DESSOUS-DESSUS Habiter le sol de Saint Louis-Consolat Récit # 3

Des camps, des squats et d’autres connexions possibles…

Quand on s’est donné rendez-vous au bar du Terminus au bord du Chemin de la Madrague Ville à la Calade, c’était d’une certaine manière pour remercier ce bar de quartier de l’accueil fait à Sam et Julie lors de leur petite dérive à 2, il y a quelques semaines. Mais c’était aussi pour poursuivre cette relation ténue qui rend vivant un voisinage : être à la fois à l’écoute et en recherche des lieux où un échange peut émerger, où tu te sens en “hospitalité”, en possibilité d’être mutuellement “hôtes” (le bar est l’hôte qui accueille, nous sommes les hôtes accueillis). C’est comme une sorte de recherche inconsciente d’empathie, de vibration, d’énergie.

Il faisait beau, la mini terrasse a semblé changer de taille, devenant plus vaste à chaque nouvelle arrivée! Dans cette situation à la fois si simple et un peu étonnante pour tout le monde, on a donc pris le temps, beaucoup causé, un peu marché, et les sujets abordés furent riches et abondants.

On avait aussi amené quelques livres avec nous, surtout deux : l’un qui traverse la question de l’accueil en France des populations Rroms, entre “aires d’accueil”, “squats”, “bidonvilles”, “camps”, et l’autre de récits d’habitants réunis par Nora Mekmouche autour du chemin de la Madrague-ville, ce vieux chemin qui du lycée nord descend en serpentant la pente jusqu’à Arenc. On se dit que de temps en temps on pourra s’en lire des fragments…

Extrait témoignage de Louis qui a grandi puis travaillé aux Abattoirs, Sur le chemin de la Madrague Ville, Nora Mekmouche

Agnès, la vache à Vetter et le camp des taureaux…

« Il y avait une passerelle, où toutes les bêtes passaient pour aller aux abattoirs. Mais oui, les abattoirs, c’est un camp des taureaux !”

C’est Agnès qui nous raconte une première histoire à tiroirs… Agnès a donc grandi dans l’une des grandes campagnes du quartier squattées à la fin de la guerre. Tout en vivant de manière très communautaire avec les enfants des familles nombreuses qui partageaient cette aventure, il y a bien des moments où l’horaire était fermement donné pour rentrer dans la pièce qui servait d’appartement. Agnès nous raconte alors que l’excuse donnée par son frère à ses retards était… une vache… La vache à Vetter, la vache qu’il fallait traire pour donner un coup de main au fermier voisin, au copain qui tous les jours devait prendre soin des bêtes. La vache à Vetter nous rappelle une nouvelle fois cette ville-campagne du nord de Marseille, entre port, industries, villégiature bastidaire et habitat précaire. 

Et les vaches ne racontent pas que les fermes, puisque le second souvenir que nous confie Agnès est celui de leur cris, alors que les animaux sentant l’odeur du sang à l’approche des abattoirs se mettaient à hurler ensemble sur la passerelle qui enjambe le chemin. Souvenirs de sons, souvenirs d’odeurs qui tissent toujours les anecdotes troublantes de l’enfance, comme aussi ce taureau échappé de son camp de la mort pour trouver refuge dans la cour de l’école de Marc, dont le directeur, M. Colonna, était un rescapé des camps…

L’ hôpital pour creuser la figure du « camp » et repenser à l’étymologie d' »hospitalité »

On s’est alors déplacé devant le Lycée professionnel de la Calade. On aperçoit à la fois les barres de Campagne Lévêque et le petit Séminaire toujours en place, et qui à plusieurs reprises est devenu le squat-refuge de familles Roms déplacées. On commence alors à faire des liens et à évoquer l »histoire complexe de l’Hôpital Houphouët-Boigny qui jouxte le lycée, et qui bizarrement nous ramène lui aussi à des histoires de camps, tout en déclinant l’une des étymologies d' »hospitalité ».

Il y a peu j’ai été hospitalisée et un marcheur m’a dit de regarder dans le dictionnaire historique de la langue française à la racine des mots hospitalité et hôpital, surprises à la clef. Il est utilisé pour dire « égaliser » et surtout « compenser » et dans ce traitement d’égal à égal, il donne hostis racine de hôte et de toute la chaîne de l’hospitalité. Il donne aussi hostes, racine de ennemi et de toute la chaîne des hostilités. Après 1500 ans d’usages et de glissements de sens dans la chaîne du verbe hostire, nous sommes passés de « égaliser/composer » à « antagoniser » et aujourd’hui ces sens, si diamétralement opposés, dessinent  » notre « ennemi intérieur » , fantasmé, nos barbares, pour qui décidément nous oublions les usages de hostire.

