Samia Ghali : Marseille et la Convention de Faro.

Nous poursuivons la mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise suite à la signature de la Convention de Faro par l’État italien (voir  la présentation de la rencontre et voir les textes déjà en ligne).

Voici le texte du discours de Samia Ghali, Sénateur Maire de Marseille , Vice Présidente de Marseille Provence Métropole.

Mesdames, Messieurs,

Je suis une élue locale, Maire du 8ème Secteur de Marseille, ce qui représente environ 100 000 habitants et que l’on appelle, communément les  « Quartier Nord ».
Je suis également une élue nationale, puisque j’ai l’honneur de siéger au SÉNAT depuis 2008.
La relation avec l’Europe me paraît indispensable dans l’exercice de ces deux mandats.
Il faut absolument qu’à chaque fois que l’Europe produit une idée positive pour la population nous la mettions en oeuvre sur le terrain. Pourquoi ?
Parce que sinon l’Europe restera impopulaire, perçue comme une institution au mieux, inutile, au pire néfaste.
La convention de Faro est une convention qui, dans son essence même, crée, permet l’exercice de la citoyenneté.
En effet, permettre à chacun de désigner son Patrimoine, de le valoriser, c’est lui permettre d’agir sur son environnement, d’être acteur de sa ville, et d’une certaine façon, de sa vie. Pourquoi ?
Parce que le Patrimoine, c’est l’histoire d’une bâtisse, puis d’un quartier, puis d’une histoire humaine.
Dans les 15èmes et 16èmes arrondissements de Marseille, notre héritage est celui de l’industrie, du Port.
C’est, en corollaire celui de l’immigration italienne, espagnole, d’Afrique du Nord, puis du monde entier.
De nombreux historiens, sociologues, et autres chercheurs, ont étudié le monde ouvrier, le fonctionnement du port, les problématiques liés à l’immigration, l’intégration, etc.

Mais la parole des acteurs mêmes de cette histoire où est-elle ?
Dans quel espace l’habitant peut-il raconter ce qu’est son quartier, les relations humaines, les luttes, les lieux importants pour la communauté à laquelle il appartient.
Et j’emploie ici le terme « Communauté » au sens de Communauté Patrimoniale telle que la définit la Convention de Faro.
A savoir un groupe de personnes qui peut décider, par exemple, qu’une école élémentaire fait partie du Patrimoine commun.
C’est celà le Patrimoine intégré.
Pour moi qui suis native de ces quartiers, je sais que c’est un enjeu fondamental car il permet de restaurer la dignité, notre dignité. Rien de moins.
Dire que notre histoire a de la valeur, que notre territoire recèle de merveilles naturelles (littoral, cascade, colline), et architecturales et que les mieux placés pour les préserver, les présenter, ce sont les habitants eux-mêmes.
Voilà pourquoi j’ai demandé la création d’une Commission Patrimoine dès Septembre 2008 et ratifié la Convention de Faro en Janvier 2009.
L’action de cette Commission Patrimoine vous sera présentée par Pascale REYNIER, mon élue déléguée à la Culture qui la préside.

Je suis fière et heureuse que cette dynamique ait inspiré trois autres Mairies (deux à Marseille et Vitrolles).
Je suis également honorée d’être parmi vous et de jouer, en quelque sorte, le rôle bienveillant de Marraine de cette convention.
2013 est l’année où Marseille est Capitale Européenne de la Culture.
En Septembre nous y accueillerons le Forum Européen du Patrimoine.
Celà sera pour nous l’occasion de découvrir notre territoire  au travers des balades patrimoniales organisées par notre Commission.
D’ores et déjà je vous y invite, et vous pourrez résider dans l’une des 50 chambres gérées par « Hôtel du Nord », coopérative née de la Commission Patrimoine.
Vous constaterez alors qu’il y a des fois, où le miracle politique s’accomplit, et qu’une convention européenne, peut tout-à-coup, changer le regard des uns sur les autres, sur soi-même ; Etre fier de son Passé pour construire l’avenir où chacun trouve sa place.

Je vous remercie.

Samia Ghali, Venise, mars 2013.

Kouider Metair : Oran, naissance d’une conscience patrimoniale

La mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise (voir  la présentation de la rencontre et voir les textes déjà en ligne) se poursuit.

Voici le texte du discours de Kouider Metair, président de l’association Bel Horizon à Oran.

Pourquoi et comment faire participer les habitants et les communautés patrimoniales au patrimoine culturel et avec quels résultats ? L’expérience de l’Association Bel Horizon à Oran, Algérie.

La conscience patrimoniale est toute récente en Algérie. La loi de protection du patrimoine, loi 98/04, a été promulguée en 1998 et les décrets d’application en 2003. Entretemps, notre pays a perdu des pans entiers de son patrimoine. Avant cela, les défenseurs du patrimoine se recrutaient au sein de journalistes, architectes et certaines élites uniquement.  Mais en l’absence de cadre juridique adéquat, leur action demeurait limitée. L’exemple le plus édifiant a été la construction, dans les années 80, d’un bâtiment de 17 étages en plein cœur d’un site patrimonial classé, situé au centre-ville, avec l’assentiment  du Ministère de la Culture, en charge de la protection du patrimoine ! Au jour d’aujourd’hui, soit 30 ans après, cette carcasse en béton, inachevée, trône toujours au sein de ce site qui s’est totalement dégradé ! La restructuration urbaine, à coups de bulldozers, a démoli, en un temps record, ce que les Anciens ont mis des siècles à bâtir. Le Vieil Oran, cité historique, est en friche et ressemble à un quartier qui aurait subi un bombardement.

Avec l’amorce de l’ouverture démocratique des années 90, des associations ou ONG de protection du patrimoine ont vu le jour. Elles ont puissamment contribué à la diffusion de la culture patrimoniale et à la sensibilisation du citoyen et des pouvoirs publics, en s’appuyant sur des dispositions de la loi 98/04, qui ouvrent de bonnes perspectives d’intervention à la société civile :

 Article 91 Toute association légalement constituée qui se propose par ses statuts d’agir pour la protection des biens culturels peut se porter partie civile, en ce qui concerne les infractions à la présente loi.

Par ailleurs, Article 17 : (…) les monuments  sont soumis au classement par arrêté du ministre chargé de la culture après avis de la commission nationale des biens culturels, sur sa propre initiative ou de toute autre personne y ayant intérêt.

Cependant et  malgré cette avancée, notre pays souffre d’une problématique particulière, à savoir que l’héritage patrimonial n’est pas partagé pour des raisons idéologiques. En effet :

Notre pays dispose d’une stratification patrimoniale exceptionnelle : une période préhistorique de plus de 100 000 ans, présence phénicienne, romaine, byzantine, arabo-musulmane, ottomane, espagnole, française, mais cette richesse n’est pas perçue comme telle, vu qu’elle a été le produit d’une Histoire, certes riche, mais tumultueuse et complexe. Une Histoire ponctuée, durant des siècles, par des guerres, des conquêtes et des colonisations extrêmement violentes. Par conséquent notre perception du patrimoine en Algérie n’est pas commune : les monuments qui rappellent la période française sont-ils considérés, par tous, comme patrimoine national ?

Nous prenons cet exemple puisqu’il s’agit d’une Histoire récente et pourvue d’un très grand nombre de monuments et autres bâtiments remarquables.

La loi 98/04 est venue proposer une conception partagée du patrimoine dans son ensemble, puisque l’article 2 précise :

Aux termes de la présente loi, sont considérés  comme patrimoine culturel de la nation tous les biens culturelsimmobiliers, immobiliers par destination et mobiliers existants sur et dans le sol des immeubles du domaine national, appartenant à des personnes physiques ou morales de droit privé, ainsi que dans le sous-sol des eaux intérieures et territoriales nationales légués par les différentes civilisations qui se sont succédé de la préhistoire à nos jours.

Cette perception commune, préconisée par la loi, nous permet d’envisager une appropriation du patrimoine dans son ensemble, qu’il soit l’héritage d’une colonisation ou autre !

Nous nous sommes proposé de donner de la visibilité à ce patrimoine oranais, dont la caractéristique est d’être un patrimoine stratifié, diversifié mais malheureusement, encore une fois,  pas encore totalement partagé :

  • Préhistoire :
  • antiquité :
  • arabo musulman :
  • espagnol:
  • ottoman:
  • français:

C’est à partir de ce constat et de ce cadre légal, que nous avons entrepris, au cours de ces 10 dernières années, un travail de sensibilisation en direction des jeunes, en particulier et de la population en général :

  • Par la formation de jeunes guides du patrimoine et de la ville (3 promotions de 20 jeunes à chaque fois),
  • Par un travail d’inventaire des sites et monuments historiques, suivi de la publication d’un guide des sites et monuments historiques,
  • Par l’organisation de workshops sur la subjectivité du patrimoine et le tracé de circuits patrimoniaux,
  • et enfin La création de plusieurs circuits thématiques, adaptés à des publics cibles et aux différentes communautés :, repères féminins de l’Oran patrimonial, circuits arbres remarquables ,sites et monuments historiques,  repères camusiens et roblésiens, architecture du XX ème art déco et néo mauresque etc.

Mais la marque de fabrique de notre association reste la randonnée pédestre sur les circuits patrimoniaux. Organisées une fois par mois, avec une moyenne d’une centaine de participants, la randonnée patrimoniale prend une allure spectaculaire le 1ermai de chaque année, avec des milliers de participants et dans une grande mixité sociale.  Cette activité de masse est  voulue spectaculaire pour justement  frapper l’imagination et susciter l’émerveillement d’être ensemble, de découvrir ensemble ce que peut ramener le patrimoine en termes d’amélioration du cadre de vie et de désir de «vivre ensemble» !

L’ensemble de ces actions ont contribué à faire participer les communautés à s’approprier graduellement leur patrimoine dans sa totalité. Les pouvoirs publics annoncent des  perspectives réelles de prise en charge du Vieil Oran. Nous nous proposons d’accompagner ces actions, par la mobilisation des communautés, de faire en sorte que le patrimoine serve aussi et surtout les besoins culturels de ces populations et d’éviter la tendance à vouloir muséifier ces espaces patrimoniaux.

