TRANSHUMONS VERS LE NORD

Des bâtons décorés posés face au vide…

(c)Sébastien Bossi

Un groupe de personnes qui semblent se préparer à partir en randonnée…

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Ce dimanche 22 septembre 2024, il se trame quelque chose devant l’arrêt de bus 70. On se chuchote à l’oreille un secret…bientôt connu de tous !
Celui de l’itinéraire d’une grande transhumance : celle d’une vingtaine de moutons et de tout un troupeau d’humains qui traverseront les quartiers nord, comme on le faisait au temps jadis, quand les flots moutonnés patûraient les collines ou plus tard remontait du port pour rejoindre… les abattoirs …

(c)Dominique Poulain

Ouf ! Pas de risque de finir en côtelettes aujourd’hui : on prend le chemin à rebrousse poil, en direction du nord, en partant du sommet de la colline Consolat. Pour aller jusqu’à où ? Mystère..

On se réunit d’abord et Julie raconte l’histoire des « Moutons marseillais », cette association qui fait paître un troupeau urbain partout dans Marseille, guidé par son berger Arthur.

(c) Bulat Sharipov

(c)Dominique Poulain

La star du jour est bien entendu le petit agneau, à qui on donne des forces avant de partir pour cette aventure de 5km à pattes !

(c)Dominique Poulain

Même le loup est sous le charme.

(c)Sébastien Bossi

Allez c’est parti !

(c)Dominique Poulain

(c) Sébastien Bossi

Comme une superposition d’époques, les quartiers nord retrouvent les couleurs du pastoralisme d’autrefois.

(c)Dominique Poulain

Parcs, friches, bordures de route, l’urbanisme lâche du quartier offre de nombreuses ressources alimentaires pour le troupeau. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’éco-paturage, une manière beaucoup plus douce que la tondeuse de prendre soin des prairies urbaines…

(c)Sébastien Bossi

Heureusement que ce jardin possède une barrière…sinon il aurait été tondu ! On découvre qu’il y pousse du maïs et que les amandes n’ont pas été récoltées.

(c)Sébastien Bossi

Notre première étape : la Cité Consolat. Déjà visitée la veille lors de la balade « L’Ultime Demeure », cette « copro-dégradée » pose de nombreux problèmes aux habitant.e.s. Espérons que le passage du troupeau puisse apporter un peu de vie joyeuse.

(c)Dominique Poulain

On profite de la halte pour se partager nos souvenirs liés aux moutons. Pour Chloé il s’agit de la pagaille qu’elle semait dans les troupeaux lorsque, petite, elle vivait en Lozère !

(c)Sébastien Bossi

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Pour certains c’est la toute première rencontre.

(c)Dominique Poulain

Samanta, Tania et Arlette profitent de la pause pour refaire leurs pelotes.

(c) Sébastien Bossi

Le troupeau repart car la route est longue !

(c)Dominique Poulain

On traverse des forêts…

(c)Dominique Poulain

De grandes étendues…

(c)Sébastien Bossi

Sous le regard des habitant.e.s curieux!

(c)Sébastien Bossi

Et puis on arrive à la Cité-jardin Saint Louis, construite en 1926, sorte d’ancêtre du logement social.

(c)Dominique Poulain

Pour une nouvelle halte, l’occasion pour Agnès de raconter comment le pastoralisme façonnait autrefois les cheminements dans le quartier, mais aussi entre les villes, et que de nombreuses routes actuelles suivent encore la trace des « chemins à bestiaux ».

(c)Sébastien Bossi

Certains complètent et d’autres écoutent religieusement…

D’autres ne pensent qu’à manger.

(c)Dominique Poulain

On repart et cette fois, il va falloir prendre la route.

(c)Sébastien Bossi

En chemin on aperçoit des paysages intéressants.

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Et puis c’est l’arrivée en fanfare à Saint André, où une fois n’est pas coutume l’église est grande ouverte !

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Ce moment hautement mystique et inoppiné aurait-il été préparé en amont? Certainement selon certains qui ont vu dans les scènes suivantes quelques passages bibliques !