Christine Breton, Petits fronts de guerre sociale, Récits d’hospitalité #7, éditions communes
Chronologie d’un camp hospitalier en zone portuaire
Le camp anglais : en 1926, au 162 Chemin de la Madrague-Ville dans une ancienne bastide et son parc, ouvre le « British Merchant Seamen’s Hospital » dit Hôpital anglais et destiné à l’hospitalisation des marins de toutes les nationalités. Néanmoins, en 1932 l’hôpital est fermé et reste inoccupé jusqu’en 1940, date à laquelle il servira pour les troupes qui transitent par le canal de Suez pendant la seconde guerre mondiale. 
Le camp allemand : en 1943, dans cet hôpital s’installe le camp « Rommel ». L’armée allemande construit les bunkers et les galeries qui relient directement l’hôpital à la base de sous-marins (porte 4 du port) et au système de commandement. Si on regarde sur la carte, l’hôpital se trouve à seulement 10 minutes à pied de la porte 4. Des explorations sous les tunnels pour la prochaine balade? Leur existence reste à vérifier …
Le campement des ouvriers sans papiers : après la fin de la guerre, l’hôpital est désaffecté et l’ex camp Rommel va servir de campement pour les ouvriers nord-africains célbataires en situation irrégulière et qui seront à l’origine de la création du Cana (centre d’accueil nord africain) en 1950.
Le camp de transit des juifs : en 1949, le bail de l’hôpital anglais est cédé à  l’association américaine « American Joint Distribution Committee » qui organise le transit des juifs d’Afrique du Nord (Maroc et Tunisie) vers la Palestine via le camp du Grand-Arenas. Voir récit #2 « Le Grand Arenas » https://www.hoteldunord.coop/dessus-dessous-recit-2-du-mille-pattes/
Le centre des contagieux et infectieux : suite à une épidémie de variole difficile à gérer, l’Assistance publique rachète l’hôpital en 1952. Associant îlot de verdure, isolement et connections à la ville-port, il devient l’hôpital de la Calade, destiné à isoler les patients suspects d’être contagieux et à traiter les affections de haute virulence. En 1954, il est demandé de ne plus utiliser le terme « hôpital » mais d’y préférer « centre ». Les maladies tropicales y seront également traitées à partir de 1972. Puis en 1978, le centre est entièrement rénové et reprend en grande pompe le terme d’Hôpital spécialisé dans les affections tropicales et les maladies infectieuses. Il prend alors le nom d’Houphouët-Boigny, en l’honneur du Président de la Côte d’Ivoire qui est intervenu pour en encourager la création. Il deviendra également un hôpital de jour pour les malades atteints de SIDA, ce qui lui vaudra le surnom de l’hôpital des sidéens.
En 1995, les services de l’hôpital Houphouët-Boigny ont été transférés à l’hôpital Nord et les locaux, longtemps inoccupés, ont été vandalisés. Depuis 2006 il devient l’Institut régional des Formations Spécialisées en Santé.

Source Association des Amis du Patrimoine Médical de Marseille

De ces échanges autour des histoires des mots et des lieux, on se dit qu’il faudra creuser la figure du « camp » dans l’histoire de l’accueil à Marseille et du droit d’habiter. On verra d’ailleurs plus tard que quand on commence à parler du projet de village d’insertion des familles roms à Saint Henri, l’imaginaire du camp comme sorte de miroir de celui du squat est très présent. S’y apparentent aussi toutes les histoires en interstices des cités d’urgence et de transit.

La Campagne de l’Évêque

Alors c’était elle la 3ème grande campagne qui fut occupée par ce Mouvement des squatters naissant. Les barres un peu rose et très imposantes ont gardé la trace de cet évêque Mazenod qui a tant marqué l’urbanisme de la ville du 19ème siècle. L’occasion de remonter un peu le temps.

L’évêque Eugène de Mazenod acquiert cette vaste campagne en 1839. Elle devient la résidence rurale de l’évêque et son « ermitage » : « Oh que nous sommes bien à la campagne… il me semble que l’on m’a ôté un quintal de plomb de dessus les épaules » dans une lettre à sa mère. On peut retenir de Mazenod son rôle d’urbaniste… Evêque au coeur du 19ème siècle industriel, la population double pendant son épiscopat. Il construira pour accueillir cette nouvelle population majoritairement ouvrière et catholique 34 églises et créera 21 paroisses, planifiant ainsi l’organisation du territoire autour des églises qui agglomèreront les fameux noyaux villageois marseillais. Il est quand même amusant de réaliser que c’est dans son ancienne propriété que cette énorme transformation des grands ensembles va débuter!

