MADE IN THE RIVER#1

Made In The River est un projet de créations plastiques et de narration mené par Charlie, Chloé, Arlette et Melville autour de la rivière des Aygalades, basé sur l’imitation de la manière dont la rivière digère les matières qui tombent dans son lit. Ce projet se décline en une série d’ateliers de création de costumes et d’accessoires de déambulation carnavalesque de février à septembre.

Oubliée, malmenée, convertie en décharge aquatique.

Ainsi fait, le portrait de la rivière des Aygalades ressemble à la préfiguration d’un monde désolé et désolant.

Pourtant, jour après jour la rivière infiltre les obstacles qui parsèment son lit, allant même jusqu’à les remodeler à sa guise. Monticules d’ordures, éléments urbains en béton et matériaux composites (organiques et inorganiques) finissent par céder aux mouvements de l’eau, aux actions de la géochimie (décomposition et recomposition), aux variations de températures. L’action globale de la rivière les achemine inexorablement (si on accepte de regarder la situation à une échelle de temps géologique) vers une intégration à sa logique propre.

Métaphoriquement, la rivière peut ainsi être comparée à un gros système digestif. Un de ces systèmes digestif non compartimentés, à l’instar de celui des méduses ou des vers plats chez qui toute la digestion passe par un seul et même organe. Très classiquement somme toute, ce gros tube de 17km de long transforme mécaniquement et chimiquement les aliments qui lui échoient en nutriments assimilables ou non.

Pour cela la rivière :

broie, démembre, démantèle, dégrade

oxyde, corrompt, ronge, dissous

extrait, réassemble, refabrique

rejette les matières non absorbables

Comme tout organisme soumis à la malbouffe et à la surabondance de nutriments, la rivière connaît un risque d’indigestion. Mais elle fait aussi preuve d’une capacité d’assimilation des excès digne d’un organisme post industriel.

Une bonne partie des “aliments” que digère la rivière sont issus du processus de production industrielle contemporain. Hier, fiers représentants des capacités de production de masse, ces objets divers sont arrivés à obsolescence et ont perdu leur valeur marchande. Signe de leur désociabilisation vis-à-vis de la Capitalosphère, ces objets sont abandonnés dans un espace ayant lui aussi perdu sa valeur : la rivière des Aygalades.

Forme de revanche sur un système marchand qui ôte à la rivière toute valeur et (croit lui avoir retirer) toute capacité d’agir, la modification profonde de la matière témoigne au contraire de la vitalité persistante de l’eau. Qu’il s’agisse de digues en béton, de grilles en métal, de carcasses de voiture, de polluants chimiques ou de micro plastiques, tous finissent par être absorbés par la rivière qui les déplace, les délitent, les fond dans son lit.

Mais la vitalité ne s’exprime pas que par l’annihilation des contraintes, elle se manifeste également par la transmission de ses capacités d’agir.

En effet, les caractéristiques des produits industriels sont 1. d’être fonctionnels 2. d’être fabriqués en masse. Or, les objets ayant échoués dans la rivière pour des raisons d’obsolescence achèvent de perdre toute fonctionnalité (en tout cas telle qu’initialement conçue) par la “digestion” : leurs formes s’altèrent, leurs couleurs se ternissent, leurs textures se modifient, ils cessent de correspondre au cahier des charges qui déterminait leur raison d’être.

De plus, la corruption de la matière a pour effet d’éloigner l’objet de sa standardisation originelle : deux canettes en aluminium, similaires à l’issu du processus de fabrication, vont rouiller, se tordre, se trouer etc… chacune de manière dissemblable.

La forme standardisée et figée de l’objet évolue vers une singularité, une autonomie, qui devient signe d’une forme d’histoire personnelle complètement étrangère à la logique de production de masse.

En plus de singulariser l’objet, la détérioration de la forme industrielle vient révéler la faiblesse, la mortalité de celle-ci. La matière, pensée par les designers pour incarner la perfection, une promesse d’immortalité, témoigne soudainement de sa soumission au Temps. Cet aveu permet à l’objet industriel, parfait, et par là même étranger au monde des vivants, d’être réintégré à celui-ci.

Cette réintégration par l’aveu de faiblesse fait dès lors disparaître la barrière absolue entre l’être organique et l’être inorganique, et rend possible l’empathie, l’identification : non pas l’anthropisme mais la conscience d’appartenir à la même matérialité et d’être soumis aux mêmes règles de “fabrication”, “transformation”, “hybridation”, “dissémination”.

Réintégrer les scories de l’industrie au monde des vivants dont elles avaient été enlevées par le processus industriel permet de sortir des dichotomies (“propre/sale”, “vivant/non vivant”, “bon/mauvais” etc) afin d’au contraire renforcer la perception d’une vitalité ambiante, caractérisée par cette capacité de transformation incessante de la matière.

En enlevant le jugement moral sur les “déchets” travaillés par l’eau, nous reconnaissons la capacité d’agir de la rivière et nous pouvons nous en inspirer. Il ne s’agit pas de “sauver” une rivière passive ou uniquement victime mais de prendre modèle sur elle pour augmenter à notre tour notre vitalité. Le “prendre soin” de la rivière commence ici par une sortie de la posture dominante et coloniale du sauveur, pour humblement endosser celle de l’observateur, de l’apprenti.

Imiter la rivière dans son processus de récupération, de transformation et de revitalisation des scories industrielles nous permet de nous reconnecter à notre tour à notre capacité créatrice, démiurgique, sentir qu’il est encore possible d’agir dans le monde à partir de ce qui est présent, accessible, sans ajouter au désordre ambiant.

De même que la rivière hybride la matière en floutant la séparation entre l’organique et l’inorganique, la fabrication de costumes à partir des matériaux collectés dans la rivière ouvre une nouvelle branche d’hybridation possible : celle de la chair humaine et de la matière issue de la rivière.

En acceptant de me costumer, je joue le jeu de changer mon identité, de devenir autre et ainsi de rendre possible des perceptions, des sensations partagées avec d’autres entités. Le travail de CRÉATEUR me permet de devenir CRÉATURE.

Avez-vous ajusté vos scaphandres ?

Dimanche 5 février, Christine Breton, est venue au pied de la cascade des Aygalades, à l’occasion de la conférence Voix d’Eau qui a lieu chaque premier dimanche du mois sur une thématique reliée au ruisseau Caravelle-Aygalades.

[pour en savoir plus sur les Voix d’Eau, rendez-vous sur le site du Bureau des Guides : https://bureaudesguides-gr2013.fr/voix-d-eau/]

Historienne de l’art, conservateur du patrimoine chargée de la mission expérimentale européenne sur les 15 et 16e arrondissements de Marseille de 1995 à 2010, Christine Breton est une figure tutélaire des expériences menées par la communauté Hôtel du Nord.
Ce dimanche, elle intervenait à l’occasion des 10 ans du GR13 et faisait le rapprochement, à sa manière docte et poétique, entre la mémoire sédimentaire contenue dans les roches de tuf, et celle, plus fibreuse, des data centers qui fleurissent à l’embouchure de la rivière, formant ainsi un nouveau delta de flux.

https://reporterre.net/A-Marseille-la-demesure-des-data-centers
Sur les data center, lire https://reporterre.net/A-Marseille-la-demesure-des-data-centers

La conférence a commencé comme ceci :

Avez vous ajusté vos scaphandres ?

(DEBOUT et mimes)

Scaphandre, forme balourde de la modernité

Pou-toum, pou-toum, c’est le son de sa bande dessinée.

Scaphandre, vieux déchet re-trouvé dans le bassin du Cap Pinède

quand Nadar inventait là, juste dessous, les premières photos sous-marines.

Nadar frère de Gamar,

Gammares nom d’une crevette oubliée dans cette eau douce .

Scaphandre, appelé aussi Squoi-fendre

pour fendre

fendre l’au-tour

le tour de l’eau

Pour en faire inventaire

Pour inventer la terre

Pour y venir

sans être une re-venante ou échappée de l’Epad

Pour être en jeu

sans me taire…

Immersion donc dans le jeu de J.E., un engagement qui est préféré à un nous gnangnan et inclusif, pour le moment, dans ce lieu humide et froid.

(ASSISE et italique pour l’explicite 🙂

  • Facil ! se dit une personne assise là, si elle continue avec ces jeux de mots à la noix, je rentre à la maison…
  • Et vous auriez raison ! Alors je vous promet de faire trois pauses explicites le long de cette demi heure et puis les jeunes personnes qui m’ont invité me l’on demandé aussi !

EXPLICITE 1 :

Je vous propose ce moment comme une marche que vous faites en pensée. Je vous propose mes squoi-fendres isolants, comme une métaphore du J.E. Je vous propose de vous fendre vous-même et de fendre ce qui fait semblant d’être vrai alentour, vos vus rondes dans vos hublots et je commence par ma propre expérience.

Je vous livre les résultats de mon dispositif et je m’oblige à le faire en forme de récit. C’est le philosophe Walter Benjamin qui m’a initié à la forme du récit que je ne quitte plus depuis 2010. Le récit, cette forme orale qui danse avec l’écrit. Cette forme joyeuse liée au feu du soir, à l’éclat des étoiles et des voix.

Le récit permet la fiction et fait vivre, négocie le rapport entre le rétrospectif (mon métier de Conservateur du Patrimoine avec majuscules car c’est le titre d’une fonction publique) et le prospectif les métiers de la ville en projet ou en GPU (grand projet urbain puis de ville) que j’ai accompagné de 1995 à 2010 là dans le cadre de la mission expérimentale ville-état-Europe qui concernait la découpe mairie de secteur des 15 et 16 ème arrondissements de Marseille.

Je vous retrouverai donc à l’explicite 2 dans un autre moment du récit –

(DEBOUT et mimes)

Je suis là dans une matière. Dans mon hublot je vois. C’est presque une roche avec des bulles de vides dedans, des traces de disparitions ?

Où suis je ? Qu’est ce ?

