Les aventures des Journées Européennes du Patrimoine sous la pluie
C’était écrit noir sur blanc : “Samedi 16 septembre 2023 : pluie 80%”
Quelle nouvelle réjouissante pour la végétation, assoiffée par un mois d’août brûlant !
Les marcheur.euse.s que nous sommes se sont senties prises d’un élan de joie à l’annonce de toute cette eau, d’une envie de danser sous la pluie…depuis notre canapé.
Pourtant il en faut pour nous décontenancer à Hôtel du Nord !
Mais qui dit averse dit aversion à l’idée d’envoyer un groupe à l’aventure par monts et par vaux, avec pour tout guide une carte en papier (non imperméable!).
A peine avions- nous mis au point un plan de repli, une autre date fin octobre, somme toute plus pratique pour la plupart d’entre nous etc.. qu’Emmanuelle, de sa voix assurée de maîtresse d’école patentée, a déclaré :
Il faut dire que cela faisait plusieurs mois qu’Emmanuelle et Agnès, les maîtresses de CP-CE1 de l’école Saint- André Barnier et leurs élèves planchent dur sur ce projet de fabriquer un jeu de piste patrimonial reliant les 3 écoles du quartiers, et par là- même le “haut” (la Castellane) et le “bas” (le noyau villageois).
La motivation étant chose contagieuse, nous sommes une bonne quarantaine au départ dans le parc de la Jougarelle, samedi 16 septembre à 10h, muni.e.s de parapluies colorés et prêt.e.s à partir explorer le quartier, carte au trésor en main.
Il y a des grands, désireux de découvrir ce quartier qu’ils ne connaissent pas ou alors qu’ils n’ont vraiment pas l’habitude d’arpenter à pied. Il y a aussi des plus petits : Hyacinthe, déjà rompu à l’expérience de cette chasse au trésor dont il avait été l’enfant-test quelques jours auparavant, et toute une bande joyeuse, élèves de l’école (ou apparentés) qu’Emmanuelle est parvenue à tirer du lit.
Profitant d’un rayon de soleil, apparu au moment du dévoilement de la carte au trésor, nous formons des petits groupes d’exploration : un premier groupe part à la recherche de l’indice n°1 : “le champ de palmier”, tandis que les prochains restent pour apprendre une chanson .
Une fois l’indice trouvé, il suffit de retourner la carte pour accéder à des explications, poétiques, techniques ou historiques, qui décrivent l’endroit. Ces quelques lignes ont été écrites en croisant les expériences de celles qui ont accompagné les enfants dans cette aventure, sur ce territoire qu’elles connaissent chacune à leur manière, de par leur pratique : Elsa et Francesca, de l’association Momkin et 3.2.1, par leur présence hebdomadaire lors des “ateliers buissonniers” à la Jougarelle, Emmanuelle, enseignante engagée auprès de ses élèves et habitante de Saint- André, et Chloé, Julie, Samanta et Agnès, membres de la coopérative Hôtel du Nord qui ont pris l’habitude de marcher sur les traces des anciens chemins à l’affût des indices.
Mais ce ne sont pas les seules à avoir des choses à dire, et les participant.e.s de ce jeu de piste ont chacun.e.s de l’expérience à revendre concernant le fonctionnement du Port Autonome qu’on aperçoit au loin, le désamiantage de l’école du haut, les “concombres d’âne” explosifs, l’ancien réseau de canaux (avec ses martellières et ses Aiguadiers) qui permettait que poussent les fleurs et les légumes là où aujourd’hui fleurissent les immeubles…
cour de l’école du haut !
Chaque petit groupe mène la balade à sa guise, au grès des personnes qui le composent. Certain.e.s ont ainsi droit à des surprises, comme la visite impromptue d’une belle maison par sa propriétaire, témoin de l’histoire agricole du quartier dont on s’efforce de débusquer les traces.
De son côté Emmanuelle est intarissable de détails et d’anecdotes, sa tablette à la main elle montre aux membres de son groupe de nombreux documents et archives qui racontent la richesse de l’histoire du quartier.
Alors qu’on se croyait tiré d’affaires, le ciel s’assombrit et la pluie se rappelle à nous. Les parapluies cessent d’être des bâtons de marche et reprennent leur place au -dessus de nos têtes.
On commence à être bien mouillé et quelques un.e.s font défection, alors ceux qui restent se serrent les coudes et les petits groupes finissent par se rejoindre afin de se donner du courage!
