DESSOUS-DESSUS Habiter le sol de Saint Louis – Consolat Récit # 4

Une lettre mystérieuse, la grotte inondée, l’eau potable des bateaux, les femmes du sud et le séminaire squatté…

La lettre à indices

On s’est réuni comme d’hab, au bar Terminus, soleil et café, Charly nous accueille toujours avec le sourire.

Charlotte, habitante de la Calade, a reçu un petit cadeau, très soigneusement emballé, mode missive à indices : des photos et une lettre de son voisin Guy. Une autre aventure commence… On est toustes excité•s, on se prend un peu pour Columbo ! Elle nous lit la lettre…

En l’an 2000, Laure Giraud était peintre, elle habitait dans l’actuelle maison de Charlotte, et en période faste, expo et vente, elle accumulait des photos et des croquis de la Calade et ses alentours avec un but artistique. Très intéressée par mes souvenirs, elle m’a posé beaucoup de questions autour de l’hôpital Houphoüet-Boigny et du couvent des Frères Blancs, congrégation espagnole bien implantée à la Calade […]. Un soir que nous parlions des sources et des cours d’eau cachés dans le quartier, elle m’a indiqué sa visite à la grotte des Frères, au fond de l’impasse Bertrand, sous la maison de Mme Machado. Lors de sa visite chez Mme Machado, elle n’avait pas son bon Nikon. Je me souviens avoir promis à Laure de lui ramener des photos, mais peut-être que finalement j’ai simplement offert les négatifs à Laure avant Noël (moi avec mon petit Kodak je n’ai eu finalement que peu de problèmes, grâce à ma lampe de poche!).

J’ai laissé deux photos à Mme Machado

Extrait de la lettre de Guy à Charlotte

Mme Machado m’a raconté par bribes ses préoccupations à propos de cette crypte : visites nocturnes depuis son veuvage, disparition des objets liturgiques et ex-voto, certains très récents, jusqu’au début des années 90′. Elle était fière d’avoir sauvé le St Antoine de Padoue. La caverne a servi aussi d’abri, lors des bombardements de la libération de Marseille, en septembre 41′.

Les Frères de la Calade

Alors que Agnès et Samanta restent très motivées à trouver tout ce qui peut rester de sous-terrain et passages secrets dans le quartier, cette histoire est une magnifique invitation pour aller chercher la grotte! Et la lettre donne aussi d’autres infos… Guy nous informe que le bâtiment a été laissé vide après le départ des frères en Afrique dans les années 40 et 50) et qu’il avait ensuite été utilisé en tant que bâtiment municipal à divers usages sociaux jusqu’à sa fermeture autour de 2010.

Dans une de leurs balades d’explo, elles étaient justement allées à l’actuelle école des infirmières (ex hôpital Hophouët -Boigny) pour chercher des pistes sur l’histoire du grand bâtiment vide dit du Petit Séminaire, à côté de Campagne Lévêque. La dame du centre de documentation leur avait parlé du livre d’Etienne Calamai “Le Cap Janet”. Charlotte, décidément bien documentée, était venue ce jour là avec le même livre!

Effectivement, on trouve la partie manquante de l’histoire, qui fut pourtant notre point de départ : le Mouvement des Squatters.

Après la guerre, de 1946 à 1950, une dizaine de familles s’installèrent en squatters dans certaines pièces inoccupées, malgré les Frères qui ne voulaient pas les faire chasser par la force mais qui eurent beaucoup de mal à négocier leur départ“.

Nous avons ainsi la confirmation que c’est bien ce bâtiment qui complète le triangle des 3 squats, conjointement avec le château Consolat et la Villa Tornesi. Et c’est le seul encore debout… (lire récits précédents).

La maison des frères de la Calade, extrait du ivre d’Etienne Calamai

Puis on s’est mis en marche pour aller à la recherche de la grotte, guidés par Jean-Louis, natif de la Calade et aujourd’hui habitant du Cap Janet. La maison ne semble plus être habitée. Apparemment, l’entrée à la grotte est par là… On reviendra parler avec les voisins et poursuivre nos recherches aux archives.

Les femmes du sud

En marchant au quartier de la Calade, on a fait une étape dans l’association Femmes du Sud, un groupe de femmes motivées, actives à la calade depuis de nombreuses années pour s’entraider mais aussi sortir du quartier par des randonnées ou des sorties culturelles. Elles gèrent une friperie à très petits prix..

Nous avons toustes trouvé notre petit bonheur…

La balade a continué en direction de la Campagne Servaux, où nous attend l’une de nos rencontres de bord de trottoir! La descente est raide, c’est le chemin qu’empruntent chaque jour les collégiens pour se rendre au Collège Arthur Rimbaud.

La campagne Servaux

L’histoire est, encore aujourd’hui, très liée à la réparation navale. Paco Jimenez, habite là depuis longtemps, et est maintenant propriétaire d’une partie de cet ancien domaine très tôt devenu base arrière du port. Il nous raconte.