Érosions des rochers arrondis usés en surface, j’y vois des bouteilles en plastiques déjà pétrifiées et en-dessous, en-dessus des épaisseurs de tufs, de l’eau douce fossilisée, arrêtée dans un moment du temps et… entassées jusqu’au ciel.

Je connais le mot tuf parce-que je suis historienne d’art. L’histoire religieuse m’a mise en face de ces roches végétales, de ces grottes en chapelet, de ces laures pour ermites en Provence et en Palestine.

Je re-connais la roche facile à travailler, décors intérieurs, tours de fenêtres, tours de portes, salles grotesques, collages de coquillages ramassés alentour pour faire joli et pour terrasser les peurs :

– Habiter la terre au mot à mot –

les ermites semblent l’avoir entre-pris.

Je vois aussi ailleurs, un décor coquillés mieux conservé, dans le secret nuité des tufs au « vallon, cascade, turbine, usines urbaine et grottes des Carmes » à Barjols dans le Var, comme ici les mêmes mots, le même contexte, alentour de l’eau et des pentes. Hommage à Virginie.

(Explicite ponctuel qui ne fait sourire que moi : Virginie Despentes, française féministe auteure de KINGKONG théorie que je ne peux oublier coincée dans mon squoi-fendre. )

Je suis toujours là coincée dans cette roche et derrière mon hublot ; j’appelle vite ma copine Nadine Gomez, l’inventrice du Musée Gassendi de Digne et des « refuges d’art » dans la montagne.

Gassendi, le philosophe empirique et son ambulo ergo sum (je marche donc je suis) qui fait face au cogito ergo sum (je pense donc je suis) du philosophe Descartes ; j’avais oublié que dans cette bataille du 17ème siècle gît une petite phrase du philosophe décèdè Bruno Latour, «  nous n’avons jamais été modernes » et moi non plus ici !

Bon ! Nadine arrive, elle est fille d’ouvriers de St Louis, juste au-dessus, elle a passé son enfance dans ces tufs. Fille des quartiers nord on ne la lui fait pas ! elle fait sa thèse en géologie sur ses tufs à elle et elle rigole : « tu es dans le spot international le plus célèbre, le plus visité par les géologues du monde entier ! Un musée de tufs, un site incontournable. »… Ah bon !

Et je vois par mon hublot le conservatoire de végétaux, de graines, de bacilles, de virus, d’humains et tous leurs arte-facts. Un zoo d’animaux aussi, « une brèche osseuse » dessinée en 1891 sur la carte du tout jeune Eugène Fournier. Animaux pétrifiés ensemble dans une zone humide tropicale et un fleuve énorme de 2Ma ( 2 millions d’années ) des cascades avant la mer et juste avant le mammouth laineux et la couverture de glace.

Un data center comme disent les moderne de maintenant.

Le plus grand musée de déchets vivants qui se métamorphosent, se calcifient lentement.

Des strates de régimes climatiques qui se renouvellent à terre ouverte.

Un grand livre feuilleté, bref un TRESOR commun.

Alors là, silence dans vos squoi-fendres.

J’en profite pour glisser vers l’embouchure en delta de ce fleuve côtier, millionaire, plus exactement dans ce filet d’eau douce qui est son reste, sa trace, son fossile raccorni, devenu égout.

Je débouche alors sur ce que je cherche, intuition fulgurante mise en forme.

La pensée électrique du trésor de la terre a mis en contact TUFS et TRUC moderne…

J’arrive entre les pattes de la tour de Zaha Hadid. Cette architecte en connait un rayon sur les flux croisés, les intersections choisis pour ses sites d’implantation partout où elle fut

Ici un ruisseau, un port, des bassins, une digue pour nous protégé de Pontos le dieu des flots furieux, une autoroute et sous les jupes de CMA-CGM, une flotte de bateaux portes-containers qui s’intersectionnent, en temps réel depuis la Chine.

Autant de data aquatiques, autant de données et pas le temps pour un trésor commun.

Il me faut donc atterrir pour pouvoir appeller ma copine, déjà morte, Françoise d’Eaubonne.

il me faut au moins son rire ravageur et ingérable, ses fictions féministes et écologiques.

Elle rigole aussi, c’est une manie chez mes mamies !

– sur le port un peu plus au nord, dit elle, il y a depuis 1943 l’ancienne base des sous marins, des uboot de l’armée allemande.

– oui je connais ; lui dis-je irritée ! les grottes de l’état major et ses couloirs et ses réseaux souterrains qui montent de la base jusqu’aux cités de Campagne l’Evêque et de La Viste.

– Fais pas ta gueule de phoque car là, dans la base sous-marine tu vas trouver un trésor bien plus grand qu’une flotte libanaise de containers et plus grand que tes tufs.

Là, dans ce coffre fort qui restait un déchet militaire indestructible, se rassemblent maintenant toutes les données de l’Europe.

Pas de panique, c’est l’effet péninsule ; bout d’Europe, bout de fibre !

Ce rassemblement file d’ici et revient des grands océans Indien et Atlantique via Suez et Gibraltar.

– Un flux réflexif, aller-retour donc ?

– Mieux, il y a là le plus grand musée du monde en connaissances stockées, en bout de fibre.

Vas y mets face à face le musée des tufs en haut et celui des fibres en bas ;

et voilà la nouvelle échelle de l’être là, dans ce territoire du 2023. Va falloir vous adaptez à ce rapport de temps.

  • comme quoi faire l’inventaire au pas à pas localisé, ça paye …
  • Reste à équiper ce tourisme du déchet, sourit-elle.
dessin de Dalila Ladjal, croqué sur le vif

(ASSISE )

Explicite 2 : Derrière mon hublot, je dois vous rassurer.

Il n’y a pas de coquetterie de ma part dans ce récit. J’ai juste trouvé la bonne échelle, c’est à dire trouvé le plaisir de déployer mon âme, mes mots, mon corps de poussières d’étoiles dans ma ville bien aimée, ramener le tout vers vous et je sais que c’est juste ! Jubilant n’est ce pas ?

  • Plaisir de vous montrer ces deux musées monstres de tufs et de fibres reliés par le fleuve côtier Caravelle, la bien nommée, celle qui joint les Europes et les Amériques au 15ème siècle. La Caravelle des quartiers laissés au ban, celle du trésor du dragon colonial.

– Plaisir de vous dessiner ce contexte, ces tapis de temps plus ou moins troués, accumulés par strates pour votre anniversaire, mes amis du GR2013 !

Que vous soyez Gammares, GR2013, Hotel du Nord, marcheuses ou habitants là, il y a 10 ans vous avez été situés.es . Quand Marseille fut capitale européenne de la culture vous fûtes la Balise Omega des possibles et vous l’êtes encore en 2023. Cette balise Omega qui marque en mer l’entrée du Rhône.

  • Plaisir de vous offrir ce cadeau comme vous continuez d’en offrir depuis 2000 aux marcheuses et marcheurs à l’issue des balades patrimoniales dans les 15 et 16èmes arrondissements de Marseille. Continuer de restaurer le don.
  • Plaisir de la générosité de l’hospitalité apprise ici depuis 1995 ; « nous avons tout, besoin de rien » et certainement pas besoin de lieux et de catégories pour habiter ici.
  • Bref, plaisir de raconter le renversement du temps qui ne laisse plus dos à dos en ennemis les métiers du rétrospectif et du pros-prospectif (c’est l’histoire du fémur de César qu’il ne faut surtout pas trouver disait le précédent maire car il arrêterait les projet des aménageurs).

11H30 MI_TEMPS du récit DEBOUT

Pause tisane, je peux et nous pouvons enlever les squoi-fendres, vous avez remarqué que nous sommes arrivés dans un NOUS respirable.

Comme nous le savons, grâce à la vie des communautés patrimoniales générées dans les quartiers sur la base : « pas de patrimoine, c’est à dire pas de communs, sans communautés », pour faire un nous il convient de l’engendrer et de l’incarner. Un peu plus abstrait mais nécessaire de passer par là.

Bien, ça c’est facile, ça fait 2023 ans de christianisme que ça dure ! Je reconnais ces restes emprisonnés dans ma spirale Adn avec Néandertal. C’est pareil pour vous aussi à re-chercher, re-trouver donc. Je vous y abandonne pour passer maintenant au récit économique décalé. Car voilà que sonne l’heure du phoque.

Le phoque représenté sur les monnaies de Foça, (prononcez Photcha).

Foça la ville d’Asie, en Turquie aujourd’hui.

Phokaia la ville éponyme de phoque, la ville-port colonisée par les perses au moment du départ de ces phocéens, marins rêveurs et déesse en partance vers leur future colonie ici, Marseille.

Marseille, sa monnaie, donc son portrait, circulant partout de mains en mains, sa monnaie est celle de Foça : le phoque.

(EXPLICITE 3 / ASSISE)

_ Comment va t elle faire avec le nous ici ? Impossible chemin pour trouver des ailleurs ?

– Vous avez raison sauf à passer par un autre passé encore plus vieux que nos 2023 ans de christianisme. Dans l’histoire coloniale ici vieille de 2700 ans ( pas la petite république coloniale française de 270 ans ) nous avons eu la chance d’engendrer un père, dans ce quartier. Un ancêtre étranger.

Un père que nous avons cherché, reconnu, « engendré, non pas créé «  comme dit le credo catholique car c’est un processus vital que ce père là, un envers de généalogie morte. Il dessine notre méthode.

Le long du fleuve côtier, celui-ci, roule la rue de Lyon et sur cette rue marche Walter Benjamin.

Il vient de Paris il est à l’hôtel du midi là bas et ici il loge à l’hôtel de Paris et toujours dans son lit il y a Ernst Bloch. Depuis la Suisse ils partagent le même lit, la même quête philosophique, ils n’ont pas un sou et trafiquent un peu les lits et le poker pour Walter Benjamin, surtout ils partagent leurs vies avec des femmes et celles-ci sont artistes, créatrices ou traductrices des premières revues féministes et féminines ( Uhu des années 20 s’invente et marie-claire, elle, etc, suivent…) .

