Présentation Hôtel du Nord à l’école d’architecture de Berne

Voici une présentation de l’Hôtel du Nord par Christine Breton, Yohanne Lamoulère et Jeremy Garniaux, le 18 avril 2010 à Marseille, aux étudiants et professeurs de l’école d’architecture de Berne en voyage d’étude à Marseille. Cette présentation a accompagné une invitation à la réalisation d’une des 50 chambres pour 2013.

Christine Breton et Prosper Wanner : Les communautés patrimoniales : principe actif du développement durable

Préambule

Ce rapport a été validé par l’Assemblée Plénière du 5 février 2009 du Conseil départementale de concertation des Bouches-du-Rhône.Télécharger le rapport.

Introduction :
Ce rapport entre dans le mouvement de réflexion collective lancé par le cdc en 2007 pour comprendre et faire comprendre les principes du développement durable et leurs applications aux territoires du département.
Ce rapport apporte l’éclairage patrimonial, il résulte de nombreux aller-retours entre les pratiques citoyennes déjà existantes dans le département et le cadre de droit nouvellement ouvert par la convention de Faro de 2005:  » Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel et naturel pour la société. » que vous pouvez consulter en annexe 1.
Ce rapport propose de considérer les patrimoines naturels et culturels des territoires du département des Bouches-du-Rhônes comme une ressource vivante et citoyenne fondatrice de tout processus de développement durable.
Ce rapport ne fait pas l’impasse sur les enjeux théoriques, parfois complexes et pourtant au coeur des engagements des communautés patrimoniales face aux enjeux économiques, sociaux et touristiques:
« Le discours du tourisme culturel affirme avec constance que les touristes s’intéressent toujours plus au patrimoine, aux destinations « authentiques » et aux activités culturelles multiples. Cette affirmation, émise en langue commerciale, accompagne et justifie la mise en œuvre de nombreux projets touristiques présentés comme les futurs « moteurs de développement local ». Le problème est que la lecture des chiffres de fréquentation et l’observation des lieux culturels et territoires non « prestigieux », soit l’immense majorité de l’offre touristique, s’oppose totalement à cet optimisme institutionnel et politique. Le discours du tourisme culturel ne paraît pas rationnel par rapport aux critères marchands et aux fins financières qu’il revendique ».
« Ce qui est recherché par les politiques touristiques – et sans doute par les touristes, n’est alors pas une altérité, une différence, mais ce qui permet de se représenter soi-même, par identification ou différenciation. Les conséquences en sont que le tourisme culturel n’est pas une modalité d’échange et de découverte de l’autre tels que le postulent ses promoteurs, mais plutôt un déficit de pensée de l’altérité et un impensé de l’échange ».

(« L’identité au miroir du tourisme » Thèse de doctorat sociologie, Saskia Cousin, 2003).

1 – Les patrimoines naturels et culturels des territoires du département des  Bouches-du-Rhône seront autant de ressources pour le développement durable qu’il y aura de communautés patrimoniales pour les fonder et les faire vivre.

*Evolution de la notion de patrimoine : le mot patrimoine est utilisé dans ce rapport au sens français. Nous héritons d’un ensemble de formes visuelles et écrites publiques qui fondent le pouvoir et cristallise le corps social. Il ne faut pas oublier qu’Aix en fut le foyer et le berceau. De nombreux collectionneurs privés, tous issus de la sphère du parlement de Provence dont Peiresc, dés la fin du 16ème siècle, ont contribué à fonder  et les premières collections publiques et la royauté de droit divin qui s’inventait. L’un d’entre eux, P.A. Rascas de Bagarris, collectionneur aixois, de noblesse de robe, fut choisi par Henri IV pour être le fondateur et intendant de ses collections d’antiques et de son cabinet des médailles, vers 1598. Il insiste sur l’avantage d’établir des trésors publics et rappelle qu’un prince est obligé de conserver les monuments de la gloire de ses prédécesseurs. Il a écrit un livre toujours d’actualité : « de la nécessité de l’usage des médailles dans les monnaies ». Quelle image tenez-vous dans votre main chaque jour lorsque vous faites votre marché? C’est le premier conservateur public. Encore aujourd’hui, cette continuité publique construite nous fonde dans l’invisible. Après le religieux et le droit divin, l’Etat Républicain a continué d’occuper cette place dans notre imaginaire collectif , constituant ainsi une communauté patrimoniale non dite.
P. LEGENDRE qui a créé l’anthropologie dogmatique démonte ce processus et montre « ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident ». Titre chez Mille et une nuits 2004.

* Le service public a la charge du trésor public dans cette tradition française, mais la nouvelle réalité de l’Etat nous oblige à refonder les principes des politiques locales et européennes. Voilà l’enjeu en cours. Le patrimoine est un principe actif dont nous avons encore collectivement la responsabilité.

ATTENTION donc les patrimoines ne sont pas des ressources comme les autres. Nous proposons dans ce rapport les bases d’une gestion alternative qui pourrait donner lieu à des avis pour l’assemblée des élus.

* L’enjeu du développement durable comme gestion alternative et citoyenne des territoires et des patrimoines :
Dans un rapport précédent du Conseil Départemental de Concertation, en 2006, nous avions préconisé l’approche intégrée du patrimoine pour faire du Département un pilote dans l’application des principes élaborés par le Conseil de l’Europe et actualisés dans la convention de Faro que nous rappelons en annexe. Nous avons un outil actif pour fonder des territoires locaux spécifiques intégrés dans la dimension européenne et le processus de sa construction. Encore faut-il savoir s’en servir !! Ces principes sont trop loin des traditions françaises et la continuité en est rompue. Il faut donc les traduire en durabilité. Nous avons plusieurs atouts locaux pour ce faire .

A – Les atouts locaux

Rapide état des lieux en 2008 :
Au niveau général :

– La sensibilisation croissante de l’opinion publique au développement durable se traduit timidement en actes, que nous soyons interpellés en tant que citoyen, professionnel ou simple consommateur.

– Ce changement de comportement, si souvent mis en avant comme fondamental, représente pour chacun une (r)évolution culturelle. Il ne s’agit pas seulement d’avoir les bons outils, un certain nombre de recettes existent déjà, mais de vouloir s’en saisir. Notre rapport avec notre environnement, qu’il soit humain, naturel ou technique, passe par la culture. Tout comme le lien entre générations, fondement du développement durable.

– Les patrimoines culturels, peu pris en compte aujourd’hui dans les politiques de développement durable, sont en passe d’en être le principe actif. Nous les considérons alors non seulement comme un bien commun à conserver pour les générations futures, mais aussi comme l’un des seuls capable aujourd’hui d’accompagner un changement culturel de cette nature.

– Les patrimoines ont une double qualité culturelle et économique qui en ferait un catalyseur de processus collectif, ressort indispensable au développement durable. Il peut être ce « plus petit dénominateur commun » entre des secteurs, des disciplines et des logiques qui se côtoient difficilement. Un bien commun partagé au travers des usages ou valorisations différenciés : économiques, symboliques, écologiques, historiques, sociaux, etc.

– Cette nouvelle ambition pour les élus comme pour les conservateurs du patrimoine est perçue d’abord comme une prise de risque. Et c’est une réelle prise de risque que de passer d’une prise si bien identifiée ­ les politiques publiques du patrimoine ­ à cette nouvelle prise où tout semble «à construire». Mais quels sont les risques à ne pas prendre ce risque ? Le patrimoine n’est pas une marchandise. Aujourd’hui, des conditions semblent réunies pour accompagner une prise de risque.

Au niveau départemental :
Une étude précise sur l’état des patrimoines du département vient d’être livrée par l’Agence Régionale du Patrimoine ; son texte est accessible en annexe 2.

B –  La plus value symbolique base d’une gestion partagée

Dans un autre rapport du CDC, présenté en novembre 2006 : « Le patrimoine Départemental : bien commun et échanges économiques », le CDC préconisait déjà des applications immédiates dans ce sens. Il fut édité et diffusé dans le milieu des professionnels du patrimoine par leur association : l’AGCCPF. Le livre est disponible en bibliothèque librairies et au CDC sous le titre « Valorisation partagée du patrimoine ».

Rapide état des lieux en 2008 :
Au niveau général :

Les patrimoines culturels et naturels sont déjà à l’oeuvre dans les nouveaux processus de création de valeur. Ils deviennent des plus values concurrentielles déterminantes pour se démarquer dans une économie de plus en plus mondialisée et virtuelle.

Le patrimoine est aussi devenu un levier économique du désendettement de l’Etat. La toute nouvelle Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat ­ l’APIE ­ et la récente valorisation exceptionnelle de la marque « Louvre » sont là pour en témoigner.

Cette valorisation accrue, certes risquée, est aussi l’opportunité pour le monde de la culture de prendre langue avec le monde économique, souvent perçu comme antagoniste. Les collectivités locales, les TPE, les PME, les associations, bref ce qui fait l’économie locale, a tout autant besoin du patrimoine pour s’ancrer localement et retrouver une marge de manœuvre économique, propice au développement durable. (Rôle de plus petit dénominateur commun).

Des indicateurs d’encadrement des politiques publiques se structurent au niveau national aussi : l’Etat, dans le cadre de la modernisation des services publics, a construit une batterie de plus d’un millier d’indicateurs de performance. Ils concernent l’ensemble des politiques publiques ­ culture, santé, économie, etc ­ et sont appréhendés du point de vue du citoyen, de l’usager et du contribuable. Les collectivités s’en inspirent de plus en plus au niveau local. Autant de repères pour suivre la prise de risque, comparer sa performante, en tirer des bilans et savoir si elle reste compatible avec les politiques nationales, voire européennes. Cette possibilité est offerte par la loi organique relative aux lois de finances de 2001, la LOLF. (Voir nos annexes).

Une législation qui lie de plus en plus clairement le patrimoine culturel et son environnement, traduisant de fait le passage d’une approche essentiellement culturelle des sites patrimoniaux à une approche prenant en compte l’environnement du site et sa gestion décentralisée.

Au niveau départemental :

La société civile apporte son appui au processus de ratification de la convention de Faro du conseil de l’Europe, tant au niveau professionnel par l’association AGCCPF PACA que plus général par le CDC 13 (rapport 2006).

Des indicateurs d’encadrement des politiques publiques se structurent au niveau local via les travaux de l’agence régionale du patrimoine : Monsieur PARODI, Président du C.D.C. va y apporter sa contribution fin juin dans le n°5 des cahiers de l’Agence.

179 942 ha sont sous juridiction patrimoniale au niveau départemental : 40 sites inscrits (104 680 ha), 68 sites classés (26.200 ha), leurs abords (48 120 ha) et 12 ZPPAUP (942 ha) – Source SDAP.

5 conventions de transfert de monuments appartenant à l’État vers des communes en application de l’article 97 de la loi du 13 août 2004  ont été signées, soit 10%  du national (41) – source Sénat octobre 2008.
10 années d’expérimentation d’application sur le terrain des recommandations du Conseil de l’Europe dans le cadre de la mission européen de patrimoine intégrée ont permis de faire émerger 5 communautés patrimoniales actives et de structurer une méthodologie qui fait déjà école au niveau européen (voire annexe 40xVenezia).

C –  Le droit au patrimoine une mise à jour des ressorts invisibles dogmatiques.

Rapide état des lieux en 2008 :

au plan général :

L’absence ou la faiblesse des référentiels existants concernant la coopération des conservateurs avec le privé fragilise la construction de conventions propres à réguler les rapports de forces, voire les éventuels conflits d’intérêts entre public et privé.

Le droit au patrimoine culturel émerge au niveau européen. Il permet d’envisager plus sereinement un cadre de régulation adapté à la coopération des conservateurs avec le privé : associations, entreprises, particuliers, etc. En proposant de faire passer chacun du statut de « bénéficiaire » du patrimoine à celui « d’ayant droit », elle propose un nouveau cadre de régulation.

Les partenaires privés sont reconnus comme des associés, non plus seulement d’éventuels clients, fournisseurs ou bienfaiteurs. Le patrimoine est public et reste public.

Le statut coopératif devient de plus en plus un cadre de coopération public privé. Dans un rapport précédent du Conseil Départemental de Concertation, en 2006, nous avions préconisé au Département de poursuivre son soutien au mouvement coopératif et en particulier au développement des coopérations public-privé notamment au sein des SCIC. Depuis, notre région occupe la première place pour le nombre de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Les SCIC associent des acteurs multiples autour d’un même projet qui privilégie son aboutissement plutôt que la recherche de profits à court terme. Les secteurs d’activités des SCIC sont les services à la personne, l’environnement, la culture, le développement local (source notre région n°199).

Au plan départemental :

Les institutions patrimoniales et leurs élus commencent à être sensibilisés aux principes de durabilité intégrant les communautés patrimoniales. La nécessaire révolution méthodologique est en cours pour partager l’ancien monopole public et en faire un service public d’accompagnement scientifique. L’Association des Conservateurs des collections publiques de France propose sur son site à la rubrique « question d’actualité » des exemples concrets en cours: www.ateliermuseal.net.
La pratique des logiciels libres déjà largement utilisés dans les réseaux citoyens du département favorise cette nouvelle valeur partagée. Voir en annexe 3 le texte de J.C.Becquet sur les principes du libre.

2 – Premières conclusions pour une proposition d’avis

La difficulté est d’avancer sur l’ensemble de ces trois fronts de façon collaborative : gestion partagée public/privée, cadre de suivi (indicateurs), (ré)actualisation du droit commun. L’un ne peut pas se passer de l’autre. La coopération sans objectifs clairs se limite souvent à une stratégie d’affichage. Et la poursuite d’objectifs communs sans cadre de régulation ne dure que le temps des fondateurs, voire moins. Si la relation au client ou au bénéficiaire est suffisamment balisée, celle de la coopération public/privée demande à l’être davantage. La reconnaissance de la démarche participative comme un des fondamentaux des stratégies de développement durable, dont celle de l’Etat, et la nouvelle convention de Faro sont deux points d’appui pour s’atteler à la tâche.

A –  PROPOSITIONS DE TRAVAIL COLLABORATIF AU SEIN DU CDC, L’ÉMERGENCE DE LA VALEUR SOCIALE

Depuis la présentation du cadre de travail, nous avons recherché quelques pratiques patrimoniales de coopérations durables dans le département et dans chaque cas, l’angle d’analyse a porté sur la relation établie entre les professionnels publics et les entrepreneur(ses) privé(es) comme une SA (Société Anonyme), une association ou une entreprise individuelle.

La réalisation de portraits de coopération patrimoniale est en cours de publication par le réseau des conservateurs de la région (AGCCPF). Cela a consisté dans un premier temps à aller voir sur les sites, à rencontrer ces personnes, à récolter leur témoignage et des données disponibles. Ensuite, à partir de cette matière, un diagnostic a été réalisé sous trois angles :

– le premier sur la valorisation économique ou dit autrement l’intérêt pour l’entrepreneur,

– le second sur l’efficience et l’efficacité de cette coopération pour le patrimoine,

– et le dernier sur les modalités de contractualisation qu’il a été possible de poser entre l’entreprise et l’institution patrimoniale publique.

