FAUT-IL AIMER NOS MONSTRES ?

La question des déchets paraît difficilement soluble, en tout cas dans une société comme la nôtre, fondée économiquement, socialement, philosophiquement sur la production continue et exponentielle de produits de consommation jetables issus de l’industrie pétrolière.
La remise en question de la production même de matière jetable fleurant un peu trop l’éco-terrorisme, la seule pédagogie en matière de traitement des déchets à destination des “publics” (soit des adultes et des enfants vivant, consommant, jetant en 2023) semble être de les convaincre -de manière plus ou moins culpabilisante- de l’absolue nécessité de mettre les cartons dans la poubelle jaune et de ne surtout pas jeter son mégot dans la bouche d’égout. Ce qu’il advient des matières une fois refermé le couvercle de la poubelle ? Cela ne relève pas de notre juridiction !

Malgré les trésors d’inventivité déployés par les pédagogues, les déchets continuent de s’amonceler en dehors des bacs prévus à cet effet. Signe que limiter le cycle de vie du détritus au trajet consommateur ir.responsable – poubelle ne suffit pas à changer en profondeur les comportements ? Il se peut.


Vaut-il mieux alors bombarder les sujets de l’expérience avec des images atroces de poissons étouffés dans des sacs plastiques, d’oiseaux pataugeant dans la marée noire et de continent de polymères flottant ?
Cela se fait.


Résultat :
-80% des personnes cliquent sur la vidéo suivante “Dead Children in Gaza Strip/Urkraine/Yemen”
-5% deviennent des écologistes chevronnés, adeptes du zéro déchet
-15% entrent en dépression et se nourrissent exclusivement de crème glacé en pot de 1L pendant 3 semaines.

p.s 1. les écologistes chevronnés sont aussi généralement atteints de dépression, mais ils prennent de la crème glacée Max Havelaar®

p.s 2 : ces chiffres ne proviennent d’aucune source fiable

Qu’est-ce qu’un comportement sinon un reflet de notre rapport au monde, de nos croyances, de nos valeurs? Si tel est le cas, alors il faudrait que le système de représentations tout entier de l’individu soit bouleversé, changé, questionné pour qu’ensuite des gestes puissent suivre et s’ancrer dans un nouveau quotidien.

A défaut de bouleverser irrémédiablement les systèmes de représentation des individus, Made In The River tente de formuler une proposition pour faire face à la question des déchets, une proposition non pas technique mais artistique, dans le sens où il s’agit de décaler la réalité, de déplacer le point de vue par la mobilisation de l’imaginaire, dans l’espoir de fabriquer de nouvelles capacités d’agir. Ou au moins de ne pas produire de nouvelles dépressions.

Pour cela partons de la réalité et poussons-la à son climax.
C’est l’apocalypse : les déchets de toutes sortes ont tout envahi. Le nettoyage n’est que réconfort temporaire, car quand bien même une partie des rejets peut être déplacée, son élimination totale et non résiduelle de la surface de la planète est impossible. L’anthropocène, arrivé à son acmé, cède à présent la place à une nouvelle force géologique à même de façonner les paysages : le detritocène.

Ce scénario paraît un peu radical ? C’est pourtant la réalité quotidienne de la rivière des Aygalades.
La découverte de ce paysage ruiné déclenche chez de nombreuses personnes des sentiments contrastés : joie de découvrir la ripisylve et de goûter à la fraîcheur les jours d’été, admiration face au jet inattendu de la cascade…mais aussi violence devant ses berges composées de bouteilles d’huile, de vieilles bâches et de pneus entassés, douleur de constater l’absence d’eau retenue dans les lacs artificiels des carrières Lafarge et d’observer quelques rares anguilles asphyxiées dans une eau contaminée par les rejets des garages avoisinants.

Peut-on trouver de la connexion et de la joie dans les ruines ? Nous faisons le pari que oui, à partir du moment où nous acceptons de changer de paradigme : de sortir d’un rapport utilitariste à notre environnement, à la “Nature” considérée uniquement comme ressource et dont la préservation ne se juge qu’à l’aune des services qu’elle est capable de nous rendre : approvisionnement en eau, régulation de température, satisfaction esthétique etc.
Faisons une expérience et considérons la rivière comme un parent, un être vivant qui bien que de forme différente de la nôtre aurait des droits intrinsèques au même titre que les autres individus qui forment notre entourage.

Popularisée par Philippe Descola, Vinciane Despret, Alessandro Pignocchi et de nombreux.se.s autres auteur.ices qui se sont intéressé.e.s aux relations entre êtres humains et autres vivants, cette vision dessine la possibilité d’un rapport de l’Homme à son environnement fondé sur la cohabitation plutôt que sur l’exploitation.