En septembre 1926 ils sont à Marseille car Walter Benjamin y a vécu l’heure du phoque et il a eu peur ! Il y entraine Kracauer et Bloch et tous les trois renouvellent le dispositif et expérimentent la même situation et ils ont eu peur !

Peur quand ils ont vu le temps se décomposer, ruine totale de la ville première, ses déchets servant à recomposer des mentir-vrai de continuité. Pour que vous entendiez bien la peur et la force de l’expérience marseillaise sachez que

-Bloch en a écrit un mini récit, « l’angoisse de l’ingénieur ».

– Kracauer en a écrit son roman autobiographique, « Genet ».

– Walter Benjamin en a écrit, systématiquement géographiques, 10 « images de pensée », fulgurantes, dont on perd les traces dans différentes revues et journaux. Il nous a transmis la Marseille d’ici et nous n’avons pas fini de comprendre les double fonds de ces 10 images dialectiques.

  • Dénoncé pas à pas le vieux port, la bassine d’eau puante, la gueule du phoque entartrée dévorant les corps ouvriers.
  • Dénoncé le quartiers de la prostitution exploitant tous les corps dans les restes aristocratiques des palais clos, déchets de ce que fut le corps de la ville.
  • Dénoncé la balafre qui va d’un port à l’autre en y installant le corps du vieil homme déchu qui vend sa bibliothèque, sa ville historique perdue.
  • Dénoncé la cathédrale désorientée, tournée au nord, devenue gare de religions, le long des bassins de la modernité.
  • Dénoncé en marchant vers le nord les industries émergeant « des nappes de brouillards dans des couloirs puants » et “des perrons asthmatiques » qui » poussent les puissantes collines » et le paysage provençal.

– et il a marché encore plus au nord jusqu’à l’arène d’Aix en Provence pour plonger le jeune homme dans le sang du taureau.

Walter Benjamin dessine exactement notre nous, notre première carte urbaine.

Il est exactement notre père, celui qui nous enseigne l’histoire à rebrousse poils, celui par qui nous effaçons nos traces.

Et voici mon adresse en forme de gâteau d’un anniversaire aquatique :

Voilà chères crevettes du fleuve côtier Caravelle quelques métamorphoses auxquelles j’ai assisté, auxquelles j’ai participé avant que vous n’existiez et que vous continuez d’engendrer y compris en vous appelant gammares du Caravelle ou bien marcheurs, marcheuses du GR2013 ou dormeuses, dormeurs de Hotel du Nord.

Vous aussi vous fabriquez des ailleurs jamais vu des crevettes qui marchent ! De belles mutantes !

Depuis l’an 2013 qui vous a rendues célèbres vous, marcheurs et marcheuses ou dormeuses du GR2013, Hôtel du Nord vous ne cessez de tourner le brouet dans des chaudrons de sorcières.

Vous voici vous qui marchez, dormez ou vous qui êtes là aujourd’hui, vous aussi êtes entré.es dans l’anniversaire.

Depuis 10 ans vous n’avez cesser de partager ou accompagner des marches dans cette immense oeil de cyclone-cyclope, ce géant qui vit là dans la grotte au dessus de vous et qui va se réveiller un jour. Vous le savez.

Je vous souhaite un bel anniversaire de 10 ANS. Parlez, riez, racontez, chantez encore votre nous.

Et surtout invitez, inventez des ailleurs comme le bassin versant de la rivière Doux.

Tirez lui le Tarot car voilà un bassin ardéchois qui veut connaitre son avenir.

Depuis 30 ans, depuis le Centre d’Initiative Rurale généré par des paysans riverains, le processus intégré au territoire continue de se décliner dans une association Terroir, une filière bois, un espace naturel sensible, des Nymphes, un Dragon, des non-humains et même des journées européennes du patrimoine.

C’est un début d’inventaire au bord du Doux et de ses affluents, ses bois, ses eaux.

Tirez le portrait des écrevisses à pattes blanches qui déjà disparaissent comme vous mes chères Gammares, crevettes débris de vie devenues marqueuses du vivant.

Youpee !”

Christine Breton

Février 2023.

L’hospitalité chez l’habitant, au nord de Marseille, 12 ans déjà.

En 2009, des habitants des quartiers nord de Marseille ont décidé de se lancer dans la création d’une offre d’hospitalité marchande au nord de Marseille avec comme objectif d’être 50 hôtes proposant 50 itinéraires et 50 chambres chez l’habitant en 2013. Un processus coopératif pour raconter Marseille par son nord, générer de l’économie et offrir l’hospitalité aux personnes de passage.

En 2022, nous avons remis en débat ce choix après douze années d’exercice de l’hospitalité et avec celles et ceux qui nous ont rejoint. Début 2023, nous avons décidé de poursuivre cet engagement avec toutes celles et ceux qui voudraient nous rejoindre et qui peut être comme nous, en 2010, ne connaissent rien à ce sujet.

Balade patrimoniale avec des étudiants en tourisme de l’IREST, chez Agnès, 2022.

Le premier atelier de l’école des hôtes des membres de la future coopérative d’habitants Hôtel du Nord a eu lieu en juin 2010 et a été la visite « en vrai » d’une chambre d’hôtes. Si nous savions accueillir, personne n’était un professionnel du tourisme.  A une dizaine de personnes, nous sommes allés rencontrer la gérante d’une chambre d’hôtes à la Sainte-Baume pour échanger avec elle sur son exercice « professionnel » de l’hospitalité touristique à temps plein.

Elle nous a invité à visiter ses cinq chambres et elle nous a raconté sa journée type : elle commence à 5 h 30 pour se terminer au mieux à 19 h et consiste essentiellement à faire le ménage, les petits déjeuners et à se rendre disponible à certains horaires pour répondre aux demandes de ses clients, sans oublier la partie administrative avec la collecte de la taxe de séjour et la gestion des réservations et facturations.

Cette hospitalité marchande s’est avérée très, voir trop, « professionnelle » pour les personnes présentes et assez éloignée des offres d’hospitalité qui émergeaient dans les quartiers nord de Marseille avec de l’accueil en habitat social, dans les chambres d’amis, dans des cabanons en fond de jardin, des cabines de voilier et des lieux associatifs.

Rencontre hôtes hébergeurs chez Michèle, 2022

Les offres d’hospitalité à Hôtel du Nord sont chez des habitants qui ne proposent généralement qu’une seule chambre, rarement deux, voir trois maximum. Ces chambres sont situées dans des appartements, des maisonnettes, des fermes, des bateaux ou des bastides.

Nos passagers sont des aidants ou stagiaires de l’hôpital Nord, les proches de nos voisins, des familles en vacances, des salariés de la zone franche, des mises à l’abri, des jeunes en service civique, des artistes en résidence, des randonneurs du GR2013, …

Rencontre des hôtes avec l’Office du tourisme, Cap au Nord entreprendre et Génération voyageur,chez Marie, 2022.

L’accueil est adapté aux situations rencontrées que ce soit en terme de tarification et d’accueil. Les passagers sont parfois surpris qu’un hôte les oriente vers un autre hôte de la coopérative, plus en phase avec sa demande. Nous sommes une communauté d’hospitalité et l’accueil se pense collectivement. Une personne de passage peut être hébergée chez un hôte, partir en balade avec des autres, lire l’ouvrage d’un troisième et manger la production d’une quatrième personne membre de la coopérative.

Depuis l’ouverture pilote en septembre 2010 de cinq premières chambres chez l’habitant pour les journées européennes du patrimoine, une cinquantaine de personnes habitants les quartiers nord de Marseille a ouvert leur habitation sous forme de chambre d’hôtes, de gîte urbain, d’accueil associatif, de résidence artistique ou dans un voilier.

Rendu de thèse en sociologie sur tourisme et hospitalité aux hôtes, chez Fati, 2022

La moitié de ces hôtes a cessé depuis d’accueillir parce qu’ils ont déménagé, ils logent à nouveau des proches, ils ne souhaitent plus accueillir, et plus rarement parce que nous avons été en désaccord sur l’hospitalité. Des personnes n’ont pas pu proposer un accueil marchand chez elles car la Loi sur l’habitat social leur interdit. Après dix années d’engagement à ce sujet, nous n’avons toujours pas réussi à faire aboutir notre proposition d’expérimentation législative à ce sujet.

Début 2023, une vingtaine d’hospitalités chez l’habitant sont proposées, dont cinq nouvelles ouvertes en 2022. Une douzaine de ces hébergements ont été actifs en 2022, c’est à dire qu’ils ont accueillis plus de dix nuitées en 2022. Les autres ont servi à héberger des proches ou été loué sur la longue durée.

Réunion mensuelle d’Hôtel du Nord, Chez Bruno et Élodie, nouveaux hôtes hébergeurs, 2022

La coopérative promeut ses hospitalités via son site internet, sa nouvelle plateforme coopérative nationale Les oiseaux de passage et des partenariats avec le Guide du Routard, l’Hôpital Nord, l’Office du tourisme de Marseille, la plateforme FairBnB, des agences de voyage et les médias.

Ses actions collectives ont permis de générer 23.000 euros de recettes pour les hébergeurs en 2022, soit autours de 2.000 euros par hébergement actif. En 2013, l’action coopérative avait généré 40.000 euros de recettes pour les hôtes et en 2019, 37.000 euros avec une vingtaine d’hébergements actifs.

Balade patrimoniale sur le tourisme à Marseille, hôtel de Préfecture, 2022

Des hôtes louent essentiellement via Hôtel du Nord alors que d’autre hôtes accueillent majoritairement via d’autres plateforme de location courte durée ou d’échange de maisons. L’hospitalité reste une activité complémentaire et la plupart des hôtes sont aussi des auteurs, des producteurs locaux, des artistes, des marcheurs, des militants, … qui participent à fabriquer et partager leurs récits et ceux de leurs quartiers.