En conclusion, nous pouvons affirmer que la prise de conscience patrimoniale s’est affirmée à tous les niveaux. Les associations patrimoniales existent un peu partout dans le pays et sont organisées sous forme de réseaux, dont l’un est animé par notre association, depuis une dizaine d’années et que nous avions dénommé « Héritages pluriels ».  Par ailleurs, nous adhérons pleinement aux objectifs de la Convention du Faro, en espérant qu’un jour on puisse organiser une réunion pareille à Oran. Tout un programme !

Kouider Metair, Venise, mars 2013

Daniel Thérond : La Convention de Faro, le patrimoine et la gestion du changement

Suite à la signature de la Convention de Faro par l’Etat italien, Hôtel du Nord continue la mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise (voir  la présentation de la rencontre et voir les textes déjà en ligne).

Voici le texte de la communication de Daniel THEROND, Secrétaire du Comité de rédaction de la Convention de Faro et ancien Chef du service de la culture, du patrimoine et de la diversité au Conseil de l’Europe.

Offrant une vision actualisée du patrimoine la Convention à laquelle vient d’adhérer l’Italie complète les grands textes antérieurs du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO sur les biens culturels. Ce texte resitue le patrimoine comme une réponse aux attentes et aux besoins de bien-être du citoyen dans des démocraties avancées. Il met en évidence le parti que l’on peut tirer du patrimoine pour améliorer la qualité du milieu de vie des habitants tout en favorisant un renforcement du lien social.

En tant que Convention cadre, Faro constitue un chantier de réflexion et d’expérience qu’il reviendra à chaque pays de développer selon ses spécificités. Cependant un éclairage très particulier du texte tient à l’approche « bottom up » suggérée avec le concept de « communauté patrimoniale »,  porteur d’initiatives et d’engagement du public. La nouvelle construction du patrimoine promue par Faro repose pour ainsi dire sur quatre piliers :

  •  La perception du patrimoine non comme une fin en soi mais comme une ressource utile à la société ;
  • L’accès au patrimoine et son usage comme une pratique des droits de l’homme vécue par les citoyens ;
  • La responsabilité partagée de tous envers ce patrimoine et la diversification de ses acteurs ;
  • L’orientation de l’économie du patrimoine vers un développement durable des territoires.

Le patrimoine en tant que ressource

Faro adopte une définition qui dépasse le cloisonnement traditionnel du matériel et de l’immatériel, des immeubles et des objets. Il s’agit d’une « ressource » expression des « valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution ». Loin d’être seulement rétrospectif le fil conducteur du patrimoine se poursuit dans le temps. Pour la première fois également une convention définit le « patrimoine commun  de l’Europe », comme le produit des strates successives ayant caractérisé les territoires. C’est l’ensemble de ces strates dans tous leurs aspects, quelle qu’en soit l’origine et les vicissitudes,  qui forment aujourd’hui le patrimoine d’un lieu déterminé.  Peut-être est-ce justement la diversité d’une telle ressource et de toutes ses facettes qui a pu engendrer dans le temps la créativité des territoires jusque dans le présent.

Faro englobe aussi dans le patrimoine commun de l’Europe les idéaux principes et valeurs ayant débouché sur les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit. Cette référence politique inédite par rapport à la définition traditionnelle des biens culturels a fait l’objet de controverses lors de l’élaboration du texte. La pertinence du texte se comprend cependant mieux quand on pense à une actualité mondiale comportant de la  violence et des résurgences d’obscurantisme.

L’usage des ressources patrimoniales et l’exercice des droits de l’homme

En prolongement des droits fondamentaux, le fait que toute personne puisse se reconnaître dans un ou plusieurs patrimoines relève du droit de participer à la vie culturelle reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme et du droit de plus en plus reconnu par le jurisprudence de bénéficier d’un meilleur environnement.  Toute personne (article 4) se doit « de respecter aussi bien le patrimoine culturel des autres que son propre patrimoine et en conséquence le patrimoine commun de l’Europe ».  L’article sur le  « patrimoine culturel et le dialogue », innove dans un instrument de ce type en se référant à des méthodes d’interprétation interculturelle des biens et  à a mise en place d’un processus de conciliation lorsque des valeurs contradictoires sont attribuées au même patrimoine par diverses communautés. Ainsi le patrimoine devient un outil pédagogique pouvant contribuer à une culture du vivre ensemble : loin d’alimenter les exacerbations identitaires il peut favoriser la prise de conscience par les personnes de la pluri appartenance culturelle de beaucoup de territoires et de leurs habitants.

La responsabilité partagée et la diversification des acteurs

Le concept de « communauté patrimoniale », à ne pas enfermer dans des limites ethniques ou linguistiques, concrétise sur le terrain l’exercice du droit au patrimoine. Il traduit l’implication des personnes partageant de mêmes intérêts dans les démarches d’identification, de conservation, de valorisation et de diffusion du patrimoine. Les initiatives nées spontanément à Venise et à Marseille,   illustrent le rôle montant de communautés patrimoniales  qui entendent s’investir dans la mise en valeur du potentiel des ressources du territoire. Des exemples se multiplient dans d’autres pays s’agissant notamment des friches industrielles et de grands équipements des 19 et 20ème siècles appelant des reconversions.

Faro est le premier texte international (cf. Titre III) décrivant l’indispensable action conjuguée d’un éventail d’acteurs (autorités publiques, investisseurs, propriétaires de biens, entreprises privées, milieux professionnels  et mouvement associatif). La part croissante de l’apport des investisseurs privés et du monde associatif ne rend évidemment pas obsolète le rôle des pouvoirs publics garants de l’intérêt général et de la fixation des règles du jeu. Les collaborations publique/privée et les équilibres à trouver entre l’implication des experts et la participation du public, le rôle des responsables publics et l’engagement de la société civile constituent les enjeux d’une nouvelle configuration des politiques et des pratiques patrimoniales. La diversification des rôles et des modes d’intervention est évidemment reliée  à l’économie du patrimoine.

Approfondir le débat  sur une économie diversifiée du patrimoine 

Longtemps considéré comme une charge improductive le patrimoine est perçu depuis des décennies comme une source de bénéfices provenant du tourisme et d’un ensemble d’industries culturelles. Les études sur les effets directs et indirects de l’investissement dans le patrimoine et ses effets multiplicateurs sont nombreuses. Cependant on gagnerait à affiner la réflexion car ne peut avoir une vision unique et appliquer de  mêmes recettes à des situations différentes et complexes comme : la gestion de centres urbains et de l’habitat, la gestion de monuments majeurs très fréquentés ou au contraire insuffisamment fréquentés, des activités très diversifiées entrant au sens de Faro dans la famille large du patrimoine telles par exemple que les métiers d’art, les arts de la table, la gastronomie, la mode,  ou encore les arts et traditions populaires ou le carnaval.

En raison de leur nature et significations certains types de patrimoine suppose des contraintes de protection, de respect d’authenticité  et une part importante de financements publics alors que d’autres éléments peuvent vivre avec des contraintes de protection moindres ou même sans protection légale et à partir de financements largement privés et de soutiens bénévoles. Il y a partout un rôle pour les communautés patrimoniales, étant entendu que dans certains cas ce rôle est d’autant plus déterminant qu’il y a une absence de soutien des budgets publics faute de moyens. Les solutions et les partenariats  sont en fait à bâtir au cas par cas. Le suivi de Faro implique un échange international précieux d’expériences (« benchmarking ») qui peut aider à identifier et mieux comprendre la stratégie des financements croisés et des montages instructifs transposables de partenariat .

L’usage durable du potentiel patrimonial des territoires

D’aucuns pourraient mettre l’accent principal sur les perspectives de la croissance d’un tourisme culturel se chiffrant en centaine de millions de nouveaux visiteurs potentiels provenant de pays émergents, tant les patrimoines et les paysages de l’Europe gardent de l’attractivité. Il n’y a pas lieu ici d’épiloguer sur un choix de développement qui ferait de certaines parties de l’Europe un vaste parc d’attraction après délocalisation de presque toutes les autres activités de production…

C’est une vision autrement ambitieuse que sous-tend la Convention en insérant le patrimoine dans des perspectives aussi étendues que possible de l’aménagement du territoire et du développement endogène. A l’évidence il faut ici rapprocher Faro et la Convention européenne du paysage (Florence 2000) qui toutes deux  s’inscrivent dans une perspective de régénération territoriale impliquant non seulement les activités touristiques et leur effets directs, indirects et induits mais une véritable  diversification des activités économiques puisant dans « l’intelligence territoriale », les savoirs et savoir faire des régions et les villes  et appelle l’expérience de tout autre modèle alternatif de développement durable et d’économie solidaire favorisant l’emploi.

C’est l’intérêt des articles 8 à 10 de la Convention de souligner des principes d’usage durable des ressources tels que l’importance de l’entretien, le respect des valeurs patrimoniales dans le cas d’adaptation et de reconversion de biens, l’insertion des besoins spécifiques de la conservation dans les réglementations techniques de portée générale, la promotion de l’utilisation des matériaux et techniques anciennes et l’exploration de leur apport dans la production contemporaine, enfin le maintien d’un haut niveau de qualification par les procédures de qualification et d’accréditations des personnes ou des entreprises.

L’article 13 souligne le rôle majeur de la formation et de la transmission du savoir faire qui sont une condition « sine qua non » de l’avenir patrimonial. La coopération européenne en ce domaine reste un besoin à satisfaire en ligne d’ailleurs avec les  travaux initiés à Venise dès les années 70 par le Conseil de l’Europe avec son centre expérimental de formation d’artisans et les réseaux initiés à ce moment.  La promotion de l’image des métiers et de leur utilité économique et sociale reste, dans tous les cas de figure, un impératif du développement local.

Mettant à travers plusieurs articles l’accent sur le renforcement de l’accès au patrimoine comme un objectif central, Faro aborde également les enjeux de l’utilisation des techniques numériques (article 14) aussi bien sous l’angle de la qualité des contenus,  de la diversité linguistique, de la prévention du trafic illicite des biens culturels que du libre accès à l’information. Ces matières appellent un travail sur l’éthique et la déontologie qui aurait sa place dans un suivi effectif de la Convention.