Dans quelles mesures une approche coopérative entre un conservateur et une entreprise est-elle performante ? Est-elle compatible avec les cibles de performance que se fixe l’Etat au travers de la LOLF ? Renforce-t-elle l’entreprise ? Contribue-t-elle à renforcer une approche de développement durable pour l’entreprise ?

Les trois exemples choisis par l’AGCCPF PACA témoignent de l’existence effective de coopérations entre conservateurs et entreprises favorables au développement durable. Ils illustrent volontairement les trois axes traditionnels du développement durable : l’environnement, le social et l’économie. Comme ils illustrent les diversités d’entrées possibles : un Musée national, un Musée départemental et une mission communale – Une association, un indépendant et une société anonyme – Une œuvre d’art, un objet patrimonial et un monument historique.

Les conclusions des diagnostiques sont encourageantes :

La coopération s’avère intéressante pour les deux parties. Chacune de ces coopérations est efficiente – ou économe – pour le musée et l’entreprise. Elles sont un moyen efficace pour accompagner la réalisation des missions du musée – amélioration de l’accessibilité du patrimoine, de l’intervention en zones rurales ou en zones urbaines sensibles. Elles se montrent même performantes au regard des cibles fixées par la LOLF aux musées pour 2010. Enfin, elles renforcent les acteurs économiques dans leur choix de s’inscrire dans un développement durable.

La coopération se fait avec une large partie de la société civile – associations, entreprises, collectifs, résidents.

La fragilité de ces coopérations est structurelle : ce sont des initiatives de développement durable peu durables. La coopération repose davantage sur des liens de confiance que sur une régulation contractuelle des rapports. Dans ce contexte, il peut être difficile de passer un cap de développement, d’aller au-delà des fondateurs ou simplement de transférer ces expériences sauf de retrouver un contexte identique.

Une première conclusion à ces portraits est peut-être l’identification de ce chantier qui semble prioritaire pour que de ces innovations, de ces expériences, de ces investigations émerge un cadre de droit commun.

B – UNE EXPÉRIENCE AILLEURS EN EUROPE :

Pour faire comprendre la notion de communauté patrimoniale nous nous sommes décalés dans une ville portuaire et de delta : Venise. Nous avons retenu une expérience citoyenne patrimoniale et durable celle des 40XVenezia.
Les 40xVenezia (quarantenaires pour Venise) est un mouvement de proposition qui cherche à mettre à disposition de Venise ses propres expériences plurielles de citoyens

40xVenezia a trouvé un formidable outil d’expression au travers de son social network (ou NING), instrument de discutions en ligne auquel il suffit de s’inscrire en donnant son nom, une photographie et un cours profil pour se retrouver immédiatement projeté dans une immense agora télématique (plus de 1500 usagers à ce jour) dans laquelle il est possible de connaître le mouvement et de participer à ses activités (www.40xVenezia.it).

Actuellement le mouvement 40xVenezia s’est engagé à promouvoir la connaissance de la Convention culturelle du Conseil de l’Europe paraphée à Faro en octobre 2005 (en cours de ratification). Il a  réalisé une traduction en langue italienne afin de favoriser une prise de conscience citoyenne de la signification du patrimoine culturel. . Un groupe de travail a été constitué pour faire vivre ce droit sur le terrain.

Pour cette raison les 40xVenezia retiennent que la Convention de Faro, qui souligne l’importance du « droit au patrimoine culturel », peut offrir un support fondamental pour mieux interpréter, utiliser, conserver et relancer le sens de la dimension culturelle de Venise, concernant tout autant la relation avec ses propres citoyens – la « communauté patrimoniale » – que plus largement celle avec le monde qui entre en contact avec cette communauté.

Sur l’exemple de la méthodologie des ballades patrimoniales créée à Marseille, l’une des premières villes d’Europe à s’être engagée pour faire connaître à ses propres citoyens la Convention, deux ballades patrimoniale vénitiennes ont été réalisée en 2008. Voir : www.40xvenezia.it

C- NOUS PROPOSONS SUR LA BASE DE CES EXEMPLES CONCRETS CINQ AVIS COOPÉRATIFS QUI DÉCOULENT DE CES APPLICATIONS DE TERRAIN, À DÉBATTRE EN COMMISSION

A- Le premier avis vise à rendre plus explicite l’intérêt de l’entrepreneur qui coopère à valoriser sa ressource patrimoniale et celle désignée comme bien commun. Nous voyons dans les exemples qu’il n’est ni un client, ni un fournisseur, ni un mécène des patrimoines mais bien l’associé d’un projet commun. Comment y trouve-t-il son    compte ? En quoi cette coopération renforce-t-elle son positionnement ?
Nous pourrions préconiser un élargissement des cadres d’indicateurs par une prise en compte de l’existence d’intérêts privés (associations, entreprises, particuliers) dans la gestion du patrimoine qu’ils restent à nommer et évaluer. L’agence régionale du patrimoine, le Ministère des finances via l’APIE ou la promotion des PPP (Partenariats Publics Privés) ­ pourraient être sollicités à ce sujet. Il s’agirait de mesurer l’intérêt de la société civile à contribuer à une gestion partagée du patrimoine.

B­ Le second avis vise à mesurer la coopération du point de vue des politiques patrimoniales publiques. C’est-à-dire la capacité à atteindre les objectifs correspondant aux missions d’intérêt général inhérent au projet de coopération. Afin de pouvoir comparer l’efficience du processus coopératif au regard d’autres expériences et à la cible que s’est fixée l’Etat pour les années à venir, les indicateurs sont au préalable récupérés au sein de la LOLF et à intégrer dans les services départementaux.

C ­ Le troisième avis porte sur l’efficacité de la coopération. Il s’agit de mettre en regard les moyens déployés et les résultats fixés. Ou dit plus simplement d’en évaluer le rapport qualité/prix. Toujours dans la perspective de pouvoir comparer l’efficacité du processus coopératif au niveau européen et national, la LOLF est réutilisée ainsi que les mesures territoriales existantes comme les ZPPAUP. Comment ces coopérations contribuent-elles à maintenir un haut niveau de service public dans un cadre de maîtrise de la dépense publique ?

D ­ Ce quatrième avis porte sur l’implication des membres de la société civile (entreprises, associations, particuliers, etc), sur les questions se rattachant aux patrimoines et leurs niveaux de conventionnement. Cet avis de Gouvernance démocratique nécessite un changement radical des catégories du savoir. Le patrimoine quitte le contexte de l’éducation pour celui du développement durable. Ceci implique une large réforme de la machine administrative qui tombe bien puisque le débat public sur la modernisation de la fonction publique a été lancé officiellement le 1er octobre 2007. Le CDC pourrait ainsi participer à l’élaboration de leur livre blanc (voir article en annexe). Elle nécessite un droit patrimonial (cadre d’action et de régulation) et donc l’application du texte de la convention de Faro du Conseil de l’Europe sur les Bouches-du-Rhône par une signature symbolique en attendant que l’Etat le fasse. Dans ce même mouvement, le Département peut annoncer la mise en route d’un agenda 21 expérimental sur les patrimoines du département. Ce serait le début du processus et la reconnaissance des partenaires potentiels ainsi motivés.

E- Proposer la mise en oeuvre expérimentale de l’article 11 de la convention de Faro au niveau départementale ; « Article 11 : Organisation des responsabilités publiques en matière de patrimoine culturel ». Dans la gestion du patrimoine culturel, les Parties   s’engagent :

à promouvoir une approche intégrée et bien informée de l’action des pouvoirs publics dans tous les secteurs et à tous les niveaux ;

à développer les cadres juridiques, financiers et professionnels qui permettent une action combinée de la part des autorités publiques, des experts, des propriétaires, des investisseurs, des entreprises, des organisations non gouvernementales et de la société civile ;

à développer des pratiques innovantes de coopération des autorités publiques avec d’autres intervenants ;

d. à respecter et à encourager des initiatives bénévoles complémentaires à la mission des pouvoirs publics ;

e. à encourager les organisations non gouvernementales concernées par la conservation du patrimoine d’intervenir dans l’intérêt public.

Récit du Séjour Côté Nord d’Hôtel du Nord

Avant de partir :

Cela fait déjà deux ans que j’ai lu ces mots :

« Disons, pour être plus précis, que certaines villes supportent d’être parcourues suivant un chemin balisé, qu’il y a des quartiers à voir, ce qui signifie que, pour d’autres, ce n’est pas la peine. Au fond, l’itinéraire est l’aveu qu’il y a du déchet. Alors, soyons objectifs; si quelqu’un vous demande que voir à Marseille, la réponse à apporter est simple: tout. »

Par Patrick Cauvin, publié le 01/11/2004, l’Express

Séjour chez les hôtes

Tout d’abord, à noter que je suis un « habitué » des séjours en chambre d’hôte. Dans des contrées plus au nord (Savoie, Alpes de Haute Provence etc.) depuis la fin des années 90. J’ai de plus en plus apprécié ce mode de séjour. Presque toutes mes expériences furent positives. Quelquefois même, s’installait une sorte d’« amitié »/connaissance autour de discussions avec mes hôtes, de la politique, de la situation des populations « étrangères », des rapports entre ces gens qui se sont installés là dans la campagne et les « indigènes »…

Donc tout cela pour dire que je savais que ce genre de séjour peut être, pour moi, une chose « intéressante », car je cherche le contact avec les hôtes.

Dès ma « découverte de Marseille » en 2007 (en fait là, ce fut seulement un séjour de deux nuits et un jour…ça a suffi pour allumer le feu), j’ai cherché une « chambre d’hôte » – on pouvait en trouver, mais il fallait réserver des mois en avance. Depuis j’ai fait plusieurs voyages à Marseille et à chaque fois, je regardais s’il y avait quelque chose de nouveau. Et, enfin, enfin, je découvrais « Hôtel du Nord » – qui était déjà dans mon « radar », je crois, il y a deux ans !

D’après les infos d’internet, j’avais l’impression, bien que ce soit ciblé sur 2013, qu’ils étaient en train de s’organiser. Mais dès le début, ce qui m’intéressait – et je voulais en savoir plus -c’était l’idée de donner aux visiteurs, en plus d’une chambre, un« insight ». Je n’avais pas encore bien compris ce que c’était vraiment et ce fut seulement durant mon séjour que j’ai vu ce que c’était. A vrai dire, une drôle de curiosité me poussait. J’allais ainsi de temps en temps visiter le site et je fus heureux quand je lus l’annonce du « séjour Côté nord ». C’est comme ça que je suis arrivé là.

Mais revenons aux hôtes et à leurs rôles. L’intégration à la vie des hôtes a été plus intensive que celle que j’ai connue ailleurs ; je m’y attendais un peu, vu le programme.

Les repas qu’on prenait ensemble m’ont donné la possibilité d’avoir un « plus » par rapport au « programme officiel. À part le petit déjeuner prévu par le programme, ils m’invitaient à prendre l’apero et en plus à partager leur copieux dîner sur la terrasse perchant sur la rade. C’était l’heure de parler sur les aspects plus locaux, en l’occurrence, de Mourepiane, de sa situation, de l’histoire du dernier siècle, de l’industrie (pétrolière par exemple), de la conversion de la zone de port en zone d’activité, enfermée derrière les grillages, ce qui empêche donc l’accès à la mer.

Je reviendrai, aussi, sur ce que j’appellerai l’ « ancrage » chez les hôtes, après avoir discuté de quelques thèmes et problèmes qui ont été particulièrement présents pour moi dans le séjour –j’ai appris beaucoup de choses, j’étais impressionné, parfois irrité, j’ai beaucoup réfléchi, etc. etc.

Libre accès

(C) des photos: Dr.Jochen Eckert, Wiesbaden

« Libre accès» est un thème qui est apparu, sous différents aspects, aussi bien du côté hôtes que du côté programme organisé/ballades. Mon arrivée chez mes hôtes coïncida avec l’heure de l’apéro que l’on a pris sur la terrasse (comme je m’y attendais!) et le « problème » s’imposa là, en pleine face, devant mes yeux : le port ou ce qui est devenu le port, une zone industrielle, derrière des grillages ; là j’ai compris ce que voulaient dire certains intitulés du programme qui parlaient d’autorisation d’accès au port. Grâce aux descriptions très vives de Max, mon hôte, je pouvais m’imaginer la situation d’avant l’agrandissement du port dans les années 50. Pour une première heure, c’était déjà une entrée dans la question, sans la comprendre totalement bien sûr, mais il y aurait d’autres jours et d’autres occasions « ballade sur mer » par exemple pour en discuter et en savoir plus.

Ce thème fut aussi très présent durant la ballade « Plan d’Aou », à l‘œil nu (voir photo) ou dans les récits (« le mur ») et même dans l’action, en traversant plusieurs de ces barrières pendant la marche…

Pour moi, c’est vraiment curieux de pouvoir intégrer un thème/motif dans ses différents aspects, visibilité, action et récit/témoignage. J’ai l’impression que cela donne aux questions une très grande intensité, car ce n’est pas seulement « la raison pure » qui est impliquée, mais aussi le côté émotionnel.

Urbanisme

(C) des photos: Dr.Jochen Eckert, Wiesbaden

Ce que j’appellerai un« urbanisme cru » s’est imposé à moi, à mes yeux, sous divers aspects et à différents moments, dans les ballades organisées, à la soirée à la Cité des Arts de la Rue… : tout ce « bric à brac » de sites de production, actuels et anciens, de friches (le fameux « terril » près des Aygalades), de terrains de stockage de containeurs, de centre commercial comme le « grand littoral », avec en-dessous un autre désert de friche, des étangs vides à côté…

(C) des photos: Dr.Jochen Eckert, Wiesbaden

En fait, c’est surtout lors de la seconde partie de la ballade « plan d’Aou », que cela s’est imposé – après bien des impressions que j’avais déjà eues à St. André et aux Aygalades – comme des bizarreries que je n’aurais jamais imaginées dans mes cauchemars.

L’impression était la suivante : j’ai besoin d’un terrain pour le stockage de containeurs, un centre commercial, une usine, une autoroute ? Je prends les pentes des anciennes carrières d’argile. Et c’est ainsi qu’on instaure la séparation entre les habitations « d’en haut » et celles des anciens villages. Ce qui donne naissance à une zone cauchemaresque, tarkovskienne…pas de lien, difficile de se comprendre (différent de Stuttgart, de Lyon), des mondes à différents niveaux : mer, colline, au milieu ( pentes où il y a le plus grand bric à brac)

« Le social »

(C) des photos: Dr.Jochen Eckert, Wiesbaden

J’ai toujours essayé de mettre ce que je découvrais dans les ballades (St. André et Plan d’Aou), en relation avec la situation en Allemagne que je connais un peu.

J’avais l’impression d’une très grande séparation entre les immigrants du Maghreb et « les autres »). En centre ville, « le voile » est très, très peu présent pour mes yeux allemands – sauf dans les quartiers arabes où il y a aussi une séparation …Le mot ségrégation m’est venu à la tête.