Au delà de la vente de nuitées, les hôtes ont commercialisé pour 5.000 euros de produits de la coopérative comme le miel du Vallon des Mayans, les savons de la Savonnerie du Midi, les thés de SCOP Ti, les cartes postales de Stéphanie Nava et une quinzaine d’ouvrages, dont deux publiés cette année. Ils ont pu partager avec leurs passagers leurs récits et les inviter à partir en balade ou à participer aux événements comme un dimanche aux Aygalades.

Nouvelles plaques pour l’extérieur pour les hôtes hébergeurs, 2022.

2022 a été aussi l’occasion de coopérer à nouveau avec l’office du tourisme, d’actualiser nos pages sur le guide du Routard Marseille, d’imprimer des plaques pour poser sur nos hébergements et de tester à Marseille notre plateforme coopérative Les oiseaux de passage et celle de notre partenaire FairBnB. Quatre hôtes actifs sur cinq ont vendus des nuitées grâce aux Oiseaux de passage et FairBnB a reversé pour la première fois un don collecté via sa plateforme à la coopérative.

2022 a été aussi la confirmation de la place grandissante de la location touristique courte durée comme AirBnB en centre ville comme dans les quartiers nord, en particulier à l’Estaque. Une activité que la coopérative souhaite mieux documenter. Une première balade patrimoniale a été réalisée en en centre ville sur “ce que le tourisme fait à Marseille et ce que Marseille fait du tourisme“.

Réunion de rentrée d’Hôtel du Nord, chez Vincent, 2023

Pour l’année 2023, des membres de la coopérative souhaitent être plus actifs sur l’hospitalité pour accueillir d’avantage de passagers, ouvrir de nouveaux lieux d’hospitalité, en particulier autours de l’Hôpital Nord, et participer plus activement aux choix de politique touristique de la ville de Marseille maintenant que la ville a récupéré la compétence tourisme.

Des ordres touristiques

Texte de présentation de la thèse « Tourisme social, économie collaborative et droits culturels : ethnographie d’une coopération complexe » en Doctorat Lettres et Sciences Humaines, label Européen, soutenue le 30 novembre 2022 à l’Université de Nanterre par Prosper Wanner, salarié doctorant au sein de la SCIC Les oiseaux de passage, sous la direction de la sociologue Saskia Cousin.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres du jury, Merci tout d’abord pour l’attention que vous avez porté à ma recherche et pour votre présence ce matin. Merci à ma directrice de thèse, à mon comité de thèse, aux collègues universitaires et à mon tuteur qui m’ont accompagné, aux hôtes et aux professionnels du tourisme qui m’ont accordé du temps, aux contribuables qui ont financé ma thèse et à mes proches qui m’ont soutenu. La thèse que j’ai le plaisir de soutenir aujourd’hui devant vous a été réalisée dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche au sein de la coopérative Les oiseaux de passage et sous la direction de Saskia Cousin à l’université de Paris Nanterre. Son titre « Tourisme social, économie collaborative et droits culturels : ethnographie d’une coopération complexe » résume à lui seul l’objet initial de cette thèse : observer, documenter et analyser le développement d’une plateforme internet d’hospitalité Les oiseaux de passage par des personnes promouvant le tourisme social et les droits culturels. Avec le recul, l’objet central de cette thèse pourrait se résumer à savoir si les cadrages du dispositif touristique n’amèneraient pas à ignorer la part de poésie d’une relation d’hospitalité, c’est à dire sa part incalculable, sensible, humaine, singulière et imprévisible. Mon hypothèse est que le dispositif touristique ignore de plus en plus cette part incalculable parce qu’il s’inscrit dans un ordre du monde où la liberté de circulation est indexée sur la capacité à consommer des personnes.

Je m’intéresse au dispositif touristique depuis 2009, lorsqu’avec des personnes des quartiers nord de Marseille nous avons décidé de proposer l’hospitalité marchande chez l’habitant aux personnes de passage. A priori, cela paraissait simple. Pour ouvrir une chambre d’hôte, il suffisait d’une simple déclaration en mairie et de s’inscrire sur une plateforme touristique pour accueillir chez soi des personnes de passage et générer de l’économie. Ces deux conditions se sont avérées bien insuffisantes. Dans les faits, pour exercer cette activité et espérer en tirer un revenu, il faut noter ses hôtes et se faire noter, collecter la taxe de séjour, conserver les fiches de police six mois, confirmer des réservations sans pouvoir dialoguer au préalable, pratiquer une tarification dynamique, s’équiper sans cesse, verser des commissions à des intermédiaires, se conformer aux standards du confort touristique et accepter d’être en compétition avec les autres personnes du quartier qui accueillent.  Pour garder une part de poésie dans cette relation d’hospitalité, c’est à dire d’humanité et de singulier, il nous a fallu ruser, faire jurisprudence, se résigner, se tenir à l’écart et inventer sans cesse. Je le raconte dans cette thèse et c’est ce qui m’a amené à chercher à comprendre l’écart entre les discours sur le tourisme et ses conditions d’exercice. Et ce alors que les discours institutionnels sur le tourisme portés depuis plus de cinquante ans au niveau des Nations Unies vantent le tourisme comme un facteur d’humanité, de dialogue interculturel et de paix.

Les oiseaux de passage est une plateforme numérique qui permet à des personnes sur un même lieu de partager leurs hospitalités et leurs récits. Ce sont à titre d’exemple des accueils paysans, des auberges de jeunesse, des territoires en transition, des parcs naturels régionaux et des associations d’écotourisme. Le premier design de la plateforme Les oiseaux de passage s’ouvrait sur un poème de Pablo Neruda dont les lettres arrivaient comme des oiseaux puis s’envolaient en nuées. Le slogan était « d’humain à humains », pour affirmer la part d’humanité du voyage, loin du C to C, de consommateur à consommateur. Le projet convergeait plutôt bien avec les discours et valeurs de l’organisation mondiale du tourisme. Deux ans après, en 2019, pour la première version mise en ligne, la poésie volante avait disparu et plus d’un million de lignes de code servaient à calculer, cadrer et automatiser la mise en relation des personnes de passage avec celles qui accueillent. Au fur et à mesure des développements, les modes de calcul de la plateforme se sont alignés sur ceux du dispositif touristique pour être interopérables avec ses moteurs de recherche, ses systèmes de paiement et notation, ses standards, ses gestionnaires de réservation et ses comparateurs. J’ai pu observer et participer à ce passage d’une intention dite « d’humain à humains » vers sa traduction en un outil de calcul numérique où la poésie avait disparu. J’en ai été pleinement partie prenante.

Le sujet de ma thèse est d’analyser ce que le dispositif touristique fait et fait faire, c’est à dire ses algorithmes, ses logiques tarifaires, ses standards, sa fiscalité, sa législation, ses discours et l’ensemble des techniques d’intermédiation touristiques qui interviennent une relation touristique. Contrairement aux travaux universitaires existants en sciences humaines, je ne me suis pas intéressé au tourisme comme un art de voyager, une pratique culturelle, une industrie ou un loisir, mais comme le dispositif qui permet leur exercice. J’ai pu constater comme d’autres chercheurs avant moi le peu de porosité entre les travaux en sciences humaines qui s’intéressent à l’hospitalité, l’accueil du chez soi, et celles en sciences de gestion qui s’intéressent à l’hospitality, terme anglais qui désigne le secteur touristique.

Pour analyser ce dispositif touristique, je me suis appuyé sur la sociologie des agencements marchands de Michel Callon. Il propose d’analyser comment des personnes s’agencent entre elles, et avec quels outils de calcul, pour faire aboutir collectivement une transaction marchande. Par exemple, comment calculent et agissent collectivement sur une même destination un office du tourisme, un hôtelier, une plateforme de réservation en ligne et un aéroport, alors qu’ils ont des intérêts différents, parfois conflictuels. Il s’agit d’analyser comment des personnes différentes, qui ne se connaissent pas forcément, agissent collectivement, chacun y trouvant son compte. Michel Callon propose d’analyser les agencements marchands à travers cinq cadrages interdépendants qui sont, de manière très synthétique, la transformation d’une offre en marchandise, sa qualification, l’organisation de sa rencontre puis de son attachement avec un acquéreur pour conclure sur la fixation du tarif. Plusieurs de ses exemples en sociologie des agencements marchands sont empruntés au dispositif touristique. Michel Callon invite à analyser les cinq cadrages, notamment lorsque qu’ils débordent du cadre et que leurs modes de calculs sont recadrés. Pour cela il propose de suivre les entités depuis leur conception jusqu’à leur vente. J’ai réalisé plusieurs biographies d’activités devenues touristiques comme le menu touristique, le mini train, les visites guidées. J’ai observé puis fait la biographie d’un clapier de ferme qui va devenir un gîte touristique et dont la qualification puis sa commercialisation et son exploitation vont nécessiter des transformations physiques, juridiques, fiscales et commerciales. Ces cadrages successifs vont susciter des débordements révélateurs de ce que fait et fait faire le dispositif touristique aux personnes qui accueillent, parfois avec une certaine violence.

