SAUVONS MIRAMAR : retours sur la saison #1

La mobilisation Sauvons Miramar regroupe des riverains, les CIQ du Bassin de Séon, des associations locales et des habitants d’un périmètre géographique plus vaste sensibles au devenir patrimonial et écologique du territoire.

Elle se donne comme objectifs de :

– Produire des informations factuelles sur le site et sa situation foncière et urbanistique.

– Valoriser les potentialités du site (écologiques, patrimoniales, cadre de vie) tout en les ’articulant à la problématique urbaine du quartier, aux incohérences et aux besoins.

– Démontrer les capacités des citoyens à se mobiliser mais également à produire de la connaissance partagée, de l’organisation inclusive, du récit commun et du projet collectif.

– Travailler des pistes, tester des usages et dialoguer avec les pouvoirs publics pour articuler le court terme (sauver les arbres) au long terme (sauver Miramar en y proposant un projet d’intérêt collectif).

– Veiller au suivi des engagements pris.

Terrains de l’ancienne Villa Miramar

Dans le seizième arrondissement de Marseille, au pied de la limite Est du massif de la Nerthe dont la végétation haute a disparu au cours du siècle dernier, se trouve préservée la « Villa » Miramar, propriété boisée, léguée il y a un siècle par le marbrier et sculpteur provençal Jules Cantini aux Hospices de Marseille avec pour consignes d’en faire un usage à vocation sociale ou sanitaire. Aujourd’hui les bâtiments n’existent plus. Le château a été dynamité par les allemands puis démoli par sécurité et la maison du jardinier a été pillée de ses tuiles après le départ de son dernier locataire à la fin des années 2000. Il reste le pigeonnier et un paysage, représenté sur une toile de Cézanne (musée de Philadelphie aux États-Unis).

Le retour du fantôme de Jules Cantini, rappelant aux élues les conditions de son legs à la ville de Marseille et à l’APHM

Sur son vaste terrain (pour partie espace boisé classé) s’imposent des arbres centenaires et se découvrent quelques essences rares. Il accueille de nombreuses espèces animales : oiseaux diurnes et nocturnes, hérissons, chauve-souris, insectes…

Avec les jardins des propriétés voisines, il représente pour les habitants du quartier l’Estaque Gare-Saint Henri une étendue de respiration, de fraîcheur participant à réguler les pollutions nombreuses subies : couloirs d’accès des avions à l’aéroport, absence d’électrification des postes à quai du port, flux de camions, autoroute…

Dans le courant des années 2010, l’équilibre entre habitat, espaces naturels et agricoles, activités industrielles et artisanales a été mis à mal par l’augmentation brutale de l’activité de stockage des containers et donc des flux de poids lourds. Ceux-ci, pour accéder aux zones de stockage, en partie gagnées sur la colline, doivent emprunter le chemin de Bizet, un chemin rural traversant ce qui était jusqu’alors un ensemble d’habitations et s’accommodant tant bien que mal de cette activité. Le choc est d’autant plus dur que dans le même temps que s’initiait l’augmentation de l’activité de stockage, le nombre d’habitants a été multiplié par deux avec l’implantation d’une résidence de 60 logements.

Cette implantation a été réalisée sans accompagnement du développement d’infrastructures minimums : stationnements, trottoirs, espaces de rencontre, sans oublier les transports collectifs. Une nouvelle résidence de 40 logements va prochainement être construite, sans plus de programmation urbaine.

Vue des quartiers environnants Miramar et du massif de la Nerthe

Dès le début de l’année 2019, face à la dégradation de cet espace de vie et pour prévenir son aggravation, les habitants-riverains de Bizet et des alentours se sont mobilisés. Constituant un collectif soutenu par le CIQ de Saint-Henri, ils ont entrepris d’interpeler la ville et le commissaire enquêteur lors de la consultation pour le passage du PLU en PLUI (Plan Local d’Urbanisme en Plan Local d’Urbanisme Intercommunal). Ils demandaient alors que soit maintenu tout le secteur en zone à urbaniser résidentielle (UR1) et non transformé en zone Industrielle et Logistique (UEa2).

Toutes les conditions étaient alors réunies pour mettre en œuvre un vrai projet d’aménagement intégrant une réflexion écologique sur ce secteur s’étendant jusqu’à la gare de l’Estaque. Face à la détermination des habitants, le 19 avril 2019, Monsieur Ruzé, Maire de secteur, demande au CIQ de faire des propositions accordant la possibilité de mobiliser dans une réflexion globale le terrain de la Villa Miramar et déclare la mairie « prête à soutenir un projet porté par les habitants qui pourrait intégrer jardins partagés, jardin public, des stationnements, raccordements à l’égout… » [1].

