Cette année le 1000 pattes, groupe informel qui fabrique collectivement au sein d’Hôtel du Nord des explorations puis des balades, se laisse guider par les arbres, avec comme point de départ Foresta. Récit de la première séance de travail… Ce groupe est ouvert, vous pouvez le rejoindre à tout moment en prenant contact avec la coopérative.
Un premier petit groupe s’est retrouvé à Foresta, non pas sous un arbre, mais sous une ombrière en cannes de Provence, fabriquée collectivement avec le collectif Safi il y a quelques semaines pour apporter de l’ombre là les arbres ne sont pas…
Nous avons le temps d’un pique nique pour définir un peu plus précisément ce qu’on voudrait chercher en prenant l’arbre pour guide.
Quelles sont nos questions, envies, intuitions qui se cachent derrière l’arbre qu’aujourd’hui nous interpellons ?
Envahisseur, opportuniste, lanceur d’alerte…?
Vincent se lance et nous raconte ses interrogations autour de l’Ailante.
Dans son quartier du côté de l’Estaque cet arbre, originaire de Chine et importé en occident lors de l’engouement pour les « chinoiseries » ornementales, est communément regardé comme un «invasif». L’Ailante semble pousser partout et à grande vitesse. Alors entre la valeur qu’on a pu y donner par le passé (il a été largement utilisé comme arbre d’ornement tant dans les jardins que dans les espaces publics) et son possible statut de plante invasive à combattre aujourd’hui, que penser?…
Ce cas de l’Ailante devient encore plus passionnant quand Dalila nous explique que l’Ailante fait partie de ces arbres qui aiment les terrains remuées, appauvries voire dégradés. Plus qu’une invasive on pourrait dire que c’est une « opportuniste », elle sait très bien profiter du goût de l’humain des villes à décaisser, remblayer, déplacer les terres et les laisser devenir les coulisses de la construction.
Par sa multiplication, on pourrait même considérer qu’elle « donne l’alerte », qu’elle nous interpelle sur la manière dont nous gérons la terre sur laquelle nous habitons.
Dans le jardin de Vincent, le bosquet d’ailante est devenu un sujet important, à contenir mais aussi transformer. Outre l’ombre qu’elle apporte à cette colline aride, l’aillante permet à la compagne de Vincent de réaliser des sortes de totems avec les rejets et branches d’Ailantes qui chaque années se développent rapidement. A aller voir!
Foresta étant tout à fait caractéristique de ces terres urbaines dégradées, s’intéresser à l’ailante et à ce type d’arbres, dans toutes ces ambiguïtés et tensions qu’il révèle, nous semble motivant. D’autant plus que la Canne, qui est à l’origine de l’ombre qui nous abrite, fait également partie de ces espèces à la fois considérées comme invasives mais développant des stratégies pour trouver les ressources des lieux (par ex l’eau) et elle même devenir une ressource sur ces terres dégradées par les hommes.
Nous décidons ainsi de cette année mener une sorte d’enquêtes autour de l’ailante et de la canne (où, pourquoi et comment elles habitent, leurs usages et leurs histoires, comment elles peuvent devenir de la ressource et des histoires à partager…).
De foresta à forêt: petite histoire d’un territoire prohibé…
A partir de cette première histoire, il nous apparaît évident qu’il est nécessaire de prolonger cette question de la “survie “sur des terrains aussi difficiles que les terrains remués et transformés de Foresta. Mais avant ça nous revenons au nom «Foresta ».
Ce n’est pas que le nom d’une famille noble provençale et de son château, d’une zone d’opération militaire, d’un creux industriel, d’un terrain d’aventures.
C’est aussi dans l’histoire du mot le terme pour désigner un terrain interdit, mis au ban, sur lequel on ordonne de ne pas habiter ni cultiver, dans l’intérêt de la chasse seigneuriale. Apparait ainsi le verbe Forestare, “mettre au ban”. Et comme la chasse aime les animaux qui aiment les bois, Forestare a donné Forêt!
Redonner de l’usage collectif à un terrain qui s’appelle Foresta? Une fois qu’on connait cette étymologie et l’histoire des lieux, là encore ça motive!
Habiter sur les ruines…
Mais si la notion de “territoire mis au ban” résonne bien avec notre situation locale, force est de constater qu’il n’y a pas, presque plus, de forêt à Foresta. Y en a t’il eu un jour? Et comment se débrouillent les rescapés pour vivre là malgré les bouleversements urbains, ou les nouveaux venus qui ont choisi malgré les embruns salés, malgré le vent, malgré le manque d’eau et la terre appauvrie de s’installer là?
Ces arbres spécialistes de la survie nous questionnent et nous avons envie d’aller les rencontrer.
Nous décidons donc qu’un volet des explorations sera consacré à les inventorier, comprendre leurs stratégies et écouter ces arbres qui sont là, témoins d’un autre temps ou au contraire agiles pour survivre en conditions particulièrement difficiles.