J’ai ajouté à cette grille d’analyse l’approche pharmacologique des techniques proposées par Bernard Stiegler. Il considère qu’une technique peut être à la fois un poison et un remède, ce qui est particulièrement vrai pour le tourisme, mais aussi et surtout qu’un un bouc-émissaire peut être parfois désigné quand la technique est mal gérée. J’ai pu le constater et l’analyser dans le cas du tourisme de masse à Venise. J’ai complété cette grille d’observation par l’approche des agencements polyphoniques proposés par Anna Tsing. Ces agencements arrivent lorsque des personnes s’agencent non pas de manières calculées, mais imprévisibles avec d’autres personnes hors cadre, dans ce qu’elle appelle un événement. J’ai pu observer que ces événements étaient parfois inhérents aux modes d’hospitalité présents sur Les oiseaux de passage comme à Hôtel du Nord. À travers ces grilles d’analyse, je me suis intéressé à ce que le dispositif touristique fait et fait faire aux personnes, aux intérêts spécifiques de chacune des personnes – intermédiaires, professionnels, institutions et touristes – et aux cadrages qu’ils instaurent entre eux pour agir collectivement et répondre aux débordements. Le code du tourisme, par exemple, répond à la fois au souci du touriste de voyager confortablement grâce au système de classement, au souci d’une collectivité de pouvoir financer son marketing territorial en instaurant une taxe de séjour, au souci d’un hôtelier d’augmenter sa rentabilité via sa montée en gamme et au souci d’un intermédiaire d’avoir l’exclusivité de la relation grâce à son immatriculation comme agence de voyage.Pour analyser les cinq cadrages et leurs modes de calcul, je me suis appuyé sur les travaux de l’anthropologue Jeanne Guyer sur la manière dont on nomme les choses, puis on les ordonne pour enfin les calculer. Par exemple, un hébergement est nommé comme touristique à partir de l’analyse de 240 critères de confort permettant de lui attribuer un score sur 700 points et un nombre d’étoiles. In fine c’est son niveau de confort moderne qui permet de qualifier et nommer un hébergement comme touristique, loin des discours humaniste de l’Organisation mondiale du tourisme. Je me suis particulièrement intéressé à ce que ces modes de calcul prennent en compte comme données, aux données qu’ils choisissent d’externaliser comme par exemple les conditions de travail, aux données qu’ils négligent parce qu’elles sont incalculables comme les données dites sensibles et enfin aux données qu’ils ignorent de par leur caractère imprévisible.

La construction d’une plateforme numérique de voyage a été particulièrement instructive sur l’usage des données. Une centaine de communautés d’hospitalité ont fait remonter du terrain leurs pratiques d’hospitalité et leurs données. J’ai pu compléter ces observations au sein de la coopérative Les oiseaux de passage par d’autres observations participatives dans trois autres milieux professionnels où je suis impliqué par ailleurs. Le premier à Marseille, où j’accompagne depuis douze ans en qualité de gérant d’Hôtel du Nord des hébergeurs, des producteurs, des artistes et des guides urbains dans la commercialisation de leur activité dans le cadre du dispositif touristique. J’ai proposé le concept de « communauté d’hospitalité » pour nommer cette organisation collective et démocratique de l’hospitalité qui peut être à la fois marchande, non marchande et non monétaire. Par exemple avec un hôte qui accueille chez lui, une autre personne qui accompagne à la visite du quartier et une troisième qui propose une carte sensible du quartier. Ensuite à Venise, où j’ai travaillé pour la ville et habité, je documente en particulier depuis 2018 l’instauration d’une taxe d’entrée dans la ville qui suscite de nombreux débats et questionnements tant pratiques que politiques. J’ai pu observer sur place les cent premiers jours du confinement et l’arrêt complet du dispositif touristique. Venise me permet d’observer plus particulièrement le point de vue institutionnel. Enfin à l’échelle européenne, j’anime depuis 2013 pour le Conseil de l’Europe le réseau de la Convention de Faro qui réunit une trentaine d’initiatives sur le droit au patrimoine culturel. Plus de la moitié de ces initiatives ont à faire avec le dispositif touristique, de manière subie ou désirée. Je peux observer ce que le dispositif touristique suscite comme débordements et recadrages dans des contextes très différents au sein des 47 États membres.

J’ai pu ainsi multiplier les contextes d’observation et les postures d’observation participative, comme gérant, consultant, militant et habitant. J’ai complété ces observations par des lectures scientifiques et des recherches dans les archives d’acteurs du tourisme, en particulier celles du Touring-club de France, cet acteur majeur dans la construction du dispositif touristique. J’ai choisi d’observer le tourisme dit industriel en suivant des formations en location courte durée et en suivant un couple de gestionnaires d’une quinzaine d’appartements touristiques à Venise. Je suis devenu Genius plus niveau deux sur la plateforme Booking.com et niveau Platinium chez Air France. J’ai complété ces observations participatives par des entretiens ciblés avec des professionnels du tourisme comme l’ancien responsable des statistiques au ministère du tourisme et des consultants en tourisme. J’ai élargi mes observations et analyses à des organisations d’hospitalité non touristiques comme les foyers de jeunes travailleurs et les associations d’aide aux réfugiés. Pour mener à bien mon analyse j’ai proposé cinq nouveaux concepts sur lesquels je vais revenir : la chambre blanche, l’homo turisticus, l’interface, la communauté d’hospitalité et l’ordre touristique.

Mon premier constat porte sur le cadrage de l’accueil touristique, c’est à dire des hébergements, activités, menus et transports qualifiés de touristiques. J’ai pu observer que le dispositif touristique ignore ce qu’ils proposent de commun, de contributif, de sobre, de mixité et de promiscuité avec le vivant. Ces données sont ignorées. A contrario, ce qui compte et est compté par le dispositif touristique est le confort moderne, c’est à dire le privatif, le serviable, l’hygiénique et l’équipement moderne. J’ai proposé le concept de chambre blanche pour symboliser ce cadrage central au dispositif touristique. La chambre blanche a été exposée pour la première fois en 1900 à l’exposition universelle par le Touring-club de France comme le modèle de ce que devait être l’accueil touristique. Elle est aujourd’hui présente dans l’ensemble du dispositif touristique que ce soit par exemple dans les 240 critères d’Atout France pour classer les hébergements touristiques ou les 100 items de Booking.com pour trier les offres. Il suffit d’ouvrir un site de réservation touristique pour voir l’omniprésence de la chambre blanche. Ce modèle centenaire est néanmoins de plus en plus source de préoccupation au niveau écologique et social avec la montée en gamme continue qu’il fait faire.

Le second constat porte sur les nombreuses personnes de passage qu’accueillent les personnes présentes sur Les oiseaux de passage et qui ne comptent pas comme touristes. Ce sont les travailleurs saisonniers, les stagiaires, les aidants, les mises à l’abri, les étudiants ou encore les accueils non monétaires. Ils ne sont pas pris en compte par le dispositif touristique au double sens du terme et relèvent parfois d’autres dispositifs d’accueil. La catégorie touriste a été adoptée pour la première fois au niveau statistique après la crise de 1929 puis à l’échelle internationale par l’ONU en 1963. Cette définition a été reprise ensuite pour les visas, les comptes satellites du tourisme, le ciblage marketing, le code du tourisme, les algorithmes prescriptifs et les logiques tarifaires. J’ai proposé le concept d’homo turisticus afin de désigner cette personne de passage bénéficiaire du dispositif touristique, celle qui est accueillie, ciblée, taxée, assurée, profilée et comptée dans le cadre du dispositif touristique. C’est aussi celle qui est désirée, attendue et accueillie confortablement. Je pose l’hypothèse que l’une des spécificités du dispositif touristique est d’avoir créé une nouvelle catégorie statistique, fiscale, légale, algorithmique et commerciale de voyageurs, basée sur sa capacité à consommer, c’est à dire son panier moyen. Ce cadrage lui aussi centenaire, est source de préoccupation sociale et économique, avec la montée de l’anti tourisme face aux difficultés d’accès au logement des habitants comme des autres voyageurs.

Le troisième constat porte sur les intermédiaires touristiques qui mettent en relation des personnes de passage et celles qui accueillent, notamment via internet. Une part importante des données concernant les personnes présentes sur Les oiseaux de passage ne sont pas prises en compte par ces intermédiaires. L’informatisation du tourisme a été réalisée avec succès dès l’après guerre par les compagnies aériennes pour créer des systèmes de réservation centralisée, des systèmes de distribution globalisée et gérer leurs fichiers clients. Ce qui fait dire à des universitaires que le tourisme a été le porte-drapeau de l’économie numérique. De manière générale, 80% des données numériques ne sont pas calculées par les algorithmes car elles sont dites non structurées. En tourisme, seules sont retenues les données qui servent aux comparateurs. Une offre touristique est calculée, triée, classée, qualifiée et prescrite par rapport à sa note de confort, sa géolocalisation et son tarif. Les données ignorées sont celles qui permettent de se singulariser et de se raconter. L’extrait d’un livre d’or, le dessin d’un lieu, un remerciement manuscrit, la voix d’un hôte, une langue locale ou une création artistique n’ont pas la place dans un comparateur car elles empêchent le calcul et rendent singulière chacune des offres d’hospitalité. J’ai proposé le concept d’interface pour nommer ces intermédiaires qui au delà de la gestion de la relation ont aussi un rôle de régulation et de traduction. Cette intermédiation touristique n’est pas sans créer des sujets de préoccupation au niveau écologique, fiscal et des libertés individuelles.

livre d’or Micèle Rauzier, Hôtel du Nord.

Mon hypothèse plus générale, est que ces calculs du dispositif touristique qui visent à rendre comparable et prévisible l’accueil, les personnes de passage et leur relation nous empêchent doublement de raisonner, c’est à dire d’entrer en résonance avec le monde au sens du sociologue Rosa Hartmunt et de faire appel à notre raison au sens de Bernard Stiegler. C’est pour reprendre des termes de Michel Callon, une relation sans relation. J’ai proposé pour conclure un nouveau concept « d’ordre touristique » afin de nommer ce que j’ai observé et analysé, c’est-à-dire ce qui met en ordre au sens de hiérarchise, donne des ordres au sens de « fait faire » et fait rentrer dans un ordre. Pour reprendre un concept proposé par Bruno Latour, le dispositif touristique est comme une boite noire, une science déjà faite qui n’est plus discutée et discutable. Si cet ordre des choses est de plus en plus une source de préoccupation pour la société, pour autant, seul ses effets sont discutés. Les touristes sont pointés du doigt comme responsables de ses effets négatifs car ils seraient trop nombreux, trop concentrés au même endroit, pas assez responsables et trop peu dépensiers. Les propositions sont de fixer des quotas, de les taxer ou de mieux les responsabiliser. Ce sont des bouc-émissaires commodes dont parle Bernard Stiegler qui amènent à s’intéresser aux seuls effets du dispositif touristique sans en questionner les causes, c’est à dire l’ordre touristique.