Alessandro Pignocchi, La recomposition des mondes, Editions du Seuil, 2019, pp 22-23

Cela se peut-il dans le cas d’une rivière aux apparences d’égout et pour laquelle le qualificatif “être vivant” ne vient pas spontanément à l’esprit ?
Nous faisons le pari que oui, et que c’est justement en s’intéressant à ce que la rivière contient de moins ragoûtant, de plus répulsif que nous pouvons recréer ce sentiment de vie et ainsi retisser le lien entre elle et nous.

En effet, l’observation fine des matières que charrie la rivière nous a appris qu’une transformation physique et potentiellement chimique 1 s’opérait durant leur séjour dans l’eau.

La Gazette du Ruisseau#4 représente la rivière sous les traits d’un tube digestive qui avale, digère et recrache les déchets sous une nouvelle forme.

La rivière effectue donc une action de transformation sur ces matières qu’elle modifie mais aussi réassemble jusqu’à former des compositions inattendues, mêlant plastique et métal, tissu et plantes. Le plastique ayant séjourné contre un rocher pendant une longue durée prend des plis nouveaux, semblables à la texture d’une peau de crocodile. Le métal sur lequel il s’est entrelacé l’a teinté de rouille et produit des nuances dignes d’un pelage.

“Peau” de Créature du ruisseau, fabriquée à partir d’assemblage de plastiques collectés dans la rivière
“galets” en polystyrène, difficilement différenciables de leurs cousins rocailleux

De ce point de vue, la rivière ne fait pas que subir les déchets de manière passive, elle est aussi active, assembleuse et créatrice de formes inédites qui introduisent du flou dans l’habituelle distinction “nature” et “culture”.
Reconnaître que la rivière est une force agissante mène à changer de posture, à passer du statut d’acteur principal (l’humain qui agit pour la rivière) à celui, plus humble, d’observateur. En collectant et en assemblant les matériaux, nous n’avons d’autres ambitions que de produire une pâle imitation du travail de la rivière.
L’observation, la sélection, le ramassage, le nettoyage forment un processus long qui requièrent du temps, de la patience et du soin, vertus qui finissent par accorder aux objets ramassés de la valeur et même une certaine préciosité, tant chacun finit par paraître unique, avec ses qualités visuelles ou tactiles.
Traiter avec délicatesse des rebuts, se permettre de les jauger à l’aune de critères esthétiques précis, s’autoriser à collecter ceux qui nous plaisent et à laisser ceux qui ne nous parlent pas, tout cela revient à créer de l’attachement pour ce qui est rejeté, à repeupler ce qui paraissait désertifié.

Dès lors, les “peaux” des Créatures et la mise en scène de celles-ci sont une manière de traduire et de partager ce qu’enseigne l’expérience de la rencontre avec la rivière : bien que discrète, la vitalité des Aygalades persiste.

@Bulat Sharipov, l’esprit de la sécheresse des Aygalades
@Georges Kammerlocher, Créature observée dans son habitat naturel pendant le ramassage du 30 septembre
@Bulat Sharipov
  1. à venir notre partenariat avec le CEREGE et l’utilisation du scanner MATRIX pour observer les nanoparticules présentes dans la rivière des Aygalades ↩︎

Les Créatures émergent

Dimanche 4 juin

Il s’est produit quelque chose pour lequel vous n’avez pas encore de conceptualisation, d’analogie ou d’expérience, quelque chose auquel votre vision et votre ouïe, voire votre vocabulaire, ne sont pas adaptés.  Tout votre instrument est tourné vers la vue, l’ouïe ou le toucher. Mais vous êtes aveugle, mort, engourdi . Non écoutez, pour comprendre ce nouveau monde de sensations, l’humanité doit sortir de ses limites. AHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HA HA Une nouvelle histoire des sentiments a commencé.

UMMMM – Forcé de digérer les détritus de votre ingéniosité humaine, le plastique, le métal, les déchets toxiques des industries, je vous enseignerai l’humilité et le sens de l’émerveillement pour les capacités cosmologiques des forces de vie – réparer, renouveler, refaire. Nous trouvons notre propre façon de vivre malgré l’humain. Voyez le grand digesteur travailler au microscope, dans l’enchevêtrement cosmique – un paysage blessé – la vitalité empoisonnée de cette belle vallée. OH Vous vous attendriez à ce que nous soyons continuellement en train de gémir et de pleurer, mais non, contrairement à l’humain, nous avons un sentiment et un rythme patient qui font honte à votre vanité humaine. Combien de pots de maquillage, de tubes de rouge à lèvres, de pots de stéroïdes, d’améliorations, de paillettes et de glamour en plastique se trouvent dans le lit de ma rivière ? Combien de détritus s’écoulent et étouffent mes grilles chaque fois que la pluie tombe fort ? Et combien de respiration, combien de vie et d’espace sont retirés de mon patient écosystème ? Dites-moi, dites-moi, une nouvelle ère de sentiments a commencé….

Retrouvez l’émergence des Créatures comme si vous y étiez en regardant la géniale captation de Bulat Sharipov : https://vimeo.com/852642194 @bulat_sharipov

MADE IN THE RIVER : relier la rivière

Située sur un promontoire, battu par le vent (le site abritait autrefois des moulins) et baigné de soleil, la cité de la Viste domine le paysage du haut de ses tours élancées. Dans ce terroir purement marseillais, la fraîcheur de la mer semble bien lointaine.

Et pourtant, en contrebas du vallon qui sépare la Viste de la cité des Aygalades, postée en miroir sur la falaise d’en face, se love un coin de verdure, irriguée par le ruisseau du même nom : les Aygalades. Vallon et falaise sont d’ailleurs l’œuvre de ce même cours d’eau qui a patiemment érodé le massif calcaire, au point de creuser un passage suffisamment large et profond pour que l’Autoroute A7 puisse s’incruster dans le lit de ce petit fleuve côtier. Peut-être est-ce à cause du flux incessant des voitures que « les Aygalades » évoquent aux riverains le nom d’un quartier, mais pas celui d’une rivière, et encore moins d’une rivière qui coulerait au pied de chez eux. Les « Eaux Abondantes » ont en effet souffert des travaux de l’autoroute : les débris de la construction ont été évacués dans son lit, au point de l’obstruer, et le tracé jugule le cours naturel de l’eau dans un coffrage de béton au point de lui donner l’apparence d’une annexe du canal de Marseille.

Malgré une ripisylve bien fournie, le ruisseau est invisibilisé.

Le chemin qui longe la colline, effleure le passage menant aux grottes carmélites et à la chapelle de Saint Marie Madeleine (signes d’une époque où les pèlerins venaient chercher la quiétude et la contemplation près de ces eaux bouillonnantes), et descend jusqu’au fond du vallon en passant par le cimetière, est peu fréquenté. En tout cas pas par celles et ceux qui rêvent d’une promenade au bord de l’eau. Or, en tendant l’oreille, au niveau des sépultures du carré musulman, on entend clairement murmurer une cascade. Et en écarquillant les yeux entre les anneaux du grillage, on peut même la voir.

Pour le marcheur moins attentif, pas facile de deviner la présence du ruisseau : bordant la Savonnerie du Midi (implantée autrefois précisément au bord de l’eau afin de pourvoir à ses besoins et d’utiliser la rivière comme…moyen d’évacuation de ses déchets), la rue Augustin Roux se caractérise par ses devantures de garages, ses tâches d’huile de moteur et par l’accumulation des déchets sur le bord de la route plus que par le doux glouglou de la rivière.

Pourtant une fois encore elles sont bien là, les Aygalades. Pour les voir dans leur plus bel habit de lumière, l’idéal est de franchir la porte de fer qui donne accès au jardin de la Cité des Arts de la Rue. A condition qu’elle soit ouverte, comme parfois le mercredi après-midi et lors d’événements liés au Jardin de la Cascade.

Avec ces immenses bâtiments de béton et de métal, la « Cité » porte bien son nom et semble se fondre dans le paysage. Mais son enceinte close et les activités qu’elle abrite (créations de décors pour des performances de rue, danse aérienne en baudrier, diffusion de musique expérimentale -parfois à haut volume jusque tard dans la nuit lors de soirées organisées par des collectifs d’artistes…) ne facilitent en réalité pas son intégration dans le 15e arrondissement de la ville, et les habitant.e.s du voisinage ne forment qu’une mince part du public amené à fréquenter les lieux.

La question du partage d’une certaine forme de culture, subventionnée et produite par une scène nationale dans le cas présent, est l’objet d’un vaste débat et n’a rien d’une évidence ni d’une obligation.

Ce qui fait plus l’unanimité, peut-être parce que cela obéit à des besoins plus primaires, c’est le plaisir des visiteurs à se promener dans le Jardin de la Cascade, mis en scène lui aussi par le personnel de la Cité des Arts de la Rue. Surprise de découvrir un espace de verdure en plein dans un quartier bétonné, plaisir de sentir la fraîcheur des arbres et de l’eau, ravissement face à la cascade… les réactions sont à la fois multiples et indifférenciées quelle que soit l’origine géographique des promeneurs, venus du quartier, du centre ville, ou de l’étranger.

L’évidence est là : au pied de la falaise de la Viste, battue par le soleil et le vent, il y a eu et il y a toujours de l’eau ! De l’eau dont on s’oserait n’abreuver, tant elle reflète le développement industriel et urbain de la ville, mais de l’eau qui continue de posséder de nombreuses vertus : celle de rafraîchir, de dépayser et de faire rêver.

Dans H20, les Eaux de l’oubli (Paris, Lieu commun, 1988), Ivan Illich écrit que la propriété première de l’eau sauvage est de provoquer le rêve, par opposition à l’eau domestique qui est réduite à une matière. En poursuivant le syllogisme, on peut alors se permettre d’affirmer que, puisqu’elles parviennent à faire rêver, alors les eaux du fleuve urbain, pollué, oublié des Aygalades sont bien des eaux sauvages.

Le rêve et l’évasion sont donc à portée de main, à 15 minutes à pieds le long d’un chemin qui sent bon l’aventure, avec les cailloux qui roulent sous les pieds et le trou dans le grillage, les cascades cachées sous les frondaisons, le frisson de la traversée du territoire des morts, la porte de métal dont il faut négocier l’ouverture. Le chemin existe mais il faut l’ancrer, le tracer dans les mémoires, le pratiquer suffisamment pour qu’il devienne une habitude, le baliser d’une manière à la fois discrète et éloquente.

VACANCES DE FEVRIER 2023

Rencontre avec les enfants du Centre social del Rio à la Viste.

Première question : savez-vous qu’une rivière coule en bas de la cité ? Qui est déjà allé au bord de la rivière des Aygalades ?

Peu de main se lève, les enfants sont surpris. On leur annonce qu’on va partir marcher, partir à la fois très loin et tout près.

Sur le chemin on se pose des questions sur le paysage, sur les plantes, on cherche à s’orienter, à trouver les indices qui signalent la présence de l’eau. Pour la plupart des enfants l’existence du chemin est une découverte. Sur le terrain en pente, une petite fille crie de peur de perdre l’équilibre, elle n’a pas l’habitude de marcher sur un terrain inégal, quelques cailloux qui roulent lui font se sentir au bord du précipice.

La traversée du trou dans le grillage marque définitivement l’esprit d’aventure. La traversée du cimetière est aussi l’occasion d’évoquer les morts, les grands parents qui parfois ont déjà disparu et qui sont pour certains enterrés ici même.

Ceux qui ne marchent pas trop vite entendent le flot de la cascade de la Savonnerie et cherche à la deviner à travers les branches. C’est l’hiver, il y a peu de feuilles et l’eau jaillissante apparaît.

A la sortie du cimetière, par dessus le petit mur le lit de la rivière est visible pour la première fois. En se penchant par un nouveau trou dans le grillage les enfants commentent l’état du ruisseau et les déchets qui le jonchent.

On traverse la rue Augustin Roux en faisant attention de ne pas se faire renverser par une voiture. Rien ne laisse présager ici que le ruisseau et son jardin sont tout près.

Une fois passée la grande porte de métal, on arrive dans la partie botanique du jardin. Malgré la saison, les plantes, méditerranéennes pour la plupart, sont vivaces. On propose aux enfants de se mettre par deux et de jouer au jeu de l’aveugle et de son guide, afin de découvrir le jardin d’abord avec son nez, ses oreilles et la sensation de ses pieds. Le jeu plaît, même si la proposition de marcher lentement et déployant son attention est nouvelle, il marquera l’entrée dans le jardin de pratiquement toutes les futures visites.

Les quatre drôles d’adultes qui accompagnent le groupe s’échinent à convaincre les enfants que dans l’eau se trouve des trésors, surprenants, déroutants plus que dégoûtants, puisque de toutes façons les objets collectés seront patiemment nettoyés : c’est comme ça qu’on enclenche la relation de soin, en prenant le temps de délicatement faire reluire un élément qui auparavant figuré sur la liste des déchets.

Les enfants rapportent leurs trouvailles jusqu’au centre social de la Viste : ce qui n’est pas une mince affaire lorsque l’objet choisi est..une bonbonne de gaz (vide) qu’il faut traîner dans toute la montée !

Le lendemain les enfants nettoient les objets trouvés et imaginent leur histoire, comme le ferait un archéologue après avoir déterré un fragment d’une civilisation passée : où a-t-il été trouvé, combien de temps a-t-il passé dans l’eau, quel est son nom et son super pouvoir.

Une première mise en forme, des totems (futures indicateurs de la ressource en eau?), est réalisée pendant une session..un peu chaotique même si le résultat final est en fin de compte joyeusement bariolé. Avec de simples morceaux de journaux déchirés on apprend aussi à faire vivre de petits personnages, tout en jambes, une autre manière de découvrir que décidément tout peut être support à histoires.

