route du savon de Marseille.

Gilbert Latour et Prosper Wanner, avril 2013, misa à jour juillet 2013

 


[1] Le savon doit être fabriqué avec un mélange d’huiles végétales contenant, après la fabrication, approximativement 62 % à 64 % d’acide gras et de résine, 8 % à 8,5 % d’alcalis combinés, 1,35 % d’alcali libre – soude –, du chlorure de sodium et de la glycérine, 28 % à 29 % d’eau.

Odile Richard : La gare de l’Estaque, un modèle d’inscription au titre des monuments historiques initié par une association de bénévoles.

La gare est composée d’un bâtiment voyageur construit en1851, sur la ligne PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) ainsi que d’un ensemble d’annexes de style « Art Déco » avec  passage souterrain édifiés vers 1925.

Cette gare est également le point de départ de la ligne  dite de la Côte Bleue vers Port de Bouc et Miramas.

Face à la dégradation des édifices, à l’intérêt architectural de l’ensemble et au rôle passé et actuel de cette gare , l’association « Action Environnement Estaque » (AEE) depuis 2008 collecte de la documentation sur la gare. Ce travail de recherches auprès de divers organismes, archives, bibliothèques, revues, particuliers se poursuit encore.

Depuis 2009 la gare de l’Estaque est l’élément patrimonial central desbalades découvertes, axées sur les industries, l’habitat ouvrier et bourgeois, les peintres, la pêche, les viaducs, les tunnels, organisées par  l’AEE, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine.

L’association a constitué un dossier préliminaire joint à sa  demande de protection  faite auprès de la DRAC (Direction Régionale des Affaires culturelles) qui l’a jugée opportune fin 2011. Cette demande a été relayée au sein de la Commission Patrimoine présidée par l’élue à la Culture de la mairie de secteur, Pascale Reynier qui avait organisé une visite in situ avec la Drac.
La chargée d’études documentaires DRAC/CRMH a rédigé et présenté le dossier de demande de protection  devant la CRPS réunie en commission plénière en  juillet 2012, La commission régionale du patrimoine et des sites (C.R.P.S.) qui rassemble des représentants de l’administration, des élus locaux, des professionnels et historiens de l’art a émis un avis favorable

L’arrêté d’inscription de la gare de l’Estaque au titre des Monuments Historiques a été signé fin 2012.

La procédure d’inscription ou de classement

La demande peut être faite par un particulier,une association, une collectivité locale, etc.

Cette demande doit être complétée par un dossier comportant un volet administratif (cadastre, propriétaire..), un volet historique  et descriptif (photos plans,archives…) pour une évaluation de l’immeuble. Elle est soumise à une commission (CRPS) qui se prononce sur l’opportunité de poursuivre la procédure.

Ensuite ce sont les services de la DRAC qui se chargent de la constitution du dossier et sollicitent l’avis de l’architecte en chef des monuments historiques, de l’architecte des bâtiments de France, du conservateur régional des monuments historiques. Le dossier est soumis à l’avis  de la CRPS , cet avis est soumis au préfet de région qui prend , le cas échéant l’arrêté d’inscription ou transmet le dossier au ministère de la Culture pour un classement.

La protection au titre des monuments historiques, classement ou inscription, constitue une servitude qui suit l’immeuble et génère un périmètre de visibilité de 500m à l’intérieur duquel tout projet de  construction ou de modification de l’environnement ou du bâti doit faire l’objet d’un avis de l’architecte des bâtiments de France.

Dans certains cas une aide financière peut être obtenue de l’Etat et une défiscalisation est possible pour le propriétaire.

L’association «Action  Environnement Estaque »  présentera, in situ, la gare de l’Estaque dans le cadre du Forum Européen du Patrimoine  qui se tiendra les 12 et 13 Septembre 2013 aux Archives départementales Gaston Deferre à Marseille.

Rédaction : Odile RICHARD – Association « Action Environnement Estaque »

  • Journées du Patrimoine 2012 : L’Estaque, un site industriel d’exception


L’Estaque, un site industriel d’exception… di journeesdupatrimoine

  • LCM 2011 : Il faut sauver la gare de l’Estaque !


Il faut sauver la gare de l’Estaque ! (Marseille) di LCM

Alberto Dalessandro : conclusions de la rencontre de Venise sur la Convention de Faro.

Nous poursuivons la mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise suite à la signature de la Convention de Faro par l’État italien.