Ma thèse est que l’ordre touristique ne peut pas se résumer à un effet collatéral des progrès en terme de mobilité ou de l’élargissement des droits aux congés payés. Il est en soi un ordre du monde. J’ai repris le terme d’ordre touristique dans un des derniers discours de l’organisation mondiale du tourisme qui parle aussi du droit des touristes. Le touriste est devenu l’ayant droit à la mobilité de par son panier moyen. L’instauration d’un droit d’entrée à Venise couplée à un système de surveillance, le « grande fratello », au nom du tourisme durable, est le symbole de cet ordre touristique mondial qui trouve sa légitimation dans le discours touristique. Cet ordre n’est pas nouveau et existe depuis l’instauration des visas tourisme. Ce qui change est que cet ordre touristique s’inscrit maintenant dans un contexte où un milliard de personnes vont selon l’ONU être amenées à migrer de manière contrainte ou choisie à cause du changement climatique. Un rapport onusien sur les droits de l’homme publié en 2019 alerte sur le risque d’un « apartheid du climat ». L’ordre touristique porte en lui le risque de cet apartheid du climat. Le tourisme se révèle de mon point de vue, après plusieurs années d’observation participative, un angle d’analyse de la société particulièrement intéressant, et à mon avis trop négligé, notamment sur la capacité à être précurseur ou à l’avant garde comme pour le e-commerce. Il anticipe ce que pourrait être l’avenir du droit à la mobilité dans un monde bouleversé par le changement climatique.

Pour conclure, cet ordre touristique invite à lire le monde en deux dimensions, sans sa part d’incalculable. En choisissant l’approche ethnographique, j’ai justement essayé de sortir d’une lecture trop carrée et cadrée du réel. Je suis ingénieur de formation, cartésien, et j’ai pu constater dans mes engagements coopératifs la difficulté à penser ainsi la réalité en deux dimensions pour mener à bien des projets collectifs. Dans la sociologie des agencements marchands de Michel Callon, qui est lui même ingénieur, j’ai retrouvé cette logique et la limite de penser en deux dimensions. Il fait souvent référence au terrain de rugby, à la notion de cadrage tout comme Bruno Latour avec la table de calcul. C’est ce qui m’a amené à dialoguer aussi avec notamment Rosa Hartmunt et Anna Tsing pour à mon tour ne pas ignorer la part d’incalculable et d’incalculé. Plutôt que d’innover, au sens de renouveler l’existant – in-novare -, la suite de ce travaux porte sur les possibilités d’inventer l’à venir comme militant, chercheur et coopérateur à partir de ces incalculés et incalculables, sources de réconfort, d’hospitalité et de poésie.

LE GRAND DÉS-ARRANGEMENT: Bazar mélodique de voisinage

Balades, parcours sonores, bal, déambulations…  

2 JOURS DE BAZAR MÉLODIQUE DE VOISINAGE POUR JOUER AVEC LE DÉSORDRE!

POURQUOI TOUT CE OAÏ ?

Il y a un an nous partions sonnants et massivement à la recherche de l’Harmonie, au cours d’une balade qui nous conduira au poumon vert menacé de l’ancienne villa Miramar. Nous avions alors tenté d’explorer les accords pour s’ajuster, les polyphonies pour s’orchestrer, les grands ensembles pour se rassembler. [La Balade Harmonique 2021 en images…]

Et depuis? Depuis il parait que l’Harmonie de l’Estaque dont on pensait fêter l’an passé approximativement les 200 ans célèbre cette année ses… 120 ans…
Il parait aussi que les chants ont moins résonné dans les rues déconfinées,
que les voix frottent,
que nos espaces collectifs grincent et tanguent.

Alors pourquoi ne pas continuer nos musiques de voisinage en oubliant l’arrangeur?
Pourquoi ne pas jouer sans dessus dessous…
Dans les dedans et les dehors de chez nous…
En brouillant les pistes de la propriété privée…
En assemblant nos espaces intimes et communs…

Nous vous invitons à de nouveau prendre corps musicalement dans notre quartier le temps d’un grand dés-angement qui toujours célèbrera nos manières d’être vivants.

Samedi 25 juin

10h FRACAS D’HONNEUR
Hommage chanté à Christian Roux et Inauguration des 120 ans de l’association de l’Harmonie [ou comment accrocher 120 ans à 200 ans sans anicroche, par l’orchestration d’une loi de 1901]

12h DÉBALLAGE GUSTATIF
Déjeuner collectif [ou comment la cuisine alimente la partition]

14h SOUK HARMONIQUE
Parcours musical à l’endroit et à l’envers [ou comment “Les enfants d’Orphée” deviennent “Dehors on fait”]

17h- CHANTIER PÉDESTRE : la balade de la Gare Balade dans les noeuds des histoires urbaines et de leurs transformations [ou comment des balades de quartiers recomposent des balades de quartiers]

19h- BAROUF D’APERITIF
Apéro-repas [ou comment on hésite entre les rimes et le rythme]

21h FATRAS DANSANT
Bal d’une Harmonie éphémère [ou comment le désordre parfois nous oriente]

L’Harmonie de l’Estaque

Dimanche 26 juin

11h – VACARME PARADES
Partir ensemble des harmonies de l’Estaque et de St Henri pour partager le doux tapage d’un possible espace commun à Miramar [ou comment aller habiter en choeur et encore les grands pins de Miramar]

12h30 – BRIC A BRAC SONORE
Déjeuner partagé (chacun amène de quoi partager), ateliers de pratique, concerts, jeux sonores… [ou comment on s’entend là et maintenant]

Miramar peint par Cézanne
Le Grand dés-arrangement est une initiative collective réunissant l’Harmonie de l’Estaque, la Fanfare des Familles, la coopérative Hôtel du Nord, l’Atelier sous le platane, la Fanfare bipolaire, Vacarme Orchestra, la mobilisation Sauvons Miramar, les Amarts, le collectif Gena et plein de musicien.nes complices et de voisin.es motivé.es.

SAUVONS MIRAMAR: Carnet de bord(s) Janvier/Février

QUELQUES FRAGMENTS DE MIRAMAR – Janvier/Février 2022
[8 janvier- 14h]

Nous sommes le 8 janvier, premier samedi de « travaux collectifs ». On a encore en tête ce moment de rituel collectif que certain.es d’entre nous ont partagé à minuit le 31 décembre: on pensait faire un chant qui rejoindrait le cri des sirènes, mais bizarrement les paquebots ce soir là se sont tus, il n’y avait que nos voix.On ne sait pas trop comment ça va se passer, mais on est un petit groupe à avoir respecté l’horaire pour tenter la « sieste philosophique » proposée par Michel. Il nous lit un fragment de Tobie Nathan, psychologue pionnier de ce qu’on appelle l’ethnopsychiatrie, une manière plus collective et interculturelle de dialoguer avec nos fragilités. Le texte nous propose de réfléchir à la place que nous donnons à nos rêves et à comment nous les partageons.

[8 janvier- 15h15]

Nous sommes quelques unes à avoir plongé directement dans les échanges après la lecture. Nous discutons sur les lectures qui inspirent chacun.e en lien avec notre mobilisation (voir la liste à la fin), la relation à « nature” et la recherche de nouvelles formes d’organisation. Nous sommes rejointes par Souad, et nous constatons comme c’est à la fois rare et précieux de pouvoir s’offrir des temps où l’on peut échanger de manière apaisé sur nos lectures et aussi nos émotions. Le groupe des Baguettes magiques de la Castellane dans lequel Souad est très impliqué en témoigne particulièrement bien. On en revient ainsi aux rêves et au sens que ça peut avoir de parfois les partager.

[8 janvier- en même temps]

Agnès a un nez de sourciere. Elle flaire l’eau debout, couchée, la tête à l’envers, le cerveau à l’endroit.Et ça marche. Entre quête du tuyau et observation du ruisseau, la piste de l’eau peu à peu s’éclaircit.

[8 janvier- peu après]

Juliette et Anne-Marie nous ont rejoint. Juliette enseigne à l’école de l’Estaque Gare, Anne-Marie porte avec elle l’expérience de divers collectifs et elle trouve immédiatement sa place dans cette conversation… Juliette découvrait le lieu et voyait la possibilité de le partager avec ses élèves. Alors que cette école est depuis longtemps très ouverte sur l’extérieur, les deux ans de consignes sanitaires commencent à peser. On se dit que des endroits de grande proximité comme Miramar prennent vraiment tout leur sens dans leurs usages pédagogiques. Marine explique alors son projet d’ateliers en direction des enfants et ses idées pour amener les habitants du quartier à venir découvrir. On commence à imaginer comment faire ça ensemble, comment croiser les contraintes et les désirs, se relier avec aussi les enfants.


[[8 janvier- en même temps]

La bande des chercheurs d’eau s’organise, plusieurs hypothèses subsistent sur sa provenance mais elle est bien là.

[15 janvier- après midi]

Première marche de la Castellane à Miramar, motivée par Souad et Fadila qui veulent montrer le lieu aux autres femmes de la Baguette Magique.On constate à la fois la proximité et le mauvais état de la voirie. On se dit que le cheminement pourrait être un projet commun, à la fois concret et poétique car il pourrait aussi permettre d’inventer des formes de signalétiques atypiques. A suivre…

[21 janvier – 17h]

La coordination planche sur l’organisation de la saison #2. Comment ne pas faire une usine à gaz, laissez place à l’improvisation et aux implications spontanées tout en fabriquant peu à peu une culture collective, des manières de décider en commun, quand c’est bien le lieu comme « commun” qui est en jeu.On cause, on cause, et Mathilde dessine.