« L’espoir des cités : en 1954, à Marseille. Rozan et Eigger gagnent le concours pour construire 800 logements au centre de la Campagne-l’Evêque. Mais ces logements, qui étaient prévus en petits immeubles intégrés aux pentes dans les premiers plans de masse, deviennent des remparts alignés sur l’axe des écoles définies par Eigger et par… les économies imposées. Pourquoi ce monopole constructif laissé à Eigger, auteur aussi du lycée Nord et de l’école sur la campagne Consolat? Pourquoi les historiens de l’architecture ne disent-ils pas que l’architecte a fait ses classes dans l’administration coloniale et les villes africaines? « On se croirait à Alger  » dit Ali, un ancien du Cana, levant la tête sous la barre-rempart. Mais le rempart de quelle ville? »

Christine Breton, L’Eglise Saint-Louis, Le Maire, l’Evêque et le Squatter mars 2010

Pour mieux comprendre ce qui s’est joué dans ce glissement vers des architectures aussi massives, on se promet de regarder ensemble le documentaire Au nom de l’urgence de Alain Dufau qui raconte cet après-guerre où militants, pouvoirs publics, architectes mais aussi industriels qui constitueront bientôt le fameux monde du BTP se mobilisent, conversent mais aussi s’affrontent sur les solutions à apporter au manque de logement à Marseille. Aujourd’hui Campagne Lévêque souffre de la plupart des maux des grandes cités, avec une place du squat version « marchand de sommeil » conséquent, une centaine d’appartements sur 800 (on trouve cet usage de locations abusives aux plus précaires plutôt dans les co-propriétés dégradées). Le quartier est depuis 2023 à l’orée d’un projet de renouvellement urbain piloté par l’ANRU.

« La grande barre de 40 mètres de haut et 275 de long domine les hauteurs de Saint-Louis (15e) depuis plusieurs décennies. Elle est visible de très loin, bloquant l’horizon d’un trait gris béton. Elle a longtemps été considérée comme la plus longue barre construite d’un seul tenant en Europe. Un record non homologué qui positionne la cité gérée par 13 Habitat, le bailleur du département, parmi les candidates à ce qu’on appelle désormais le renouvellement urbain. »

Pour continuer à lire https://marsactu.fr/la-longue-barre-de-campagne-leveque-candidate-a-une-mutation-dans-les-grandes-largeurs/

De la terre et des Terrin

On finit par partir marcher ! Direction la Calade, accompagné•es par l’un des récits du livre de Nora Mekmouche.

C’est vrai que je connais un peu ce quartier, la Calade, puisque j’y travaille. La Calade est un mot provençal qui signifie le mont, je crois. La calade provençale c’est le poème des pierres. Ce village était à un moment surtout habité par des dockers, des pêcheurs, ou travaillaient à Terrin, aux chantiers ou à la réparation navale. Ils habitaient dans les petites maisons et petits cabanons que l’on voit encore à la Calade. A partir de la Calade le chemin de la Madrague Ville a changé. C’était le petit chemin qui est sur votre gauche quand vous remontez le chemin de la Madrague Ville. Ce grand boulevard n’existait pas avant et n’allait pas du tout vers le Lycée Nord, de toute façon le lycée nord n’existant pas encore. A l’époque c’était vraiment un chemin et il y a encore ce petit morceau qui reste.

Extrait témoignage de Christian, Sur le chemin de la Madrague Ville, Nora Mekmouche

Au bar Terminus quasi tous les habitués ont travaillé ou travaillent encore dans les activités qu’évoque Christian, et les devantures des maisonnettes racontent souvent le travail portuaire ou industriel. Les noms de familles perdurent aussi et Terrin apparaît dans la conversation comme un propriétaire puissant et peu scrupuleux, qui urbanisera de manière spéculative ses … terrains…

C’est ainsi que petites et grandes histoires se tissent, l’anecdote de la bataille de la petite copro de la Calade où vit Marc conduisant finalement à la grande épopée de l’industrie navale marseillaise puis nationale, sur les pas de la famille Terrin. A partir d’un premier petit atelier de réparation fondé en 1890 par un ouvrier de la marine, Augustin Terrin, la famille se constituera un empire industriel sous le nom de la SPAT (Société Provençale des Ateliers Terrin), avant sa chute à la fin des années 70 qui marqua fortement ces quartiers. Il y a fort à parier que nous retrouverons les Terrin dans de prochaines balades…

En chemin on fait aussi de jolies rencontres féminines (on ne vous cachera pas que le Terminus est plutôt fréquenté par des messieurs même si nous avons été fort bien reçues…) autour d’un nouveau petit jardin partagé installé par la LOGIREM sur le délaissé inconstructible situé au-dessus du tunnel SNCF.