“Au départ Servaux faisait l’approvisionnement en eau potable des bateaux, puis, de la vaisselle, des transats (chiliennes). Tout tournait autour des besoins de la navigation. Il y avait aussi une corderie, avec une machine qui testait la tension des cordes. En 1984 la famille voulait me vendre le château, je n’avais pas assez d’argent, mais j’ai acheté la partie menuiserie. Je suis né à Melilla, en Espagne. J’avais 26 ans dans les années 60, quand je suis arrivé à Marseille, ils m’ont embauché tout suite comme manoeuvre. J’étais ébéniste de formation, et au bout de quelques mois le contremaître l’a vu et il m’a mis à travailler avec un architecte. Et c’est là, qu’a démarrée ma carrière. L’année suivante je suis allé chercher ma fiancée en Espagne, on s’est marié et on est revenu en France. Elle était couturière, au début c’était très dur pour elle, elle ne connaissait personne, elle parlait pas la langue, on disait, l’année prochaine on rentre en Espagne, puis les années sont passées, on a fait des connaissances, on a eu 3 enfants et on est resté.

On se promène dans la campagne Servaux.

Dans les années 80, un local qu’on appelait le Co2, remplissait les bouteilles de gaz pour différentes utilisations dans l’industrie. A côté il y avait une serrurerie industrielle. Juste en face, il y a eu un projet de supermarché, qui n’a pas eu les autorisations à cause des dimensions du pont ferroviaire, il fallait une entrée et une sortie. Dans le bâtiment contigü il y avait des douches, et des vestiaires pour les femmes qui travaillaient dans les cordes, elles étaient une trentaine. Et un peu plus haut un atelier mécanique de réparation navale.

L’ex Campagne Servaux accueille toujours des ateliers de réparation navale, ici un atelier de peinture d’Alstom

Paco continue son récit :

La menuiserie a été reprise par mon fils, André. Il avait fait des études de serrurier, je l’avais embauché comme serrurier, mais avec tout ce qu’il y avait à faire avec le bois, je l’ai formé et après il m’a remplacé. Mais il est décédé très jeune, à 52 ans, donc j’ai repris le travail à 65 ans jusqu’à 80 ans. La menuiserie comprenait un local de montage, un local de vernissage et un local pour les outillages. Quand j’ai arrêté, j’ai mis tout en location et maintenant il y a diverses activités, plutôt artisanales.

Nous n’avons pas complètement compris qui est à l’origine de la société Servaux, qui semble avoir été créée dans sa forme initiale sous forme coopérative en 1912 par des armateurs et dans un besoin initial militaire (Servaux veut dire “SERvice AUXiliaire de l’armement”. Un des premiers besoins semble avoir été l’eau! Et ce qui semble attesté c’est qu’à Campagne Servaux au départ on mettait de l’eau douce en bouteille pour les navires. Au fil du temps cette fonction de super fournisseur s’est diversifiée vers d’autres types de produits (le mobilier, la vaisselle, le matériel de sauvetage et de ravitaillement) et d’autres types de bateaux . Au détour des souvenirs c’est l’image du “transat” qui est à plusieurs reprises revenue. et ils ont fini par devenir fabriquants de bateaux. Ils ont construit aussi les 6 maisons à l’arrière de la campagne, pour les contremaîtres. On rencontre l’un des actuels habitants, dont les parents ont pu racheter la maison quand l’entreprise a vendu en morceaux la campagne. Aujourd’hui Servaux qui n’est bien sûr plus un coopérative mais une grosse entreprise, se présente comme le leader mondial des services maritimes (les services pouvant désigner des biens comme des prestations). Leurs gammes d’interventions sont extrêmement vastes, puisqu’on trouve toujours le métier de départ de répondre à tout besoin d’un bateau en navigation n’importe où dans le monde, et maintenant ça veut dire beaucoup beaucoup de choses, entre marine commerciale, militaire et depuis peu un positionnement très affirmé sur le yachting !

C’est ainsi qu’ils sont aussi devenus des “rentiers du littoral “en développant sur l’Estaque et Saumaty des services liés aux besoins de la plaisance. Achat, vente, location de bateaux , ils commercialisent également des places au port et des espaces d’hivernage. Nos paysages locaux ont ainsi évolué au fil de leur croissance, avec depuis 2007 la construction de plus de 60 000 m2 d’infrastructures portuaires entre Mourepiane et L’Estaque. Comme quoi le commerce de l’eau converse avec le commerce de la terre…

Mais retrouvons Paco et son histoire.

Après, j’ai perdu le marché des bateaux, il n’y avait plus besoin de cales, à cause des containers. Il a fallu que je me trouve une autre sortie économique. J’ai rencontré une personne qui était maçon qui m’a présenté un architecte. Il est devenu l’architecte des Grands Moulins Storione, propriétaire des boulangeries Banettes. Ensemble on a fait le mobilier de toutes les Banettes de Marseille !

On a presque fini la visite, mais Mlouka veut un tour de manège portuaire…

On finit en profitant joyeusement de l’hospitalité de Paco, merci Paco!

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