Revenons au séjour lui-même : c’est bien la ballade « Plan d’Aou » qui m’a fait voir cette réalité, c’est devenu très concret grâce aux récits sur la démolition des habitations, leur remplacement, l’édification de murs (en Allemagne, on n’aime pas du tout les murs et les barbelés, trop d’images très tristes du dernier siècle dans la tête), les portes, les fenêtres cassées volontairement par quelques « mercenaires » de la spéculation. Grâce aussi aux discussions que tout cela suscitait. Je m’en souviens d’une en particulier entre un participant de la ballade et la guide qui mettait en évidence la difficulté de se comprendre et de comprendre certaines choses, les portes fermées, les hurlements le soir…Et puis, en plus de tout cela, grâce à un très beau cadeau que l’on a reçu sur cette ballade : des plans guides, fabriqués par des enfants de l’école, qui proposent un parcours et des actions : ce qu’il y a à voir, à faire, ce que c‘est pour un enfant de passer ses jours sur cette plaine perchée.

Et bien sûr à presque tous les pas, il y a le soleil et la mer…très précieux, j’apprécie beaucoup ! 
Intégration des Réalités

Pour résumer, pour décrire un peu ce qui s’est produit dans « ma tête » pendant le séjour et les semaines après et qui est bien sûr encore en processus, j’utiliserais l’expression d’ « intégration des réalités ». Comment intégrer ces réalités dispersées, contrastées, côte à côte que l’on a vues, vécues en une identité qui serait celle des quartiers nord ?

(C) des photos: Dr.Jochen Eckert, Wiesbaden

On pourrait faire comme une stratigraphie de ces diverses réalités spatiales (horizontal, vertical) et temporelles.

De plus, cette pluralité de réalités s’adresse autant à l’intellect qu’aux émotions. Par exemple, au cours de la ballade des Aygalades, sur le terril particulièrement, j’avais l’impression d’être dans un film de Tarkovski (Soleris, Stalker), avec à la fois une idée et un sentiment d’isolement, d’étrangeté et de déstructuration. Je n’avais jamais vécu ça de cette manière

En fait, ce processus d’intégration pourrait à voir avec un processus de « Aufklärung ».

Les hôtes comme ancrage

Après le récit de toutes ces expériences qui me sont chères, je voudrais revenir aux hôtes et à leur rôle dans ce processus. Si j’y réfléchis, ils assurent comme un ancrage des choses vécues lors du programme officiel. Je pouvais ainsi raconter, discuter, montrer des photos le soir ; on proposait ensemble des titres pour les photos, « la savanne », la »mer en prison », qui exprimaient les opinions et les attitudes de chacun– et bien sûr, celles de mes hôtes n’étaient pas toujours les miennes.

On a vu, visité des choses qu’ils ne connaissaient pas ou pas bien. Mon récit, notre discussion nous donnaient une autre perspective, modifiaient nos opinions respectives. C’est bien aussi d’inverser le sens des flux d’informations et opinions des visiteurs aux hôtes.

The future ?

Je ne sais pas encore. Le processus est en train d’évoluer. Je raconte, je montre mes photos. Les réactions sont bien intéressantes. J’en ai montré certaines de la « désindustrialisation », de paysages « vides » à un ami de l’Allemagne de l’Est : la réaction était attendue, mais tout de même intéressante.

J’ai un peu l’impression que c’était « le » début. Quel début ? Est-ce qu’il y a une « transformation » ? On va voir.

Ce texte s’inscrit dans le cadre du travail de Michèle Jolé professeur en sociologie urbaine et plus particulièrement sa publication de janvier 2012 : Hôtel du (des quartiers) Nord ? La construction singulière d’un bien commun urbain in Metropolitiques.

(C) des photos: Dr.Jochen Eckert, Wiesbaden

Séjour du 15 au 18 Sept. 2011 (+ 2 jours en privé chez les hôtes)

Dr. Jochen Eckert

 

Christiane Martinez : La mer et les mères

Qui dit que dans notre cité, il n’y a pas la mer ?
Chez nous, on n’a pas la mer mais on a des idées. 
Comme toutes les années, quand arrivent les beaux jours, les gamins de la cité se cotisent, rachètent une piscine gonflable et l’installent près de la bouche à incendie, juste en face de leur école primaire.
Et là, un énorme jet d’eau jaillit et remplit la piscine. Et les minots, comme les plus grands s’en donnent à cœur joie. 
Les mamans s’extasient de voir leurs gamins s’éclater jusqu’à les envier. Certaines d’entre elles osent même tremper leurs pieds. Les touts petits apportent leurs jouets et les font flotter sur l’eau. D’autres sucent des glaces à l’eau.
Et les mamans se félicitent de les voir tomber de sommeil assez tôt.

“La mer côté nord” vue par  Christiane Martinez, Hôte Hôtel du Nord

Ecrit par Christiane Martinez :

  • Christiane Martinez : La mer et les mères

Recit n°3 : Imagine un desert !

« Imagine un désert» 
Récits d’hospitalité d’Hôtel du Nord n°3 
Textes: Christine Breton
Artiste invité : Valérie Jouve
Illustrations et photographies : École biblique et archéologique française de JérusalemValérie Jouve
Format 15/16 cm, 112 pages couleur
Année de parution : 2011
Prix : 15 euros

Quand la ville se développe sur un site qui a été une Solitude, un Désert, réservé au silence et au retrait du monde, les traces de cette confrontation contradictoire vivent dans le repli des mémoires des habitants. Du sommet aux piémonts de l’étoile, qui domine le nord de Marseille, les attitudes de la limite, vécues avant nous dans les Déserts, se transmettent et nous enseignent. Quel goût laissent-elles dans nos contraintes et rêveries urbaines actuelles ?

Le troisième récit d’hospitalité se laisse embarquer dans les lointains marseillais et continue d’interroger les modèles importés qui fondent la ville d’aujourd’hui, de Sainte-Marthe à la Galline. Saurons-nous traverser la fureur de la scène et des personnages portés par l’esthétique du Désert ? En réponse à cette question, l’artiste Valérie Jouve nous entraîne dans la plaine de Jéricho…

Les Récits d’hospitalité proposés au format 15/16 par l’historienne Christine Breton renversent le point de vue sur la ville et prennent pour centre l’ensemble des quartiers septentrionaux. Ecrire l’histoire de Marseille depuis son Nord, c’est chercher d’autres récits de fondation, c’est aussi ajouter une proposition de plus à tous les récits possibles autour des chambres de l’Hôtel du Nord.

Les récits d’hospitalité ont reçu la marque HduN et sont diffusés dans les chambres et les commerces en proximité.

Les numéros sont disponibles dans toutes les chambres d’hôte, dans les librairies suivantes et bien sûr, sur commande en écrivant à editionscommune@free.fr

Dans les 15 et 16iéme arrondissement :

Dans le centre ville : consulter le site des éditions commune

 

Prosper Wanner : La coopération peut-elle stabiliser durablement l’économie du patrimoine ?

La nature du patrimoine « à protéger » ne cesse de s’accroitre : patrimoine naturel, industriel, immatériel. Les financements publics pour le conserver, eux, connaissent une baisse tendancielle. Face à cette situation, plusieurs institutions publiques ont misé sur le développement de modes de financements privés. Le mécénat et le « tourisme culturel », au centre de ces nouveaux modes de financement, montrent aujourd’hui leur forte sensibilité à un contexte économique incertain. Les musées américains comme ceux italiens doivent faire face à une baisse brutale de leurs ressources privées. La demande culturelle et encore plus le mécénat connaissent une forte baisse.

Les engagements financiers sur le long terme tels que les travaux de restauration ou la préparation d’exposition peuvent difficilement être tributaires d’aléas économiques comme le prix du pétrole ou la spéculation financière au risque d’hypothéquer l’inaliénable.  Les critiques sur le recours au financement privé ont jusque là porté sur les risques d’instrumentalisation : perte de sens, surexploitation, marchandisation. La crise pétrolière puis financière de 2008 pose la question de sa stabilité.

Cette situation, baisse des ressources publiques et incertitudes des ressources privées sensées les compenser, donne une valeur économique particulière à la participation citoyenne aux politiques du patrimoine. Elle contribue à rendre moins vulnérable l’économie du patrimoine. Jusque là sous estimée, elle permet de mieux répartir les risques. Elle repose sur des modes de financements diversifiés par leur nature (bénévolat, financements publics, participation, commerce) et leur filière (commerce, agriculture, éducation, …).

La répartition des rôles et des intentions entre les acteurs privés et publics évolue.

Les politiques publiques évoluent dans le sens d’une culture du résultat : mesure de la performance, justification des dépenses, valorisation des ressources. Les conservateurs sont appelés à devenir davantage des gestionnaires. Concernant les acteurs privés, des entreprises à but lucratif ou non prennent en compte la défense d’intérêts jusque là portés par la puissance publique : responsabilité sociale, développement durable, économie solidaire. Des personnes entreprennent pour défendre un patrimoine menacé. Le cloisonnement traditionnel entre économie et culture laisse place à davantage d’interrelations.

Cette situation soulève autant d’espoirs que de craintes. D’un coté, elle soulève la crainte d’une instrumentalisation croissante du patrimoine : perte de sens, surexploitation, marchandisation. De l’autre, elle repose sur l’espérance d’une contribution accrue du patrimoine au développement d’une société plus démocratique et pacifique.

Plutôt que de se faire face, des conservateurs et des entrepreneurs cherchent à développer de nouvelles formes d’économie du patrimoine basées sur la coopération.

Notre coopérative est positionnée sur l’émergence de coopérations économiques public privé favorables au développement durable. A la demande de l’association générale des conservateurs des collections publiques de France, section Provence-Alpes-Côte-D’azur (agccpf), nous avons réalisé en 2007 trois diagnostics économiques de coopération alliant des conservateurs et des entreprises favorables au développement durable. Nous avons choisi comme grille d’analyse celle mise en place pour accompagner la modernisation de l’Etat français : mesure de la performance vis à vis du contribuable (efficacité), de l’usager (qualité du service) et du citoyen (impact socio-économique) auquel nous avons ajouté la performance vis à vis de la société (développement durable).

L’une des trois coopérations est celle développée à Marseille entre l’association Boud’mer et le MCEM, musée de société consacré aux civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. L’association Boud’mer concilie la protection de l’environnement marin et la démocratisation de son accès. Ses 300 adhérents partagent l’usage d’une dizaine de barques traditionnelles et sensibilisent le grand public au patrimoine marin : sorties thématiques,  expositions. Le MCEM lui a confié depuis 2006 l’entretien, la conservation et la mise en valeur de la barque L’Espadon. La coopération s’avère intéressante pour les deux parties. La barque est mieux conservée en mer, accessible tout au long de l’année et les coûts sont partagés. Elle contribue à mettre en valeur et protéger le patrimoine marin local.

Chacune de ces coopérations s’avère performante. Elles sont un moyen efficace pour accompagner la réalisation des missions du conservateur : amélioration de l’accessibilité du patrimoine, de l’intervention en zones rurales ou en zones urbaines sensibles. Elle lui permet de faire appel à des compétences externes complémentaires. Les coûts sont partagés sur des modes de financements diversifiés : bénévolat, financements publics, participation, commerce.

Cette coopération renforce tout autant les acteurs économiques dans leur choix de développement durable. Ces entreprises, moins lucratives à court terme, ont difficilement accès au front de vente pour se faire connaître et  au capital risque pour investir. L’accès à un patrimoine leur permet de bénéficier d’un capital culturel, d’une notoriété ou d’une marque de reconnaissance qui n’est pas indexé sur leur lucrativité à court terme.

Les intérêts sont partagés. La coopération se fait non pas sur la capacité des acteurs à faire fructifier le patrimoine mais sur leur capacité à contribuer aux politiques patrimoniales : conservation, protection, mise en valeur.

Ces diagnostics, diffusés dans le milieu professionnel par l’agccpf via son site internet www.ateliermuseal.net, contribuent à valoriser le potentiel du patrimoine culturel en tant que facteur de développement économique durable (article 10 de la convention de Faro).

Le diagnostic a mis en évidence que les trois expériences partagent aussi une fragilité structurelle : ce sont des initiatives de développement durable peu durables. La coopération repose sur des liens de confiance et peu sur une régulation contractuelle des rapports public privé. Paradoxalement, leur réussite peut rapidement les déstabiliser faute de cadre de régulation bien établis.

Il existe peu de références sur le plan juridique et scientifique permettant de réaliser ces coopérations en toute transparence (indicateurs, critères) et de manière démocratique (cadre de régulation). La coopération entre acteurs privé/public du patrimoine demande à être davantage balisée. Chacun a cherché à adapter des cadres déjà existants, à passer des conventions bipartites, à donner des habilitations ou des agréments pour faire au mieux.

Ce manque de référentiels freine le développement de coopérations entre les acteurs publics et privés du patrimoine. Le passage de référentiels si bien identifiés – les politiques publiques du patrimoine – vers des processus de coopération avec le privé représente d’autant plus une prise de risque. Peu de conservateurs envisagent aujourd’hui la coopération comme un élargissement possible de leur mode d’action.

La convention de Faro est en ce sens essentielle. Elle engage les parties à développer les cadres juridiques, financiers et professionnels qui permettent une action combinée de la part des autorités publiques, des experts, des propriétaires, des investisseurs, des entreprises, des organisations non gouvernementales et de la société civile (Article 11) en échangeant, en développant, en codifiant et en assurant la diffusion de bonnes pratiques (article 17).

En février 2009, fort de ces trois diagnostics, le conseil départemental de concertation des Bouches-du-Rhône, réunissant une centaine de personnes représentantes de la société civile répartie en quatre collèges, a adopté à l’unanimité cet article 17 de la convention de Faro comme recommandation aux élus du Conseil général des Bouches-du-Rhône.

Prosper WANNER.

SCOP PLACE février 2009 : Contribution à l’ouvrage du Conseil de l’Europe « Le Patrimoine et au delà » portant sur la convention cadre sur la contribution du patrimoine culturel pour la société, dite « convention de Faro ».

Article de référence : article 10 de la convention de Faro «  Patrimoine et économie ».

Prosper Wanner diagnostics#3 : La grotte des Carmes – entre Monument Historique et source de développement durable

Troisième portrait réalisé dans le cadre des 3 diagnostics de coopérations patrimoniales innovantes pour le compte de l’AGCCPF PACA.

Nous dénonçons les usages patrimoniaux touristiques ou exotiques érigés en modèle. Nous proposons d’affirmer « le patrimoine de tous » : histoires individuelles partagées et destin historique commun sans discrimination ni exclusion. Extrait Charte du patrimoine commun méditerranéen. AGCCPF PACA 2000.

Préambule

Afin de protéger le patrimoine menacé par la reconversion en cours dans l’arrière-port marseillais, en 1994, la Ville de Marseille a initié une mission expérimentale de conservation intégrée.

Depuis 2006, la reconversion du périmètre de la Grotte des Carmes, l’un des rares Monuments Historiques de l’arrière-port marseillais, s’est accélérée. Ce périmètre de 72 hectares est au cœur d’une zone urbaine sensible où depuis peu intervient fortement l’agence nationale de rénovation urbaine – ANRU.