Le Buisson Ardent :

(c)Dominique Poulain

La Crèche

Le Baptême

Le comité d’accueil décore les moutons de pompons de laine.

(c)Dominique Poulain

Les plus heureux sont définitivement les enfants de Saint André.

(c)Dominique Poulain

Mais les grands ne sont pas en reste.

On complète cette drôle de rencontre entre moutons et église par l’histoire très locale de l’émergence d’une première filière de viande hallal à Saint André, plus précisément au sein du bidonville de la Lorette, par Bachir Azzoug. Venu d’Algérie dans les années 40 pour travailler aux tuileries, il créa une première boucherie au sein du bidonville qui deviendra une longue aventure familiale qui continue encore de nos jours, durant la période de l’Aïd.

(c)Sébastien Bossi

Une fois de plus on se remet en marche.

« C’est par ici les copines ! »

(c)Sébastien Bossi

Suivez le guide !

(c)Sébastien Bossi

Bravant le zonage urbain et le découpage routier, le vaillant troupeau se dirige vers la Castellane.

(c)Dominique Poulain

Où Fadila et son équipe nous attendent de pied ferme, fières de toutes les décorations qu’elles ont tricoté durant plusieurs semaines pour orner les buissons du rond point.

(c) Dominique Poulain

Elles nous partagent leur savoir faire en matière de travail de la laine : du mouton à la pelote !

(c) Bulat Sharipov

Jamais le rond point de Grand Littoral n’a été aussi peuplé.

Le troupeau d’enfants devenant conséquent, ça commence à être un peu la pagaille…

(c)Sébastien Bossi

Bien se nourrir pour devenir un beau gigot..heu un bel agneau.

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Mais nous ne sommes pas encore arrivés à la bergerie, et il faut encore un peu marcher.

(c)Sébastien Bossi

L’arrivée se trouve là où on l’attend le moins…

(c)Dominique Poulain

(c) Bulat Sharipov

Un petit paradis caché : Miramar

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Au tour des humains d’avoir le droit de se remplir la panse, avant la danse !

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Une fois repu, on explore cet improbable terrain.

Et on se lance dans la grande entreprise de laver de la laine brute !

(c)Dominique Poulain

(c)Sébastien Bossi

Il y en a qui travaillent et il y en a qui dansent !

(c)Sébastien Bossi

Epuisante cette balade !

WALKING IN THE RAIN

Les aventures des Journées Européennes du Patrimoine sous la pluie

Cette carte du quartier a été distribuée pour la marche des JEP. Elle est accessible auprès de la bibliothèque de Saint -André, de la coopérative Hôtel du Nord et de l’association Momkin

C’était écrit noir sur blanc : « Samedi 16 septembre 2023 : pluie 80% »

Quelle nouvelle réjouissante pour la végétation, assoiffée par un mois d’août brûlant !
Les marcheur.euse.s que nous sommes se sont senties prises d’un élan de joie à l’annonce de toute cette eau, d’une envie de danser sous la pluie…depuis notre canapé.
Pourtant il en faut pour nous décontenancer à Hôtel du Nord !
Mais qui dit averse dit aversion à l’idée d’envoyer un groupe à l’aventure par monts et par vaux, avec pour tout guide une carte en papier (non imperméable!).
A peine avions- nous mis au point un plan de repli, une autre date fin octobre, somme toute plus pratique pour la plupart d’entre nous etc.. qu’Emmanuelle, de sa voix assurée de maîtresse d’école patentée, a déclaré :

« Cette balade je la ferai, même si je dois la faire toute seule ! »

Emmanuelle, la veille de la balade

Il faut dire que cela faisait plusieurs mois qu’Emmanuelle et Agnès, les maîtresses de CP-CE1 de l’école Saint- André Barnier et leurs élèves planchent dur sur ce projet de fabriquer un jeu de piste patrimonial reliant les 3 écoles du quartiers, et par là- même le « haut » (la Castellane) et le « bas » (le noyau villageois).