Nassy nous raconte avec pourtant un magnifique sourire que suite à un dégât des eaux dans son appartement dans la tour juste à côté, elle est à la rue depuis 3 mois avec sa famille. Le jardin lui permet de garder le lien avec les lieux. Leyla nous raconte son quotidien avec les arbres, et les chats qui lui sont nécessaires pour se sentir habiter quelque part.

Le squat comme pratique d’autoconstruction

Squatter est lié à l’existence de la propriété. La plupart des squats révèlent non seulement un manque de solution de logements pour certaines personnes mais souvent des situations de « vacance » côté propriétaire. Dans le cas de Campagne Lévêque le squat prolifère à partir de logements vides, la plupart des squats communautaires s’établissent dans des bâtiments abandonnés ou laissés vacants sur de longues périodes. Et souvent ces lieux ou espaces vacants appartiennent à de « grands propriétaires », privés mais parfois aussi publics. La SNCF est un grand propriétaire foncier et pourvoyeur de délaissés aux alentours des voies de chemins de fer. Après les dessus du tunnel devenus jardins, Marc nous amène découvrir un fond de vallon dont une bonne part est propriété de la SNCF.

Le petit labyrinthe de l’autoconstruction. C’est la solidarité de voisinage qui va permettre à une famille, installée depuis 2 générations sur un terrain SNCF, de trouver un accès plus praticable que ce petit chemin d’usage.

Ces terrains furent ainsi occupés eux aussi à l’après guerre non pas pour squatter des maisons mais plutôt pour en construire. C’est l’auto-construction, celle des bidonvilles mais aussi de nombreux quartiers qui se sont urbanisés puis peu à peu viabilisés à partir de pratiques d’occupation et de construction.

On évoque alors les aspects plus juridiques qui permettraient de donner des droits proches de celui de la propriété à des personnes pouvant prouver qu’ils vivent sur un foncier depuis au moins 30 ans (prescription trentenaire). On se dit qu’il va vraiment falloir améliorer nos connaissances juridiques, à la fois sur les définitions (squat, occupation, refuge, réquisition…), les lois et règlementations qui ont orchestré ces définitions aux fil du temps, et toujours approfondir la question de la propriété.

Des Squats pour vivre

Au fur et à mesure de nos balades et de nos conversations, on voit bien que le terme de squat comprend vraiment beaucoup de situations très diverses. Ce jour-là on espérait aussi marcher avec Zidane. Zidane c’est Julie et Samanta qui l’avaient rencontré en se baladant pour préparer un peu l’exploration. Il gardiennait le petit séminaire de la Campagne Lévêque, justement suite à l’expulsion de familles roms. En causant, on s’est rendu compte de son expertise en matière de situations, de règlementations et dans les manières de faire aussi, tant du côté des autorités que des personnes squattant. On devine aussi qu’il connaît le sujet pour avoir lui-même été à la rue, ou accueilli ou louant un logement en fait squatté . On repartage alors un peu de son témoignage.

J’arrive en même temps que la police. Quand la police va virer les squatteurs, nous on sécurise le site. On a plein de sites en ce moment, à la rue d’Aubagne, à Félix-Pyat, au Bd National, à St Charles, à la Capelette.

Même des fois, il y a des français parmi les squatteurs. A la rue Curiol, il y avait 7 jeunes filles et garçons étudiants, avec aussi une famille de nigérians et deux familles algériennes. Ils étaient mélangés mais ils habitaient chacun un appartement. Ils habitaient à l’intérieur comme une famille, ils étaient gentils, ils faisaient à manger pour tout le monde, aussi pour la rue, avec la récup des légumes du marché. Mais ils ont été dégagés, c’est vraiment triste, parce que c’est des jeunes en fait. Ils ont pris l’électricité chez le voisin. Même l’huissier a dit « je ne sais pas pourquoi ils les ont virés ».

A La Capelette, c’était des jeunes aussi, ils sont restés 6 mois dans une maison avec piscine, ils ont laissé tout propre. La police est venue les expulser.