Face à cette urgence, pour mener la mission de patrimoine intégré – identifier, interpréter, conserver, valoriser -, ceux qui sont directement concernés s’impliquent fortement dans la mission : habitants, entreprises et associations.

Le diagnostic propose de situer cette coopération, d’en comprendre les raisons et de mesurer les premiers résultats obtenus.

Pour pouvoir mesurer et comparer l’impact de ces coopérations public privé, il est essentiel d’utiliser un système d’indicateurs commun.  Le diagnostic fait référence avant tout aux nouveaux indicateurs utilisés dans la cadre de la loi organique relative aux lois de finances du premier août 2001 – la LOLF. Ce sont les indicateurs de performance de l’Etat vis à vis du contribuable, de l’usager et du citoyen. Il propose de répondre aux questions suivantes :

Quelles sont les raisons qui motivent cette coopération ? Contribue-t-elle à la reconversion en cours ? A la valorisation du Monument Historique ?  Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, contribue-t-elle trouver les ressources nécessaires à la mission de patrimoine intégré ? Ancre-t-elle davantage les acteurs économiques dans le développement durable ?

Dénomination Mission expérimentale de patrimoine intégré Chimitex S.A.
Statut Mission, ville de Marseille Société anonyme
Localisation Marseille, 15iéme et 16iéme Siège : St Laurent du VarUsine : Marseille, les Aygalades
Personne rencontrée Conservateur, 1ére classe Président directeur général
Nombre de salariés 1 70 salariés dont 18 à la savonnerie
Nombre visiteurs 2007 1000 400
Ressources 2007 75.000 euros, estimation part Ville 14 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Expo virtuelle

En 2007, l’association des conservateurs des collections publiques de France section PACA (AGCCPF PACA) a lancé une invitation internationale à de jeunes graphistes sortis d’écoles ou en cours de formations pour dialoguer sur l’actualité des enjeux de leurs métiers. Conservateurs et graphistes recherchent ensembles les formes les plus aptes aux nouvelles formes de coopérations indispensables dans l’espace symbolique aujourd’hui. L’invitée de l’expo virtuelle 2007 était Marion Arnoux. Elle vient de sortir de l’école de design de Saint-Etienne et participe à la structure expérimentale Laboratoire IRB, sous la responsabilité de Denis Coueignoux et Ruedi Baur. Le projet résulte d’une collaboration avec Mathieu Ehrsam, Designer multimédia pour aboutir à une interprétation graphique de portraits consacrés aux professionnels du monde économique qui cherchent avec les conservateurs des solutions durables dans la vie des objets de collections publiques qui leur sont confiées.

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Monsieur Latour est président directeur général de Chimitex S.A., société anonyme basée à Saint Laurent du Var et dont la principale activité est la transformation et le conditionnement de produits de nettoyage et de textile d’entretien. En 2006, elle comptait 70 salariés et réalisait un chiffre d’affaires de plus de 14 millions d’euros. En 1995 elle a acquis l’usine Savonnerie du Midi alors en situation de redressement judiciaire.

La savonnerie, située dans le quartier des Aygalades au Nord de Marseille, abritait au XIV iéme siècle un moulin, à partir de 1870 une minoterie, puis l’usine de fabrication du Couscous Garbit avant de devenir en 1920 une des 108 fabriques de savon existant à cette période à Marseille. Pour des raisons économiques et de normes, l’activité dite « au chaudron » a été arrêtée pour ne maintenir que celle liée à la formulation et à la transformation. La présence des immenses chaudrons, de tamis à grain et d’autres équipements témoigne encore des activités passées.

Le savon de Marseille, produit reconnu comme efficace, économique et naturel, connaît ces dernières années un regain d’intérêt de la part des consommateurs. Ce renouveau et l’existence d’un équipement de production fonctionnel, trop coûteux à la création, ont conditionné fortement le maintien de l’activité sur place.

Monsieur Latour est soucieux d’inscrire le développement économique de Chimitex S.A. dans une perspective de développement durable. La promotion d’un produit naturel reconnu, le savon de Marseille, et le maintien d’une exploitation économique dans un quartier dit sensible sont pour lui des motifs entrepreneuriaux qui comptent dans ses prises de décisions. Aujourd’hui il revendique la capacité de son entreprise d’avoir assumé jusqu’ici sans aides externes la parité, la diversité et la protection de l’environnement.

Restait à prendre durablement place sur un marché fortement concurrentiel. Le Savon de Marseille n’est pas une appellation d’origine contrôlée. Sur la centaine de fabriques marseillaises du siècle dernier, seules trois restent en activité. De nombreuses PME s’appuient sur le renouveau du savon de Marseille pour appuyer leurs ventes en l’associant à des huiles essentielles ou des extraits de plantes. Plus de 80% de la production est réalisée à l’étranger comme en Allemagne, en Grèce, en Italie ou en Turquie. L’usine Savonnerie du Midi produit aujourd’hui annuellement 2500 tonnes de savon qu’elle écoule au niveau national (10% d’export). Contrairement à de nombreuses PME locales, elle ne possède pas ses propres points de vente et doit faire face à une forte concurrence pour accéder au front de vente des grandes centrales de distribution.

Comment se différencier dans un marché très concurrentiel ? Comment trouver de nouveaux débouchés commerciaux? Comment valoriser son choix d’implantation ?

La grotte ermitage des Carmes est un Monument Historique, classé en 1994 sous le numéro PA00081517. La savonnerie est située dans son périmètre de protection. La qualité de l’eau qui a amené les Carmes à venir s’installer aux grottes est celle qui permettait la production d’un savon de haute qualité. Au douzième siècle, l’ordre des Carmes s’installe dans cet ancien ermitage dont l’origine remonterait au 5ième siècle.

Les 500 mètres de son périmètre patrimonial, soit 72 hectares, sont depuis plusieurs années inclus dans le grand espace de rénovation urbaine du 15ième et 16ième arrondissement de Marseille. Le périmètre patrimonial englobe d’autres grottes ensevelies en 1933 par l’autoroute A7, la citée d’habitat social Les créneaux, la citée en copropriété Montleric, l’usine en activité Savonnerie du Midi, l’usine Abeille re investie par la Citée des arts de la rue, l’importante bastide provençale La Guillermy abandonnée depuis peu et la « coulée verte » du ruisseau des Aygalades.

La modification de ce périmètre protégé « en reconversion » s’est accélérée avec le lancement de la construction de la Citée des arts de la rue, l’amplification de la dégradation de la bastide La Guillermy et de la Grotte des Carmes, l’intervention de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine sur les citées des Créneaux et de La Viste (ANRU) et la perspective de raser l’ensemble d’habitat social Les Créneaux.

Comment concilier la conservation de ce « terroir historique » tout en contribuant à la nécessaire reconversion économique de ces quartiers ? Comment devenir force de propositions ?

La mission expérimentale de conservation intégrée a été initiée en 1994 par la Ville de Marseille, l’université, le CNFPT et le Conseil de l’Europe. La Commune met à disposition un conservateur à plein temps et la tutelle scientifique est assumée par le Conseil de l’Europe. Ce processus est reconduit jusqu’à aujourd’hui dans le cadre des Conventions Ville/Etat sur l’aménagement urbain. Le périmètre expérimental est celui du Grand Projet Urbain (GPU), devenu Grand Projet de Ville (GPV), qui englobe le 15ième et 16ième arrondissement de Marseille.

Christine Breton, conservateur première classe de la Ville de Marseille, à l’origine de ce processus, est depuis chargée de sa mise en œuvre. En lien avec le Conseil de l’Europe, elle met en pratique depuis plus d’une dizaine d’années sur le terrain ses recommandations sur l’approche intégrée du patrimoine[1].

La Grotte des Carmes est l’un des rares points d’appui sous législation patrimoniale sur ces deux arrondissements qui regroupent 11% de la population marseillaise et « seulement » 4 monuments historiques sur les 72 que compte la ville. Pour construire des propositions concrètes qui partent du patrimoine culturel présent, Christine Breton a associé au sein du « réseau patrimonial du Vallon des carmes » des organismes privées – associations, entreprises, indépendants – présents sur le périmètre patrimonial.

Ces associations, ces entreprises, ces collectifs d’habitants sont sollicités pour donner de leur temps et des moyens à la mise en œuvre du processus patrimonial. Que ce soit sous la forme d’une participation à des ateliers mensuels, à la collecte de données ou de fourniture de matériel, le processus s’est mis en œuvre.

Chimitex S.A. fait partie de cette dizaine de structures impliquées au même titre que le Comité d’Intérêt de Quartier des Aygalades, la paroisse ou la Citée des arts de la rue. Ils participent au repérage, à l’identification, à l’interprétation ou à la mise en valeur des ressources patrimoniales du site, qu’elles soient naturelles – repérage des source d’eau, des chemins –, culturelles – existence de savoir-faire, recueil de témoignages – ou matérielles – recherche d’équipements, d’images.

Le rendu public d’une année de travail se fait chaque année au travers d’une « ballade patrimoniale » lors des journées européennes du patrimoine. La Grotte des Carmes, difficilement accessible et en mauvais état, est ouverte depuis trois ans au public une fois par an lors de ces journées européennes du patrimoine. Une balade où s’enchaînent les rencontres in situ avec ceux du réseau : entrepreneurs, habitants, acteurs institutionnels, artiste et responsables associatifs. De 40 visiteurs la première année, ce sont 400 personnes qui ont fait la ballade en 2007.

 

Année Nombre de participants Articles de presse Structures partenaires du réseau
2005 40 0 1
2006 200 1 4
2007 400 7 20

 

Monsieur Latour participe chaque année aux journées européennes de valorisation de ce patrimoine. En 2007, il a ouvert l’usine et lui et des salariés ont apporté leur témoignage aux 400 personnes présentes.  Aujourd’hui, il poursuit des recherches patrimoniales fructueuses sur le site et sur le sujet du savon de Marseille.

La première raison concerne la visibilité de son positionnement économique. Chimitex S.A. présente sa marque « maître savon de Marseille » comme l’une des deux dernières distribuées nationalement dont les produits soient fabriqués à Marseille selon des méthodes et des recettes traditionnelles depuis plus d’un siècle. Elle inscrit son activité dans la continuité de la fabrication millénaire des savons d’Orient, qui s’est poursuivie et développée à Marseille depuis l’Edit de Colbert de 1688. Et dans la continuité d’usage d’une eau de qualité, celle des Aygalades, valorisée par les romains puis les Carmes. Elle cherche à valoriser la qualité de sa production en l’inscrivant dans une continuité historique. Aujourd’hui Monsieur Latour a créé sa propre marque : Savon du Vallon des Carmes et revendique le savon de Marseille fabriqué à Marseille.

La seconde raison porte sur l’ouverture de nouveaux débouchés économiques. La participation à la journée européenne du patrimoine de 2007 lui a montré l’intérêt existant pour sa démarche (400 visiteurs). Aujourd’hui l’entreprise reçoit mensuellement des groupes de visiteurs et envisage de développer un point de vente localisé articulé à un espace « musée » en lien avec une association de passionnés du savon de Marseille. Elle veut pouvoir ainsi capter une clientèle locale et drainer une partie du potentiel de clientèle liée à l’activité de croisières. Actuellement aucun des parcours que réalisent les milliers de croisiéristes chaque semaine au départ du Port de Marseille ne prévoient une visite des quartiers Nord de Marseille. La société souhaite participer à la création d’une offre de cette nature.

 

Indicateur COOPERATIF N°1 – valorisation économique[2]  – La coopération public privé contribue-t-elle à ancrer les acteurs économiques dans le développement durable ?

Problématique Plus value patrimoine.
Rendre visible un positionnement inscrit dans une perspective de développement durable. Inscription de la production dans une continuité historique – savon de Marseille, eau des Aygalades. Création d’une marque « Savon du Vallon des Carmes ».
Développer une filière courte de valorisation et commercialisation de la production. Ouverture d’un espace vente / exposition à l’usine positionné sur le projet d’itinéraire culturel européen. Projet de création d’un espace « musée ».

 

Concernant les politiques publiques, la présence d’un Monument Historique, même dégradé et inaccessible, dans une zone urbaine en reconversion est un atout. Son approche intégrée en fait une source de développement durable. L’Etat s’est engagé à rendre l’environnement pour les personnes habitant en zone urbaine sensible aussi agréable que dans le reste de la commune. Et cela en consentant davantage d’efforts au niveau de l’aménagement des espaces extérieurs, de la valorisation de l’environnement et de l’offre culturelle[3]. Le Ministère de la culture doit dans ce cadre accroître son effort d’intervention dans les zones urbaines prioritaires et orienter davantage ses actions subventionnées vers des territoires où la population est pour des raisons sociales, culturelles ou géographiques éloignées de l’offre culturelle[4]. Avec comme cible, un effort fait en direction des zones prioritaires qui soit plus important que l’effort général.

Le périmètre patrimonial de la Grotte des carmes est au cœur de ces quartiers qui connaissent des déséquilibres territoriaux importants au niveau de la qualité de vie (nuisances sonores, pollutions), de l’offre culturelle, des modes déplacements et du cadre de vie (habitat, espaces publics.). A travers le réseau patrimonial de Vallon des Carmes, ce sont 6 000 personnes qui sont concernés par cette politique culturelle tout au long de l’année. Elles y contribuent directement ou indirectement, qu’elles soient présentes ou représentées dans les espaces de travail, sollicitées pour la collecte de données et leur interprétation ou invitées à bénéficier de ce travail lors des journées européennes du patrimoine. Soit 9% de la population de l’arrondissement et 0,8% de celle de Marseille qui est directement concernée par cette politique culturelle[5].

Organismes Membres Estimation  Nbre personnes
Comité d’intérêt de Quartier des Aygalades et Saint Louis 100 Commerçants et habitants 200
Association des Amis des Aygalades 200 familles 800
Centre social 1000 familles 4000
Citées des arts de la rue 7 structures culturelles 100
paroisses catholique et arménienne 1000 familles 4000
Chimitex SA 18 salariés 18
Habitants Citées des Aygalades 10 familles 40
Collectif Les Creneaux 100 familles 400

Au niveau de l’effort financier, l’action sur le vallon des Carmes représente 50% du budget engagé via la mission de patrimoine intégré (un poste de conservateur), soit un budget qui peut être estimé à 38 000 euros. Cela fait 5 euros par habitant concerné et représente 0,03% du Budget de la Ville. La Ville de Marseille avec 820 900 habitants (données 2005) et un budget Culture de 116 millions d’euros (2007) dépense en moyenne 141,31 euros par habitants.

Indicateur COOPERATIF N°2  – Efficacité [6] La coopération public privé contribue-t-elle à la reconversion en cours ?