Un tel suivi reste à mettre en place pour favoriser la réalisation sur le terrain de la dynamique créée par le texte innovant du Conseil de l’Europe. Il appartient juridiquement aux Etats signataires d’en préciser les formes sous les auspices du Conseil de l’Europe.  Cependant il n’est pas douteux que les régions et les villes tout comme la société civile auront un rôle pratique à jouer, quand on garde en mémoire par exemple les expériences spontanément engagées à Marseille et à Venise autour du « message de Faro ».  Des chantiers thématiques pourraient être ainsi lancés et poursuivis à travers des réseaux de partenaires européens voulant s’y investir. Sans aucune exhaustivité viennent notamment à l’esprit : l’étude comparée d’activités de développement local fondées sur l’usage durable  de ressources patrimoniales ; l’expérience vécue de nouveaux publics ( Cf « Hôtel du nord ») ; la vitalité des métiers d’art et du patrimoine dans la compétitivité des territoires ; la qualité de contenu des produits numériques utilisant le support du patrimoine ; l’évolution des profils professionnels et la relation expert/public. Mais bien d’autres entrées seraient à prendre en compte au fil de l’évolution même de l’idée du patrimoine ressortant de Faro.

Pour conclure, Venise avait accueilli en 1964 la rédaction du texte fondamental qu’est la Charte ICOMOS sur la conservation architecturale. Avec la signature de la Convention de Faro et le présent colloque, l’Italie contribue activement à un renouveau du débat sur le rôle du patrimoine dans une société en changement qui cherche des repères et des raisons d’espérer. Si la notion de patrimoine n’existait pas de longue date il faudrait aujourd’hui l’inventer, tant elle est importante pour la compréhension et l’acceptation de la diversité de nos sociétés, pour l’engagement de projets créatifs et des réseaux sociaux qu’ils engendrent, et enfin pour mettre en pratique des initiatives concrètes de développement « soutenable » au bénéfice du plus grand nombre dans une Europe plus optimiste et plus humaine.

Daniel Therond, Venise, mars 2013.

 

Pascale Reynier : L’expérience de la Commission Patrimoine de la Mairie des 15èmes et 16èmes Arrondissements de Marseille

Nous poursuivons la mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise suite à la signature de la Convention de Faro par l’État italien (voir  la présentation de la rencontre et voir les textes déjà en ligne).

Voici le texte du discours de Pacale Reynier, Adjointe déléguée à la Culture, à Marseille Capitale Européenne de la Culture et aux Nouvelles Technologies. Présidente de la Commission Patrimoine 15/16.

Mesdames, Messieurs,

A la suite de notre élection en Mars 2008, j’ai effectué un diagnostic de territoire.
Très vite il est apparu que la question patrimoniale était un enjeu fondamental pour notre secteur.
Le travail qu’avait effectué Madame Christine BRETON, que nous venons d’entendre, avait permis à de nombreux habitants de se saisir de cette problématique.

La création de la Commission Patrimoine, à la demande de Madame Samia GHALI, a permis d’organiser toutes ces énergies disséminées sur notre territoire. Cette Commission est composée :

  • d’associations de quartier,
  • d’artistes indépendants,
  • d’associations culturelles,
  • de compagnies artistiques professionnelles,
  • de chefs d’entreprises,
  • de médiateurs culturels,
  • de travailleurs sociaux.

Je la préside, entourée des employés municipaux du Service Culture.
Les deux premières années, nous nous sommes réunis une matinée par mois.
Les thèmes étaient nombreux et variés.
Je vous en cite quelques uns.

  • Classement et inscriptions de lieux, bâtiments,Mesure de conservation,
  • Dépôt de dossier comme « La route du savon » auprès de l’association MP13,
  • Sauvegarde de toiles de Vasarely,
  • Sauvegarde et aménagement du Patrimoine naturel     (Mourepiane, Nerthe, Colline Consolat, Cascade Aygalades).

Nous avons eu de grands succès comme le classement de la Gare de l’Estaque, l’avancée sur de nombreux dossiers concernant le patrimoine naturel.
Au sein de notre Commission, nous expérimentons la dimension conflictuelle du Patrimoine car elle est lieu de médiation.
En effet, des intérêts contradictoires s’y expriment dans un espace démocratique.
Les décisions que nous y prenons rejoignent toujours l’intérêt du plus grand nombre.
Cette Commission joue un rôle de médiatrice entre les différentes instances auxquelles sont confrontées les Communautés Patrimoniales : Ville de Marseille, Direction Régionale des Actions Culturelles, Communauté Urbaine de Marseille, Marseille Provence 2013.
Ainsi les habitants obtiennent des réponses car ils ont leur interlocuteur en face d’eux.
Nous consacrons 3 à 4 Commissions à préparer les Journées Europeénnes du Patrimoine , qui sont le temps fort de notre travail annuel.

En effet, durant ces trois jours, nous organisons une dizaine de balades patrimoniales, des expos, le salon du livre, des conférences, etc.
Il faut savoir, et c’est celà qui est extraordinaire, qu’en 2012, ce sont 6000 personnes qui ont participé à ces Journées Europeénnes du Patrimoine des 15èmes et 16èmes arrondissements de Marseille.
Lorsque l’on connaît l’histoire des quartiers Nord, la mauvaise réputation qui colle à ses habitants, croyez-moi celà tient du prodige.
Durant ces trois jours les marseillais découvrent qu’au sein de ce bassin d’habitations de 100 000 âmes, se trouvent des lieux naturels méconnus, protégés et quelque fois, splendides.
Ils découvrent aussi le dynamisme économique (Savonnerie du Midi, Arnavaux) et culturel (Cité des Arts de la Rue).
Et surtout la plus grande richesse de ce territoire à savoir ses habitants.
Non seulement ils sont dépositaires du passé industrieux de Marseille mais de plus leur sens de l’accueil, de l’hospitalité, du partage sont remarquables.
C’est pour eux, pour les mettre en valeur, que nous avons eu l’idée de créer un réseau de Chambres d’Hôtes.
Je vous laisse deviner les sarcasmes que ce projet a suscité ! « Accueillir des touristes dans les quartiers Nord quelle blague ! »
Hé bien laissez-moi vous dire, chers auditeurs, qu’aujourd’hui ce réseau de chambres d’hôtes organisé par la Coopérative Hôtel du Nord est une formidable réussite !
Associé à MP13, diffusé par le Guide du Routard, Hôtel du Nord est un exemple de développement économique alternatif.
Enfin la Commission Patrimoine des 15èmes et 16èmes arrondissements de Marseille a été capable de modéliser son fonctionnement, de le partager avec deux autres mairies de secteur, bientôt trois et la Mairie de Vitrolles (40 000 habitants).
A ce titre, nous sommes chargés par le Conseil de l’Europe et la Commission Européenne, de préparer une partie des débats qui auront lieu en Septembre prochain lors du Forum Européen du Patrimoine.
Vous pensez bien que jamais je n’aurais imaginé réaliser des actions aussi prestigieuses.
Mais ce qui me touche le plus, c’est d’être ici, à Venise, devant vous.
Moi qui suis issue d’une famille populaire, venue pour moitié, des montagnes de la Barbagia en Sardaigne;
C’est parce que Madame Samia GHALI et moi-même avons grandi dans ces quartiers, que nous connaissons le goût amer des humiliations, que nous avons compris l’enjeu du Patrimoine intégré. Nous nous sommes inspirés de ce concept pour restaurer la dignité des habitants et nous y sommes parvenues.
Je suis heureuse de partager avec vous cette fierté.

Grazie per il vostro ascolto.

Pascale Reynier, Venise mars 2013

Christine Breton : La convention de Faro une chance pour les communautés patrimoniales coincées entre petits fronts de guerre sociale et musées

Hôtel du Nord poursuit la mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise suite à la signature de la Convention de Faro par l’État italien (voir  la présentation de la rencontre et voir les textes déjà en ligne). 

Hôtel du Nord publie le texte de l’intervention de Christine Breton conservatrice honoraire du patrimoine et sociétaire de la coopérative Hôtel du Nord « Les communautés patrimoniales entre petits fronts de guerre sociale et musées ».

Posons notre héritage et le modèle dominant du musée. Ce vaste cube blanc international peut aussi être un musée local. Il est un accumulateur d’objets décontextués et, par là même, un grand poème baroque à la gloire du savant en son laboratoire, maître du monde et des colonies. Pour la société un tel modèle entre dans la catégorie des utopies collectives basées sur la tabula rasa, tables rases inventées par la modernité, glorieuse ou criminelle. La référence musée incarne le corps national, partout en Europe et en France dés la Révolution en 1792. C’est un récit de fondation. Récit aujourd’hui obsolète quand les nations se fédérent en Europe, quand la décolonisation rétablie ses biens culturels dans leur contexte si possible, quand la richesse se fait en micro-secondes. Nous n’ avons plus besoin du musée, il est une oeuvre héritée, un monument historique

– Totologie de l’isolement.

Posons maintenant la réalité des communautés patrimoniales. Le corps social s’incarne dans l’ensemble des données symboliques héritées. Le musée a le pouvoir sur le symbolique et il fascine d’autant. Un pouvoir absolu de vie et de mort sur toute trace de mémoire collective, le musée décide de ce qui entre ou non dans l’histoire. Faire un musée aujourd’hui aprés la sévère critique construite contre ce modèle obsolète tient de la volonté de puissance personnelle ou de l’ignorance. Ignorer qu’en France, par exemple, le même homme, Jules Ferry, crée l’organisation de l’enseignement primaire obligatoire et celle des musées et qu’il fut aussi le champion de la colonisation.
– Comment être à notre présent social ?

Au moment de cette question, nous sommes passé à l’histoire monde, nous avons inversé les contextes historique. Il est temps pour l’invisible. Alors se met à briller, dans le lointain, tout ce qui fut exclu du grand récit national. Commence à scintiller tout ce qui n’est pas référencé, muséifié ou partie de la Nation. Apparaissent les disparus de la nuit stellaire, les fantômes errant loin de notre roman collectif, ceux qu’avaient si bien su aimer Walter Benjamin en marchant dans les rues de Berlin ou Marseille. Alors, le temps se retourne et la référence se décale vers le tiers exclu
– Frémissement de la raison.

Comment réagi le corps social ? je l’entend souvent gronder dans mon dos, lorsque nous traversons à pied les quartiers de Marseille, lorsque nous passons un petit front de guerre sociale. Ils grondent, mal à l’aise dans le contact physique avec l’exclusion urbaine violente. Et là c’est encore le modèle muséal qui revient en protection face à cette remontée de refoulé collectif : sensation de zoo ou de muséification de la ville. Une sensation qui ne renvoie pourtant qu’à soi-même, à son savoir comme pouvoir ; surpris en inculte de la vie. Alors je suis assurée que cette ville que nous sommes en train de penser avec nos pieds, collectivement dans la marche, ne s’entend plus. Je perçois dans mon dos leur profonde émotion, leur débat intérieur qui les assourdit temporairement
– Impasse sociale.

C’est peut-être cela le musée du 21ème siècle : la capacité à percevoir la greffe-musée en soi, dans l’organique même. Le désordre violent qu’elle y crée. La décision de s’en défaire, d’accepter l’impossibilité de comprendre tant les concepts sont encore immatures et pourtant percevoir la formidable poussée vivante dés que nous lâchons tout pour partir au désert des savoirs. Le corps social bascule dans une pratique collective des savoirs et mémoires. Une pratique écologique, contextuée.
– fin des colonies, débuts du travail des communautés patrimoniales sur le terrain du quotidien habité.

L’anthropologue américain Timothy Ingold résume ce triple salto contextuel : « En elle-même, l’information n’est pas un savoir, et son accumulation ne nous rend pas plus savants. Notre capacité à savoir tient plutôt à la possibilité que nous avons de situer une telle information, à comprendre sa signification, au sein d’un contexte de relations perceptuelles, en direct avec nos environnements. Et je soutiens que nous développons cette capacité à condition  qu’on nous montre les choses ». Marchons donc au désert du musée en suivant l’habitant là pour qu’il nous montre. Développons collectivement nos relations perceptuelles avec les petits fronts de guerre sociale rendus si violents par l’invisibilité et le silence assourdissant dominant.
– possibilité de contextes.

Christine Breton
Conservateur honoraire du Patrimoine
Venise mars 2013.

Christine Breton 

Conservateur honoraire du patrimoine, elle a eu la charge de collections publiques au musée de Grenoble (1974-1983), aux Fonds régionaux de Rhône Alpes et de Provence (1984-1987). Conservateur chargée de mission à la Ville de Marseille de 1987 à 2010 elle a créé les programmes d’ateliers d’artistes, d’expositions et de commandes artistiques urbaines ; en collaboration avec le Conseil de l’Europe elle a expérimenté dés 1996, avec les habitants, l’approche intégrée du patrimoine dans les 15-16èmes arrondissements de Marseille. Docteur en histoire en 1981, elle a été invitée dans de nombreuses écoles d’art, instituts de design et d’histoire de l’art ; de 1988 à 1995 professeur associée à l’université d’Aix-Marseille. A la retraite, elle poursuit ses recherches historiques et patrimoniales.

BIBLIOGRAPHIE Sélective

  •  Berriat 83, expositions dans et hors musée, musée de Grenoble,1983 ;
  • Fragments de collections pour la mémoire d’une ville, Le Luc en Provence, FRAC Provence, 1985 ;
  • La galerie de la mer, Ville de Marseille,1987-1995, 7 numéros sur l’art et la ville ;
  • Approche intégrée du patrimoine, valorisation partagée du patrimoine, valeur conflictuelle du patrimoine, comme des saumons, le prince des curieux et l’ermite collection Exos, AGCCPF, 2004 – 2010 ;
  •  école des filles de Saint-André, Marseille, 1998-2005 ;
  • Südraum-Konferenz, Leipzig, 2004 ;
  • Hôtel du nord/ récits d’hospitalité, 8 numéros avec Martine Derain, éditions commune, Marseille, 2010-2012.

Jean Cristofol : Le Nord

La question s’est posée d’accueillir dans Hôtel du Nord, des hôtes qui voudraient nous rejoindre et dont les habitats se trouvent dans d’autres arrondissements de Marseille, mais aussi dans des villes de l’étang de Berre et de la zone de Fos. Cela nous oblige à réfléchir aux limites géographiques dans lesquelles s’inscrit Hôtel du Nord. Cela nous oblige aussi à réfléchir au développement nécessaire de nos activités pour atteindre un équilibre minimum qui autorise la survie économique de notre coopérative – et, espérons-le, son développement autonome.

Évidemment, les deux aspects sont liés, mais ils doivent aussi répondre à une véritable nécessité et à une cohérence qui leur donne un sens. Hôtel du Nord est ancré dans la réalité des quartiers nord de Marseille. Il est le produit d’une histoire propre qui s’est longuement inscrite dans les quinzième et seizième arrondissements. Cela fait deux territoires qui ne se recouvrent que partiellement et qu’il faut bien distinguer : le territoire qui a accueilli la naissance d’une expérience et qui se définit aussi dans ses limites institutionnelles, et le territoire qui porte l’esprit et la raison de cette expérience et qui, lui, ne s’arrête pas aux découpages administratifs. Ce sont ces deux territoires qu’Hôtel du Nord porte dans son nom, et dont il doit savoir réinventer les relations à la fois imaginaires et géographiques.

Ce qui porte les coopérateurs d’Hôtel du Nord, c’est une certaine façon de s’emparer de la réalité des lieux et des tensions qui les travaillent pour en nourrir des projets entrelacés où s’articulent des valeurs communes : la rencontre, l’accueil et l’hospitalité, la volonté de valoriser des territoires au delà des clichés qui les accablent, l’idée que l’histoire ne vit que dans la création présente, la conviction que l’économie peut se réinventer dans la relation à la culture. Et ce qui caractérise ces lieux et leurs tensions, c’est le processus économique et politique qui a noué le destin de Marseille en divisant profondément la ville, en opposant le nord et le sud, en niant la richesse de son patrimoine populaire, en créant des zones de ségrégation sociale, en faisant de l’oubli et du mépris une arme de destruction morale qui préside à la reproduction de formes du pouvoir morbides, incapables de penser l’avenir. Evidemment, Hôtel du Nord ne constitue certainement pas à lui seul une réponse à ce processus, mais il y trouve sa toile de fond et il puise dans la nécessité de lui résister sa première énergie.

Ainsi, ce qu’on appelle les quartiers nord ne correspond pas seulement à un périmètre, ni à un territoire d’appartenance, mais à un certain point de vue. Ce point de vue est à la fois celui à partir duquel ils sont regardés et celui qu’ils nous proposent comme lieu d’un regard sur le monde. D’une certaine façon, Hôtel du Nord se propose de travailler ces points de vue et la façon dont ils se croisent.

Ce serait d’ailleurs une idée curieusement simplificatrice de penser que les quartiers nord sont un territoire. Ils recouvrent une incroyable richesse de territoires différents. Et cette diversité de territoires, de populations, d’histoires et de traditions, de langues aussi, se reconnaît dans un espace certainement bien concret, mais toujours redessiné, toujours réinventé. Il y a, vers Corbières, une structure portuaire d’accueil des bateaux de plaisance qui s’affirme comme un port de Marseille Ouest. C’est évidemment une façon locale d’éviter de se situer au nord, c’est une façon de pratiquer une géographie de la dénégation. Nous devons pratiquer une géographie de la revendication.

Que des initiatives se manifestent du côté des treizième et quatorzième arrondissements, cela me semble absolument naturel. Dans la logique des points de vue croisés, je ne vois pas vraiment ce qui les distingue de nos quartiers, même si l’éloignement de la mer les rend cinématographiquement moins photogéniques. Les villes de l’étang de Berre nous posent une question bien plus intéressante. Elles nous parlent en raccourci de l’histoire de nos quartiers, entre l’extension du tissus urbain et le déplacement des activités industrielles vers des espaces plus larges, plus ouverts, plus facilement articulés sur la façade maritime – le nord. Ils nous parlent aussi de l’apport des populations immigrées, du croisement entre héritages agricoles et entreprises mangeuses de terrains, entre les villages et les cités, les villes nouvelles et les formes recommencées de la crise sociale. Elles sont différentes de nous et elles sont nous à la fois, nos prolongements, nos extensions, nos modestes et pauvres Amériques. Elles sont notre nord et elles participent de notre nord. Nous partageons la même histoire et le même présent, parce que nos territoires respectifs se sont constitués dans la même logique. C’est pourquoi il me semble nécessaire que s’y continue et s’y déploie l’activité d’Hôtel du Nord.

Jean Cristofol, sociétaire Hôtel du Nord, novembre 2012.

Guillaume Cromer : Du tourisme communautaire à la Française

Rencontre avec les habitants de la Cité de la Visitation - Crédit photo : Guillaume Cromer
Crédit photo : Guillaume Cromer

Guillaume Cromer est l’un des experts venus rencontrer l’Hôtel du Nord le 18 août dans le cadre des Trophées du tourisme responsable. Suite à cette rencontre, il a publié cet article sur son site SPE Tourisme.

En l’an 2000, l’agence de coopération suisse Helvetas lançait au coeur de l’Asie Centrale, au Kirghizstan, un projet de tourisme dit communautaire pour valoriser l’ensemble des patrimoines du territoire kirghiz au profit de la reconstruction économique du pays.

Le concept nommé « CBT – Community-Based Tourism » en anglais s’explique par le fait que ce type de projet touristique se base sur les habitants ou la communauté locale. Cette dernière gère et
coordonne l’ensemble du projet touristique. Au Kirghizstan, aux quatre coins du pays, des habitants se sont regroupés au sein d’organisations locales pour offrir à des visiteurs nationaux et internationaux des prestations touristiques. Ainsi, les bergers, les femmes au foyer, les agriculteurs, les artisans, les jeunes, etc. proposaient des prestations d’hébergement (chez l’habitant ou sous la yourte), du guidage en montagne (à pied ou à cheval), de la restauration, de l’artisanat local sous forme d’objets souvenirs ou encore des prestations culturelles. Ainsi, en se basant sur l’ensemble des patrimoines locaux (culture équestre, gastronomie locale, paysages montagneux et steppes, artisanat, monuments historiques, histoire des anciens et des bergers, etc.) et en les valorisant autour de prestations touristiques, ces habitants ont pu améliorer l’image d’un pays de l’ex Union Soviétique tout en améliorant leur condition de vie de tous les jours et en créant des emplois pour les jeunes des villages.

[showtime]

Onze ans plus tard, le projet est une grande réussite. Il devient impossible pour un voyageur de prendre une prestation non-estampillée « CBT ». L’ensemble des guides touristiques a mis en avant l’offre CBT dans leurs publications. Au Kirghizstan, plus de 20 villages ont créés leur antenne locale  CBT. L’association nationale KCBTA (Kyrgyz Community Based Tourism Association) basée dans la capitale Bishkek coordonne les antennes locales, organise des circuits à la carte pour des tours opérateurs internationaux et se déplace sur les grands salons du tourisme en Europe et en Asie.

Enfin, le projet a fait des petits dans les pays voisins, au Kazakhstan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan en se basant sur les patrimoines et identités de chaque territoire. Récemment uneassociation du
tourisme communautaire en Asie Centrale
, regroupant l’ensemble de ces entités s’est même créée.

Le 1er janvier 2011, plus proche de chez nous, à Marseille, une société coopérative « Hôtel du Nord » s’est créée pour offrir aux voyageurs de l’hébergement chez l’habitant, des balades participatives dans les quartiers Nord de la cité phocéenne et de la vente de produits locaux (savon de Marseille, fromage de chèvre affinée localement, livres et publications présentant le patrimoine local, etc.) issus exclusivement des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille.

Se basant sur les patrimoines (naturel, culturel, bâti, historique, humain) de ces quartiers, les sociétaires et amis de la coopérative ont décidé de redorer l’image des quartiers Nord de la ville faisant ainsi, sans le savoir, un véritable tourisme communautaire à la française. Le voyageur peut ainsi rencontrer les habitants de ces quartiers, de comprendre leurs combats, leurs difficultés, leurs joies et leurs peurs et de suivre leurs projets qui visent à préserver leur cadre de vie, à améliorer la vie de l’ensemble des habitants, à donner des envies aux jeunes ou encore, tout simplement, à partager de bons moments de convivialité autour d’une Bouillabaisse ou d’un Pastis.

Le voyageur aura ainsi la change de rencontrer Michèle, Thérèse, Christine, Maxou ou Rose, de passer une nuit dans le quartier de la Mourepiane, de l’Estaque cher à Cézanne ou encore dans la cité de la Visitation, de découvrir la Savonnerie traditionnelle du Midi, de rencontrer Dominique  l’origine d’un projet exceptionnel de jardins partagées dans la cité sensible des Aygalades, renouant ainsi les liens sociaux entre les habitants et développant l’entreprenariat et la citoyenneté dans les cités des quartiers Nord.

De nombreux projets exceptionnels sont ainsi suivis, appuyés et soutenus par la Coopérative qui offre ainsi un nouveau regard sur les quartiers Nord de Marseille aux voyageurs français mais aussi
aux Marseillais eux-mêmes découvrant ou redécouvrant un quartier attachant aux clichés bien trop attachés….

Ainsi, comme au Kirghizstan, les habitants des 15ème et 16ème ont retrouvé une manière de valoriser leurs exceptionnels patrimoines au service d’un développement économique locale des habitants ainsi que pour une ouverture positive de ces quartiers à l’oeil extérieur. Un magnifique projet citoyen, nominé en 2011 aux Trophées Voyages-sncf.com du Tourisme Responsable dans la catégorie Tourisme Urbain.

Par Guillaume Cromer, le 18 août 2011

Prosper Wanner : Le choix de la coopérative pour exercer le droit au patrimoine culturel.

La grande plasticité du statut coopératif lui permet depuis plus d’un siècle d’être une réponse innovante et concrète à des enjeux de société : consommation, artisanat, agriculture, pèche, secteur bancaire, production et dernièrement l’intérêt collectif. Ceci a été particulièrement vrai quand les législateurs croisaient le mouvement coopératif au Musée Social.

Cette plasticité repose sur la force de ses principes fondateurs, énoncés en Angleterre dans les années 1840 par un groupe de tisserands de Rochedale puis repris, complétés et il y a peu, actualisés par l’Alliance coopérative internationale.

Cette capacité d’innovation, l’ONU va la promouvoir en 2012 avec l’année « Les coopératives, des entreprises pour un monde meilleur« .

La question posée dans cet article est celle de la capacité de la coopérative à répondre au défit lancé par le Conseil de l’Europe aux États membres de reconnaitre le droit au patrimoine culturel.

Le droit au patrimoine culturel.

Le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté est reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Le Conseil de l’Europe l’a précisé pour le patrimoine culturel en proposant de reconnaitre à chaque personne, seule ou en commun, le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement. C’est à dire à titre d’exemple le droit de désigner de ce qui fait patrimoine pour soi, de prendre part aux choix de sa mise en valeur ou de donner son avis sur l’usage qui en est fait, seul ou en commun.

La définition du patrimoine prise en compte par le Conseil de l’Europe va au delà des patrimoines inscrits ou classés que nous connaissons en France. Elle inclut tous les aspects de notre environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux. Ce patrimoine n’est ni statique, ni immuable. Au contraire, notre action humaine le définit et redéfinit en permanence. Cette approche ne sépare pas le patrimoine de l’humain, elle les lie.

C’est une révolution copernicienne qui est proposée aux États que de penser non plus à l’objet à protéger − le patrimoine − mais ausujet bénéficiaire, à savoir toute personne seule ou en commun. Le Conseil de l’Europe est convaincu du besoin d’impliquer chacun dans le processus continu de définition et de gestion du patrimoine culturel.

Il s’agit d’initier un processus de démocratisation de la fabrique patrimoniale. Cette approche fait échos auprès de toutes celles et ceux qui voient leur environnement patrimonial transformé, exploité, confisqué ou abandonné.

Dix États ont accepté de progresser ensemble sur la reconnaissance de ce droit au patrimoine culturel. Dés cette année 2011, ils débuteront leurs travaux en partant des objectifs, des domaines d’action et des grandes directions de progrès tracés par le Conseil de l’Europe dans sa Convention cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société dite Convention de Faro.

Le choix de la coopérative Hôtel du Nord.

Marseille, future capitale européenne de la culture, des citoyens réunis au sein d’une coopérative, Hôtel du Nord, ont décidé de se donner les moyens d’appliquer les principes énoncés par cette Convention de Faro.

L’objet social de leur coopérative est de valoriser le patrimoine présent dans les 15ième et 16ième arrondissements de Marseille pour le conserver « en vie » et améliorer la vie de ceux qui y vivent et travaillent. Les habitants du 15ième et 16ième arrondissement de Marseille impliqués dans le patrimoine y sont statutairement majoritaires.

Pour poursuivre son objet social, la coopérative développe des activités d’édition, d’éducation populaire via une École des hôtes et promeut l’hospitalité : chambres d’hôtes, accompagnateurs, commerces, entreprises, séjours, créations artistiques. Son but est de développer de l’activité économique.

Cette coopérative s’appuie sur un réseau diffus d’habitants, de fonctionnaires, d’associations, d’artistes et de chefs d’entreprises qui depuis 15 ans fabriquent le patrimoine. La Mairie des 15ième et 16ième arrondissements (8ième secteur) et l’association Marseille-Provence 2013 sont à leurs côtés.

L’objet de cet article est d’expliquer les raisons qui ont poussé à choisir le statut coopératif pour créer de l’économie solidaire à partir de cette richesse patrimoniale.

Les principes coopératifs, historiquement vivants dans les quartiers concernés par un siècle et demi d’histoire ouvrière, ont servi de base à la réflexion pour savoir s’ils étaient adaptables aujourd’hui pour une application des principes de la Convention de Faro par les citoyens. Seule la pratique et l’invention de formes encore inconnues pourront nous le dire.

Un membre, une voix.

L’une des revendications des habitants est d’être associé à la gouvernance des patrimoines de leurs quartiers, en pleine période de reconversion industrielle. D’où leur attachement à ce que soit reconnu que toute personne, seule ou en commun, a le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement.

Ce droit trouve son expression dans les principes coopératifs l’adhésion volontaire et ouverte à tous ou le principe dit de la «porte ouverte » et le pouvoir démocratique exercé par les membres en vertu de la règle « un membre, une voix ». Ces principes permettent de poser le cadre d’une gouvernance démocratique d’un processus patrimonial : les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l’établissement des politiques et à la prise de décisions.

Un patrimoine commun.

Une seconde revendication est que les choix de valorisation économique de ces patrimoines s’inscrivent dans une économie solidaire.

Le principe coopératif de participation économique des membres fonde une solidarité entre les membres de la coopérative et avec les générations futures. Chaque sociétaire d’une coopérative est solidaire des autres et du patrimoine commun.

Tout au long de leur existence les coopératives constituent une réserve financière impartageable. C’est une propriété collective etinter générationnelle qui contribue à la pérennité de la coopérative. Si la coopérative est dissoute, la réserve est attribuée à une autre coopérative ou à des œuvres d’intérêt général. Ce principe a une certaine similitude avec la notion de bien inaliénable qui caractérise le patrimoine inscrit et classé.

Une économie solidaire.

La coopérative est une société qui, bien que no-profit, doit développer de l’activité économique pour assurer son autonomie et son existence. Ce qui oblige et engage à générer de l’économie sur les 15ième et 16ième arrondissements de Marseille qui en ont fortement besoin.

Dans une coopérative, le capital peut être rémunéré par un intérêt limité, comparable à celui d’un prêt. Elle est permise dans la mesure où elle ne fragile pas le bien commun. La coopérative permet de veiller à ce que les politiques économiques respectent l’intégrité du patrimoine culturel sans compromettre ses valeurs intrinsèques.

Une communauté patrimoniale.

Une des autres qualités de la coopérative est d’être une forme possible de communauté patrimoniale, c’est à dire de réunir unensemble de personnes qui attachent de la valeur à des aspects spécifiques du patrimoine culturel qu’elles souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures. La coopérative se positionne entre la sphère publique et celle privée. Elle peut conclure des accords avec d’autres organisations privées ou publiques si ces accords préservent le pouvoir démocratique des membres et maintiennent son indépendance.

