De la valeur des archives invisibles pour la société.

A l’occasion du programme du Tiers QG #Archives invisibles de la biennale Manifesta13, Hôtel du Nord est invité à partager ses archives invisibles, collectées et racontées avec Mohamed Fariji, artiste et porteur d’un projet de Musée collectif à Casablanca. 

Les #ArchivesInvisibles retracent les généalogies et les mémoires non institutionnelles d’initiatives d’habitants, d’histoires de résilience et de synergies collectives originaires et situées dans des zones particulières de Marseille. Ces généalogies qui remettent en question les discours « traditionnels » de la ville, sont racontées par un artiste invité ou un collectif. À travers cette mise en valeur artistique, les #ArchivesInvisibles réactivent ces histoires et récits en dialogue les unes avec les autres et appellent à leur reconnaissance comme patrimoine commun, souvent invisible et inaperçu des institutions.

Hôtel du Nord a invité d’autres initiatives d’habitants en Europe pour qui le patrimoine culturel est un moyen d’action politique pour la défense de leur cadre de vie, la lutte contre l’exode rural, le dialogue post conflit, le renforcement de la société civile : Patrimoni en Espagne, Cabbage Field en Lituanie, Almašani en Serbie, Machkhaani en Géorgie. Ces initiatives font partie du Réseau européen de la Convention de Faro animé par le Conseil de l’Europe sur de la valeur du patrimoine culturel pour la société.

Elles cherchent à rendre visible l’invisible, les personnes, les lieux et leurs histoires (Faro moto). Dans des contextes souvent difficiles – clientélisme, corruption, exode rurale, gentrification, spéculation foncière -, elles contribuent à renforcer le respect des droits humains, l’État de droit et la démocratie. Face à ces situations, au coté d’actions en justice, de manifestations et de pétitions, elles s’appuient sur les patrimoines culturels et naturels pour agir collectivement. La question qui leur est posée est de savoir pourquoi le patrimoine. Quelle est la valeur de ces archives invisibles pour la société? Pourquoi choisissent ils ce mode d’action? Que permet-il? Ces question leurs seront posées comme à Hôtel du Nord, Manifesta et le Musée collectif lors d’une Agora samedi 22 février de 14h à 18h– Au Tiers QG (57 rue Bernard Dubois) : traces et récits visibles et invisibles des communautés.

Pour préparer ce débat, voici une présentation brève du Conseil de l’Europe, de la Convention de Faro et des initiatives qui seront présentes.

Le Conseil de l’Europe et la Convention de Faro

La Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, dite Convention de Faro, est avant tout une convention sur la société et pour la société. Elle s’inscrit dans le dispositif du Conseil de l’Europe visant à aider les 47 États membres à relever les enjeux sociétaux auxquels ils font face : une crise de la représentativité politique, une crise des modèles économiques et une crise culturelle ou identitaire.

Le Réseau européen de la Convention de Faro réunit une vingtaine de personnes – élus locaux, coopératives, associations, artistes, institutions publiques, …  – qui comme nous sont engagées sur la reconnaissance du droit au patrimoine culturel comme droit humain, c’est à dire pour chaque personne, seule ou en commun, du droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement.

Les travaux du Réseau  portent notamment sur le respect de la diversité des interprétations, la mise en valeur du patrimoine culturel comme  ressource de coexistence pacifique, de développement humain et de qualité de la vie et le  développement de pratiques innovantes de coopération des autorités publiques avec les communautés patrimoniales. Hôtel du Nord est membre de ce réseau et participe activement à ce processus continue de recherche action coordonné par le Conseil de l’Europe.

Le Conseil de l’Europe

La Convention de Faro

Le Plan d’Action Faro

Cabagge field, Kaunas, Lituanie

Kaunas est la seconde ville de Lituanie avec environ 300 000 habitants. Comme l’ensemble du pays, elle a connu depuis les années 90 un important déclin démographique, stabilisé depuis quelques années. Marquée par les multiples occupations et annexions du pays, Kaunas garde aussi en mémoire son passé de capitale de la Lituanie indépendante entre 1920 et 1940 et de première ville juive du pays avant la guerre. Ville étudiante, riche de ce patrimoine XXème mais ayant des difficultés à fixer sa jeunesse au-delà du temps des études ainsi qu’à attirer un tourisme aimanté par la Capitale Vilnius, la ville tente une redynamisation de la ville par la culture, notamment via sa biennale et son titre de capitale européenne de la culture en 2022.