Ville de Marseille, Culture Mission Patrimoine intégré 15/16ième. Processus Vallon des carmes ZUS 15e Sud. Consolat, Viste, Aygalades
Habitants 820 900 89 800 6 000 19 264
% 100% 10,9% 0,8% 2,3%
Monuments historiques 72 4 1 1
% 100% 5,5% 1,4%
Musées 14 0 0 0
Budget 116 000 000 euros 75 000 euros 38 000 euros 36 000 000 euros (projet ANRU)
% 100% 0,06% 0,03%

 


[1] Le 27 octobre 2005 à Faro, la conférence de clôture du 50ème anniversaire de la Convention culturelle européenne a abouti à une convention cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société. Convention dite « de Faro » et en cours de ratification, son article 10 « Patrimoine culturel et activité économique » résume à lui seul les enjeux de l’implication du Conseil de l’Europe dans cette démarche. « En vue de valoriser le potentiel du patrimoine culturel en tant que facteur de développement économique durable, il engage les partie à accroître l’information sur le potentiel économique du patrimoine culturel et à l’utiliser (…) à prendre en compte le caractère spécifique et les intérêts du patrimoine culturel dans l’élaboration des politiques économiques ; et à veiller à ce que ces politiques respectent l’intégrité du patrimoine culturel sans compromettre ses valeurs intrinsèques.

[2] Cet indicateur mesure l’impact du patrimoine sur l’activité économique de l’entreprise. Il est en échos au rapport sur « L’économie de l’immatériel, la croissance de demain » (ministère des finances, 2006) qui a préconisé de s’intéresser aux bénéfices à tirer de l’exploitation « de notre histoire, de notre géographie ou de nos territoires ». Et qui a donné à la création en avril 2007 de l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’État (APIE). Elle a pour rôle d’aider les ministères, les administrations publiques et les collectivités locales à optimiser la gestion de leur patrimoine intangible, pour en tirer une meilleure valorisation.

[3] LOLF, Mission Ville, Objectif n° 2 (du point de vue de l’usager) : Améliorer le cadre de vie des zones urbaines sensibles. Objectif concourant à la politique transversale « Ville ».

[4] LOLF, Mission Culture, programme Transmission des savoir et démocratisation de la culture.

[5] Précisions méthodologiques : Sources de données : les données sont celles fournies par Christine Breton. N’ont été prises en compte que les structures qui ont participé de manière effective aux journées européennes du patrimoine de septembre 2007 : préparation, animation, communication. Mode de calcul de l’indicateur : Le nombre de personne a été évalué en comptant 4 personnes par famille et 3 par associations culturelles ou commerces (50% adhérents CIQ). Les doubles comptages ont été pris en compte en enlevant 30% du total. AU total 9500 personnes comptabilisées, soit 6000 hors double comptage.

[6] Cet indicateur vise à mesurer l’efficacité de la coopération suivant un indicateur identifié au sein de ceux de la LOLF. C’est-à-dire la capacité d’une administration à atteindre les objectifs correspondant à ses missions fixés dans le cadre de la LOLF. L’objectif se s’appuyer sur un indicateur LOLF est de pouvoir comparer l’efficacité à une moyenne et à la cible que s’est fixée l’Etat pour les années à venir.

Prosper Wanner diagnostics#1 : La barque L’Espadon, bien inaliénable partagé.

Premier portrait réalisé dans le cadre des 3 diagnostics de coopérations patrimoniales innovantes pour le compte de l’AGCCPF PACA.

Le patrimoine n’est pas une marchandise. La plus value symbolique de ces biens communs impose d’autant plus leur gestion dans une économie alternative, solidaire et durable. Extrait Charte du patrimoine commun méditerranéen. AGCCPF PACA 2000.

Préambule

Le MCEM a confié en 2006 l’entretien, la conservation et la vulgarisation auprès du grand public de la barque L’Espadon, bien inaliénable, à l’association Boud’mer qui propose de «partager la mer ensemble».

Le diagnostic propose de situer cette coopération, d’en comprendre les raisons et de mesurer les premiers résultats obtenus.

Pour pouvoir mesurer et comparer l’impact de ces coopérations public privé, il est essentiel d’utiliser un système d’indicateurs commun.  Le diagnostic fait référence avant tout aux nouveaux indicateurs de performance de l’Etat vis à vis du contribuable, de l’usager et du citoyen utilisés dans la cadre de la loi organique relative aux lois de finances du premier août 2001 – la LOLF. Il propose de répondre aux questions suivantes :

Quelles sont les raisons qui ont motivé cette coopération ? Deux années après, quels sont les premiers bilans que l’on peut tirer de cette expérience ? En quoi cette coopération public privé favorise-t-elle l’accessibilité de l’Espadon ?  Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, participe-t-elle à limiter les coûts inhérents à la conservation d’une barque traditionnelle ? Est-elle performante pour l’association Boud’mer ?

Dénomination MCEM Boud’mer
Statut Musée national Association Loi 1901
Localisation Marseille, Fort Saint Jean Marseille
Statut personne rencontrée Conservateur en chef Directeur et fondateur
Nombre de salariés ETP 125 / 160 (2008) 3
Nombre visiteurs annuel 45 000 1 000
Prévision budget annuel 2008 13 millions d’euros 60 000 euros

Expo virtuelle

En 2007, l’association des conservateurs des collections publiques de France section PACA (AGCCPF PACA) a lancé une invitation internationale à de jeunes graphistes sortis d’écoles ou en cours de formations pour dialoguer sur l’actualité des enjeux de leurs métiers. Conservateurs et graphistes recherchent ensembles les formes les plus aptes aux nouvelles formes de coopérations indispensables dans l’espace symbolique aujourd’hui. L’invitée de l’expo virtuelle 2007 était Marion Arnoux. Elle vient de sortir de l’école de design de Saint-Etienne et participe à la structure expérimentale Laboratoire IRB, sous la responsabilité de Denis Coueignoux et Ruedi Baur. Le projet résulte d’une collaboration avec Mathieu Ehrsam, Designer multimédia pour aboutir à une interprétation graphique de portraits consacrés aux professionnels du monde économique qui cherchent avec les conservateurs des solutions durables dans la vie des objets de collections publiques qui leur sont confiées.

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Monsieur Thomé est directeur et fondateur de l’association « Boud’mer, partageons la mer ensemble ». Il a créé cette association pour concilier la nécessaire protection de l’environnement marin avec le développement de l’accès au patrimoine marin pour tous.

Créée en 2001, elle a comme objectif la sauvegarde du patrimoine maritime méditerranéen, la démocratisation de son accès et la sensibilisation du grand public. Ses adhérents partagent l’usage de barques traditionnelles et proposent de nombreuses sorties thématiques en mer comme la découverte du patrimoine littoral ou la  pèche. Leurs bateaux sont postés dans les ports de plaisance marseillais. En 2006, ils étaient plus de 200 personnes à partager 5 barques. Avec un budget annuel de 60 000 euros, 3 salariés (2 équivalents temps plein) et 12 bénévoles actifs, l’association a réalisé cette année là 150 sorties en mer dont plus de la moitié thématiques. A travers le « partage de bateau », comme il existe à Marseille l’autopartage, il propose à toute personne d’avoir accès à ce patrimoine tout en allant dans le sens d’une régulation de la pression des bateaux de plaisance sur le littoral.

L’Espadon est une barque Lavaille entrée dans les collections du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée sous le numéro d’inventaire : 2004-90. Monsieur Thomé a participé à son expertise et sa restauration. L’entretien laborieux et coûteux des barques traditionnelles auquel s’ajoute le manque de place au port amènent de nombreux propriétaires à se séparer de ce patrimoine. L’Espadon a été construite à Cannes en 1965 par Lavaille. Longue de 7 mètres et d’une capacité d’accueil de 8 personnes, elle a servi jusqu’en 1992 à un même artisan pécheur. Après une trentaine d’années d’activités professionnelles, elle a été désarmée de son équipement de pêche et vendue à un plaisancier. Puis en 2004, la barque a été proposée comme donation au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MCEM.

Le MCEM est un musée de société consacré aux civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Cette orientation donnée à l’ex Musée national des arts et traditions populaires va de pair avec son installation à Marseille, en bord de mer méditerranée. L’objectif affiché est de susciter le débat en articulant les expositions à de grandes questions de société. Le MCEM sera doté en 2008 d’un budget annuel prévisionnel de plus de 13 millions d’euros, de 160 salariés. Ses réserves actuelles sont estimées à plus d’un demi million d’objets. Denis Chevalier, conservateur en chef au MuCEM, s’est chargé du suivi de la demande de donation de l’Espadon.

Responsable de l’antenne de Marseille, son intérêt pour le patrimoine industriel l’amène à prendre en compte le potentiel de conservation in situ ou « en vie » du patrimoine. Et à s’interroger, dès que possible, sur la possibilité qu’un bien puisse être mis en dépôt dans une entreprise et continue ainsi à vivre sa propre histoire. D’où l’idée, pour les barques traditionnelles, patrimoine maritime euro méditerranéen, d’aller jusqu’à commander leur fabrication (maintien du savoir faire), de filmer le chantier et de les amarrer aux pieds du MCEM. Ce projet est initié avec une barque traditionnelle tunisienne. Dans cette continuité, le potentiel de conservation in situ de l’Espadon a été un des éléments pris en compte : usages possibles, équipements nécessaires, capacité d’accueil et potentiel d’activité.

Aujourd’hui, entretenue par l’association, l’Espadon participe à l’économie de l’association Boud’mer. Suite à l’avis favorable émis pas l’association Boud’mer sur l’état de l’Espadon, son intérêt patrimonial et son potentiel d’usage, le MCEM a enclenché le processus de demande de classement de l’Espadon. Une fois l’accord reçu, la remise en état de l’Espadon a été confiée à l’association Boud’mer et à une société de charpentiers marine. Le MCEM a fait ensuite le choix de confier l’entretien et l’utilisation partagée du bateau à l’association. La convention est annuelle et reconduite tacitement chaque année. Cette convention, faute de référentiel existant, s’est inspirée de celle du pendwick II, mis à disposition d’une école de voile.

Pour l’association Boud’mer, la première plus value concerne sa légitimité. Son objet n’est pas d’acquérir des barques traditionnelles mais d’en faciliter l’accès et l’entretien. Elle cherche à inciter des propriétaires à partager leur barque en contrepartie du financement des coûts d’entretien, principale motivation à l’abandon de ce patrimoine. La confiance accordée par le Musée à l’association renforce sa crédibilité auprès des partenaires publics et privés.

La seconde est économique. La participation des usagers à chaque sortie en mer permet à Boud’mer de financer les coûts d’entretien des barques mais pas les coûts de structure (bureau, coordination, etc). Ces derniers sont financés essentiellement par des ressources en partie temporaires (subventions exceptionnelles, cotisations, bénévolat). Pour augmenter sa rentabilité, l’association  devrait augmenter ses tarifs et favoriser les sorties individuelles (aller vers la location) alors que son objet associatif est davantage la découverte du patrimoine (sorties accompagnées) et l’accès au plus grand nombre. Sans compter les impacts fiscaux liés au passage à une activité essentiellement de loueur : assujettissement à la TVA, à la taxe professionnelle.

Cette situation est différente avec l’Espadon dont l’entretien et les réparations sont pris en charge par le musée. C’est la seule embarcation de l’association à participer aujourd’hui au financement des frais de structure. Une telle coopération permet à l’association d’envisager à terme un modèle économique qui lui permette de défendre son projet associatif sans devenir un loueur de bateau. Aujourd’hui l’Espadon contribue à financer 5% des frais de structure de l’association. L’équilibre économique de l’association pourrait reposer sur un financement à part égale entre les financements privés (locations, mécénat, sorties), les subventions publiques et la gestion d’une flotte « patrimoniale » d’une demi douzaine de bateaux.

  • Indicateur COOPERATIF N°1 – valorisation économique[1]  – Cette coopération public privé est-t-elle performante pour l’association Boud’mer ?
Problématique Plus value patrimoine.
Rendre crédible la qualité de l’action de l’association auprès des propriétaires de barques traditionnelles. Reconnaissance de la qualité du projet associatif et du savoir faire de l’association.
Trouver des modalités de financement des coûts de structures hors location individuelle des barques (ne pas devenir loueur). La mutualisation avec le musée des coûts de gestion et d’entretien permet de financer 5% des coûts de structure sans louer la barque.

Sortie des réserves et mise à l’eau, l’Espadon est partagée au quotidien. Cette barque de pèche n’a pas en soi un caractère unique. Sa principale richesse repose davantage sur le lien qu’elle représente avec toutes les autres barques du même type présentes sur tout le pourtour méditerranéen. Tous les musées d’ethnologie ont à priori des barques de cette nature et risquent faiblement d’en solliciter une auprès d’autres musées. À cela vient s’ajouter la taille importante d’une barque qui la rend difficilement transportable.

L’Espadon n’a guère de chance d’être exposé de manière permanente, temporaire ou en dépôt. Un don de cette nature a davantage de probabilités de rejoindre le demi million d’objets présents dans les réserves du MCEM et peu de chances de sorties. Il serait conservé mais faiblement accessible. Et ce alors que la LOLF fixe comme objectif aux musées de rendre accessible physiquement une part croissance des patrimoines (Mission Culture, Patrimoine, Objectif 2)[2].

 

Exposition permanente 3 à 4000
Exposition temporaire    3 000
Dépôt permanent dans d’autres lieux   20 000
Réserve  500 000

La coopération initiée avec Boud’mer permet une meilleure mise en valeur de l’Espadon en lui donnant un statut d’objet exposé[3]. L’espadon a réalisé un plein exercice d’exploitation en 2007. Il réalise en moyenne 30 sorties par an avec 6 personnes par sortie et une quinzaine de journées thématiques avec 50 à 100 personnes par journée (Thalasanté, septembre en mer, etc). Les tarifs sont différenciés en fonction des sorties et des publics allant de la gratuité à une participation maximale de 15 euros par personne.

Sorties lors d’événementiel 15 journées, 1000 personnes
Sorties thématiques (pèche, environnement, …) 30 sorties, 150 personnes
  •  Indicateur COOPERATIF N°2  – Efficacité [4]En quoi cette coopération public privé favorise-t-elle l’accessibilité de l’Espadon ?
Niveau d’accessibilité actuel de l’Espadon Exposition permanente,Sorties thématiques hebdomadaires,Tarification différenciée (adhérents, enfants, invités)
Probabilité de valorisation hors coopération Très faible (En réserve)
LOLF :  Taux d’ouverture (évalué pour les musées)Part des fonds accessibles (évalué pour les archives) Objectif  85 % en 2006 et progression +5% d’ici 2010Objectif  72 % en 2006 et progression +3% d’ici 2010

Ce trésor partagé ancre le musée dans le développement durable. La capacité à accepter un don de cette nature et à assurer de manière économe son accessibilité représentent aujourd’hui un enjeu patrimonial. Les recommandations du Conseil de l’Europe, notamment la convention cadre de Faro[5] engage les politiques culturelles à reconnaître la valeur du patrimoine culturel situé sur les territoires relevant de leur juridiction, quelle que soit son origine et à promouvoir sa protection comme un élément majeur des objectifs conjugués du développement durable et de la diversité culturelle (Convention de Faro, article 5)[6].  Ce qui circule fait notre identité. Et si l’art français circule bien à travers le monde, le faible potentiel de circulation de l’Espadon pose question. Notamment à un musée de société positionné sur les civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Comment concilier la maîtrise des dépenses publiques et sa conservation et son accessibilité ?