Même si aux yeux d’Arlette cette averse n’est tout juste bonne qu’à arroser les plantes bandes (sous entendu, il en faudra d’autres avant de réellement hydrater les sols), celle-ci suffit quand même à noyer la chaussée et à faire réapparaître le tracé du cours d’eau du Pradel ! Alors que celui-ci a été recouvert par la construction du boulevard Henri Barnier, il prend aujourd’hui sa revanche et nous rappelle que le chemin de l’eau ne peut réellement être contraint.
La marche continue le long de la Traverse de la Barre, où autrefois se croisaient les charrettes, cahotant entre les champs et les fermes qui étaient alors si nombreuses.
Sur ce chemin les éléments de la vie et les évolutions du quartier sautent aux yeux : cité de la Bricarde d’un côté, ancienne bastide de l’autre, murs en tuiles et en briques issues des tuileries, avec au débouché la Nouvelle Lorette.
Les bras croisés derrière une Glissière en Béton Armé qui sépare la résidence de la route, un monsieur regarde passer ces gens qui défilent, le poil humide et une carte détrempée à la main. Il est né dans le bidonville de la Lorette et connaît par cœur l’histoire du relogement, qui est avant tout la sienne et celle de sa famille, ainsi que celle des tuileries, du remblais de Foresta, de Grand Littoral. Nous lui taillons un brin de cosette, mais à peine les premiers l’ont-ils laisser souffler qu’un nouveau groupe arrive et relance la conversation.
La pluie semble derrière nous, nous pouvons nous lancer à la découverte de la friche où se trouvent les ruines de l’ancien gymnase du collège Henri Barnier, victime d’un glissement de terrain comme d’autres géants aux pieds d’argile avant lui.
Les semelles s’augmentent de couches de boue, les poches et les bouches se teintent du violet des mûres fraiches.
L’heure du pique nique approche, les ventres crient famine. Chacun cherche un endroit où s’installer malgré le sol détrempé. On tend des bâches, on déplie des nattes en plastique immédiatement piétinées par des chaussures pleines de boue… pas facile de se mettre au sec. Heureusement Julie distribue allégrement des tartines de pesto de plantes qu’elle a cueillies et préparées la veille.
Au moment où on croyait être à l’abri..BADABOUM ! Les nuages éclatent à nouveau et la pluie ruisselle sur les pique niques..
Malgré l’averse personne ne bouge, le réflexe est plutôt de se serrer les un.e.s les autres et de chanter !
Nous sommes des enfants des quartiers nord
Et à pied ça fait loin jusqu’au vieux port
Il y avait des vaches et des cochons
À l’endroit où se trouvent nos maisons
Pierrette partait avec son bidon d’lait
Dans une ferme tout près de la forêt
Adieu vaches et cochons, ferme et forêts
Pierrette achèt’ son lait au supermarché
Sifflotée par plusieurs d’entre nous pendant la marche, la Chanson de Mehdi est entamée collectivement, à l’initiative de Jeanne. Ces paroles, écrites en 1982 par la classe de Daniel Beaume, professeur au collège Albert Camus dans le 14e, font toujours mouche et semblent avoir été écrites pour illustrer notre marche du jour.
Elle était un des hymnes de la Marche pour l’égalité partie de Marseille en 1983, dont le 40naire est fêté cette année. Les paroles résonnent encore aujourd’hui, signe que l’histoire tourne en rond ? Ou peut- être preuve que c’est en marchant qu’on avance, droit devant ou en pas de côté.
Le soleil finit par poindre et les sourires qui n’avaient jamais disparu continuent de resplendir.
On sort de la forêt pour rejoindre “la ville”. Avec sa pente herbue et ses sapins, la colline de Grand Littoral prend des airs de station de ski en été. Les enfants dévalent la piste rouge à toutes jambes.
Le ciel bleu revenu, les vaillant.e.s explorateur.ices achèvent de relier le haut du quartier à Saint-André village. L’arrivée est à la bibliothèque, qui a accueilli au printemps les ateliers buissonniers qui ont permis de rassembler tant de monde pour décorer les rues et préparer la Fête de la musique. Il se trouve que cette bibliothèque est .. une ancienne école ! Le chemin des écoliers est donc bien arrivé à bon port.
Cette marche, proposée à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, a permis de présenter le travail réalisé par le Mille Pattes des enfants de Saint-André Barnier pendant l’année 2023. Ces explorations et les créations qui en ont découlé sont rattachées au projet “Caminando Saint André”, porté par Hôtel du Nord, les associations Momkin, 3.2.1, Trait d’Union, l’Atelier sous le Platane, la bibliothèque de Saint-André et de nombreux autres complices.
La suite de ces aventures est pour bientôt .. 😉
Chouette jeu de piste…
Ballade fort humide mais bien sympa ! Merci à tous/tes les organisateurs…