Cet épisode de 2019 se clôturera par la « découverte » par la Mairie de secteur (et les riverains) que les terrains avaient été précédemment vendus à Mme Ferraud, épouse de l’entrepreneur Marc Ferraud qui détient notamment l’entreprise TCSI de stockage de containers et jouxtant Miramar. Les enquêtes menées au cours de la mobilisation révèleront que les terrains avaient bien été vendus par l’APHM… dès 2011…

Depuis, le CIQ a de nouveau interpelé les collectivités avec la volonté de peser sur les modifications à venir possible du PLUI. Des associations, notamment Cap Au Nord, se sont également emparées de la question de la pollution de l’air qui s’aggrave. Par ailleurs un important travail a été mené depuis une dizaine d’années par plusieurs initiatives locales (Hôtel du Nord, écoles de l’Estaque et de St Henri, Ancrages, Harmonie de l’Estaque, association Rio, Association Estaque Environnement…) pour documenter à la fois le patrimoine naturel et culturel de nos quartiers (dont l’histoire industrielle fait pleinement partie), dans une perspective de transmission, de reconstruction du récit collectif et de valorisation du territoire dans toute sa complexité.

Dans ces perspectives à partir de la préservation de l’espace planté Miramar et des terrains voisins, c’est bien l’enjeu d’un développement respectueux de l’environnement et de l’humain qui est en cause, dans lequel toute contribution aussi petite soit-elle participe aux engagements de lutte contre le réchauffement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité ainsi qu’à la reconnaissance de nos droits culturels en tant que citoyens, parents ou voisins à participer à la définition de nos espaces de vie. Cela passe en premier lieu par la qualité de vie dans nos quartiers et de nouveaux équilibres entre activités, espaces naturels et habitat.

C’est pour tout ceci qu’en quelques heures à peine, le bruit des tronçonneuses le jeudi 22 avril 2021 s’attaquant à aux arbres de la zone centrale, a provoqué la mobilisation d’un très grand nombre de personnes pour « sauver Miramar » !

Il s’avèrera rapidement que les 2 arbres abattus se trouvaient en Espace Classé Boisé. Cet espace comprenait initialement les arbres de la zone centrale du terrain mais a été  «déplacé » dans les derniers documents d’urbanisme vers la ripisylve du ruisseau des Favants, libérant ainsi la surface plane des parcelles, plus propice à l’usage industriel. Interpellée par les citoyens et par la Maire de secteur Nadia Boulainsseur, la Maire ajointe à l’urbanisme Mme Mathilde Chaboche a suite à ce constat d’infraction porté plainte auprès du Procureur de la République.

Le temps de la procédure ainsi laissé l’espace et le temps à la mobilisation citoyenne pour mener un cycle d’enquêtes partagées, de rencontres entre riverains qui ne se connaissaient pas, d’accueil et d’accompagnement d’usages variés.

Des objectifs communs ont aussi été établis avec les mairies centrales et de secteur autour de la révision du PLUI, qui entamait en septembre une période de modifications sous l’angle de la prise en compte des enjeux de Nature en ville (trames vertes et bleues notamment).

La production de connaissance par les habitants a ainsi trouvé comme usage l’élaboration d’un argumentaire très documenté proposant le passage des parcelles Miramar en Zone naturelle mais également une mise en cohérence des fonctions urbaines, écologiques et sociale du développement urbain du quartier2. Dans cette optique une démarche de négociation avec le propriétaire avait été annoncée au printemps par la Maire de secteur pour effectuer un transfert de foncier avec propriétaire afin de rendre possible cette cohérence. Il s’agit dans les prochains mois d’en suivre la mise en œuvre.

L’assemblée des communs, 13 novembre 2021

Entre le 22 avril et le 20 novembre 2021, la mobilisation citoyenne a permis :

  • La création d’un potager partagé.
  • L’organisation mensuelle d’un pic-nic de voisinage alliant convivialité et partage des enquêtes…
  • La production d’enquêtes populaires (patrimoniales, botaniques, urbanistiques) et de formes pour transmettre au plus grand nombre (récits sur internet, expo, spectacles/performances, jeu de l’oie…).
  • Des activités d’usages collectifs (prise en charge des chats errants, sociabilités riveraines, yoga, chant, jeux pour enfants, balades…).
  • L’installation d’outils partagés de soin (panneaux de médiation, table d’accueil, toilettes sèches, poubelles, signalétique…).
  • L’accueil ou l’organisation de manifestations en lien avec les valeurs de la mobilisation (Assemblée des communs, Journées européennes du patrimoine, rencontre de chorales…).
  • L’élaboration d’un argumentaire pour la révision en cours du PLUI et la demande de classement des parcelles en zone naturelle.
  • L’expérimentation d’une première forme de gouvernance collective.

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