La conservation d’une barque en bois reste nettement plus coûteuse «à sec» «qu’en eau»[7]. La durée de vie d’une barque hors de l’eau est estimée à 2 ans contre 8 ans en mer, avant qu’il soit nécessaire de faire de grosses réparations. Le choix d’une conservation « à sec » nécessite une installation technique coûteuse de mise sous vide. La conservation en mer nécessite, elle, une place au port et un entretien régulier. Si à terme le MCEM a comme projet de développer un espace en mer, aujourd’hui il conserve un bateau « à sec ».

L’analyse des données financières de l’association Boud’mer permet d’évaluer le coût de conservation « en mer » de l’Espadon. Il est évaluable à 30 000 euros par an, une fois les ressources non comptabilisées ré intégrées (bénévolat, mise à disposition d’une place au Port). Le MCEM prend à sa charge 20% du coût dont une partie de manière non monétaire en mettant à disposition une place au Port. Soit 80 % de ressources externes liées à la coopération[8].

Cet élément est important dans la mesure où la maîtrise des dépenses devient, avec la LOLF, un élément fortement déterminant dans les choix de gestion d’un musée. Les organismes sous tutelle du ministère de la Culture doivent maîtriser leurs dépenses de fonctionnement tout comme accroître la part des ressources propres, du type mécénat ou droit d’entrée (Mission Culture, Patrimoine, Objectif 3)[9].

  • Indicateur COOPERATIF N°3 : – Efficience [10] Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, participe-t-elle à limiter les coûts inhérents à la conservation d’une barque traditionnelle ?

 

Contribution au budget global 2006 Répartition 2006
MCEM 17% Ressources monétaires 11%
Ressources non monétaires 6%
Boud’mer 83% Ressources monétaires 45%
Ressources non monétaires 36%
LOLF[11] : Objectif en 2006Progression d’ici 2010 43%+5%

 

DEPENSES Coût annuel RESSOURCES Contributions Total
Dépenses de fonctionnement 18 500€ Ville de Marseille Mise à disposition Place 1 800€
Assurance 500€ MUCEM MCEM entretien 1 800€ 17%
Entretien 700€ MCEM rénovation (10 ans) 1 500€
Place au port 1 800€ Boud’mer Participation usagers 3 000€ 10%
Maintenance, gardiennage 3 500€ Bénévolat (pilote) 9 600€ 43%
Gestion administrative 12 000€ Maintenance, gardiennage 3 500€
Dépenses de sortie 10 200€ Subventions, cotisations 4 500€ 15%
Gestion des sorties 9 600€ Aides temporaires 4 500€ 15%
essence 600€ TOTAL 30 200€ 100%
Dépenses d’investissement 1 500€
Amortissement (10 ans) 1 500€
TOTAL 30 200€

 Aujourd’hui cette coopération repose d’avantage sur des personnes que sur des mécanismes de régulation contractuels. La convention qui sert de base à celle passée entre le MCEM et Boud’mer est celle qui concerne la mise à disposition du Pen Duick II à une école de voile. Il semble exister peu de référentiel dans le champs du patrimoine permettant de poser les bases d’une coopération public/privé. La régulation des rapports entre intérêts du patrimoine et intérêts économiques repose davantage sur la confiance entre les personnes que sur des éléments contractuels.

L’association n’envoie pas forcement ses bilans d’activité au MCEM et celui ci n’informe pas forcement ses visiteurs de la présence de l’Espadon (pas de signalétique commune). Cette situation peut s’expliquer en partie par la jeunesse de cette coopération. 2007 a été la première année de pleine exercice pour l’Espadon.

Cette situation permet de garder une souplesse favorable à un processus expérimental. Pour autant sa reproductibilité sur d’autres sites, dans d’autres contextes ou sa durabilité dépendent de mécanismes de régulation des conflits d’intérêt plus indépendants des personnes qui ont fondé cette coopération. Elle soulève un certain nombre de nouvelles questions importantes au vu de l’état d’avancement du projet :

Comment structurer cette coopération sans la figer ou la déséquilibrer ? Quels peuvent être les apports d’une ratification par la France de la Convention de Faro ? Comment les traduire en droit commun ?

Prosper Wanner, S.C.O.P. Place – Janvier 2008

Sources complémentaires :

  • Site de l’association Boud’mer : http://www.boudmer.org/
  • Site du MCEM : http://www.musee-europemediterranee.org/
  • Site du Conseil de l’Europe : http://www.coe.int/
  • Site de la LOLF : http://www.performance-publique.gouv.fr/

Sources du diagnostic

Ce diagnostic a été finalisé en janvier 2008 principalement à partir des éléments suivants :

  • 1 entretien avec Denis Chevalier, conservateur en chef du MCEM ;
  • 2 entretiens avec Philippe Tome, fondateur et directeur de l’association Boud’mer ;
  • Les données comptables de l’exercice 2006, le budget prévisionnel 2007 et 2008 et les bilans d’activité de 2003 à 2006 de l’association Boud’mer ;
  • La convention passée entre le MCEM et l’association Boud’mer concernant l’Espadon ;
  • Le document de présentation du Projet scientifique et culturel du MCEM 2002 : « Réinventer un musée : le MCEM » ; et les statistiques des visites de 2003 à 2007 du MCEM.
  • Les prix du marché liés à l’exploitation d’une barque : place au port, skipper, …
  • Les documents de la LOLF concernant les indicateurs de performances ;
  • La convention cadre dite « de Faro » du Conseil de l’Europe.

[1] Cet indicateur mesure l’impact du patrimoine sur l’activité économique de l’entreprise, voire du territoire. Le rapport sur « L’économie de l’immatériel. La croissance de demain » (ministère des finances, 2006) a préconisé de s’intéresser aux bénéfices à tirer de l’exploitation « de notre histoire, de notre géographie ou de nos territoires ». Et qui a donné à la création en avril 2007 de l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’État (APIE). Il s’agit de pouvoir estimer et comparer l’impact d’une valorisation partagée du patrimoine.

[2] LOLF, Mission Culture, Patrimoine, Objectif n° 2 (du point de vue du citoyen et de l’usager) : Accroître l’accès du public au patrimoine national. 1. Rendre accessible une part croissante des patrimoines.

[3] Sources des données : rapport d’activité association Boud’mer 2006 et 2007, données chiffrées MuCEM (nombre d’œuvres exposées, prêtées, en réserve).  Précisions méthodologiques :  La probabilité de valorisation en musée : Sur les 500 000 objets du MUCEM, 3 à 4000 font partie de la collection permanente (0,1%), 20 000 sont en dépôt permanent dans d’autres lieux (4%) et 3 000 font parties des expositions thématiques (0,1%).

[4] Cet indicateur vise à mesurer l’efficacité de la coopération suivant un indicateur identifié au sein de ceux de la LOLF. C’est-à-dire la capacité d’une administration à atteindre les objectifs correspondant à ses missions. L’objectif se s’appuyer sur un indicateur LOLF est de pouvoir comparer l’efficacité du processus coopératif au regard d’autres expériences et à la cible que s’est fixée l’Etat pour les années à venir.

[5] Depuis une trentaine d’année, le Conseil de l’Europe développe au niveau théorique l’idée d’approche intégrée du patrimoine comme contribution du patrimoine culturel au débat démocratique, à la cohésion territoriale, à la qualité de la vie, à la valorisation durable et au développement économique. Le 27 octobre 2005 à Faro, la conférence de clôture du 50ème anniversaire de la Convention culturelle européenne a abouti à une convention cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société. Convention dite « de Faro », elle est  en cours de ratification.

[6] Convention de Faro – Article 5 – Droit et politiques du patrimoine culturel.

[7] Il est difficile aujourd’hui d’extraire des comptes des musées – MCEM – des éléments financiers permettant d’évaluer le coût unitaire de chacun de ces modes de conservation et de les comparer économiquement.

[8] Précisions méthodologiques : Sources de données : budget et rapport d’activité association Boud’mer et tarif du marché (coût location place, redevance Port, ½ journée pilote). Mode de calcul de l’indicateur : évaluation du coût administratif au prorata du nombre de bateaux en usage (coût total / nombre de bateaux en usage). Ce coût devrait diminuer avec la mise en accès de nouveaux bateaux.

[9] LOLF : Objectif n° 3 (du point de vue du contribuable) : Elargir les sources d’enrichissement des patrimoines publics. Indicateur 2. Accroître la part des ressources propres des établissements publics et des organismes patrimoniaux sous tutelle du ministère de la culture et de la communication.

[10] Cet indicateur vise à mesurer l’efficience de la coopération suivant un indicateur identifié au sein de ceux de la LOLF.

[11] L’indicateur de mesure de la LOLF pour les musées nationaux porte sur la part des ressources propres dans le budget total. Prévue à hauteur de 43% en 2006, elles devront atteindre 48% en 2010.

Prosper Wanner diagnostics#2 : Refuges d’Art, une œuvre d’art contemporain essence de développement durable

Second portrait réalisé dans le cadre des 3 diagnostics de coopérations patrimoniales innovantes pour le compte de l’AGCCPF PACA.

Nous voulons dépasser les découpes disciplinaires et la décontextualisation des objets qui sont encore trop dominantes dans l’exercice des métiers patrimoniaux et l’élaboration des collections. Extrait Charte du patrimoine commun méditerranéen. AGCCPF PACA 2000.

Préambule

Le musée Gassendi, situé à Digne-les-Bains, a intégré dans ses collections les œuvres d’art contemporain « Refuges d’art » situées dans la réserve géologique de Haute Provence[1]. « Refuges d’Art » est un ensemble de bâtis – bergerie, corps de ferme, chapelle – dont la restauration intègre une création de l’artiste Andy Goldsworthy.

L’installation de ces œuvres hors les murs du musée, leur fréquentation déjà effective, l’intérêt croissant du public et le potentiel de développement économique qu’elles représentent, obligent le musée à qualifier leur accessibilité afin de maintenir l’esprit du projet.

Jean Pierre Brovelli, guide de randonnée et partenaire du projet, qui accompagne ceux qui souhaitent relier à pied les différents lieux de « Refuges d’Art ». Les coopérations « public privé » caractérise ce processus.  La première a été celle développée entre le musée et la réserve de haute Provence (association Loi 1901).

Le diagnostic propose de situer cette coopération entre Jean Pierre Brovelli et le musée, d’en comprendre les raisons et de mesurer les premiers résultats obtenus.

Pour pouvoir mesurer et comparer l’impact de ces coopérations public privé, il est essentiel d’utiliser un système d’indicateurs commun.  Le diagnostic fait référence avant tout aux nouveaux indicateurs de performance de l’Etat vis à vis du contribuable, de l’usager et du citoyen utilisés dans la cadre de la loi organique relative aux lois de finances du premier août 2001 – la LOLF. Il propose de répondre aux questions suivantes :

Quelles sont les raisons qui ont motivé cette coopération ? Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, contribue-t-elle à qualifier l’accessibilité d’œuvres en accès libre? Est-elle performante pour le musée ? Pour Jean-Pierre Brovelli ? Contribue-t-elle au développement économique de ce territoire alpin ? L’inscrit elle dans le développement durable ?

Dénomination Musée Gassendi Jean-Pierre Brovelli
Statut Musée de France Entreprise individuelle
Localisation Digne-les-Bains Seyne-Les-Alpes
Statut personne rencontrée Conservateur Indépendant
Nombre de salariés 10 0
Nombre visiteurs 2007 10.000 NC
Ressources 2007 1,4 million d’euros NC

Expo virtuelle

En 2007, l’association des conservateurs des collections publiques de France section PACA (AGCCPF PACA) a lancé une invitation internationale à de jeunes graphistes sortis d’écoles ou en cours de formations pour dialoguer sur l’actualité des enjeux de leurs métiers. Conservateurs et graphistes recherchent ensembles les formes les plus aptes aux nouvelles formes de coopérations indispensables dans l’espace symbolique aujourd’hui. L’invitée de l’expo virtuelle 2007 était Marion Arnoux. Elle vient de sortir de l’école de design de Saint-Etienne et participe à la structure expérimentale Laboratoire IRB, sous la responsabilité de Denis Coueignoux et Ruedi Baur. Le projet résulte d’une collaboration avec Mathieu Ehrsam, Designer multimédia pour aboutir à une interprétation graphique de portraits consacrés aux professionnels du monde économique qui cherchent avec les conservateurs des solutions durables dans la vie des objets de collections publiques qui leur sont confiées.

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Monsieur Brovelli est accompagnateur de randonnée en moyenne montagne, basée à Seyne-Les-Alpes dans les Alpes de Haute Provence. Il est devenu accompagnateur en montagne après avoir exercé d’autres activités professionnelles notamment dans la culture au Conseil général. Situé sur le « créneau » des randonnées alliant culture et nature, il cherche à concilier ses intérêts pour la culture, la nature et l’itinérance . Il propose depuis 2004 des séjours allant du week end à la semaine tout compris. Positionné sur « l’Art de marcher », ses séjours « Refuges d’Art » représentent une part importante de son activité. La préparation de ce parcours comme itinéraire de randonnée a demandé un travail de repérage conséquent. Investissement indispensable pour identifier les possibilités de ravitaillement, repérer les refuges possibles en cas d’intempérie et évaluer au mieux le niveau de difficulté.

Comment rendre visible ce positionnement spécifique? Comment maintenir une activité professionnelle qui réponde aux motivations qui ont fondé la création de l’entreprise (durabilité) ?  

« Refuges d’Art » est une proposition de l’artiste Andy Goldsworthy à la réserve géologique et au musée Gassendi. Le musée Gassendi assure l’ingénierie culturelle du projet « Refuges d’Art » et la réserve géologique de Haute Provence la gestion financière. Pour gérer ensemble les propositions d’art contemporain, le musée et la réserve ont créé le Centre d’Art Informel de Recherche sur la Nature – le CAIRN. Le musée Gassendi, Musée de France, accueille en moyenne 10.000 visiteurs par an et 3.000 scolaires, sa surface est de 2.000 m2, son budget annuel est de 1,4 millions d’euros et il a 10 salariés. « Refuges d’Art » représentera à terme un accroissement de sa surface d’exposition permanente équivalent à un sixième de celle actuelle. Une surface culturelle supplémentaire en milieu rural, conformément aux objectifs de l’Etat pour les années à venir[2].