La motivation étant chose contagieuse, nous sommes une bonne quarantaine au départ dans le parc de la Jougarelle, samedi 16 septembre à 10h, muni.e.s de parapluies colorés et prêt.e.s à partir explorer le quartier, carte au trésor en main.

Il y a des grands, désireux de découvrir ce quartier qu’ils ne connaissent pas ou alors qu’ils n’ont vraiment pas l’habitude d’arpenter à pied. Il y a aussi des plus petits : Hyacinthe, déjà rompu à l’expérience de cette chasse au trésor dont il avait été l’enfant-test quelques jours auparavant, et toute une bande joyeuse, élèves de l’école (ou apparentés) qu’Emmanuelle est parvenue à tirer du lit.

Profitant d’un rayon de soleil, apparu au moment du dévoilement de la carte au trésor, nous formons des petits groupes d’exploration : un premier groupe part à la recherche de l’indice n°1 : « le champ de palmier », tandis que les prochains restent pour apprendre une chanson .

Une fois l’indice trouvé, il suffit de retourner la carte pour accéder à des explications, poétiques, techniques ou historiques, qui décrivent l’endroit. Ces quelques lignes ont été écrites en croisant les expériences de celles qui ont accompagné les enfants dans cette aventure, sur ce territoire qu’elles connaissent chacune à leur manière, de par leur pratique : Elsa et Francesca, de l’association Momkin et 3.2.1, par leur présence hebdomadaire lors des « ateliers buissonniers » à la Jougarelle, Emmanuelle, enseignante engagée auprès de ses élèves et habitante de Saint- André, et Chloé, Julie, Samanta et Agnès, membres de la coopérative Hôtel du Nord qui ont pris l’habitude de marcher sur les traces des anciens chemins à l’affût des indices.


Mais ce ne sont pas les seules à avoir des choses à dire, et les participant.e.s de ce jeu de piste ont chacun.e.s de l’expérience à revendre concernant le fonctionnement du Port Autonome qu’on aperçoit au loin, le désamiantage de l’école du haut, les « concombres d’âne » explosifs, l’ancien réseau de canaux (avec ses martellières et ses Aiguadiers) qui permettait que poussent les fleurs et les légumes là où aujourd’hui fleurissent les immeubles…

Le château de Gabrielle de Castellane enfin retrouvé, dans la
cour de l’école du haut !

Chaque petit groupe mène la balade à sa guise, au grès des personnes qui le composent. Certain.e.s ont ainsi droit à des surprises, comme la visite impromptue d’une belle maison par sa propriétaire, témoin de l’histoire agricole du quartier dont on s’efforce de débusquer les traces.

Au- dessus de la porte d’entrée, la vigne qui entoure les initiales des premiers habitants rappelle la tradition de la rocaille marseillaise et des cultures qui fleurissaient sur les bancaus de Saint- André

De son côté Emmanuelle est intarissable de détails et d’anecdotes, sa tablette à la main elle montre aux membres de son groupe de nombreux documents et archives qui racontent la richesse de l’histoire du quartier.

Alors qu’on se croyait tiré d’affaires, le ciel s’assombrit et la pluie se rappelle à nous. Les parapluies cessent d’être des bâtons de marche et reprennent leur place au -dessus de nos têtes.

On commence à être bien mouillé et quelques un.e.s font défection, alors ceux qui restent se serrent les coudes et les petits groupes finissent par se rejoindre afin de se donner du courage!

Même si aux yeux d’Arlette cette averse n’est tout juste bonne qu’à arroser les plantes bandes (sous entendu, il en faudra d’autres avant de réellement hydrater les sols), celle-ci suffit quand même à noyer la chaussée et à faire réapparaître le tracé du cours d’eau du Pradel ! Alors que celui-ci a été recouvert par la construction du boulevard Henri Barnier, il prend aujourd’hui sa revanche et nous rappelle que le chemin de l’eau ne peut réellement être contraint.