Même s’il y a des gens qui ont des papiers, ils n’arrivent pas à payer le loyer. Avec le Rsa tu ne peux pas avoir un appartement, personne ne veut te louer. Déjà moi, je suis parti, il n’y a pas longtemps, pour changer d’appartement et ils m’ont demandé un garant. Je travaille, j’ai montré les fiches de paie, les quittances de loyer, mais il leur faut un garant, il faut que tu touches 6000 € pour avoir un appartement. Moi, si je n’ai pas d’appartement je vais squatter. Il faut trouver un moyen pour les gens qui payent. Si t’as pas de parents riches, qui font garants…

Mais les roms, ce n’est pas pareil, ils détruisent le bâtiment, ils allument le feu à l’intérieur, ils enlèvent les métaux…

Extrait conversation avec Zidane (le prénom a été changé), décembre 2023

Des enfants roms et des UPE2A (Unité pédagogique pour les élèves allophones nouvellement arrivés)

Arrive ainsi la question bien clivante des occupations par des familles roms. Et alors là on se rend compte que l’une d’entre nous est elle aussi experte par expérience… Tania, voisine du quartier et enseignante, a eu, pendant quelques années, un poste unique en France « fléché roms » mis en place par la Préfète à l’égalité des chances et le Ministère de l’Éducation Nationale, mais sous le chapeau du Ministère des affaires étrangères. A cette époque elle a été amenée à intervenir, dans le cadre de l’UPE2A, sur plusieurs écoles où des enfants de la communauté rom étaient scolarisés.

Le poste « fléché roms » était un poste pour dire qu’ils faisaient quelque chose en direction des élèves roms. J’étais supposée suivre s’ils étaient expulsés, sauf qu’ils expulsent les campements l’été, en général, et qu’on me faisait intervenir en partie dans des écoles où des temps partiels (UPE2A) étaient manquants. J’enseigne toujours aux primo-arrivants, ce n’est plus uniquement des roms, mais des enfants de tous les pays.

Il y avait des histoires incroyables, il y avait un enfant qui n’avait pas de parents, et il y en avait qui avaient faim, on leur disait qu’on leur donnait un petit croissant, s’ils venaient à l’école… après ils voulaient juste repartir et ils étaient en panique enfermés dans l’école, ça donnait des situations difficiles. Mais la plupart, ils étaient contents de rester au chaud et d’avoir un repas à midi. Jane Bouvier, avec son association l’École autrement, essaye de demander au plus vite à la Préfecture le droit d’accès à la cantine.

La situation est compliquée en ce moment, on a de plus en plus d’effectifs et ils ont baissé le nombre de professeurs. Il y a un collectif d’une quarantaine d’enseignants en UPE2A, en collège et dans le primaire qui s’est créé, car les conditions de travail et d’accueil ne sont plus possibles. On a des problèmes de locaux. Il peut arriver d’enseigner un peu dans les couloirs, dans la salle polyvalente, dans le gymnase, dans des locaux minuscules. On donne en ce moment à certains élèves que 2h de cours par semaine, au lieu de 9h minimum prévues par la loi, chose qui ne sert à rien. Le budget annuel alloué par UPE2A est bien plus bas que dans d’autres villes (90 € à Marseille, 350 € à Aix, 500 € à Lyon ).

Extrait de la conversation avec Tania, balade du 27 décembre 2023

A lire: https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/militer-autrement-jane-bouvier-met-les-enfants-roms-lecole

A regarder: https://www.fondationdefrance.org/fr/cat-enfance-education/a-marseille-ne-laisser-aucun-enfant-a-la-porte-de-l-ecole

Un village d’insertion à Saint-Henri ?

C’est alors que tous les fils de ces premières explorations commencent à se tisser entre eux. Depuis notre premier rendez-vous et l’envie de marcher dans les pas des premiers squats communautaires de l’après-guerre, nous avons appris l’existence d’un projet de village d’insertion des familles roms déplacées, lors de la construction du tramway sur le périmètre Euromed. Ce village serait construit à Saint Henri, sur l’ancienne aire de repos de l’autoroute A55.

Un tel projet prête forcément à polémiques locales. On dégaine alors le second petit livre qu’on avait amené pour suivre la trajectoire concrète d’une famille rom dans Marseille et aussi regarder les évaluations chiffrées du coût de l' »accueil ».

Et on se dit qu’une application très concrète du travail de connaissance partagée, démarré avec ces balades, sera très certainement de contribuer à élaborer une approche plus complexe, d’enrichir les discussions avec nos voisin•es et de muscler l’hospitalité du quartier !

Extrait du livret Les élus locaux face à la résorption des squats et bidonvilles, Collectif RomEurope, 2019

Abonnez-vous à nos actualités

Une réponse sur “DESSOUS-DESSUS Habiter le sol de Saint Louis-Consolat Récit # 3”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *