Après le « hors tourisme », puis le « tourisme de l’écart », Hôtel du Nord se pense pleinement aujourd’hui en hospitalités, « au-delà du tourisme ».
Le Nord de nouveau visible
Depuis que la Ville de Marseille a récupéré la compétence tourisme en janvier 2023, le nord semble avoir réapparu dans l’imaginaire touristique de Marseille, 120 ans après la dernière carte touristique le prenant en compte en 1902 dans le Guide Joanne du Syndicat d’initiative de Provence.
Des passagers viennent dans nos chambres via l’office du tourisme de Marseille. Ses agents d’accueil nous ont demandé des plaquettes et, lors de notre dernière visite test mi 2024, ils ont recommandé de contacter la coopérative Hôtel du Nord pour découvrir Marseille par son Nord!
A cela s’ajoute en juillet la publication de sa nouvelle carte touristique de Marseille dans le bon sens et avec toute la ville. L’élu au tourisme a même proposé que la prochaine version soit co-construite.
On en profite pour partager plusieurs de nos cartes dans cet article et donner de l’élan à cette nouvelle coopération. A voir quand les balades, les ouvrages et les produits d’Hôtel du Nord auront à leur tour une place?
Enfin, le service tourisme de la ville de Marseille a accordé pour la première fois une subvention à Hôtel du Nord à hauteur de 5.000 euros, sans oublier les invitations à intervenir dans des conférences et auprès du groupe tourisme de la Convention citoyenne du futur. Cela fait beaucoup de premières fois.
Doucement, mais surement le nord se fait une place dans l’imaginaire :
29 ans après la création de la mission européenne de patrimoine intégré suite au Manifeste de Christine Breton , Conservatrice du patrimoine, qui tire alors l’alarme dans les quartiers nord sur la rapidité avec laquelle les projets de reconversion urbaine détruisent un patrimoine présent non considéré par l’action publique (lien).
19 ans après les premières balades patrimoniales au Nord de Marseille à l’occasion des journées européennes du patrimoine ;
18 ans après l’adoption d’un rapport sur « patrimoine et économie » par le Conseil Départemental de Concertation des Bouches-du-Rhône qui propose de dépasser l’opposition entre bien commun (inaliénable) et usage privé (profitable) dans l’intérêt commun (lien).
16 après la création de la création d’une Commission patrimoine par la Mairie du le 15 et 16me arrondissement de Marseille qui décidera de la création d’Hôtel du Nord ;
15 après l’hospitalité offerte au 40xVenezia et au Conseil de l’Europe à l’occasion des journées européennes du patrimoine et de l’adhésion de la Mairie du 15/16 aux principes de Faro ;
14 ans après le premier séjour pilote « eau et jardin » commercialisé avec succès pour tester l’hospitalité au Nord de Marseille avec 5 chambres pilotes et 17 personnes accueilles ;
13 ans après la promesse d’ouvrir 50 chambres chez l’habitant et 50 itinéraires pour « découvrir Marseille par son nord » à l’occasion de Marseille Capitale européenne de la culture.
11 ans après l’accueil de 10.000 personnes au nord de Marseille en balade, chez l’habitant et en séjour et la promesse tenue avec plus de cinquante chambres et balades patrimoniales proposées par les habitants.
10 ans après la création du Réseau européen de Faro et l’autorisation par l’État de vendre directement nos propres séjours ;
9 ans après la création de la coopérative Les oiseaux de passage pour mener des travaux de recherche et développement afin de penser l’hospitalité de toutes les personnes de passage (lien).
Une année après l’appel à des Assises marseillaises de l’hospitalité pour que Marseille soit la première ville à changer le paradigme de l’accueil en termes de justice sociale et climatique (lien).
L’occasion pour notre coopérative de faire un point sur qui elle accueille.
Accueilli chez
Les hôtes de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord ont fait un bilan des personnes qu’iels ont accueillies sur le premier semestre 2024 et qui reflète la diversité des motifs de passage ainsi que des personnes accueilles et accueillantes.
La coopérative Hôtel du Nord compte différents types d’hébergements : 16 chambres d’hôte, 4 gîtes urbains, 1 auberge de jeunesse, 1 halte pèlerin et 1 voilier (qui conteste l’interdiction qui lui est faite par la Métropole d’exercer l’accueil associatif) pour une capacité totale de 80 places.
Trois nouveaux hébergements sont en cours d’ouverture. Depuis 2011, 26 hôtes ne sont plus référencés par la coopérative suite à un déménagement, l’arrêt de l’activité, …. Au total, une cinquantaine de lieux d’hébergement chez l’habitant ont été accompagnés et proposés depuis 2010.
Au fur et à mesure que s’ouvraient les chambres chez l’habitant, une pluralité de personnes sont venues toquer à leur portes à l’image de la diversité des personnes qui habitent, travaillent et séjournent dans ces quartiers : entreprises, habitat social, noyaux villageois, milieu associatif, ….
La coopérative a réalisé un questionnaire pour savoir qui venait, sur quelle durée et avec quelles retombées pour les hôtes et le territoire. Il est ressortie huit grands motifs de passage avec :
Le « tourisme » qui rassemble les personnes qui viennent pour un départ en croisière, un festival ou un match, en vacances, en randonnées sur le GR 2013 et pour un congrès.
L’« hôpital » qui regroupe les personnes qui se rendent à l’Hôpital Nord pour un examen, accompagner un proche, en formation ou comme commerciaux.
Le « travail » comprenant les personnes qui viennent dans les nombreuses entreprises, administrations et associations des quartiers nord de Marseille pour un contrat court, de manière régulière, en stage, en résidence ou sur un chantier.
Les « voisins » qui invitent des personnes à leur rendre visite et qui sont en recherche d’hébergement pour les accueillir à l’occasion d’une fête de famille, d’une cousinade ou d’un évènement.
Les « études » que ce soit à l’université, en apprentissage ou à l’occasion d’un stage sur place.
Le « pèlerinage » le long du chemin de Marie-Madeleine des Saintes-Maries-de-la-Mer jusqu’à la Sainte-Baume et qui règlent leur nuitée souvent avec le donativo.
Le « transit » des personnes venues s’installer sur Marseille et dans l’attente d’un logement.
Le « non-marchand » avec l’accueil gratuit chez-soi de proches, par solidarité avec des personnes (réfugiés, mises à l’abri, transit) et dans le cadre de réseaux d’échange : échange de maisons, warmshower pour les cyclistes.
Savoir qui vient, combien de temps et pourquoi?
Si on regarde en termes d’attractivité, sur un peu plus de 300 séjours réalisés entre janvier et juin 2024, la moitié des séjours ont un motif touristique et les deux tiers des passagers sont des touristes.
Cela change quand on regarde en termes de retombées économiques pour les hébergeurs, c’est-à-dire en nombre de nuitées, alors les nuitées pour le travail, le transit et les études représentent quasi la moitié des nuitées.
Le fait qu’au final seulement un quart des nuitées est touristique s’explique par la courte durée des séjours touristiques marchands à Marseille qui est en moyenne en dessous de deux nuitées depuis des années.
Enfin, si l’on regarde en termes de fréquentation de Marseille, les accueils à titre non-marchands représentent presque la moitié des personnes présentes à Marseille via Hôtel du Nord. Cela s’explique par la longue durée des séjours gratuits.
En France, les chercheurs Saskia Cousin et Sébastien Jacquot ont rappelé que plus de la moitié des français et françaises voyageaient dans le non marchand (lien). Plusieurs études commencent à évaluer l’impact sur l’économie locale de l’hébergement non-marchand qui se révèle souvent aussi important que le marchand avec des séjours plus nombreux et plus longs.
