La Trame Verte #1

Vendredi 11 décembre – du parc Borély à la société d’horticulture

Un petit groupe explore un pan des quartiers sud le long de la trame verte qui va du parc Chanot à la société d’horticulture, longeant l’Huveaune, traversant parcs et jardins, dénichant les traces du domaine rural de Bonneveine. 
Suivre les plantes pour remonter le temps et aller à la rencontre des Hommes qui ont voulu mettre la connaissance du monde en pot.

Il était une fois en 2020, un congrès mondial de la nature qui devait se tenir à Marseille au Parc Chanot et qui était maintes fois retardé.

Il était une fois l’histoire des jardins botaniques de Marseille qui au gré du temps se plaisaient à se déplacer, accueilli depuis 1898 au Parc Borély, ils ont perdu de leur grandeur et pourtant nous révèlent bien des secrets.


Il était une fois une société d’horticulteurs née en 1846, détentrice de savoirs et de savoirs-faire en plantes cultivées et en botanique.

Notre première expédition a eu lieu en octobre. Le rendez-vous était donné au parc Chanot, site crée et aménagé pour l’Exposition Coloniale de 1906. Aujourd’hui, rien ne subsite de cet évènement, hormis un pavillon de l’automobile du coté du boulevard Rabatau. Après avoir le stade vélodrome, nous rejoignons le lit de l’Huveaune, encore à sec avec la fin de l’été.
Il est étrange ce petit fleuve à sec. Inversant le sens du courant, c’est en s’approchant de la mer que le lit se remplit.

La deuxième expédition a lieu par un vendredi pluvieux de décembre. Profitant d’une accalmie, huit courageuses sont parties du parc Borély à la recherche de traces botaniques, d’histoires de jardins, d’horticulture, d’acclimatation.

Nous nous dirigeons vers la roseraie dont nous ne comprenons pas bien la nécessité des actuels travaux : vont-ils mettre en valeur les roses qui se trouvent là ? Celles là n’attendent que d’être admirés par les passants… quoique il paraît que les collections ont perdu de leur magnificence.

Nous remontons le temps à la rencontre d’un jardin botanique qui un jour est passé par là. A Marseille on ne fait jamais comme les autres, c’est bien connu, et on aime à déplacer ce qui a besoin de racines… 

Avant de trouver son emplacement actuel, au fond du parc Borely, le jardin botanique de Marseille avait trouvé asile dans les années 1880 sur le site de la roseraie, après avoir été chassé des Chartreux par la construction de la voie ferrée. Mais ce déménagement n’était pas le premier : le jardin avait été déplacé dans le 4e arr. en 1816 pour laisser la place à la construction du Lycée Thiers en lieu et place du couvent des Bernardine qui l’abritait alors. 

Déjà avant cela, le premier « jardin botanique » de la ville de Marseille avait été celui du Roi René (on dit « botanique » maintenant mais à l’époque il portait sûrement le nom de “jardin du  roi”). Ce jardin daterait de 1459 et se situait sur le quai rive sud du vieux port. Quand les soeurs Bernardines ont acquis le terrain, le jardin s’est transformé,  certainement avec plus de plantes vivrières qu’ornementales. Puis les galères sont arrivées, c’est le cas de le dire puisque l’arsenal des galères a obligé sœurs et plantes à déménager. C’était en 1668.

Après la roseraie, nous étions dans le jardin botanique. Bien installées sous le «kiosque chinois », avec une infusion chaude et parfumée, nous avons suivi l’histoire des différents jardins de Marseille grâce à des documents apportés par Stéphanie.

Le terme jardin englobe plusieurs concepts et on s’aperçoit, à travers cette histoire, que les « jardiniers » ont eu des projets très différents : un beau jardin, un jardin ordonné selon des critères botaniques, un jardin d’acclimatation qui permettrait à la science d’explorer une végétation exotique mais également de découvrir de nouvelles plantes exploitables dans l’industrie ou la médecine. Tous ces jardins, plus ou moins, relèvent de l’ethnobotanique. Lieutaghi qui a si bien analysé les relations de l’homme européen avec la « plante compagne » écrit en effet que « L’attention à tous les aspects des rapports anciens et actuels des sociétés avec la plante comme élément du territoire (terrestre et mental), comme nom, comme aliment, remède, matériau des techniques, signe, symbole, vecteur de pouvoirs, support de croyances, etc., c’est l’objet de l’ethnobotanique ».

Mais l’hiver n’est pas une très bonne saison pour visiter un jardin, il n’y a plus de fleurs et la plupart des arbres ont perdu leurs feuilles. La mélancolie ambiante est due aussi à un sentiment d’abandon : ce jardin est-il vraiment entretenu ?

Dans la bibliothèque de la société d’horticulture et d’arboriculture propice au calme, entourée de vieux livres, une discussion « numérique versus papier » s’engage : qu’est ce qui est plus couteux écologiquement entre cliquer et recliquer ou imprimer sur du papier et lire et relire ?

Nous parlons de la tradition des botanistes des « annales » associant leurs écrits et dessins d’observations botaniques et la vie des membres de la société… Les annales de la société d’horticulture (qui a souvent changé de nom mais ceci est une autre histoire) ont été toutes conservées depuis la création en 1846 puis elles ont évolué avec l’air du temps et se sont transformées en revue « Les jardins en Provence ».  Dans les années 70, une autre époque qui nous paraît déjà lointaine ! 

Christine Breton, installée depuis peu dans la Drôme, nous a envoyé une photo de la vue de chez elle sur les vignes du Dureza (c’est beau mais espérons qu’il n’y ai pas trop d’intrants chimiques). Elle nous a aussi envoyé un texte. Il s’appelle « La collectionneuse ». Quelques phrases de nos propos à ce moment là : Les botanistes ne seraient-ils pas des collectionneurs dans l’âme ? c’est le « détail qui fait sens, ne pas perdre quelque chose,… la fragilité, garder malgré tout. » et puis « peut être que  tout le monde l’a, cette posture. »

Le temps est passé vite, le soleil s’est couché, il est temps de regagner nos chez nous…

Récit polyphonique par Stéphanie Mousserin, Virginie Lombard, Elisabeth Vilaylec, Chloé Mazzani

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