[24 janvier – soirée]

Bien qu’il soit déjà réalisé depuis quelques semaines, c’est ce soir que se décident plusieurs d’entre nous à écouter le documentaire de Coline réalisé à partir de la rencontre de bilan du 20 novembre avec aussi les élu.es. Et on le trouve vraiment très bien…!http://www.radiogrenouille.com/actualites-2/sujets/a-lhorizon/


[31 janvier – Soirée]

Il souffle un vent violent. Un container de chez TCSI s’effondre sur le chemin de Bizet, manquant de peu d’écraser une voiture.La vie à Miramar est décidément trépidante…

[4 février – 18h]

La coordo coordonne. On est de plus en plus nombreux, c’est bien. On est maintenant d’accord sur la ré-organisation: des outils d’information et pas que sur internet (vive les panneaux avec des infos stables et d’autres en mouvement), des temps collectifs bien repérés (les premiers samedis du mois, les fêtes de saison, la réunion de coordination), des groupes autonomes (et des initiatives individuelles), et une charte pour faire socle commun pour tout le monde.

[5 février- 14h30]

Premier samedi du mois, ça y est l’habitude est prise pour les travaux collectifs. Les enfants ont deviné notre envie de partager avec eux, Melina, Kais, les deux Ambrine et Kilian nous devancent et lancent par eux.elles mêmes la chasse aux tuiles. L’enquête portera ses fruits, 5 tuileries repérées grâce aux estampilles et 4 quartiers ainsi cartographiés en observant bien les tessons. Grâce à Charlie qui avoue son passé d’archéologue, on passe des tessons à l’archéologie expérimentale avec le projet de redessiner le château disparu. Et en attendant le petit club d’archéologues en herbe dégage une colonne dont on se plait à imaginer qu’elle pourrait témoigner de Jules Cantini…

[5 février- Pendant ce temps]

Les chercheurs d’eau ont repris les pelles et les pioches mais cette fois aussi les tuyaux. A la fin de la journée ils auront trouvé comment remplir une « citerne » par gravitation. Grande joie!

[5 février- Encore à ce moment là]

Le groupe qui planche sur les activités commence à y voir clair : des ateliers de voisinage et en direction des enfants en priorité, la poursuite des enquêtes qui peuvent notamment nourrir les balades, avec une urgence partagée de se constituer une vraie connaissance du Grand Port Maritime, l’envie de l’argile et du four qui peut occasionner d’aller rencontrer les voisins de Foresta et les savoir-faire de la terre qui existent dans nos quartiers. On se lit aussi le texte de Fadila qu’elle vient de finir pour la prochaine Baguette magique.

[12 février- 10h]

On est à la Castellane pour accueillir avec nos amies de 3.2.1 et Monkim les enfants et les parents qui viennent partager un Voyage à Miramar. Sur le chemin on expérimente des signalétiques et on se raconte les histoires du quartier. Nous serons une soixantaine à cheminer jusqu’à Miramar. On chante, on fait des cabanes, on regarde un extrait du spectacle de Chloé et Ana, de nouveau la chasse aux tuiles et les instruments en canne. Quelle belle journée.

[14 février-12h]

Marie propose une séance de chant méditatif à Miramar, pour Miramar, dans le cadre de la « Journée mondiale de guérison par le son ». Ce jour là des milliers de personnes ont créé des sons de guérison sur la planète. Encore une manière de se relier à des échelles bien plus vastes…

Pour écrire la suite ensemble, RDV samedi 5 mars…

Liste de livres qui ont inspiré notre échange du 8 janvier:

–                Manières d’être vivant : Enquêtes sur la vie à travers nous, de Baptiste Morizot (2020)

–                Nous ne sommes pas seuls : Politique des soulèvements terrestres, de Lena Balaud et Antoine Chopot (2021)

–                Par-delà Nature et Culture, de Philippe Descola (2005)

–                La Nouvelle Interprétation des rêves et Ethno-roman, de Tobie Nathan (2011 et 2012)

–                Erasme : Grandeur et décadence d’une idée, de Stefan Zweig (1935)

–                Ce que les peuples racines ont à nous dire : De la santé des hommes et de la santé du monde, de Frederika Van Ingen (2020)

–                Adaptation radicale : Effondrement : comprendre, ressentir, agir, de Jem Bendell (2020)

–                L’entraide : l’autre loi de la jungle, de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle (2017)

–                Une autre fin du monde est possible : Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre) de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle (2018)

–                L’espérance en mouvement : Comment faire face au triste état du monde sans devenir fous, de Joanna Macy et Chris Johnstone (2018)

–  Les journaux de la Baguette Magique, par les femmes de la Castellane, 2015/2022 

SAUVONS MIRAMAR : retours sur la saison #1

La mobilisation Sauvons Miramar regroupe des riverains, les CIQ du Bassin de Séon, des associations locales et des habitants d’un périmètre géographique plus vaste sensibles au devenir patrimonial et écologique du territoire.

Elle se donne comme objectifs de :

– Produire des informations factuelles sur le site et sa situation foncière et urbanistique.

– Valoriser les potentialités du site (écologiques, patrimoniales, cadre de vie) tout en les ’articulant à la problématique urbaine du quartier, aux incohérences et aux besoins.

– Démontrer les capacités des citoyens à se mobiliser mais également à produire de la connaissance partagée, de l’organisation inclusive, du récit commun et du projet collectif.

– Travailler des pistes, tester des usages et dialoguer avec les pouvoirs publics pour articuler le court terme (sauver les arbres) au long terme (sauver Miramar en y proposant un projet d’intérêt collectif).

– Veiller au suivi des engagements pris.

Terrains de l’ancienne Villa Miramar

Dans le seizième arrondissement de Marseille, au pied de la limite Est du massif de la Nerthe dont la végétation haute a disparu au cours du siècle dernier, se trouve préservée la « Villa » Miramar, propriété boisée, léguée il y a un siècle par le marbrier et sculpteur provençal Jules Cantini aux Hospices de Marseille avec pour consignes d’en faire un usage à vocation sociale ou sanitaire. Aujourd’hui les bâtiments n’existent plus. Le château a été dynamité par les allemands puis démoli par sécurité et la maison du jardinier a été pillée de ses tuiles après le départ de son dernier locataire à la fin des années 2000. Il reste le pigeonnier et un paysage, représenté sur une toile de Cézanne (musée de Philadelphie aux États-Unis).

Le retour du fantôme de Jules Cantini, rappelant aux élues les conditions de son legs à la ville de Marseille et à l’APHM

Sur son vaste terrain (pour partie espace boisé classé) s’imposent des arbres centenaires et se découvrent quelques essences rares. Il accueille de nombreuses espèces animales : oiseaux diurnes et nocturnes, hérissons, chauve-souris, insectes…

Avec les jardins des propriétés voisines, il représente pour les habitants du quartier l’Estaque Gare-Saint Henri une étendue de respiration, de fraîcheur participant à réguler les pollutions nombreuses subies : couloirs d’accès des avions à l’aéroport, absence d’électrification des postes à quai du port, flux de camions, autoroute…

Dans le courant des années 2010, l’équilibre entre habitat, espaces naturels et agricoles, activités industrielles et artisanales a été mis à mal par l’augmentation brutale de l’activité de stockage des containers et donc des flux de poids lourds. Ceux-ci, pour accéder aux zones de stockage, en partie gagnées sur la colline, doivent emprunter le chemin de Bizet, un chemin rural traversant ce qui était jusqu’alors un ensemble d’habitations et s’accommodant tant bien que mal de cette activité. Le choc est d’autant plus dur que dans le même temps que s’initiait l’augmentation de l’activité de stockage, le nombre d’habitants a été multiplié par deux avec l’implantation d’une résidence de 60 logements.

Cette implantation a été réalisée sans accompagnement du développement d’infrastructures minimums : stationnements, trottoirs, espaces de rencontre, sans oublier les transports collectifs. Une nouvelle résidence de 40 logements va prochainement être construite, sans plus de programmation urbaine.

Vue des quartiers environnants Miramar et du massif de la Nerthe

Dès le début de l’année 2019, face à la dégradation de cet espace de vie et pour prévenir son aggravation, les habitants-riverains de Bizet et des alentours se sont mobilisés. Constituant un collectif soutenu par le CIQ de Saint-Henri, ils ont entrepris d’interpeler la ville et le commissaire enquêteur lors de la consultation pour le passage du PLU en PLUI (Plan Local d’Urbanisme en Plan Local d’Urbanisme Intercommunal). Ils demandaient alors que soit maintenu tout le secteur en zone à urbaniser résidentielle (UR1) et non transformé en zone Industrielle et Logistique (UEa2).

Toutes les conditions étaient alors réunies pour mettre en œuvre un vrai projet d’aménagement intégrant une réflexion écologique sur ce secteur s’étendant jusqu’à la gare de l’Estaque. Face à la détermination des habitants, le 19 avril 2019, Monsieur Ruzé, Maire de secteur, demande au CIQ de faire des propositions accordant la possibilité de mobiliser dans une réflexion globale le terrain de la Villa Miramar et déclare la mairie « prête à soutenir un projet porté par les habitants qui pourrait intégrer jardins partagés, jardin public, des stationnements, raccordements à l’égout… » [1].

Cet épisode de 2019 se clôturera par la « découverte » par la Mairie de secteur (et les riverains) que les terrains avaient été précédemment vendus à Mme Ferraud, épouse de l’entrepreneur Marc Ferraud qui détient notamment l’entreprise TCSI de stockage de containers et jouxtant Miramar. Les enquêtes menées au cours de la mobilisation révèleront que les terrains avaient bien été vendus par l’APHM… dès 2011…

Depuis, le CIQ a de nouveau interpelé les collectivités avec la volonté de peser sur les modifications à venir possible du PLUI. Des associations, notamment Cap Au Nord, se sont également emparées de la question de la pollution de l’air qui s’aggrave. Par ailleurs un important travail a été mené depuis une dizaine d’années par plusieurs initiatives locales (Hôtel du Nord, écoles de l’Estaque et de St Henri, Ancrages, Harmonie de l’Estaque, association Rio, Association Estaque Environnement…) pour documenter à la fois le patrimoine naturel et culturel de nos quartiers (dont l’histoire industrielle fait pleinement partie), dans une perspective de transmission, de reconstruction du récit collectif et de valorisation du territoire dans toute sa complexité.