FEVRIER-MARS 2023

Rencontre avec les femmes de l’atelier couture

Initialement, il était prévu que les ateliers menés avec les enfants le soit aussi avec des adultes. Mais ces derniers n’étant pas « captifs » du centre social comme le sont les enfants, il a été moins facile de les mobiliser sur l’idée d’aller marcher jusqu’à la rivière. Une seule dame s’est présentée au rendez-vous : Aïcha. Elle ne s’est pas découragée et elle a accompagné l’équipe MYTRIDATE tout le long du chemin, faisant aussi sa part de collectage.
Ce jour là, on a découvert un tressage réalisé par la rivière particulièrement bluffant : métal, plastique et queue de renard (ou du moins un matière qui en a la forme) se mélange pour former des sorte de pompons. On les ramasse en se disant que si dans l’absolu on ne sait pas encore quoi en faire, cette forme nous plaît beaucoup tant elle symbolise la symbiose de la matière qui s’effectue dans l’eau.

Avec toutes nos trouvailles et celles des enfants, nous participons pendant 4 séances aux ateliers de couture du centre. En plus Arlette est un bonne couturière, ce qui ne gâche rien et nous permettra de nous rendre utiles en même temps que l’on partage avec enthousiasme nos idées avec les dames qui se réunissent chaque lundi.

La première séance est un peu timide, chacune bricole dans son coin, Arlette aide à faire fonctionner les machines à coudre qui déraillent souvent.
Puis peu à peu au fur et à mesure des séances on se rencontre, on discute, on se donne des coups de mains dans un sens comme dans l’autre.

Plusieurs personnes tissent avec de la laine un masque qui a été commencé par les enfants, on s’amuse de la faculté du caprisun a devenir un excellent tissu pour coudre un tablier.

AVRIL 2023

Les ateliers à l’atelier couture nous auront convaincu qu’il est difficile de parler de la rivière sans l’avoir rencontré physiquement. Sans cela, elle reste une inconnue, une abstraction, voire le sujet de plaisanterie

Mais c’est pas une rivière, c’est un égout ! s’exclame une animatrice que l’on aimerait bien réussir à faire descendre au pied de la cascade.

Alors on a décidé que les prochains ateliers auraient lieu au plus près de l’eau, afin de pouvoir vraiment être à l’écoute de la rivière et inspiré par elle.

Plusieurs personnes sont venues, certaines sur plusieurs séances, d’autres une fois seulement.
Pendant les vacances les enfants de la Viste sont revenus pour retrouver les créations qu’ils avaient entamé en février et réaliser les balises du chemin.

3 MAI 2023

Le jour du pique nique est arrivé !

Parmi les images des « Aygalades autrefois », l’une d’elle a marqué notre imaginaire :

On s’est donc amusé à rejouer cette scène de sortie champêtre au bord de l’eau, en se disant que le dépaysement serait en deux dimensions : voyage dans le temps et Partie de Campagne à deux pas de chez soi.

Nous sommes donc partis avec les enfants de la Viste, empruntant le chemin que désormais ils connaissent bien, le balisant de nos petits mobiles indicateurs de la présence de cette rivière hybride.

A l’arrivée nous avons été accueilli.e.s joyeusement par les grenouilles et les Gammares.

Nouvelle exploration de la rivière, scintillante au printemps, une première pour certains enfants pour qui le caractère magique de l’endroit a tout de suite sauté aux yeux.

Le pique nique s’est conclu par une grande discussion sur le site tel qu’il était autrefois, les habitudes des dames en robes à crinoline, du fonctionnement de la cascade.
Et puis bien sûr cette grande question

« Mais alors, la rivière est-elle vivante ? »

Chacun a donné son avis sur ce « qu’être vivant » signifiait, mais il était certain que la réponse était Oui.

Puis les enfants sont repartis par le chemin que désormais ils connaissent bien.

Leur aventure est visible ici

Merci à toute l’équipe Mytridate et Gammares

Chloé

Charlie

Melville

Arlette

Agnès J.

Claire

Agnès de la Colline

Christiane

Merci au centre social del Rio, à Charlotte et Coline

MADE IN THE RIVER – Nouvelles du printemps

Où en sommes nous actuellement? 2 mois après le lancement de la Gazette du Ruisseau ?

Nous avons écouté le fleuve, en l’observant, en le touchant et en entrant dans sa vie hybride fluide. Cela prend du temps : passer des heures à ses côtés, chercher, explorer et enfin récolter des matériaux le long du lit du ruisseau.

Ainsi, nous pouvons commencer à transmettre et à transformer la façon dont les autres voient et ressentent la rivière, sa vitalité – entendre sa voix : Prendre soin de la rivière en l’écoutant – comme une entité vivante – et en étant en présence sympathique avec cet autre être vivant.

Nous avons enfin nettoyé, rassemblé, tamisé et digéré les divers matériaux trouvés dans ses eaux, incrustés dans les berges, flottant ou noyés, les détritus et déchets humains que le ruisseau tente d’accueillir, de transformer et de revêtir de sa beauté et de son charme.