  • Indicateur COOPERATIF N°1.1  – Efficacité[3]Cette coopération public privé est-elle performante pour le musée ?
Chapelle Sainte Madeleine 25 m2
Ferme de Belon 47 m2
Thermes 15 m2
Col de l’Escuchière 36 m2
Le vieil Esclandon 120 m2
River of earth (au Musée) 50 m2
Total hors musée 243 m2
Musée Gassendi 2000 m2

Ce « musée ré inventé » cherche à être en prise directe avec son territoire notamment en faisant cohabiter d’une manière revendiquée comme « non conventionnelle » les collections d’origine du musée – beaux-arts et sciences – et des œuvres d’art contemporain issues de la politique de résidence artistique mise en œuvre au sein du CAIRN. Nadine Gomez-Passamar, conservatrice du musée Gassendi dirige et met en œuvre l’ingénierie culturelle du projet « Refuges d’Art ». Elle est impliquée dans le projet depuis son origine et continue aujourd’hui d’en assurer le développement. Elle est directrice artistique du CAIRN.

Commencé en 2001, le projet constituera à terme un itinéraire pédestre de 150 kilomètres et comprenant 10 œuvres de l’artiste. Les bâtis peuvent accueillir des personnes pour une halte, parfois une nuit. Les œuvres, dons faits à la ville de Digne-Les-Bains par l’artiste en 2006, sont les premiers « hors les murs » à être acceptés par la commission des  Musées de France. Chaque bâti est de propriété publique – Communes, ONF – et chaque œuvre fait partie de la collection permanente du Musée Gassendi.

Monsieur Brovelli participe au processus collectif de réalisation. Il est agréé par la réserve géologique de Haute Provence et habilité par le musée Gassendi.  Il a participé à la définition de l’itinéraire en accompagnant certaines marches de reconnaissance avec l’artiste, le personnel du musée et de la réserve.

Cette démarche ouverte et collective est un facteur de développement durable. Conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe en matière de patrimoine culturel et de développement durable, elle promeut une approche intégrée des politiques relatives à la diversité culturelle, biologique, géologique et paysagère et favorise un équilibre entre ces composantes[4]. Le Conseil de l’Europe encourage la participation de chacun au processus d’identification, d’étude, d’interprétation, de protection, de conservation et de présentation du patrimoine culturel. Ce projet pourrait être le support d’un indicateur de « diversité partenarial » permettant de mesurer le degré de cohésion territoriale du projet.

L’AFNOR[5] propose divers degrés possibles de participation en ce sens qui vont de la simple information à la participation effective. Le Conseil de l’Europe ajoute la reconnaissance d’un droit au patrimoine associant chacun à la gouvernance du développement durable.

Les quatre composantes du développement durable – culture, environnement, économie et social – sont associées via le projet. Leur degré d’implication évolue avec le temps.

  • Indicateur COOPERATIF N°2 : – Gouvernance démocratique[6] Cette coopération public privé contribue-t-elle à inscrire ce territoire alpin dans le  développement durable ?
Dominante Partenaires Niveau d’implication
Dimension Economique Jean-Pierre Brovelli Consulté : conception du parcoursValorisé : proposition de séjour. Habilitation Musée et agrément Réserve.
Dimension Culturelle Musée Gassendi Associé : convention CAIRN
Dimension Ecologique Réserve géologique Associé : convention CAIRN
Dimension citoyenne Communes Informé : Rapport de l’agence régionale du patrimoineAssocié : propriétaire de sites

Aujourd’hui cet itinéraire pédestre prévu pour 12 jours fait partie des offres commerciales de Jean-Pierre Brovelli. Il prévoit en 2008 d’accompagner une soixantaine de personnes sur ce parcours par groupe de 8 personnes.  Si la retombée économique reste importante, elle ne représente pas son intérêt principal. La plus value économique repose davantage sur le fait de trouver une clientèle avec qui partager « l’Art de marcher ». La réalisation de l’itinéraire « Refuges d’Art » reste limitée : elle est physiquement et mentalement éprouvante pour un accompagnateur. Par contre, le fait d’offrir ce parcours permet de rendre visible son positionnement sur « l’Art de marcher ». La recherche d’information via internet en lien avec le projet « Refuges d’Art » (artiste, projet, CAIRN) génère deux demandes de renseignement journalière sur son site professionnel. Ces personnes sont parfois de potentiels clients pour d’autres offres proposées. Et ceux qui ont réalisé le parcours restent en lien durablement avec lui.

Ce renforcement de la visibilité du positionnement renforce la durabilité du projet d’entreprise. Les motivations entreprenariales de Jean-Pierre Brovelli structurent l’offre de séjour alliant culture, nature et itinérance. Le fait de pouvoir trouver « un marché » qui soit en cohérence avec ces motivations était un pari audacieux dont la réussite se voit ici renforcée. A cinquante ans et après un parcours professionnel diversifié, cet engagement économique est davantage l’aboutissement d’un projet personnel que la recherche d’une activité aussi rémunératrice soit-elle.

  •  Indicateur COOPERATIF N°3.1 – valorisation économique [7] Cette coopération public privé est-elle performante pour Jean Pierre Brovelli ?
Problématique Plus value patrimoine.
Rendre visible un positionnement sur « l’art de marcher » alliant culture, nature et itinérance. 2 demandes d’information journalière via internet liées à « Refuges d’Art ».
Trouver un « marché » en cohérence avec les motivations entrepreuneuriales. Développement d’une offre et repérage d’une demande en cohérence avec les motivations entrepreuneuriales.

 Œuvre d’art contemporain accessible en pleine nature, « Refuges d’Art » est un vecteur de développement durable pour la montagne. Fin 2007, la commune de Digne-Les-Bains a commandé une étude sur les retombées économiques et sociales du projet à l’Agence régionale du patrimoine P.A.C.A.  A mi parcours, il s’agissait de produire des données sur les impacts générés par le projet au regard de ses coûts de mise en oeuvre.

Ce travail important d’étude réalisé durant l’été 2007 permet d’avoir une première mesure de l’impact économique et social de « Refuges d’Art » en Haute Provence. Il représente 4,7 % de touristes en plus au Pays dignois – qu’ils viennent spécialement pour la découverte des oeuvres d’Andy Goldsworthy et/ou les oeuvres d’art contemporain -, soit plus de 30.000 nuitées annuelles, une consommation touristique évaluée à 1,6 million d’euros par an et 131 emplois dans le Pays Dignois. Impact qu’il faut mettre au regard d’un investissement de l’ordre d’environ 90.000 euros par an, hors participation du personnel du musée et de la réserve – 7 postes sont directement impliqués. Ce taux de retour sur investissement est conséquent et semble durable.

  •  Indicateur COOPERATIF N°3.2 – valorisation économique – Cette coopération public privé contribue-t-elle au développement économique de ce territoire alpin ?
Résultats étude agence régional du patrimoine P.A.C.A. Personnes venues pour la découverte des oeuvres d’Andy Goldsworthy et/ou les oeuvres d’art contemporain
% des touristes du Pays dignois 4,7%
Nombre de nuitées annuelles 31 025
Consommation touristique 1,6 millions d’euros
Nombre d’emplois dans le Pays dignois 131 emplois
Coût moyen annuel direct du projet 90 000 euros (hors personnel musée et réserve)
Taux de retour sur investissement Estimé à 17 fois supérieur à l’investissement annuel

L’Agence régionale du patrimoine prévoit une croissance à minima de 8,8% de la fréquentation annuelle, bien au delà de l’objectif de 1,9% fixé pour les arts plastiques sur l’ensemble du territoire par l’Etat [8]. Soit d’ici 5 ans, 8.000 visiteurs à minima, non loin des 10.000 visiteurs actuels du musée Gassendi, première étape du parcours. Soit une plus value culturelle significative pour un territoire rural : Digne-les-bains, préfecture départementale, compte 18.000 habitants intra muros, 30.000 au niveau du Pays[9].

  •  Indicateur COOPERATIF N°1.2  – Efficacité – Cette coopération public privé est-elle performante pour le musée ?
Nombre de personnes
Découverte des oeuvres d’Andy Goldsworthy et/ou les oeuvres d’art contemporain 5 5008 000 au terme du projet dans 5 ans (estimation)
Musée Gassendi 10 000  (moyenne)
Taux de croissance annuel de la fréquentation + 8,5%  (minima, étude Agence régionale du patrimoine)
LOLF, Mission Culture, Création, Objectif n° 3 + 1,9%  (moyenne par an d’ici 2010)

 Toute la difficulté réside dans le fait que cette valorisation économique reste bénéfique pour le Pays Dignois et ne se fasse pas au détriment de l’esprit du projet. Il s’agit d’inventer les modalités d’accès adaptées à son originalité. Modalités que le musée avait prévu de développer une fois le projet arrivé à terme et relayé auprès du grand public, c’est à dire au mieux dans 5 ans. La notoriété croissante de l’artiste au niveau international, la parution d’articles dans la presse nationale – Télérama, Alpes Magazine -, l’usage déjà effectif par des acteurs locaux dans le cadre de leur activité – guide de randonnée, office du tourisme – font que les refuges d’art sont déjà fréquentés.

Comme l’étude de l’Agence régionale du patrimoine l’a confirmé, il n’existe pas un seul « canal » qui mène à découvrir « Refuges d’Art » : internet, bouche-à-oreille, médias. L’ensemble des actions de communication et d’information ne peut être ni mené, ni auto financé : topo-guide, fiche d’accès, revue de presse, livre, site internet, audio guide, etc. Pour exemple, l’IGN a estimé à 50.000 euros le coût de réalisation d’une carte spécifique au parcours «  Refuges d’Art ». Budget relativement important au regard des 150.000 euros nécessaires en moyenne par refuge.

Aujourd’hui, le Musée Gassendi co-construit des modalités d’information et de communication avec des partenaires locaux. Ces co-productions sont aussi multiples que les modalités d’accès possibles : une salle dédiée au Musée en collaboration avec l’artiste, un livre topo-guide édité par les Edition Fage, la formation d’un nouvel accompagnateur par Jean-Pierre Brovelli et la proposition d’une dizaine de séjours de randonnée.

Sur l’ensemble de ces actions, le musée Gassendi finance 30% des coûts de mise en œuvre, le reste étant pris en charge par les partenaires[10].

D’autres projets co-produits sont en cours comme une revue de presse avec l’Agence de développement des Alpes-de-Haute-Provence ou celui porté par l’office du tourisme sur la création d’un audio guide ou encore celui de faire appel à une association de porteurs pour rendre accessibles les refuges à des personnes à mobilité réduite. Les sites Internet – celui des refuges, du musée, de la réserve et de Jean-Pierre Brovelli,  premier en terme de consultation – vont permettre de télécharger les fiches d’accès réalisées par le musée ou orienter vers l’ouvrage des éditions Fage.

La fréquentation du public va augmenter – prévisions de 8.000 visiteurs à minima d’ici 5 ans -, les sources d’information aussi (6 nouveaux supports prévus en 2008) et l’offre touristique va gagner en qualité et en attractivité. Et ce avec une maîtrise du budget puisque, même si l’ensemble des coûts est difficilement évaluable avec précision, la contribution des partenaires du projet peut être estimée à hauteur des deux tiers du coût total, ce qui est plus que les 48% de ressources propres que vise l’état d’ici 2010 pour les musées.

  •  Indicateur COOPERATIF N°3 : – Efficience [11] – Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, contribue-t-elle à  trouver les ressources nécessaires pour qualifier l’accessibilité d’œuvres en accès libre?

 

Contribution au financement de la fonction d’accessibilité 2008
Musée Gassendi 30%
Jean-Pierre Brovelli 23%
Edition Fage 47%
Indicateur LOLF : part ressources propresObjectif en 2006 pour les musées de FranceProgression d’ici 2010  43%+5%

 

 Action Partenaire Réalisation Coût
Espace d’information Musée Gassendi Equipement d’une nouvelle salle  15 000  € 30%
Topo Guide Fage Edition Réalisation (22% PVTTC)  16 500  € 47%
3000 ouvrages vendus à 25 euros TTC Diffusion distribution de la moitié (18% PVTTC)  6 750  €
Qualification nouvel accompagnateur Jean-Pierre Réalisation d’un parcours formation (10 jours)  1 600  € 23%
Animation site internet (demande information)  Brovelli Mise à jour annuelle, suivi (1 jour/mois)  1 600  €
Accompagnement de groupe 9 séjours proposés (50 jours)  8 000  €
 49 450  €

La régulation des rapports entre ces différents acteurs du projet repose sur un rapport de confiance, et dans une moindre mesure de manière conventionnée (communes, prestataires : guide, hébergeurs, etc). Les œuvres font partie des collections du musée, le bâti est propriété communale ou de l’ONF, et la réserve géologique de Haute Provence, association Loi 1901, assure la gestion de ces domaines.

Si cette situation favorise une liberté d’action pour chacun des membres, elle dépend fortement des personnalités qui animent le projet. Le poids économique croissant de « Refuges d’Art » dans l’économie locale, l’augmentation de la fréquentation, la création de nouveaux refuges ou l’arrivée de nouveaux acteurs (Office du tourisme, accompagnateurs) risque de fragiliser cet équilibre. Elle soulève un certain nombre de nouvelles questions importantes au vu de l’état d’avancement du projet :

Comment trouver un cadre de régulation adapté à une coopération public privé multiforme ? Comment garder un processus ouvert sans perdre l’esprit du projet ? Comment ne pas figer la situation ? Quelles seraient, en cas de litige, les modalités de régulation actuelles ?

Sources complémentaires :

  • Site du musée Gassendi : http://www.musee-gassendi.org/
  • Site de la réserve géologique de Haute Provence : http://www.resgeol04.org/
  • Site de Jean-Pierre Brovelli : http://www.etoile-rando.com/
  • Site « Refuges d’Art » : http://www.refugesart.fr/
  • Site de l’Agence régionale du patrimoine : http://www.patrimoine-paca.com/
  • Site du Conseil de l’Europe : http://www.coe.int/
  • Site de la LOLF : http://www.performance-publique.gouv.fr/

Source du diagnostic

Ce diagnostic a été réalisé principalement à partir des éléments suivants :

  • 1 entretien avec Nadine Gomez-Passamar, conservateur du Musée Gassendi et Jean-Pierre Brovelli, guide de randonnée ;
    • Document de présentation du projet CAIRN ;
    • Recherche Internet sur les sites associés à la promotion du CAIRN ;
    • L’étude sur l’impact économique du CAIRN réalisée par l’agence régionale du patrimoine – 2007 ;
    • Les documents de la LOLF concernant les indicateurs de performances ;
    • La convention cadre dite « de Faro » du Conseil de l’Europe.

 


[1] Les 200 000 hectares de la réserve géologique de Haute Provence en font la plus grande d’Europe.

[2] La LOLF, mission Culture, prévoit de mesurer la part des m2 supplémentaires construits en zone rural par rapport au nombre total de m2 construits dans l’année. L’indicateur concerne actuellement seulement les bibliothèques.

[3] Cet indicateur vise à mesurer l’efficacité de la coopération suivant un indicateur identifié au sein de ceux de la LOLF. C’est-à-dire la capacité d’une administration à atteindre les objectifs correspondant à ses missions. L’objectif se s’appuyer sur un indicateur LOLF est de pouvoir comparer l’efficacité du processus coopératif au regard d’autres expériences et à la cible que s’est fixée l’Etat pour les années à venir.