Voici le texte en anglais de Alberto Dalessandro, directeur du bureau du Conseil de l’Europe à Venise, de conclusion de la Conférence « the framework Convention of the Council of Europe on the value of cultural heritage for society (Faro, 27 October 2005) », Venice, March 1-3, 2013

The conference on the framework Convention of the Council of Europe on the value of cultural heritage for society has been a crucial moment to disseminate the principles of the Faro Convention and to profoundly brainstorm about  its potential and its concrete application.

The main aims of the meeting were to identify concrete actions and measures in order to ensure an effective implementation of the specific objectives pursued by the Convention:

  1. Promoting the idea of Cultural Heritage not as a goal but as auseful resource for society.
  2. Recognizing access and participation to cultural life as a basic human right, as defined in the Universal Declaration of Human Rights.
  3. Broadening the involvement of the civil society throughout the ongoing process of defining and managing cultural heritage.
  4. Recognizing the potential for the sustainable development of the territories, emphasizing the connection between local communities, their cultural heritage and the environment.

The participants recognized at first the need to ensure the dissemination of the principles and values of the Faro Convention at the institutional and political level throughout Europe, in order to ensure the knowledge of the Convention and favour a better cooperation between different stakeholders in the field of cultural heritage.

The need for a deeper understanding of the topics established by the Convention was also stated in order to better define methodologies of its application. This point requires improving national statistical information and creating new measurement tools in order to assure concrete evidence of the contribution of the cultural heritage to human, social and economic development.

Moreover the Venetian event was the occasion for sharing experiences and best practices among some of the most important institutional actors and members of the civil society of both national and European level. The debate provided some key issues and concrete proposals that could be the starting point for the development of a virtuous process, the so-called “Venetian Process”.

Following the events promoted by the Council of Europe office in Venice, the “Venetian Process”,  should be an important laboratory to define innovative participative and democratic approaches applied to the cultural field (expanding to other policy fields as tourism or labor) and develop common practices and strategies both of national and European interest.

The first step to be encouraged is the creation of a Venetian focus group defining procedures and tools in close dialogue with the city of Marseilles, which offered a practical example of efforts to apply a “Faro approach”. The cooperation between the two cities should be intensified taking into consideration the “European Heritage Forum”, planned in September 2013.

The experience brought by the association “Faro Venezia” raised the awareness about the importance of a widespread engagement of the civil society in the practical actions required. Promoting the diffusion of tools such as the “heritage promenade”, introduced by the “Faro Venezia” association, would be an important means to spread the values of the Convention. In close connection with this, awidespread network of local clubs and organizations should be promoted in order to foster the exchange of good practices and ideas between public authorities and civil society. The use of digital technology and social networks should be also encouraged and  developed.

A debate is open on the creation of a Venetian Heritage Commission, based on the example offered by the city of Marseille. This would be an instrument of public participation in cultural heritage management, between “heritage communities”, public authorities and civil society associations. Within the “heritage commission” might be arranged specials committees concerning key themes identified by the local community.

The education and training issues are equally relevant for the development of the “Venetian process”, with the aim of a sound implementation of the provisions of the Convention. Considering a previous experience realized in San Servolo Island by the Council of Europe, the creation of a European centre for the Arts, crafts and ancient traditions will be encouraged, in connection with similar European initiatives. A public proposal has been presented by the Marco Polo System GEIE for the Forte Marghera area. The specific objective would be the creation of a European network of Arts and craft training centres.

Recognizing the importance of the preservation and knowledge of the traditional craftsmanship and traditions, new concrete actions were explored. The main proposal concerns the creation of inventories to document all the practices, representations, expressions, knowledge and skills embedded in the venetian region. This initiative, which should be hold directly by local  communities, would prevent the threat of disappearance of such richness. Furthermore, a second list was proposed in order to address the recognition of the need to preserve and promote the “local cultural heritage” as it is conceived and identify by each local “heritage community” and which give high value to this specific heritage (which could be different from the heritage identify by the Minister of Culture or cultural institutions). Both of these inventories provided a relevant instrument of cultural democracy.

Recognizing the value and the potential of cultural heritage for human development, cultural diversity and the promotion of intercultural dialogue, the participants furthermore encouraged the creation and the enhancement of a European network of cities to promote the principles of the Faro Convention.

This could end to the realization of as symbolic declaration, the “Venetian Chart” drawing the main guidelines and actions to be taken by municipalities and local communities in order to preserve and put in value their heritage as it is seen from the local community point of view. The Chart  may be a kind of “Declaration of intent” creating a network of cities supporting the spread of the principles of the Faro Convention and calling the community to actions for the preservation of their proper cultural heritage to future generations, defining innovative procedures and methodologies.