Maintenant, nous sommes engagés dans la fabrication d’ateliers, nous pouvons commencer à créer un nouveau panthéon de créatures fluviales, d’esprits et de dieux/desses, en co-construisant et re-présentant l’ingéniosité et la créativité du fleuve – avec une haute couture, à travers la délicatesse et l’unicité , mêlant cette nouvelle sensibilité aux charmes et vêtements du quotidien. Nous réalisons ensemble :

Des incarnations des aspects de la rivière : le Dragon/Hydre (source de la rivière) ; La Tête de galets (lit de la rivière) ; Le Sangsue (la symbiose interne à la rivière); la Créature de la Caravelle (créatures de la rivière); La Cascade (Rivière qui coule de l’énergie – eau); Algues/Végétal (Végétation fluviale), Le Digesteur (eau/pluie/soleil/rayonnement/dégradation/à hybridation).

Illusions, mirages : l’eau nous crée le trouble entre rochers et polyesters

D’autres apparitions auront peut être lieu ?

Affirmer cette étrangeté : “je ne suis pas naturelle et pourtant je suis toujours sauvage”, transformer le rebus en préciosité, entendre la beauté cachée.

Cet imaginaire de l’eau, véhiculé à travers la création des costumes, est partagé au cours d’ateliers avec les habitants de Marseille Nord :

Depuis février, l’équipe de Made in The River a partagé des explorations du ruisseau et des ramassages avec les enfants de la cité de la Viste, voisine du ruisseau.

Un chemin relie la cité à la rivière en quelques minutes à peine, à travers les herbes hautes, le silence du cimetière et le brouhaha incessant de l’autoroute. Un chemin qui, si on bifurque à gauche, est aussi celui qui mène à la chapelle de Marie-Madeleine, aux grottes des chrétiens anachorètes du XIIIe siècle qui venaient chercher dans ce havre de paix à l’aplomb de la rivière, calme et fraicheur pour méditer.
S’aventurer sur cette piste caillouteuse, c’est un peu comme remonter le temps, faire un pas de côté pour se reconnecter à un ailleurs temporel, à une époque où le mysticisme de la rivière était une évidence.

Afin de faire ressurgir cette voie.x de l’ancien temps, nous fabriquons des signes, des traces composées à partir de la rivière elle-même, qui témoigne de sa présence cachée un peu plus bas et invite à suivre le chemin pour la retrouver.
Pendant les vacances de printemps, les enfants viennent à la rivière et confectionnent ces mobiles, sortilèges et grigri qu’ils accrocheront le long des grillages et des arbres afin d’affirmer “C’est par ici, l’eau coule tout près de nous”.

Tous les mercredi d’avril, et les deux premières semaines de mai (3 et 10 mai) les ateliers sont menés au pied de la cascade, de 14h à 16h, à la Cité des Arts de la Rue. Bienvenue!

Les 3 et 4 juin, à l’occasion des “Rendez-vous au jardin” les costumes seront mis en scène afin d’évoquer le réveil des Esprits du Ruisseau.

Créations du mercredi 5 avril

MADE IN THE RIVER#1

Made In The River est un projet de créations plastiques et de narration mené par Charlie, Chloé, Arlette et Melville autour de la rivière des Aygalades, basé sur l’imitation de la manière dont la rivière digère les matières qui tombent dans son lit. Ce projet se décline en une série d’ateliers de création de costumes et d’accessoires de déambulation carnavalesque de février à septembre.

Oubliée, malmenée, convertie en décharge aquatique.

Ainsi fait, le portrait de la rivière des Aygalades ressemble à la préfiguration d’un monde désolé et désolant.

Pourtant, jour après jour la rivière infiltre les obstacles qui parsèment son lit, allant même jusqu’à les remodeler à sa guise. Monticules d’ordures, éléments urbains en béton et matériaux composites (organiques et inorganiques) finissent par céder aux mouvements de l’eau, aux actions de la géochimie (décomposition et recomposition), aux variations de températures. L’action globale de la rivière les achemine inexorablement (si on accepte de regarder la situation à une échelle de temps géologique) vers une intégration à sa logique propre.

Métaphoriquement, la rivière peut ainsi être comparée à un gros système digestif. Un de ces systèmes digestif non compartimentés, à l’instar de celui des méduses ou des vers plats chez qui toute la digestion passe par un seul et même organe. Très classiquement somme toute, ce gros tube de 17km de long transforme mécaniquement et chimiquement les aliments qui lui échoient en nutriments assimilables ou non.

Pour cela la rivière :

broie, démembre, démantèle, dégrade

oxyde, corrompt, ronge, dissous

extrait, réassemble, refabrique

rejette les matières non absorbables

Comme tout organisme soumis à la malbouffe et à la surabondance de nutriments, la rivière connaît un risque d’indigestion. Mais elle fait aussi preuve d’une capacité d’assimilation des excès digne d’un organisme post industriel.