[4]Convention cadre du Conseil de l’Europe dite «  de Faro », article 8 – Environnement, patrimoine et qualité de la vie

[5] L’association française de normalisation – AFNOR – a édité en 2006 la SD 21000 appliquée aux collectivités territoriales – Guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management des collectivités territoriales.

[6] Cet indicateur vise à mesurer l’implication des membres de la société sur les questions se rattachant au patrimoine. Il s’agit d’une proposition d’un nouvel indicateur possible.

[7] Cet indicateur mesure l’impact du patrimoine sur l’activité économique de l’entreprise, voire du territoire. Le rapport sur « L’économie de l’immatériel. La croissance de demain » (ministère des finances, 2006) a préconisé de s’intéresser aux bénéfices à tirer de l’exploitation « de notre histoire, de notre géographie ou de nos territoires ». Et qui a donné à la création en avril 2007 de l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’État (APIE). Il s’agit de pouvoir estimer et comparer l’impact d’une valorisation partagée du patrimoine.

[8] LOLF, Mission Culture, Création, Objectif n° 3

[9] Précisions méthodologiques : Sources de données : L’étude réalisée par l’Agence régionale du patrimoine, données 2003 sur le tourisme en Pays Dignois, source site Pays Dignois. Mode de calcul de l’indicateur : L’étude de l’agence régionale du patrimoine n’a pas donné, faute de sources existantes, d’estimation en nombre de personnes qui viennent spécialement pour la découverte des oeuvres d’Andy Goldsworthy et/ou les oeuvres d’art contemporain. Il est possible d’avoir une première estimation à partir de la durée moyenne du séjour estimée à 5,6 journées par le Pays Dignois et des 31 025 nuitées calculées par l’Agence régionale du patrimoine. L’estimation est alors de 5 460 personnes. La seule donnée existante est les «  2 491 visiteurs sur 3 refuges » du comptage effectué à l’été 2007 (4 mois) par la réserve géologique de Haute Provence. 

[10] Précisions méthodologiques : Sources de données : les données ont été recueillies au cours de l’entretien avec Nadine Gomez-Passamar et Jean-Pierre Brovelli. Mode de calcul de l’indicateur :  Concernant la nouvelle  salle au musée Gassendi, seuls les coûts directs sont pris en compte. Le coût de fabrication du livre est calculé à partir de la répartition des coûts moyens par rapport au prix public de vente TTC (syndicat national des éditeurs – SNE : fabrication 11%, auteur 11%). L’édition est prévue sur un tirage de 3000 exemplaires vendus à 25 euros prix public (PVTTC). Fage édition va assurer la diffusion distribution de 1500 exemplaires, l’autre moitié étant vendue directement par le Musée. Ce coûtde diffusion distribution  est estimé à 18% du PVTTC (moyenne SNE). Le calcul des coûts pris en charge par Jean-Pierre Brovelli se base sur un coût journée de 160 euros. La mise à jour du site et la réponse aux demandes parfois techniques représentent un jour par mois (soit 10 journées par an). Le coût de formation d’un second accompagnateur est estimé sur le nombre de journée nécessaire (réaliser la totalité du parcours, soit 10 journées). Et 9 séjours sont proposés en 2008 pour une durée totale de 50 jours.

[11] Cet indicateur vise à mesurer l’efficience de la coopération suivant un indicateur identifié au sein de ceux de la LOLF. C’est-à-dire de mettre en regard les moyens déployés et les résultats fixés (rapport qualité/prix). L’objectif de s’appuyer sur un indicateur LOLF est de pouvoir comparer l’efficience de processus coopératif avec d’autres expériences et avec la cible que s’est fixé l’Etat pour les années à venir.

 

Prosper Wanner : Introduction aux 3 diagnostics de coopérations patrimoniales innovantes

La cause est entendue : la culture sera désormais le quatrième pilier du développement durable. (…) Le Sommet de Rio avait déjà, en 1992, tracé la voie en affirmant que le “développement durable” était d’abord un changement de comportements, c’est à dire un changement culturel.

« Culture et développement durable : la percée », Serge Antoine[1]2005.

La sensibilisation croissante de l’opinion publique au développement durable se traduit timidement en actes, que nous soyons interpellés en tant que citoyen, professionnel ou simple consommateur. Si celle des plus jeunes semble se faire, celle des adultes reste problématique. La culpabilisation – le monde va mal -, la consom’action – l’avenir est dans votre porte monnaie – ou encore l’incitation fiscale ne s’avèrent pas être les meilleures vecteurs de responsabilisation. Au contraire parfois.

Ce changement de comportement, si souvent mis en avant comme fondamental pour tendre vers un développement durable, soutenable ou simplement désirable, représente pour chacun une (r)évolution culturelle. Il ne s’agit pas seulement d’avoir les bons outils, un certain nombre de recettes existent déjà, mais de vouloir s’en saisir. Notre rapport avec notre environnement, qu’il soit humain, naturel ou technique, passe par la culture. Tout comme le lien entre générations, fondement du développement durable.

La culture et le patrimoine, peu pris en compte jusqu’à aujourd’hui dans les politiques de développement durable, sont en passe d’en devenir le quatrième pilier. L’enjeu semble encore bien au delà : ils ne sont pas seulement un bien à conserver pour les générations futures mais ils sont l’un des seuls capable aujourd’hui d’accompagner un changement culturel de cette nature.

Cette qualité culturelle se double d’une qualité économique qui en faitce « plus petit dénominateur commun » entre des secteurs, des disciplines et des logiques appelés à se côtoyer davantage – économie, sociale, culture et environnement. Transversalité indispensable au développement durable.

Ce potentiel – « faire développement durable » – est perçu par les conservateurs du patrimoine d’abord comme une prise de risque. Et c’est une réelle prise de risque que de passer d’une prise si bien identifiée – les politiques publiques du patrimoine – à cette nouvelle prise – coopérer avec la société civile – sans tomber dans la « marchandisation » du patrimoine.

Aujourd’hui, des conditions semblent réunies pour accompagner une prise de risque.

1/ Le contexte est plus que favorable, voire même « trop », pour prendre langue avec le monde économique, souvent perçu comme antagoniste. Le patrimoine, comme la culture, sont déjà à l’œuvre dans les nouveaux processus de création de valeur. Ils deviennent des plus values concurrentielles déterminantes pour se démarquer dans une économie de plus en plus mondialisée et virtuelle. Le patrimoine est déjà devenu un levier économique du désendettement de l’Etat. La toute nouvelle agence du Patrimoine immatériel de l’Etat – l’APIE – et la récente valorisation exceptionnelle de la marque « Louvre » sont là pour en témoigner. Les collectivités locales, les TPE, les PME, les associations, bref ce qui fait l’économie locale, a tout autant besoin du patrimoine pour s’ancrer localement et retrouver une marge de manœuvre économique, propice au développement durable.

2/ Des indicateurs d’encadrement des politiques publiques se structurent au niveau national. Ce sont des repères pour suivre la prise de risque, comparer sa performance, en tirer des bilans et savoir si elle reste compatible avec les politiques nationales. Bref pour ne pas avancer totalement dans le brouillard. Cette possibilité est offerte notamment par la loi organique relative aux lois de finances de 2001, la LOLF. L’Etat a construit une batterie de plus d’un millier d’indicateurs de performance. Ils concernent l’ensemble des politiques publiques – culture, santé, économie, etc – et sont appréhendés du point de vue du citoyen, de l’usager et du contribuable. Une autre série d’indicateurs concerne sa stratégie nationale de développement durable – SNDD. Les deux sont sensés converger.

3/ Au delà de ces balises, un cadre de régulation adapté à la coopération des conservateurs avec le privé – associations, entreprises, particuliers – émerge au niveau européen : le droit au patrimoine culturel. L’absence ou la faiblesse des référentiels existants sur la coopération public privée en matière de patrimoine fragilise la construction de conventions propres à réguler les rapports de force, voire les éventuels conflits d’intérêts. En proposant de faire passer chacun du statut de « bénéficiaire » du patrimoine à celui « d’ayant droit », elle propose un nouveau cadre de régulation. Evitant par là de devenir de simple « client ». Les partenaires privés sont reconnus comme des associés, non pas seulement d’éventuels clients, fournisseurs ou bienfaiteurs. Le patrimoine est public et reste public.

La difficulté est d’avancer sur l’ensemble de ces fronts. L’un ne peut pas se passer de l’autre. La coopération sans objectifs clairs s’apparente plus à une stratégie d’affichage.  Et la poursuite d’objectifs communs sans outils de pilotage permet difficilement de capitaliser de la connaissance et de tirer des bilans pour avancer. Enfin, la coopération sans cadre de régulation revient à ne pas appréhender la gestion des conflits et qu’ils deviennent ingérables, notamment dans les phases de développement ou lorsque les fondateurs s’en vont.

L’objet de cette « galerie virtuelle » est de nourrir, voire d’initier ce chantier en commençant par faire évoluer notre propre regard. La coopération entre conservateurs et entreprises favorables au développement durable existe déjà. Les trois exemples choisis par l’AGCCPF PACA en témoignent. Ils illustrent volontairement les trois axes traditionnels du développement durable : l’environnement, le social et l’économie.

La problématique environnementale est illustrée par la coopération entre le Musée Gassendi à Digne-les-Bains et la réserve géologiques de Haute Provence. La problématique sociale par la mission européenne de patrimoine intégré de la Ville de Marseille inscrite au cœur d’un projet de l’Agence Nationale de Revitalisation urbaine – l’ANRU. Et la problématique économique par la contribution du MCEM au développement d’une initiative d’économie sociale et solidaire à Marseille.

Dans chaque cas, l’angle d’analyse a porté sur la relation établie entre un(e) conservateur(trice) et un(e) entrepreneur(se) privé(e).
La réalisation de ces portraits a consisté dans un premier temps à aller voire sur les sites, à rencontrer ces personnes, à récolter leur témoignage et des données disponibles. Ensuite, à partir de cette matière, un diagnostic a été réalisé sous trois angles. Le premier sur la valorisation économique, ou, dit autrement, l’intérêt pour l’entrepreneur. Le second sur l’efficience et l’efficacité de cette coopération pour le Musée. Et le dernier sur les modalités de contractualisation qu’il a été possible de poser entre l’entreprise et le Musée.

Dans quelles mesures une approche coopérative entre un conservateur et une entreprise est-elle performante ? Est-elle compatible avec les cibles de performance que se fixe l’Etat pour 2010 ? Contribue-t-elle à renforcer une approche de développement durable pour l’entreprise ? La réalisation des missions du Musée ?

Aucune des parties des portraits – le musée, l’objet patrimonial, l’entreprise -n’est similaire. Au contraire, ils illustrent une diversité d’entrées possibles : Un Musée national, un Musée départemental et une mission communale – Une association, un indépendant et une société anonyme – Une oeuvre d’art, un objet patrimonial et un monument historique. La convergence entre les portraits ne repose pas sur les statuts des parties mais davantage sur leurs modalités d’action et leur production.

1/ La coopération s’avère intéressante pour les deux parties. Chacune de ces coopérations est efficiente – ou économe – pour le musée et l’entreprise. Elles sont un moyen efficace pour accompagner la réalisation des missions du musée – amélioration de l’accessibilité du patrimoine, de l’intervention en zones rurales ou en zones urbaines sensibles. Elles se montrent même performantes au regard des cibles fixées par la LOLF aux musées pour 2010.  Enfin, elles renforcent les acteurs économiques dans leur choix de s’inscrire dans un développement durable.

2/ Les trois portraits convergent sur la mise en œuvre de la politique patrimoniale. L’accès au patrimoine repose dans les trois cas sur l’itinérance : balade en mer, itinéraire européen, randonnée. Et la coopération avec une large partie de la société civile – associations, entreprises, collectifs, etc –  se fait de manière effective : le patrimoine s’avère un catalyseur capable de faire travailler ensemble des mondes qui se côtoient peu : l’économie, le social, la culture et l’environnement.

3/ Ils partagent aussi une fragilité structurelle : ce sont des initiatives de développement durable peu durables. La coopération repose davantage sur des liens de confiance que sur une régulation contractuelle des rapports. Dans ce contexte, il peut être difficile de passer un cap de développement, d’aller au delà des fondateurs ou simplement de transférer ces expériences sauf à de retrouver un contexte identique.

Il existe peu de référence. Si la relation au client ou au bénéficiaire est suffisamment balisée, celle de la coopération public/privée demande à l’être davantage. La Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société proposée en novembre 2005 par le Conseil de l’Europe est le point d’appui pour s’atteler à la tâche.

Une première conclusion à ces portraits est peut-être l’identification de ce chantier qui semble prioritaire pour que de ces innovations, de ces expériences, de ces investigations émerge un cadre de droit commun.

Le cadre de plus avancé pour accompagner ces processus est l’Agenda 21 culturel. L’Agence Française de normalisation – l’AFNOR – vient de publier un guide méthodologique « développement durable et responsabilité sociétale appliquée aux collectivités locales. ». L’agenda 21 peut être initié par tout acteur, pourquoi pas les musées ?

Prosper Wanner, janvier 2008

PORTRAITS 

  1. La  barque L’Espadon, bien inaliénable partagé. 
  2. Refuges d’Art, une  œuvre d’art contemporain essence de développement durable
  3. La grotte des Carmes – entre Monument Historique et source de développement durable

INDICATEURS

Indicateur COOPÉRATIF N°1 – valorisation économique.

Le premier angle d’analyse vise à rendre plus explicite l’intérêt de l’entrepreneur. Il n’est ni un client, ni un fournisseur et ni un mécène du Musée mais bien l’associé d’un projet commun. Comment y trouve t il son compte ? En quoi cette coopération renforce-t-elle son positionnement ?

Indicateur COOPERATIF N°2  – Efficacité.

Le second indicateur vise à mesurer l’efficacité de la coopération du point de vu du Musée. C’est-à-dire sa capacité à atteindre les objectifs correspondant aux missions d’intérêt général inhérent au projet de coopération. Afin de pouvoir comparer l’efficacité du processus coopératif au regard d’autres expériences et à la cible que s’est fixée l’Etat pour les années à venir, cet indicateur est au préalable identifié au sein de la LOLF.

Indicateur COOPERATIF N°3 : – Efficience.

Ce troisième indicateur toujours concernant le Musée porte sur l’efficience de la coopération. L’efficience désigne le fait de réaliser un objectif avec le minimum de moyens engagés possibles. Il s’agit de mettre en regard les moyens déployés et les résultats fixés. Toujours dans la perspective de pouvoir comparer l’efficience du processus coopératif au niveau national, l’indicateur est identifié au sein de la LOLF.

Indicateur COOPERATIF N°4 : – Gouvernance démocratique :

Le dernier angle d’analyse porte sur l’implication des membres de la société civile – entreprises, associations, particuliers, etc – sur les questions se rattachant au patrimoine et le niveau de conventionnement actuel.


[1] Serge Antoine (1927-2006) : Président d’Honneur du Comité 21, Membre du Conseil National du Développement durable (France), Membre de la Commission Méditerranée du développement durable. Liaison Energie – Francophonie, Editorial, pp. 4-6, IEPF, Canada.