Dans ces perspectives à partir de la préservation de l’espace planté Miramar et des terrains voisins, c’est bien l’enjeu d’un développement respectueux de l’environnement et de l’humain qui est en cause, dans lequel toute contribution aussi petite soit-elle participe aux engagements de lutte contre le réchauffement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité ainsi qu’à la reconnaissance de nos droits culturels en tant que citoyens, parents ou voisins à participer à la définition de nos espaces de vie. Cela passe en premier lieu par la qualité de vie dans nos quartiers et de nouveaux équilibres entre activités, espaces naturels et habitat.

C’est pour tout ceci qu’en quelques heures à peine, le bruit des tronçonneuses le jeudi 22 avril 2021 s’attaquant à aux arbres de la zone centrale, a provoqué la mobilisation d’un très grand nombre de personnes pour « sauver Miramar » !

Il s’avèrera rapidement que les 2 arbres abattus se trouvaient en Espace Classé Boisé. Cet espace comprenait initialement les arbres de la zone centrale du terrain mais a été  «déplacé » dans les derniers documents d’urbanisme vers la ripisylve du ruisseau des Favants, libérant ainsi la surface plane des parcelles, plus propice à l’usage industriel. Interpellée par les citoyens et par la Maire de secteur Nadia Boulainsseur, la Maire ajointe à l’urbanisme Mme Mathilde Chaboche a suite à ce constat d’infraction porté plainte auprès du Procureur de la République.

Le temps de la procédure ainsi laissé l’espace et le temps à la mobilisation citoyenne pour mener un cycle d’enquêtes partagées, de rencontres entre riverains qui ne se connaissaient pas, d’accueil et d’accompagnement d’usages variés.

Des objectifs communs ont aussi été établis avec les mairies centrales et de secteur autour de la révision du PLUI, qui entamait en septembre une période de modifications sous l’angle de la prise en compte des enjeux de Nature en ville (trames vertes et bleues notamment).

La production de connaissance par les habitants a ainsi trouvé comme usage l’élaboration d’un argumentaire très documenté proposant le passage des parcelles Miramar en Zone naturelle mais également une mise en cohérence des fonctions urbaines, écologiques et sociale du développement urbain du quartier2. Dans cette optique une démarche de négociation avec le propriétaire avait été annoncée au printemps par la Maire de secteur pour effectuer un transfert de foncier avec propriétaire afin de rendre possible cette cohérence. Il s’agit dans les prochains mois d’en suivre la mise en œuvre.

L’assemblée des communs, 13 novembre 2021

Entre le 22 avril et le 20 novembre 2021, la mobilisation citoyenne a permis :

  • La création d’un potager partagé.
  • L’organisation mensuelle d’un pic-nic de voisinage alliant convivialité et partage des enquêtes…
  • La production d’enquêtes populaires (patrimoniales, botaniques, urbanistiques) et de formes pour transmettre au plus grand nombre (récits sur internet, expo, spectacles/performances, jeu de l’oie…).
  • Des activités d’usages collectifs (prise en charge des chats errants, sociabilités riveraines, yoga, chant, jeux pour enfants, balades…).
  • L’installation d’outils partagés de soin (panneaux de médiation, table d’accueil, toilettes sèches, poubelles, signalétique…).
  • L’accueil ou l’organisation de manifestations en lien avec les valeurs de la mobilisation (Assemblée des communs, Journées européennes du patrimoine, rencontre de chorales…).
  • L’élaboration d’un argumentaire pour la révision en cours du PLUI et la demande de classement des parcelles en zone naturelle.
  • L’expérimentation d’une première forme de gouvernance collective.

RÉCIT COMM-UN : une balade dans le sens de la pente à la recherche de nos communs

A l’occasion de l’Assemblée des communs qui s’est tenue à Marseille du 12 au 14 novembre, Hôtel du Nord et le Bureau des guides ont proposé une grande balade-atelier pour relier plusieurs initiatives, toutes actuellement en grande fragilité, propices aussi à questionner cette notion qui parle de nos rapports à la propriété, de la place qu’on donne au vivant, de quand et comment on tente de se mettre en commun pour un espace, un bien, une pratique. 

En voici un petit récit, plutôt poétique que politique, quoique…

Comme Un matin sur un quai de la Lave, en pied de collines de la Nerthe.

Lumière froide des histoires brûlantes de l’ancien Parc à Bloc, des usines à ciment et à chimies, des projets échoués et des envies de continuer à vivre ici.
#Espace commun/Espace public?

Comme Un tiers village noyé dans les tiers lieux.

Quête des vocabulaires pour tenter de nommer ce qui se fait, se vit, se régule, s’agence, s’ajuste, s’invente à l’ombre du Grand Port.

Epuisement du langage, tangage, sillage…
#Permaculture des usages #A qui la mer #Habiter les Containers

Comme Une fleur plantée sur une pelle.

Un jardin sauvé une saison, une maison sans mur qui pousse au jour le jour, et au loin la colline qui peine à contenir nos containers errants.

Au milieu des voiries bruyantes, les voix in-finies de Wardia, de Danièle, d’Hamid, de Philippe, de Mlouka, des voisins.
#Soin du vivant #Voisinages joyeux et créatifs 

Comme Un ancien parc bastidaire.

Comme Une autoroute sur notre tête.

Marcher à la rencontre de ce qui vient, de ceux.elles qui sont là.
#Partager les récits #Penser avec ses pieds

Comme Une fissure qui raconte.

Un centre commercial aux pieds d’argile, une aventure qui tient le terrain, une recherche qui explore avec des pinceaux et des baguettes magiques.
#Recherche action#L’Art qui active#Auto-organisations

Comme Un coucher de soleil sur une terre.

Ecouter les enfants qui chantent à la lune quand entre chiens et loups les contenairs deviennent des jeux, les propriétaires des partenaires, les politiques des formes floues et Marseille commun mirage.
#Communs fonciers#Usages et droits d’usages

“Rue des Musées / Musée de la Rue” – “Prendre place, acte I”

Comment faire entrer dans l’histoire officielle de la ville de #Marseille les mémoires et les paroles des habitant.e.s précarisé.e.s et victimes de la violence institutionnelle?

Le droit au patrimoine culturel est inhérent au droit de participer à la vie culturelle, tel que défini dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Toute personne, seule ou en commun, a le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement. La conservation du patrimoine culturel et son utilisation durable ont comme but le développement humain et la qualité de la vie (Convention de Faro, articles 1 et 4)

Ce vendredi 5 novembre 2021, après l’hommage aux victimes des effondrements du 5 novembre 2018, une déambulation partira de la rue d’Aubagne et se rendra au Musée d’Histoire de Marseille pour l’inauguration du projet PRENDRE PLACE. Cette collaboration entre l’association Noailles Debout! et du Musée d’Histoire de Marseille, accompagnés par Hôtel du Nord, fait entrer dans l’histoire officielle de la ville de Marseille les mémoires et les paroles des habitant.e.s précarisé.e.s et victimes de la violence institutionnelle.

L’invitation à prendre place

Après l’hommage qui se tiendra rue d’Aubagne au matin du vendredi 5 novembre, nous vous invitons à former un cortège qui partira dignement à 10h30 de la Place du 5 novembre jusqu’au Musée d’Histoire, à 700 mètres de marche. Nous porterons le quartier au-dessus de nos têtes, (une grande maquette d’étudiants architectes réparée par des jeunes et enfants du quartier, voir photos dans la discussion).

De 11h à 12h, nous partagerons un verre et l’expression de notre détermination collective à écrire cette histoire ensemble.

Venez nombreux.ses !

Lancement du premier acte d’une manifestation au long cours : “Rue des Musées / Musée de la Rue” – “Prendre place, acte I“. Entrée libre en séquence 13, 2 rue Henri Barbuse, du 05 novembre 2021 au 31 décembre 2022

Prendre place

PRENDRE PLACE est un projet collectif d’écriture singulière de l’histoire du quartier de Noailles. Il démarre le 5 novembre novembre 2021, trois ans après l’effondrement du 63 et du 65 rue d’Aubagne. Les habitant.es du quartier organisent leurs archives, écrivent leurs mémoires et transforment leur avenir à travers un processus de patrimonialisation réalisé hors et dans les murs du Musée d’Histoire, dans une co-production originale entre habitants, conservateurs, associations, artistes et chercheurs.

LANCEMENT PRENDRE PLACE, ACTE I À PARTIR DU 5 NOVEMBRE 2021

Le 5 novembre 2018, les immeubles 63 et 65 de la rue d’Aubagne dans le quartier de Noailles s’effondrent, emportant des vies et des mémoires. Dans le fracas et le désordre qui suivent cet épisode dramatique et singulier de la vie d’une ville, des habitant.es veillent, s’entraident, se réconfortent. Ils se questionnent et organisent aussi pour “prendre place” dans ce grand vide laissé par les effondrements, en commençant par se rappeler que cet événement brutal s’inscrit dans l’histoire de ce quartier populaire, ancien, hôte d’une diversité culturelle et témoin d’une certaine gestion urbaine.

C’est l’histoire d’une place à prendre dans la ville.

C’est une proposition participative et évolutive basée sur la réparation et la valorisation de la mémoire.

C’est un processus qui vise à inscrire cette place dans l’Histoire collective.

Ce sont des habitant.es qui interpellent le Musée sur la nécessité de faire une place à leur histoire.

Un partenariat de l’association Noailles Debout ! et du Musée d’histoire de Marseille, accompagnés par la coopérative Hôtel du Nord.

Installation à Séquence 13.