Une bonne partie des “aliments” que digère la rivière sont issus du processus de production industrielle contemporain. Hier, fiers représentants des capacités de production de masse, ces objets divers sont arrivés à obsolescence et ont perdu leur valeur marchande. Signe de leur désociabilisation vis-à-vis de la Capitalosphère, ces objets sont abandonnés dans un espace ayant lui aussi perdu sa valeur : la rivière des Aygalades.

Forme de revanche sur un système marchand qui ôte à la rivière toute valeur et (croit lui avoir retirer) toute capacité d’agir, la modification profonde de la matière témoigne au contraire de la vitalité persistante de l’eau. Qu’il s’agisse de digues en béton, de grilles en métal, de carcasses de voiture, de polluants chimiques ou de micro plastiques, tous finissent par être absorbés par la rivière qui les déplace, les délitent, les fond dans son lit.

Mais la vitalité ne s’exprime pas que par l’annihilation des contraintes, elle se manifeste également par la transmission de ses capacités d’agir.

En effet, les caractéristiques des produits industriels sont 1. d’être fonctionnels 2. d’être fabriqués en masse. Or, les objets ayant échoués dans la rivière pour des raisons d’obsolescence achèvent de perdre toute fonctionnalité (en tout cas telle qu’initialement conçue) par la “digestion” : leurs formes s’altèrent, leurs couleurs se ternissent, leurs textures se modifient, ils cessent de correspondre au cahier des charges qui déterminait leur raison d’être.

De plus, la corruption de la matière a pour effet d’éloigner l’objet de sa standardisation originelle : deux canettes en aluminium, similaires à l’issu du processus de fabrication, vont rouiller, se tordre, se trouer etc… chacune de manière dissemblable.

La forme standardisée et figée de l’objet évolue vers une singularité, une autonomie, qui devient signe d’une forme d’histoire personnelle complètement étrangère à la logique de production de masse.

En plus de singulariser l’objet, la détérioration de la forme industrielle vient révéler la faiblesse, la mortalité de celle-ci. La matière, pensée par les designers pour incarner la perfection, une promesse d’immortalité, témoigne soudainement de sa soumission au Temps. Cet aveu permet à l’objet industriel, parfait, et par là même étranger au monde des vivants, d’être réintégré à celui-ci.

Cette réintégration par l’aveu de faiblesse fait dès lors disparaître la barrière absolue entre l’être organique et l’être inorganique, et rend possible l’empathie, l’identification : non pas l’anthropisme mais la conscience d’appartenir à la même matérialité et d’être soumis aux mêmes règles de “fabrication”, “transformation”, “hybridation”, “dissémination”.

Réintégrer les scories de l’industrie au monde des vivants dont elles avaient été enlevées par le processus industriel permet de sortir des dichotomies (“propre/sale”, “vivant/non vivant”, “bon/mauvais” etc) afin d’au contraire renforcer la perception d’une vitalité ambiante, caractérisée par cette capacité de transformation incessante de la matière.

En enlevant le jugement moral sur les “déchets” travaillés par l’eau, nous reconnaissons la capacité d’agir de la rivière et nous pouvons nous en inspirer. Il ne s’agit pas de “sauver” une rivière passive ou uniquement victime mais de prendre modèle sur elle pour augmenter à notre tour notre vitalité. Le “prendre soin” de la rivière commence ici par une sortie de la posture dominante et coloniale du sauveur, pour humblement endosser celle de l’observateur, de l’apprenti.

Imiter la rivière dans son processus de récupération, de transformation et de revitalisation des scories industrielles nous permet de nous reconnecter à notre tour à notre capacité créatrice, démiurgique, sentir qu’il est encore possible d’agir dans le monde à partir de ce qui est présent, accessible, sans ajouter au désordre ambiant.

De même que la rivière hybride la matière en floutant la séparation entre l’organique et l’inorganique, la fabrication de costumes à partir des matériaux collectés dans la rivière ouvre une nouvelle branche d’hybridation possible : celle de la chair humaine et de la matière issue de la rivière.

En acceptant de me costumer, je joue le jeu de changer mon identité, de devenir autre et ainsi de rendre possible des perceptions, des sensations partagées avec d’autres entités. Le travail de CRÉATEUR me permet de devenir CRÉATURE.

ARGILES

Nouveau folklore et culture industrielle au nord de Marseille

3 séries d’ateliers artistiques autour du patrimoine tuilier du bassin de Séon à Foresta

Et si on partait à en voyage ici?

Et si on inventait ensemble un pays imaginaire, le fabuleux pays des tuiles et de l’argile?