La marche continue le long de la Traverse de la Barre, où autrefois se croisaient les charrettes, cahotant entre les champs et les fermes qui étaient alors si nombreuses.
Sur ce chemin les éléments de la vie et les évolutions du quartier sautent aux yeux : cité de la Bricarde d’un côté, ancienne bastide de l’autre, murs en tuiles et en briques issues des tuileries, avec au débouché la Nouvelle Lorette.
Les bras croisés derrière une Glissière en Béton Armé qui sépare la résidence de la route, un monsieur regarde passer ces gens qui défilent, le poil humide et une carte détrempée à la main. Il est né dans le bidonville de la Lorette et connaît par cœur l’histoire du relogement, qui est avant tout la sienne et celle de sa famille, ainsi que celle des tuileries, du remblais de Foresta, de Grand Littoral. Nous lui taillons un brin de cosette, mais à peine les premiers l’ont-ils laisser souffler qu’un nouveau groupe arrive et relance la conversation.

La pluie semble derrière nous, nous pouvons nous lancer à la découverte de la friche où se trouvent les ruines de l’ancien gymnase du collège Henri Barnier, victime d’un glissement de terrain comme d’autres géants aux pieds d’argile avant lui.
Les semelles s’augmentent de couches de boue, les poches et les bouches se teintent du violet des mûres fraiches.

On vous avait promis l’aventure au coin de la rue ! On ne vous a pas menti.

L’heure du pique nique approche, les ventres crient famine. Chacun cherche un endroit où s’installer malgré le sol détrempé. On tend des bâches, on déplie des nattes en plastique immédiatement piétinées par des chaussures pleines de boue… pas facile de se mettre au sec. Heureusement Julie distribue allégrement des tartines de pesto de plantes qu’elle a cueillies et préparées la veille.

Au moment où on croyait être à l’abri..BADABOUM ! Les nuages éclatent à nouveau et la pluie ruisselle sur les pique niques..
Malgré l’averse personne ne bouge, le réflexe est plutôt de se serrer les un.e.s les autres et de chanter !

Nous sommes des enfants des quartiers nord
Et à pied ça fait loin jusqu’au vieux port
Il y avait des vaches et des cochons
À l’endroit où se trouvent nos maisons
Pierrette partait avec son bidon d’lait
Dans une ferme tout près de la forêt
Adieu vaches et cochons, ferme et forêts
Pierrette achèt’ son lait au supermarché

Sifflotée par plusieurs d’entre nous pendant la marche, la Chanson de Mehdi est entamée collectivement, à l’initiative de Jeanne. Ces paroles, écrites en 1982 par la classe de Daniel Beaume, professeur au collège Albert Camus dans le 14e, font toujours mouche et semblent avoir été écrites pour illustrer notre marche du jour.
Elle était un des hymnes de la Marche pour l’égalité partie de Marseille en 1983, dont le 40naire est fêté cette année. Les paroles résonnent encore aujourd’hui, signe que l’histoire tourne en rond ? Ou peut- être preuve que c’est en marchant qu’on avance, droit devant ou en pas de côté.

Le soleil finit par poindre et les sourires qui n’avaient jamais disparu continuent de resplendir.
On sort de la forêt pour rejoindre « la ville ». Avec sa pente herbue et ses sapins, la colline de Grand Littoral prend des airs de station de ski en été. Les enfants dévalent la piste rouge à toutes jambes.

Le ciel bleu revenu, les vaillant.e.s explorateur.ices achèvent de relier le haut du quartier à Saint-André village. L’arrivée est à la bibliothèque, qui a accueilli au printemps les ateliers buissonniers qui ont permis de rassembler tant de monde pour décorer les rues et préparer la Fête de la musique. Il se trouve que cette bibliothèque est .. une ancienne école ! Le chemin des écoliers est donc bien arrivé à bon port.

Cette marche, proposée à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, a permis de présenter le travail réalisé par le Mille Pattes des enfants de Saint-André Barnier pendant l’année 2023. Ces explorations et les créations qui en ont découlé sont rattachées au projet « Caminando Saint André », porté par Hôtel du Nord, les associations Momkin, 3.2.1, Trait d’Union, l’Atelier sous le Platane, la bibliothèque de Saint-André et de nombreux autres complices.

La suite de ces aventures est pour bientôt .. 😉