C’est tout l’enjeu des assises de Marseille hospitalités que de favoriser à la fois un accueil digne et soutenable de toutes personnes de passage à Marseille et d’accompagner la transition du secteur de l’hospitalité dans le respect des Accords de Paris.
Découvert avec
Les membres de la coopérative Hôtel du Nord continuent à proposer l’hospitalité dans les lieux, les récits et avec les personnes pour découvrir Marseille par son Nord. Iels partagent les résultats de leur travail d’enquête collective au Mille-pattes à travers des balades patrimoniales ouvertes notamment lors des journées européennes du patrimoine. Et iels se saisissent des demandes de balades et séjours qui lui sont faite pour coconstruire des propositions d’hospitalité que ce soit sous forme de balades en demi journée ou lors de séjours apprenants.
En 2023, les hôtes ont accompagné la découverte de Marseille par son nord à la demande de collèges, d‘universités (Université Aix-Marseille, Université Berlin, Université Louvain, Centre Norbert Elias, Université Sierre, CNRS), d’institutions culturelles (Ensemble Télémaque, Bureau des guides GR2013), de l’Agence Régionale de Santé pour accompagner à la réinstallation de personnel soignant.
Par exemple, en avril 2024, Hôtel du Nord et l’Agence Régional de Santé renouvelaient leur coopération pour inviter les futurs médecins en fin de formation à réfléchir en marchant aux diverses manières de penser le soin et de développer des projets de santé dans ces territoires qui en ont fort besoin.
Après le Bassin de Séon en 2023, c’est du côté de Notre-Dame Limite , que la balade jalonnée de temps d’ateliers a embarqué une trentaine de personnes à la rencontre des histoires des lieux, de ceux et celles qui y vivent et des diverses initiatives qui souvent sous les radars maillent et se relient malgré tout.
Alice Durot, jeune et talentueuse dessinatrice marcheuse nous en livre une carte sensible à partager….
La coopérative Hôtel du Nord et le Mille-pattes ont partagé, à l’occasion des journées européennes du patrimoine, les résultats d’une année d’enquête à Saint Louis-Consolat sur l’hospitalité.
Les résultats ont été partagés sous forme d’une balade patrimoniale « L’ultime demeure » et d’un livret de 80 pages revenant sur les récits, les cadres législatifs et les archives collectées.
Cette enquête à été menée à partir du mouvement marseillais des squatteurs de l’après guerre, qui donnera naissance à la première loi française sur le sujet, en passant par les Castors et les copropriétés dégradées, l’habitat social d’hier et d’aujourd’hui, jusqu’au projet d’implantation d’un “village d’insertion” pour les populations roms.
Télécharger la première partie et la seconde partie du livret.
Économie
La coopérative a eu comme ressources en 2023 hors bénévolat 70.000 euros financés :
- pour un cinquième par la contribution économique des hôtes : réversion sur la vente de nuitées, ventes de produits, balades et séjours,
- pour un quart par des subventions de fonctionnement :Service Patrimoine de la Ville, Département,
- et pour moitié par la coproduction d’actions patrimoniales avec la DRAC, l’Epage Huca, l’Université de Huelva et l’association Noailles Debout!.
Pour réaliser son action, la coopérative a dépensé en 2023 plus de 78.000 euros dont les deux tiers ont servi à financer le travail de ses membres (nuitées, missions, éditions, …) et un tiers les frais généraux (expert comptable, déplacement, site internet, …).
En 2023, la coopérative a eu une perte exceptionnelle sur une subvention FNADT de 2021 (2.700 euros) et un report d’une action sur 2024. Au final, l’exercice 2023 s’est terminée sur une perte de 8.000 euros.
La coopérative avait avant cette perte 48.000 euros de fonds propres composés pour un tiers de l’apport financier de ses 82 sociétaires et pour deux tiers de ses réserves financières accumulées au cours des 14 premiers exercices. Un tiers de ces fonds est immobilisée au capital de la SCIC Les oiseaux de passage dont elle est cofondatrice.