En l’explorant on pourrait écouter et raconter les multiples histoires de ceux et celles qui vivent et ont vécu là, on pourrait aussi écouter ce que nous disent les plantes, la terre et aussi les caddies et le béton . Peut-être même qu’on pourrait peu à peu inventer des fêtes, des chants, des traditions à ce drôle de pays à la fois si réel et accueillant à nos rêves?

Et si l’argile pouvait donner matière et formes à l’envie de tisser avec toutes ces voix une histoire collective?

Pendant tout l’été, une première série d’ateliers vous propose de partir à la recherche des histoires et des savoirs-faire liés au passé tuilier de Foresta et des quartiers environnants. C’est aussi vers les usages d’aujourd’hui que ce voyage nous conduira, pour peu à peu vivre une aventure collective et pourquoi pas imaginer un nouveau folklore pour se relier?

Photos Nathan Bonnaudet et Dominique Poulain

Renseignements et inscriptions aux ateliers (gratuits) : 06 09 87 98 75 ou 07 68 23 59 91

Le festin argileux
Atelier proposé par Nathan Bonnaudet (artiste designer)

Il y a quelques dizaines d’années, Foresta était une carrière d’argile dans lequel on récoltait la terre servant à fabriquer les tuiles de Marseille. Cet été une tuilerie d’un nouveau genre s’installe sur le parc, des outils traditionnels et un four à céramique primitif vous invitent à découvrir l’histoire industrielle locale. Le temps d’une semaine, venez fabriquer de la vaisselle inspirée des techniques de fabrication des tuiles et réaliser un festin célébrant le sol de Foresta.

du 26 au 30 juillet: 9h30-12h30 du lundi au jeudi, Vendredi 9h30-18h avec goûter de restitution en fin de journée. Visite des réserves du Mucem le mercredi 28 juillet.

Pour les Familles, enfants à partir de 9 ans et adultes


Rouge  Atelier proposé par Louise Nicollon (artiste plasticienne)


Au pied de Foresta, l’usine Monier. Dernière industrie tuilière marseillaise, elle appartient à un récit où le paysage, les femmes et les hommes ont fabriqué ensemble une histoire et une forme à la ville : l’un fournit la matière première, l’ argile, les autres apportent leurs savoir-faire, artisanaux puis industriels… Nous vous proposons d’enquêter ensemble sur cette histoire en recherchant et collectant avec et auprès des habitants les différentes voix et formes que prend cette histoire (souvenirs, savoir-faire, luttes, archives…).

du 19 au 28 juillet : 9h30-12h30 lundis et mardis matin, mercredi 9h30-18h

Familles, enfants à partir de 9 ans et adultes

Les bolides
Atelier proposé par Nathan Bonnaudet (artiste designer)


Foresta est depuis des années le terrain de jeu des motards de tout Marseille. Il n’est pas rare de croiser les passionnés entre les collines naturelles et les remblais entassés là. Mais depuis quelques mois, des chevaux se sont installés sur le site et se confrontent aux moto cross. Venez réaliser des costumes et drapeaux en textile et participer à une parade mettant en scène la rencontre de ces deux groupes.


Les mercredis de septembre

14h30-18h30

Adolescents (à partir de 13 ans)

Argiles est un projet évolutif qui aimerait relier les histoires, les quartiers et les initiatives autour d’un patrimoine à la fois multiple et commun. Il prendra de multiples formes (ateliers de pratiques artistiques, fêtes, balades, parades…) au fur et à mesure des idées, expériences et énergies partagées. Il est porté par la coopérative d’habitants Hôtel du Nord, avec les artistes impliqués, Foresta, Yes We Camp et ses partenaires, l’Harmonie de l’Estaque, l’Ecole de musique de Séon, l’association Voyons Voir et de multiples collectifs d’habitants actifs dans leur territoire.

Le projet Argiles est soutenu par Rouvrir le Monde, un dispositif de la DRAC PACA dans le cadre de l’été culturel 2021 du Ministère de la Culture et par le programme Culture et lien social du Ministère de la Culture et de la préfecture des Bouches du Rhône.

Mythologie : Une mythologie est un ensemble de mythes qui forment un système doté d’une certaine cohérence, sous-tendu par la logique propre au système de pensée développé par une communauté donnée, dans un endroit et à une époque donnés.

Folklore : Le folklore (de l’anglais folk, peuple et lore, savoir, connaissances, science) est l’ensemble des productions collectives émanant d’un peuple et se transmettant d’une génération à l’autre par voie orale et par imitation. Ces arts et traditions populaires comprennent la culture littéraire (contes, récits, chants, musiques et croyances), figurative (rites, costumes, danses, décors, représentations), et matérielle (habitation, outillage, techniques, instruments, etc.).

Assemblée : Espace de dialogue rapproché pour personnes impliquées, mais aussi s’assembler (mettre ensemble, unir).