Pour renforcer cette indépendance, les coopératives ont attaché dans leur histoire une grande importance à fournir à leurs sociétairesl’éducation, la formation et l’information requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative, même si cela est moins d’actualité aujourd’hui. Cette préoccupation rejoint celle du Conseil de l’Europe que de favoriser un environnement économique et social propice à la participation aux activités relatives au patrimoine culturel.

Un but commun.

Enfin, La Convention de Faro engage les États à ce que la conservation du patrimoine culturel et son utilisation durable ont comme but le développement humain et la qualité de la vie. En 1995 l’Alliance coopérative international a rappelé clairement l’engagement des coopératives envers la communauté et leur contribution au développement durable.

Vers une coopérative culturelle européenne.

Bien qu’il n’existe pas à ce jour juridiquement de coopérative patrimoniale comme il existe des statuts coopératifs spécifiques pour de nombreuses activités humaines, cette proximité a confirmé le choix du statut coopératif comme forme d’application possible des principes énoncés par la Convention de Faro.

Pour conclure et mettre en perspective ce processus, la coopérative Hôtel du Nord n’est pas un « modèle type » de coopérative patrimoniale car elle est d’abord l’expression d’une communauté avec ses particularités, ses fragilités et ses richesses.

A terme, la coopérative vise le statut de coopérative patrimoniale européenne qui donnera un statut européen au patrimoine constitué dans son contenu (ses réserves impartageables) et dans son identité.

Il s’agit de s’inscrire dans un processus historique : depuis quelques décennies ces deux créations européennes, le Bien Inaliénableconstitué par le patrimoine et la Réserve Impartageable constituée par les coopératives, font croître le bien commun dans l’intérêt des générations futures.

Prosper Wanner, gérant coopérative Hôtel du Nord.

Janvier 2011.

Texte de l’intervention à la Journée d’étude du jeudi 25 novembre 2010 « Évolution des contextes patrimoniaux et des représentations du patrimoine » organisée par l’Association Générale des Conservateurs des Collections Publiques de France, section PACA (AGCCPF)

Gillian Xeridat : THE HOtel du Nord IN THE ravinE de la Viste

Hôtel du Nord met en ligne sur proposition des éditions Communes la traduction en anglais par Gillian Xeridat du premier Récit d’hospitalité Le ravin de la Viste, écrit par Christine Breton et Hervé Paraponaris et publié en décembre 2010.

The ravine de la Viste

More of a chasm than a place: a noise issuing from the depths of a bottomless pit that has no shape, like the beating of a heart that has run amok. The mindless, unrelenting rhythm of the motorway never ceases its endless friction on the rocky skin from which only something strange can spring forth. All notions of subtlety, traditions and continuity disappear. The steep cliffs erode into shelters of silence and desire, sheltering the centuries, withholding the past of this place.

— But the bone remains —

The giant of the ravine

The scale is impossible. It’s a monster. Only a huge being could gain access to the enormous cavity that serves as its shelter. It is dug out of the cliff, a sheer drop in the fresh darkness of the deep gorge on the borderline between fantasy and reality. Who is this giant that guards the pass, leaning on the edge of the plateau of La Viste, his feet in the stream called the Aygalades? The Cyclops seems to be waiting for Ulysses. Who is this being who left so little in his tracks that nobody could even confirm that he existed until one of his teeth was found on the site in the 19th century.

— The giant’s bone —

An investigation that lasted 1 500 years

To understand the amazing discovery in the gorge we must turn back the clock and go off to Tunisia. In 424, bishop Augustin published a book called the City of God. In this book he related how a huge “tooth” was found at Utica near Tunis: the tooth was attributed to a “giant” in keeping with the story in the Bible. The same idea was recycled in Europe between the 5th and 17th centuries. Any huge tooth that was found was compared to the Utica findings and was considered as proof that there were giants living on earth before man. Augustin and the Bible wrote the stories. The proof fitted nicely with the stories. But in 1639 Thomas d’Arcos, the Provence born renegade from La Ciotat, found another of these « giant’s » teeth in the area of Utica. Thomas d’Arcos was a free spirit, a man of great curiosity, a cross between a curio collector and an antique dealer. He lived in Tunis as a free Muslim after having been a slave, captured in 1628 by the pirates. He had doubts and did not classify this giant tooth with quite as much certainty as the Bible. He sent his find to Peiresc, a learned man in Aix-en-Provence. Peiresc decided to send the tooth round to a network of his knowledgeable friends in Europe instead of putting it into a show-case of collector’s curios labelled « giant’s tooth ». As a result the experts analysed it and their opinion was that it was in fact an elephant’s tooth ….

This came as a thunderbolt, uncovering 1200 years of repeated western errors. But Peiresc kept quiet about his discovery because about the same time Galileo was thrown into prison in Rome by the Catholic Church because he had dared to demonstrate that the earth was round, revolving around the sun. The “giant” hypothesis therefore lasted another century; no point in going against the Bible and Saint-Augustin at the same time!

Just try and imagine the emotion experienced by the person beside the cave in this gorge at the beginning of the 19th century who found the huge fossilized tooth. … was this a molar tooth belonging to the supposed giant? A giant that was going to have to return to the book of imaginary beings written by Jorge Luis Borges. A François Rabelais style giant who could perhaps have been the fifth of Sir Thomas Browne’s « fabulous animals ». Just imagine the person who found the tooth holding it in his hand; at that very moment the time between fiction and science stood still.

— Fossilised knowledge —

The Aygalades – Florence Lypsky, architect

This time the wise men of Provence were sure that it was a fossilised elephant’s tooth. They therefore sought to identify it and imagined it to be an Elephas Meridionalis like the one discovered some years previously on the same site. By comparing it with the different sub-species published in 1859 by Lartet, they recognised an Elephas Antiquus described by the paleoanthropologist Hugh Falconer in 1847. This was an Elephas that lived in the tuffs in the cliffs. The body stopped rotting because of the carbon released by the lime in the freshwater that ran off the Etoile hills which engulfed it. All this happened at the beginning of the quaternary era, between the Pliocene and the Pleistocene. Elephas Antiquus lived in Europe between 1 million years (1 Ma) and 100 000 years before our era in a temperate climate. The Elephas Meridionalis preceded it and founded the mammoth family.

The fossilised tooth was found in the tuffs over 150 years ago when Gaston de Saporta was busy studying the flora and Félix Timon David collecting fossils that he found on the plateau de la Viste, where he lived. Which of the two discovered the tooth? It still in existence today because it was given to the geologist and palaeontologist Philippe Matheron in the form of a moulding and he put it into his private collection. He swapped items of his collection with his friend G. de Saporta in the tradition started up by Peiresc and the Provence network and they also went out walking together.

Walking and meeting huge animals

From the 9th to the 17th October 1864, the French Geological Society held a meeting in Marseilles. Don’t think that its members intended to stay indoors seated in a lecture hall! These ladies and gentlemen went out every day on field trips on foot towards Fuveau, Cassis, Martigues, along the twenty-four wells of the Nerthe tunnel, across the brambles and the tuffs of the ravine de La Viste or climbed the hillsides equipped with hats, sticks, shoes and hammers. During this extraordinary itinerant meeting – seven days ! – they walked with P. Matheron along the railway tunnel that the engineer Talabot had built sixteen years previously. Matheron had followed with interest the works to pierce the tunnel that ran under the La Nerthe hillside, from the foothills of the Estaque to those of Gignac, recording and dating all the geological strata. He also made daily drawings of all the fossils he saw during the four years the work lasted and drew up the longest known paleontological cross-section, covering 4638 meters. The members of the Society were able to inspect this 25-metre long document that has unfortunately disappeared since.

In his papers on the hills, Matheron mentions « the bone of an enormous saurian», the Rhabdodon priscus, and fossilised dinosaur eggs. He was thus the founding father of our modern “dinosaur-mania”! His impressive work on the Gignac foothills revealed with maestro the greatest scale of time ever recorded in Provence, ranging from the inferior Cretaceous to the Celts of the Oppidum de la Cloche just above. In the red clay of the foothills of the Estaque, he brought to light fossils such as the jaw-bone of the Rhinoceros Minutus. They continued until they reached the Roquefavour site … How I would have loved to walk with this great discoverer!

The Society also followed G. de Saporta’s discoveries and thus we find ourselves in the Ravine de La Viste, on the site where he found Elephas Antiquus. The annual newsletter edited by the Society gives us a written account of his walks. The second series, spanning the years 1844 to 1872, offers us the following report in volume 21, page 495:

– Session of 15th October 1864. Mr. de Saporta gave at talk on some observations he made on the quaternary travertine area that crowns the heights of la Viste. “The (fossilised) vegetation, that is not lot older than ours, sheltered the great pachyderms of the quaternary era and was perhaps even offered asylum to the primitive human beings whose traces were found in the diluvium on the edges of the Somme.

This therefore confirms the hypotheses that these tuffs are related to the first establishment of human beings and their tools, defended today by the prehistorian Eugène Bonifay. It also situates the presence of Man much farther back in time and a little later the text confirms yet another assumption.

– In the cave-riddled tuffs in the Aygalades area, amongst a rich mixture of dicotyledonous leaves, not far from the place where the Society had stopped searching, several teeth of Elephas Antiquus were found lying beside each other – probably the remains of the burial of a complete animal -. The presence of Mr. de Saporta on this site just after the discovery enabled him to check the excavation and obtain, although with some difficulty, one of the teeth, which was moulded and examined by Messrs. Lartet and Falconer, who both recognised l’Elephas Antiquus without any hesitation.

So this means that G. de Saporta was the person who made the moulding and one can well imagine him giving it to P. Matheron, who made it the masterpiece of his collection. But why was the mysterious owner so reluctant? For those who are familiar with the bottom of the ravine, it is obvious that the Society stopped searching at the waterfall close to where the cemetery is today. In that area the tuffs are riddled with caves. At that period two owners shared the site – Mr. de Castellane and Mr. de Forbin Janson, both of whom collected curiosities.

The little piece of Elephas Antiquus that was moulded and displayed to the public – thereby founding the reputation of the site – is probably now in the reserves of the Museum. Thanks to the kind cooperation of Anne Medard-Blondel, who is the director of the museum today, the reserves were searched to find the mould to take a photograph.