Du côté de la société civile, une tension existe entre une posture plutôt passive issue des années de fort contrôle social, et une évolution des aspirations citoyennes vers des postures plus actives et une meilleure prise en compte de la population notamment dans les décisions liées au développement urbain. Le processus autours du Cabagge field (champs de choux) porté par deux artistes et s’inspirant du community art anglo-saxon, fait émerger une communauté patrimoniale via des actions artistiques comme la co création d’un opéra patrimonial, prélude à un réveil des consciences et à l’engagement d’actions politiques collectives sur la défense de leur cadre de vie. Invités : Vita Geluniene et Ed Caroll, artistes.

Laboratoire patrimoni en zone rurale, Castillan, Espagne

Le programme Patrimoni de l’Université Jaume concerne un territoire rural de 100.000 habitants et 126 villages de moins de 5.000 habitants situés dans l’arrière pays. L’économie y est essentiellement tertiaire (retraités, zones résidentielles) et le tourisme, très présent sur la côte, y est peu développé tout comme l’agriculture. Quelques industries persistent comme la céramique.  Depuis 1992, Patrimoni fait partie d’une réponse plus globale de l’université à sa « dette » envers le monde rural auquel elle enlève une population jeune et qualifiée.

Patrimoni accompagne des initiatives patrimoniales « à la demande » des villageois pour lutter contre l’exode rural en valorisant leurs patrimoines naturels et culturels : l’eau (fontaines, circuits, etc), la laine (industrie, tradition, …), l’art rupestre (patrimoine mondial de l’humanité), la guerre civile (bataille de Levante), l’art contemporain (musée, itinéraire), la céramique (Real fabrica), la musique (festivals, pratiques), la Cartuja de Valldecrist, les oliviers (millénaires), la pédagogie (musée), la faune et la flore (parc naturel), les hippies, … Invité : Ángel Portolés, animateur du programme Patrimoni.

Café citoyen, Machkhaani, Georgie

L’ONG Civic initiative fait émerger une communauté patrimoniale en Géorgie autour du théâtre de Machkhaani et l’animation d’un café de la connaissance. Machkhaani, village de 400 habitants, peu accessible et où le quotidien des habitants reste difficile (absence d’eau potable), possède un théâtre à l’italienne construit il y a deux cents ans par les villageois. La rénovation de ce théâtre, sa symbolique sur la capacité des citoyens à se mobiliser et sa réactivation à travers notamment un festival national mobilise une communauté qui dépasse le seul village et réunie plus de 20.000 personnes aujourd’hui. Cette communauté patrimoniale, face au peu d’intérêt des institutions publiques, s’organise, finance et faire revivre ce récit collectif. Invitée : Nana Bagalishvili, coordinatrice de Civic initiative.

Novi Sad, Serbie

Novi Sad, seconde ville de Serbie, future capitale européenne de la Culture en 2021, compte 400.000 habitants, vingt et une communautés, quatre langues officielles, deux alphabets officiels et neuf religions pratiquées. En 2005, les habitants du quartier central de Almašani ont mené collectivement une bataille contre à un projet de création de boulevard venant couper en deux leur quartier “villageois”. Pour se protéger à l’avenir de ce type de risque, ils mettent depuis en valeur les patrimoines de leur quartier. Cet engagement leur a permis d’être le principal interlocuteur de l’équipe de la Capital Européenne de la culture. Le quartier est au centre des enjeux européens de « migrations, conflits et réconciliation, chômage des jeunes, discrimination des rom et égalité homme-femme » identifiés pour 2021. Les défis à relever par la communauté locale sont nombreux : exode des jeunes face au chômage, discriminations de la communauté rom, présence de « logements sociaux horizontaux » issus de la période socialiste, risque de gentrification accentué par 2021, manque de confiance dans la classe politique, ….   La communauté mène de nombreuses actions pour inclure davantage d’habitants comme le festival « Découvrez les arrières jardins de Almaš » et depuis un an la gestion d’une station culturelle installée dans une ancienne fabrique du quartier.

Invités : Violetta Đerković et Filip Vlatkovic de la communauté.

Le Musée Collectif, Casablanca

Le Musée Collectif résulte d’un travail de recherche, de collecte, de réflexion et de création mené par des groupes composés d’artistes, d’activistes, d’étudiants, d’enfants et d’habitants qui engagent des actions dans leurs quartiers visant à faire émerger des récits peu connus. Dans un processus partagé d’écriture d’une histoire de la ville par ses citoyens, le Musée Collectif accueille des objets, documents, archives et témoignages des habitants sur la mémoire de leurs quartiers en valorisant la macro-histoire, l’intime, l’oublié et les marges. (extrait site internet du musée).

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