— The plaster mould of the bone —

An elephant meets with a motorway

In 1940, when the northern motorway out of Marseilles was built, the earth-moving machines cut into the cliffs when they crossed the ravine. E. Bonifay, accompanied by the prehistorians Max Escalon and Henry de Lumley went out to collect samples in an area that was dug out on the side where the «Gendarmerie » is today. All the paleontological and archaeological material they found is today inaccessible. It is perhaps in the drawers at the MMSH (Mediterranean Museum of Human Sciences) in Aix-en-Provence. I went off to search for it, rather as if I were a sort of archaeologist digging into the depths of our knowledgeable societies. If nothing comes of our enquiries, the mould of the molar tooth of Elephas Antiquus will teach us nothing, because the environment in which it was found has disappeared and a plaster moulding cannot be chemically analysed. To sum it all up in a nutshell, that wonderful find will have become sterile in terms of down-to-earth data; just another nice object in a curio collection. What a terrible loss in terms of scientific knowledge!

At this point in the enquiry nothing has really been proven « for posterity », although Elephas Antiquus does exist in out erudite tradition. There are reams of papers on library shelves, confirming or contradicting the existence of the elephant. A sort of strange fatality seems to interfere with the transmission of prehistoric knowledge in situ in Marseilles. All the material from the digs carried out in the cave in the ravine seems to have disappeared, as it has for those in Riaux near the Estaque. The Cosquer cave was closed after a dreadful accident in the corridor leading to it. This just goes to show how inaccessible knowledge can become … I can only see two ways of explaining this unfortunate situation.

• The first hypothesis is that Elephas was invented. It may be a popular tradition perpetrating the erudite tradition that started in Tunis 1500 years ago – the tradition of the « giants » related in all the tourist guide books and scientific works devoted to the ravine. In that case the fossilized tooth will become part of a poetic tradition involving fabulous animals and our mistaken imagination, which is also in a way a vector of the past.

• The second is that tuffs preserve the microcomponents of the water table which may have been the vector that brought the tooth that was caught up in a concretion from elsewhere before it became fossilized there.

— Mistaken traditions —

What do the geologists say?

I asked Nadine Gomez, a geologist, who is also a connoisseur in modern art and the curator of the Digne museum, what she thought about the tuffs since she lived near the site as a child. Dialogue:

cb. – Your family is from Saint-Louis. Are you familiar with the tuffs? Did this site participate in your vocation to become a geologist?

ng. – My parents lived in Saint-Louis when I was born, but I only stayed there for a few months. My interest in geology comes from the walks I did in the region of Digne where I spent all my holidays with my Grandmother and my sister at the beginning of the sixties. I came to study the tuffs in the Marseilles basin when I did my DEA (diploma of advanced studies). They cover a geographical area of over 10 km2 between Aubagne and Cap Janet, and are part of a major geological feature, La Viste. They are made up of travertine, that is to say sedimentary rocks that were deposited by soft water. I’ve always loved the toponymic connection between Aygalades (Aigues means water in Occitan) and the fact that the whole of this region was geologically built up by river sedimentation.

cb. – How did you study them ?

ng. – We had to take samples at the foot of the high-rise blocks of the social housing development at La Viste, to research for flora in the sediment. Thanks to the fossilized remains of plants in the tuffs we have a fairly clear idea of what the vegetation in the ravine was in the quaternary era, with pubescent oaks, maples, limes, firs, willows and also plants that are more suited to a hot climate such as ficus, laurels and even palm trees (Chamœrops humilis); the latter are species that are more compatible with the discovery of an elephant tooth near the Chateau de La Viste

cb. – Do you think that the animal really existed? Or is it one of the Giant myths, like the one studied by Peiresc?

To find out, she advised me to go to the Geology section of the palaeontology museum at the university and read G. de Saporta on the quaternary tuffs of the Aygalades and la Viste (Bull. Soc. geol. Fr., 2nd series, T. 21, pages 495-499, l864). Thanks to the geologists Elephas Antiquus reappears in its environment of flora and fauna and human represented by a few chips of prehistoric tools, dating back to the confines of prehistory, in the geological findings in the different layers of palaeontology explored. On the wall of the museum, that I was not familiar with, there was the skull of an elephant that made me think of the Cyclops and in drawer n° 853, Loïc Villier, the head of the museum, showed me some of the exhibits from a private collection of fossils that belonged to Timon-David. They came from the ravine and the La Viste plateau. In the quaternary tuffs of the Romani countryside in the Pleistocene era fossilized plants appeared in the stony gangue: oak, alder, nut and willow leaves and fossilized snails. All this formed the organic environment of Elephas Antiquus. We were now on the comforting pathway to understanding our biological heritage: something that lived on earth 100 000 before us…

— At last some objects in their environment! —

Did any humans live with the elephant of the Aygalades ?

Let us explore another pathway. What do the standard scientific tools tell us? The archaeological map of Gaulle contributes another, more optimistic note in its volume on Marseilles: The prehistoric sites in the region of Marseilles were thoroughly searched with great enthusiasm at an early stage. » But, what about this molar that was found precisely there? Neither M. Escalon, nor E. Bonifay, or the prehistorian Jean Courtin, who quoted it in the extract from the archaeological map mentioning the tooth and the elephant ever said exactly where it was found, nor where it is now. To read the writings of these modern scientists all you need to do is to consult the on-line catalogue of the libraries of Marseilles or enter their names into the data base. But their articles do not yield anything further, we need to meet the scientists or take a look in the drawers that contain their curios.

The authors of the map recognise that « nothing much has been added to the data and no critical work was carried out on Marseilles during the Palaeolithic and Mesolithic eras. […] The documentation from the older digs, unfortunately not carried out as strictly as would have been desirable, is now unfortunately scattered, inaccessible and in some cases lost. The studies are mainly focused on the materials found and only superficially touch on the actual purpose of the digs » I thereby understand that this lost data reflects the state of our knowledge. Keep that in mind, because on site this assumption can be checked out for each stratum and forms a sort of continuum.

If human tools were found, as E. Bonifay states, then we would have and exceptional site for the foundation of a human settlement. In addition to the tuffs of La Viste that geologists from all over the world come and visit, the ravine shelters another wonder: « remains from the inferior Palaeolithic era, which are exceptional in France ….. a few chips were reported by E. Bonifay in 1972 in the travertine (tuffs) in the area of the Aygalades », says the geological map. It is time to wonder why these left-overs from the remains collected in 1940 suddenly turn up thirty years later …. Back to square one of our hunt for the impossible, because the habitat of Elephas Antiquus remains invisible, even on the archaeological map, which quotes references that disappear into thin air immediately afterwards. These few words in passing referring to tools made by human hand would be wonderful if it were possible to check the reference, because this would prove that Man lived at the same time as Elephas Antiquus. Only E. Bonifay, could move our knowledge forwards, if he found the materials or proceeded with the digs requested for the past three years by the local people.

— The bone of the city —

Other discoveries made in La Viste

Last week two original cards were found; they were written by Matheron in his own handwriting. They describe: « Elephas antiquus Falconer, 2.a » in the upper right corner; « is not in Gervais » on the left; « tuffs in Saint-Louis » on the right; « tuffs in La Viste » on the left. In the centre: the reference of his drawing in the Geological Society’s review dated 1859. On the other card: « Elephas meridionalis Nesti, 1.a, Gervais 69, Pliocene, La Viste, old alluvion » in the upper left hand corner, taken from his own article. Once again, more paper but nothing on the object itself! However, we are moving forward because it says that the tuff in La Viste is from Saint-Louis. We are therefore with certainty talking about the valley side and not the opposite slope where the clay quarry is. On the other slope the Elephas named Meridionalis, a far older species, is dated as being from the Pliocene era. I went back to the municipal library to consult the catalogue of Matheron’s palaeontology collection for the Pliocene listed in 1898. The first piece quoted in the chapter on remarkable finds is our Elephas Antiquus. At last, we have the card version of the object: « Elephas Antiquus, Falconer and Cautley 1847, Pleistocene tuffs from the Aygalades, plaster mould of a molar tooth. » In the inventory on the following line there is another description: « Elephas Meridionalis, Nesti, Pliocene, plaster mould of a molar tooth, tuffs from the château de La Viste. » With two time-points I can make history… These two finds, made over 150 years ago, have over time maintained the confusion between two elephants although the time that separated them can be counted in millions of years!

The oldest is the one found near the château de La Viste. Alas, according to Bonifay, the château in question was not the one located just above the cave, but one that was farther on in the clay quarry between Saint-Louis and Saint-André. It was the former château des Tours, belonging to Foresta and it disappeared as the quarry was excavated in the nineteen-fifties of our era. The molar tooth fossil can thus be dated back to the Pliocene as the rhinoceros jaw found on the same spot was; that is to say 5 to 2 million years previously as the palaeontologists say. This would be the last part of the Tertiary era, say the geologists, or the very beginning of the inferior Palaeolithic, say the prehistorians. We haven’t even got to a historical era yet and already three different time scales are fighting for the continuity of the site! The very same moment in time with three different names, enough to make you lose all sense of simplicity and continuity! And if Bonifay was mistaken about the chateau? The lack of accuracy in everything connected to these finds means that at this point in the investigation we cannot reject the assumption that Elephas Meridionalis may have been alive at the same time as the younger of the two species: Elephas Antiquus, which would thus link its habitat to the Pleistocene era, somewhere between 600 000 and 100 000 before ours, that is to say in the quaternary and inferior Palaeolithic eras. Thus it may well have lived alongside human beings with their tools, the chips of limestone found before the Second World War and…. don’t forget ….. we are still searching ….

— Tools made of stone and bone —

Categories of knowledge and disappearance of knowledge

On the borderline between the three categories of knowledge we have just reviewed stands the ravine. We know that the waters are no longer just those that flow from the existing springs and streams but include those that formed the rocks before Man appeared. Did the human beings who invented and used the word « Aygalades » to say who they were and where they were from know that these rocks were made from fossilised water that had deposited sediment over a period of time? When they are formed, rocks write there own history and a geologist knows exactly how to read it with a microscope. It is also water that has hewn out the landscape here and continues to shape it. The Giant’s cave and its environment close by illustrate a temperate period before the following glaciation. Thus, when Joseph Repelin, the geologist gave a lecture to the Geographic Society of Marseilles in 1902 on a woolly mammoth’s tooth he discovered – an Elephas Primigenius – younger than our animal, he used the following landmark to portray the era before the mammoths: “the temperature was warm in Provence during the quaternary era, which was the time of Elephas Antiquus when the tuffs were deposited in the Aygalades.»

The backdrop of this landscape was born symbolically too during this period. In the bottom of the ravine runs a stream, a miniature soft-water memory. The vertical walls of the gorge were fashioned out of the limestone layers by a more powerful river. It slowly eroded the harder limestone layers, and then when it came into contact with the softer tuffs it hollowed out all the caves and shelters we can still see today in the cliffs. Some have disappeared under the rubble from the motorway or the factories built in the valley. Above, the La Viste plateau is also full of subterranean cavities hollowed out in the tuffs. This is a little piece of landscape that witnesses to the passing of time ….

A hypothesis is starting to take shape and the fossil sites will once again be brought back into the continuum by the religious function of the people who live there…

— the bone of religion…

Christine Breton, historian and heritage curator

Text by Hervé Paraponaris: « Josette Leukaemia »

I am the son of Yvette and Max. Like a lot of other immigrant children my first name is very French. This is something I have in common with both my brothers, Claude and Alain. I have never heard any other language than French spoken at home. My roots are far away, despite the fact that I grew up with my maternal grandparents Marie and Céléstin. Marie was Sardinian, from Sassari and Célestin was Italian, although actually he was from Naples. They arrived in France at the beginning of the 20th century, separately; both were children of communists fleeing from Italy.

Marie arrived with her family, ten people in all, father, mother, brothers and sisters. As a child she had very little education, so she learnt French looking after her bothers and sisters. She was very good at mental arithmetic. They were all lodged together at Les Aygalades, in the chateau. They were « domestic staff», which was neither a job nor even a status, it was just a means of survival – doing all the household tasks and cleaning to be sure that they had a place to live in the meantime. It was only a lot later, once she was no longer a teenager that Marie was able to think about her emancipation.

She met Celestin, a handsome young plumber and roofer from Naples who had emigrated from Italy like her. When they were married they moved into a home in Gasparini, in the Accates, just to the north of the village of Aygalades. Before the birth of their two daughters Celestin started up his own business 11 de la rue René d’Anjou. At that address he had his workshop and a little place to live in. My grandfather was an incredible character, working 24 hours a day. My grandmother helped him. She was small and could easily slip into the wells and septic tanks to empty out the sludge. They saved up some money to buy a house and set up a real home of their own at last. They finally did so in 1930, first at 45 rue René d’Anjou where they bought a tiny two-room flat, then little by little, room after room, over the years they bought the whole of that magnificent two-floor house in the village complete with a courtyard and a little terrace. My mother and her sister were born there.

My mother met my father, Max at a ball, the “hermitage ball”, which was the Mecca of dancing at the time – the famous ball of the Aygalades. My father and his family lived at Les Crottes, not far away, before they moved to the Aygalades. Another form of immigration, another port of call. They were married at number 45. They lived at number 45, sharing the house with my grandparents, they had their three boys their, sharing some wonderful happy moments and also some dreadful misfortunes.

Rue René d’Anjou was seething with people when my father died. All the people from the shipyard came along and queued up to embrace my mother and assure her that they would never forget him, telling her how much he had counted for them. I was eight and I didn’t want any of that. My mother broke into sobs at each accolade and I pushed them away with my little arms to stop the torture as quickly as possible.

This is how I have come to understand the fact that my mother has Alzheimer’s. How can one possibly have memories from the past after so many “thermonuclear” shock-waves? How can you remember things when they have so many nightmares attached?

I don’t know of any memory, even a very selective one that could shield itself from so much sadness and lost happiness. She had to face the worst thing that could happen to her at the age of forty; she lost her sun and guiding light. She faced the future without flinching, wearing widow’s weeds with resignation. She raised her three boys who became educated adults and like her mother had done in her time, she fought to keep the house, her heritage. It was a place of many wonderful moments and also of dramatic events. She never left it until she died. She stuck to it like a fruit on a tree, never taking heed of the birds of prey who would probably have liked their little taste of honey. It was rather as if she was married again, for life.

Yesterday she looked tired. She didn’t feel well. She felt dizzy and sick. Until recently she was just “losing her wits” as they say. Now I really feel that she is losing her legendary strength and this may herald the beginning of the end.

She is the only parent I have left. I shall be an orphan once she is gone. The difficult task of looking after the house will be mine. Once I thought I would turn it into a hotel or more exactly into a community centre to shelter widows like my mother. Women, spouses of the industry of Marseilles – those who suffer in silence, their ears tuned in to RMC awaiting the next news bulletin announcing the explosion of a tanker flying a flag of convenience. Learning that your husband is dead via a radio broadcast, or almost, is something that could make you hate the world at large. But that didn’t happen. As the daughter of immigrants she thought with a certain amount of fatality that she was here as a guest. It seemed so obvious.

This morning I found her sitting in front of a portrait of her sister Josette, who was not quite twenty when she died of leukaemia. When I turned around I saw a second identical photo of Josette. I was troubled by this and asked her why she had brought out two photos and her answer was that she found her expression sad on the first but much happier on the second.

What could I say? I asked her if I could take one away to draw it, which I did, to deal with these discrepancies in perception that she now has more and more frequently.

Hervé Paraponaris, artist

Texts

  • hospitalitY STORIES n°1
  • Editions Commune
  • N° ISBN 978-2-9534899-2-7
  • Christine Breton, historian and heritage curator/Hervé Paraponaris, artist
  • Traduction : Gillian Xeridat
  • Number of copies printed: 500 copies
  • Printed in December 2010 with the support of CCI – 9 avenue Paul Héroult, on their printing press ZI La Delorme, F-13015 Marseille
  • Legal registration December 2010

The Hotel du Nord is in an area that has remained « nameless », as if it were a blank spot on the map, belonging to a town that has no founding history, with no gate to enter and no centre to stop and wander round – only a hospital. It is the hotel of a town that counts 100 000 inhabitants, in the middle of a wasteland, tacked on to Marseilles, the port-city that supported the industrial fabric of a former colonial republic called France – part of the post-war reconstruction and the “trente glorieuses”. It is a city with a slant, made up of a series of lively, working class neighbourhoods located in the northern part of Marseilles and it surrounding villages. In all these villages, over the ages the inhabitants have developed their own special way of working and living together, their own way of remembering history and telling stories from the past as a form of verbal hospitality; the Hotel du Nord is an expression of this. As a scattered network of guest houses, it tells the story of those who drop in to stay and their hosts. The name also includes a publishing programme and this book is one of its chapters. Each of the books left in the rooms, seeks to tell its reader more about the hospitality offered by the place the guest found it in. If living somewhere is telling a story, the foundation stories are as many tools that enable us to understand our life in society; nothing that you create can possibly last if you do not go back to the history of the community it belongs to.

KEY

page 6

Drawing of objects from his collection, that have now disappeared, ordered by Nicolas Fabri de Peiresc. In Gaston Godard, The fossil proboscideans of Utica (Tunisia), a key to the ‘giant’ controversy, from Saint Augustine (424) to Peiresc (1632), Geological Society, London, 2009, v. 310, pages 67-76.

* Letter of 25 April 1630, Osman d’Arcos to Aycard de Toulon on the discovery and letter of 15 March 1631, Arcos to Peiresc, dispatch and acknowledgement of receipt, in Les correspondants de Peiresc, T. 15, P. Tamizey de Larroque, Algiers, Jourdan, 1889. And on Osman d’Arcos, censure and Inquisition at the beginning of the17e century Janet Tolbert, Ambiguity of the conversion, Journal of Early Modern History, 2009, v. 13, n°1, pages 1-24.

page 10

Previous page and above, Marseilles Museum of Natural History, Palais Longchamp.

Page 11

M. Lartet, Sur la dentition des proboscidiens fossiles, Bulletin of the French Geological Society, Paris, 1859, T. 16, 2nd series, pages 500-501, plate 15, figure 10 : Elephas Meridionalis and figure 11 : Elephas Antiquus © Shared documentation department of the University of Provence.

Page 14

P. Matheron (1807-1899) belonged to the network of scientists that Napolean IIIrd encouraged in Marseilles at the beginning of the colonial period. The collection is mainly made up of items from Provence including 40 000 samples and over 2 000 new species registered; since it was purchased in 1902 it has been part of the inventory of the Museum of Natural History of Marseilles.

Page 18

At the Museum of Palaeontology, Faculty of Science, Marseilles.

Page 42

Marseille Lacustre. At the Museum of Paleontology, Faculty of Science, Marseilles.

Page 46

G. de Saporta and P. Matheron published a large format book together in 1861 in Zurich: Notes on the tertiary areas of the south-east of France, containing a stratigraphic description covering the oldest to the most modern times enabling us to date the discovery at the Aygalades as 1860 : « Above the clays of the Marseilles basin we found an uninterrupted succession of lacustrian deposits withholding successively Equus Antiquus, Elephas Meridionalis and higher still, in the tuffs at La Viste, another elephant, Elephas Antiquus. »

Wildproject publie un extrait du premier Récit d’hospitalité d’Hôtel du Nord

Wildproject, la revue en ligne de l’écologie culturelle publie en février 2011 l’article « Philippe Matheron et le tunnel de la Nerthe sont les fondateurs de la dinosauro-mania.
Ce texte est extrait de « Au Ravin de la Viste », premier titre de la collection « Récits d’hospitalité de l’Hôtel du Nord » des auteurs Christine Breton et Hervé Paraponaris, publié aux éditions Commune en janvier 2011.
« Penser avec les pieds » numéro 9 Février 2011.

Il y a mille façon de marcher. Mais qu’elle soit pèlerine, conquérante, fuyarde, nomade c’est une marche cyclique et saisonnière, la marche dessine un territoire, et constitue un puissant moyen de voyager, par-delà son rythme apparemment modeste. Entre loisir, art, philosophie et spiritualité, et à l’occasion de la création du GR2013 à Marseille, premier sentier métropolitain de randonnée pédestre, quelques pistes entre ville et nature.